UNE PISTE DE RÉMUNÉRATION ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3055 du 15/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3055 du 15/11/2014
 
OBSERVANCE

L’événement

Auteur(s) : François Pouzaud

En suivant pendant un an un large panel de patients, une étude IMS Health, focalisée sur six pathologies chroniques, livre un reflet assez calamiteux de la réalité de l’observance en France. Face au coût mirobolant de la non-observance, la pharmacie a une belle carte à jouer lors de la prochaine négociation de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP).

En France, 60 % des patients atteints d’une maladie chronique ne suivent pas correctement leur traitement. Ce résultat alarmant, dans la lignée des estimations de l’OMS (plus de 50 %), est issu d’une étude IMS Health France/Cercle de réflexion de l’industrie pharmaceutique (CRIP) de grande ampleur, menée auprès de 170 000 patients en initiation de traitement suivis pendant 12 mois en vie réelle. Elle a porté sur l’évaluation de l’observance thérapeutique dans six pathologies chroniques à risque de complications graves (diabète de type 2, hypertension artérielle, asthme, hypercholestérolémie, ostéoporose, insuffisance cardiaque), qui représentent le quart des dépenses en médicaments en France. Ainsi, pour ne citer que l’HTA, sur 100 patients traités, seulement 40 prennent au moins 80 % du traitement prescrit qui est le standard international au-delà duquel le patient est considéré comme « observant ».

Le coût de la mauvaise observance est assimilé au coût direct estimé de la complication majeure de cette pathologie, à savoir l’accident vasculaire cérébral, soit 4,4 milliards d’euros, abstraction faite des coûts indirects (liés à la perte d’activité, aux arrêts de travail…). Ainsi, en répétant le même calcul 6 fois et en compilant les coûts de la complication majeure de chaque pathologie étudiée, la mauvaise observance engendre selon IMS 9,3 milliards d’euros de dépenses évitables en une seule année. « Sur la mauvaise observance, les résultats ne sont pas fondamentalement différents de ce que l’on trouve dans la littérature.En revanche, l’impact économique est sans doute sous-évalué, alors que la plupart de ces pathologies peuvent entraîner plusieurs types de complications », précise Stéphane Sclison, directeur de la stratégie d’IMS Health France.

Une carte à jouer pour les pharmaciens

En apportant cet éclairage inédit sur le faible niveau d’observance des Français aux traitements médicamenteux, cette étude donne de solides arguments à la profession pour revendiquer un rôle clé dans la lutte contre ce fléau qui représente un enjeu majeur de santé publique. Même si c’est l’affaire de tous les professionnels de santé et des associations de patients, confier aux officinaux la promotion et l’amélioration de l’observance, source d’efficience du système de santé avec des économies potentielles réelles pour la collectivité, peut donner à réfléchir aux pouvoirs publics et à l’Assurance maladie. Une amélioration du taux d’observance par patient pourrait fort bien bonifier la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) des pharmaciens. En effet, le pivot de cette étude est le suivi longitudinal des délivrances sur prescription en officine. « Nous disposons d’un outil de mesure robuste et reproductible », souligne Vincent Bildstein, président d’IMS Health France. Un tel observatoire permettrait, selon Denis Delval, président du CRIP, d’analyser les effets de programmes d’actions coordonnées d’optimisation de l’observance. Car, comme le rappelle Stéphane Sclison, si chaque acteur a son rôle à jouer face aux principales causes d’une mauvaise observance (facteurs psychologiques et comportementaux des patients, mauvaise compréhension du traitement…), les officinaux peuvent être plus facilement aux avant-postes.

« Le pharmacien connaît et voit souvent le patient, il est donc bien placé pour identifier ces causes, être le coordonnateur et le déclencheur d’alertes d’une mauvaise observance », considère Claude Le Pen, professeur en économie de la santé à l’université Paris-Dauphine, même s’il estime que l’effort pédagogique revient à tous les professionnels de santé. « Leur tâche ne s’arrête pas à la prescription ni à la dispensation, elle inclut les explications et le suivi, ce qui induit des efforts financiers de la tutelle de sécurité sociale pour encourager ces nouveaux actes. » Mais, dans un condiv fort de rigueur budgétaire, leur rémunération paraît difficilement envisageable à court terme.

Six leviers d’action pour améliorer l’observance

Avec l’aide de sociétés savantes, cette étude conclut sur six leviers à employer pour améliorer l’observance, qui, sans être très novateurs, peuvent être sources de progrès : mieux informer les patients, mieux former les professionnels de santé à la communication sur les traitements et les inciter à promouvoir l’observance, mobiliser les associations et l’entourage du malade, déclarer l’observance « grande cause nationale 2016 » et créer des outils simples d’usage en consultation et à distance (SMS de rappel, e-mailing, etc.).

En revanche, Claude Le Pen ne voit pas l’intérêt des objets connectés pour des patients qui ne sont pas dans une démarche dynamique d’adhésion au traitement, de même que celui de programmes d’observance basés sur une incitation financière du patient, évoquée dans une autre étude, Observia. « Les incitations ne peuvent être considérées que comme un traitement symptomatique, pas comme un traitement de fond de l’observance », complète Stéphane Sclison.

La méthode d’évaluation d’IMS

Les données exploitées sont issues de la base IMS LifeLink Treatment Dynamic, récoltées auprès d’un panel de 6 400 pharmacies, de l’étude permanente de la prescription médicale à partir d’un panel de 1 190 médecins, des bases de données IMS et publiques (CNAM, IRDES, PMSI) pour le calcul des coûts de complications. La mesure de l’observance est réalisé à partir d’un ratio international dispensation/prescription moyen : le Medication Possession Ratio, qui correspond au nombre de jours durant l’année où le patient a consommé les traitements prescrits. Il mesure donc le temps couvert par la délivrance d’un médicament en officine. En cas de polythérapies, c’est la valeur de délivrance la plus basse des différents produits utilisés qui est retenue.

4 400 M€

Hypertension artérielle

(accident vasculaire cérébral)

1 592 M€

Insuffisance cardiaque

(œdème pulmonaire)

1 463 M€

Diabète de type 2

(maladies coronariennes)

1 382 M€

Hypercholestérolémie

(infarctus du myocarde)

281 M€

Ostéoporose

(fractures ostéoporotiques)

207 M€

Asthme

(état de mal asthmatique sévère)

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