LES MÉDECINS SONNENT LE TOCSIN - Le Moniteur des Pharmacies n° 3057 du 29/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3057 du 29/11/2014
 
VACCINATION EN PHARMACIE

L’événement

Auteur(s) : Marjolaine Labertonière

Alors que la finalisation de l’article 32 du projet de loi de santé, qui autorise la vaccination par les pharmaciens, est en cours, les interrogations et les réticences sont nombreuses. Dont celles des pharmaciens qui craignent, entre autres, l’opposition de la majorité des médecins et des infirmiers.

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, l’a répété lors de la 27e journée de l’Ordre des pharmaciens le 24 novembre, elle ne peut se résoudre à voir se réduire la couverture vaccinale en France. « Il y a cinq ans 65 % des plus de 65 ans ont été vaccinés contre la grippe. Aujourd’hui, ils sont à peine plus de 50 % », déplore-t-elle. Pour l’améliorer, elle veut donner la possibilité aux pharmaciens de vacciner. Or la vaccination n’était pas une revendication des pharmaciens et la proposition ministérielle a surpris la profession.

Les résultats d’un sondage réalisé fin octobre sur le site du Moniteur montraient que les 1 556 votants n’étaient pas favorables à 56 %. Il semble que les interrogations sur les conditions d’application génèrent ces réticences. Les syndicats sont eux-mêmes partagés. Si la FSPF voit cette idée plutôt d’un bon œil, l’USPO est mitigée et l’UNPF très réservée sinon contre. Jean-Luc Fournival, son président, répète que « ce n’est pas le cœur de métier du pharmacien », et il pointe le trouble que cette mesure jette sur « le travail de fond mené sur l’interprofessionnalité dans un respect qui doit être réciproque ». S’il envisage une légitimité du pharmacien à pratiquer cet acte, « ce serait par exemple dans le cas d’une épidémie nationale où nous viendrions en renfort et sous la responsabilité du médecin ». Et de conclure fermement : « Si un pharmacien se forme puis, si la loi le lui permet, vaccine, libre à lui de le faire, mais nous considérons que cela doit uniquement résulter d’un consensus interprofessionnel ».

MG-France craint une banalisation de cet « acte symbolique »

Du côté des médecins et des infirmiers le discours est encore loin du consensus… Pour Claude Leicher, président de MG-France, « il ne faut ni sous-estimer l’importance de cet acte, qui ne se résume pas au simple geste de piquer, ni oublier la dimension symbolique qu’il représente pour les médecins. Il y a une opposition aussi forte à cette évocation que lorsqu’il était question pour les pharmaciens de sortir le paracétamol du monopole ». La vaccination antigrippale a déjà été déléguée aux infirmiers sans leur accord, et « le médecin pivot des soins de premier recours se sent dépossédé du suivi vaccinal de ses patients puisqu’il n’y a pas de retour ». De plus, Claude Leicher émet des doutes sur la réussite d’une telle mesure pour rétablir la confiance de la population envers les vaccins : « Il y a un risque délétère en minimisant le rôle du médecin et en banalisant le geste comme lorsqu’on a voulu vacciner contre le virus A (H1N1) dans les salles de sport ! »

Pour Didier Borniche, président de l’Ordre des infirmiers, nul besoin des pharmaciens : « Ce n’est pas à moi de dire s’ils seraient légitimes ou pas, mais les infirmiers le sont. Des professionnels nombreux (80 000) formés, habilités, se déplaçant à domicile, avec des cabinets équipés. Nous vaccinons déjà environ 980 000 patients contre la grippe et nous sommes autorisés à le faire sans prescription médicale. » Oui, mais la couverture contre la grippe est faible et en baisse…

A l’étranger les pharmaciens vaccinent déjà

Il faudra sans doute du temps pour arriver à convaincre les uns et les autres qu’il pourrait s’agir de « faire à côté de et non à la place, en complément et en convergence », comme a insisté Marisol Touraine. Nombre de personnes en « bonne santé » ne vont voir ni médecin ni infirmier mais entrent dans une pharmacie. Parmi ceux-là certains pourraient être éligibles à la vaccination par un pharmacien rémunéré, volontaire, formé, dans un local certifié, suivant un protocole évalué. Cela se pratique ailleurs souvent avec de bons résultats : Etats-Unis, Canada, Portugal, Suisse, Irlande, Australie, Royaume-Uni (voir encadré ci-contre)… Ainsi les pharmaciens canadiens (excepté au Québec) vaccinent contre la grippe, disposant pour cela de formulaires pour le consentement du patient, d’exonération de responsabilité, de procédures en cas d’anaphylaxie ou de blessures causées par les aiguilles. En Italie et au Québec, l’acte est assuré par un personnel infirmier au sein de l’officine lors de vacations. Selon l’Académie de pharmacie, la vaccination par un pharmacien sans rendez-vous a montré son efficacité. L’Académie argumente aussi sur des avantages plus marginaux comme la continuité de la chaîne du froid ou la traçabilité des lots avec inscription dans le dossier pharmaceutique (qui servirait aussi à la veille du calendrier vaccinal par le pharmacien avec rappels programmés). Enfin, lorsque le médecin aura accès au dossier pharmaceutique et le pharmacien à des éléments du dossier patient, l’ère de l’interprofessionnalité apaisée pourra advenir. En attendant la proposition gouvernementale semble un peu prématurée pour une mise en œuvre à grande échelle…

REPÈRES

• 15 octobre : l’article 32 du projet de loi de santé présenté en Conseil des ministres ouvre la possibilité aux pharmaciens de vacciner.

• 21 octobre : l’Ordre des infirmiers considère que la vaccination est l’acte infirmier par excellence.

• 24 novembre : Marisol Touraine réaffirme son intention.

La vaccination se généralise dans les pharmacies britanniques

En vigueur depuis un peu moins de dix ans, la vaccination par les pharmaciens outre-Manche a pris de l’ampleur suite à une pandémie de grippe durant l’hiver 2009-2010. Ils peuvent pratiquer n’importe quel vaccin à la condition d’avoir reçu une formation préalable dont les critères sont définis par l’agence sanitaire britannique, et à condition que ce vaccin ait été prescrit (les pharmaciens ont aussi obtenu depuis quelques années le droit d’adhérer à un protocole leur permettant de prescrire sous certaines conditions). Les autorités sanitaires manquent encore de recul pour évaluer les retombées de la vaccination en officine. N’empêche, selon l’association représentative des officines outre-Manche, le service assuré par les pharmacies aide à atteindre les objectifs de vaccination, « en particulier auprès des populations âgées de moins de 65 ans pour qui se faire vacciner à proximité du lieu de travail ou du domicile est plus aisé que de prendre une journée de congé pour aller voir le médecin ». Stéphanie Salti

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