LA FRANCE DE MOINS EN MOINS ATTRACTIVE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3058 du 06/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3058 du 06/12/2014
 

Industrie

Auteur(s) : MARIE ALÈS

La production de médicaments en France est en danger. Les industriels de santé ont lancé un appel aux pouvoirs publics pour que la situation ne se dégrade pas.

Depuis deux ans, le Leem (Les Entreprises du médicament) tire le signal d’alarme. La France devient de moins en moins attractive pour les industriels de santé internationaux. La production française de médicaments est même en danger. Une étude du cabinet Arthur D. Little montre ainsi que les investissements des 224 sites de production pharmaceutique et biologique ont baissé entre 2010 et 2014. Il y a quatre ans, ils s’élevaient à 930 millions d’euros, cette année ils n’ont atteint que 810 millions d’euros. En outre, 60 % des investissements ont été réalisés sur des sites de production de médicaments chimiques, produits souvent matures et exposés à terme à l’arrivée des génériques. Le reste des investissements, réalisé sur des sites biologiques (production de vaccins en particulier) et d’un montant plus élevé, a été en fait décidé 4 ou 5 ans auparavant, et arrive donc en fin de cycle. Selon une autre étude effectuée par le cabinet Roland Berger, toujours à la demande du Leem, notre pays ne produit que 3 % des anticorps monoclonaux consommés localement. Et sur les 130 nouvelles molécules autorisées en Europe entre 2010 et 2014, seulement 8 sont produites en France.

UN PAYS « COMPTOIR DE VENTE »

« La France est durement concurrencée par ses voisins européens qui ont pris le virage du médicament biologique plus précocement », constate Philippe Lamoureux, directeur général du Leem. Autre problème : le caractère protéiforme du marché hexagonal. « La production française concerne principalement des produits matures et des médicaments génériques », ajoute le directeur général du Leem. « Le marché français est en perte de vitesse par rapport aux marchés européens. Il existe une corrélation entre l’attractivité du pays et la croissance du marché », observe Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales du Leem. Pour les industriels de santé, il convient donc de s’interroger avec les pouvoirs publics sur la difficulté à attirer de nouveaux investissements. « Le coût du travail, la fiscalité et dans le même temps des politiques de régulation totalement excessives, imprévisibles, illisibles rendent la France de moins en moins attractive. La R&D dans les sciences du vivant et les biotechnologies est l’avenir. Si nous ne sommes pas présents en R&D, nous avons peu de chances d’attirer la production », assène Philippe Lamoureux. « Les conséquences de la recherche d’économies à tous crins et la fuite en avant vers le moins-disant peuvent conduire à chercher des médicaments produits très loin de nos frontières et à la précarisation de l’approvisionnement », rajoute Eric Baseilhac. « Soit on fait des réformes structurelles et on rend la France de nouveau attractive, soit on fait le choix de transformer notre pays en “comptoir de vente”. Mais ce choix des pouvoirs publics doit être explicite », conclut le directeur général du Leem. D’où les propositions du Leem faites au gouvernement d’avoir un outil fiscal et une politique de fixation des prix visant à favoriser l’investissement, la production locale et l’accès au marché.

LA FRANCE DÉLAISSÉE PAR LES LABORATOIRES

Le constat est si alarmant que GSK France a rendu publique une plate-forme de 9 propositions, « Cap sur une nouvelle économie du médicament ». Certaines rejoignent les préconisations du Leem, d’autres sont plus décapantes. « Il est important de faire entendre notre voix en tant que laboratoire international implanté en France, alors que le PLFSS pour 2015 montre de nouveau un décalage entre les paroles et les actes », explique Patrick Desbiens, président de GSK France, qui s’élève notamment contre la fixation du taux K à - 1 % (les laboratoires versent une contribution quand l’évolution de leur chiffre d’affaires hors taxes dépasse ce taux). Parmi les propositions pour rendre la France plus attractive, Patrick Desbiens cite notamment une réduction des délais d’accès au marché. Lorsqu’un médicament obtient une AMM européenne, il faut compter en moyenne 360 jours en France pour le parcours de demande de remboursement par l’Assurance maladie. En outre, 80 % des médicaments ont une évaluation par la Commission de la transparence assortie d’un niveau d’ASMR V (amélioration du service médical rendu), soit le plus faible. « Pourquoi ne pas attribuer aux médicaments ayant une AMM européenne et une ASMR V un accès immédiat au marché français ? Aux industriels ensuite de réaliser des études en vie réelle pour montrer que l’ASMR de leur médicament est plus élevée. Ce serait un changement de paradigme important », détaille Patrick Desbiens. Concernant la fiscalité, GSK propose par exemple de taxer le chiffre d’affaires pharmaceutique sur les médicaments non produits en France et au contraire d’exonérer le CA généré par les médicaments produits localement. Et de donner l’exemple de GSK qui a préféré l’Angleterre à la France pour construire une nouvelle usine en raison des taxes qui représentent 18 % au Royaume-Uni contre 40 % dans notre pays… La flexibilité tient aussi à cœur au président de la filiale française. « GSK a dû procéder à un plan de sauvegarde de l’emploi. La loi française encadre le dialogue social et c’est très bien. Mais ne pourrait-on pas ramener les délais de consultation à un mois et de réponse de la Direccte à deux semaines ? déclare Patrick Desbiens. Les délais actuels, de 10 à 18 mois, prennent beaucoup d’énergie et de temps. Ce manque de flexibilité est un frein pour les industriels. »

Quoi qu’il en soit, il faut que la situation change : « L’industrie du médicament en France est sur une voie lente d’extinction, nous arrivons à un point de basculement », craint le président de GSK France.

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