Hémostase et médicaments actifs sur l’hémostase - Le Moniteur des Pharmacies n° 3053 du 01/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3053 du 01/11/2014
 

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PHARMACOLOGIE

Auteur(s) : Denis Richard

D’usage très fréquent en cardiologie, les antiagrégants plaquettaires et les anticoagulants se distinguent en ciblant deux étapes distinctes de l’hémostase.

Deux étapes essentielles

• L’hémostase est un processus physiologique complexe recouvrant des phénomènes successifs mis en jeu pour arrêter un saignement et articulés autour de deux étapes.

– Un temps pariétal (hémostase primaire) qui associe un temps vasculaire avec vasoconstriction immédiate contribuant à ralentir le saignement et à permettre aux facteurs procoagulants d’agir, et un temps plaquettaire avec formation d’un agrégat de plaquettes (« clou plaquettaire ») adhérant au collagène de la paroi vasculaire lésée.

– Un temps plasmatique (coagulation ou hémostase secondaire) mettant en jeu une cascade de facteurs pro- et anticoagulants qui, en quelques minutes, entraîne la formation d’un thrombus autour du clou plaquettaire.

• Une 3e étape, non évoquée ici (ciblant des médicaments hospitaliers), permet la dissolution progressive du thrombus par fibrinolyse après réparation tissulaire de la lésion.

• Des anomalies plaquettaires peuvent induire un syndrome hémorragique. Un déséquilibre en faveur de facteurs pro- ou anticoagulants induit la survenue de thromboses ou, au contraire, d’hémorragies.

Perturbations de l’hémostase primaire

Les troubles de l’hémostase primaire à l’origine de syndromes hémorragiques ont pour origine une thrombopénie (diminution du nombre de plaquettes) associée à une réaction immunitaire (prise de médicaments, maladie auto-immune, insuffisance rénale, certains cancers…) ou une thrombopathie congénitale (anomalie fonctionnelle des plaquettes perturbant l’agrégation ou l’adhésivité).

Perturbations de l’hémostase secondaire

• Une hémostase secondaire déficiente, se traduisant également par une propension aux hémorragies, résulte d’une thrombopénie, d’une carence en un ou plusieurs facteurs procoagulants ou d’une anomalie de l’endothélium des vaisseaux sanguins. Elle peut notamment avoir une origine :

– congénitale : hémophilie A ou B, maladie de Willebrand, etc. ;

– acquise : insuffisance hépatocellulaire (défaut de production de facteurs procoagulants), hypovitaminose K (malabsorption), coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) consommatrice de facteurs de coagulation, maladies auto-immunes, infections, cancers, hypersensibilisation médicamenteuse avec formation d’autoanticorps dirigés contre un facteur de la coagulation ;

– iatrogène : prise inadaptée d’anticoagulants ou interactions ;

– alimentaire : carence en vitamine K ou en vitamine C.

• Une hypercoagulation, liée à une augmentation du taux sanguin de facteurs de coagulation (à la fin d’une grossesse par exemple), à un déficit en inhibiteurs de la coagulation (insuffisance hépatocellulaire) ou à un ralentissement du flux sanguin (trouble du rythme cardiaque, stase veineuse, geste chirurgical comme la pose de prothèses articulaires), peut entraîner une thrombose veineuse ou artérielle.

Antiagrégants plaquettaires

Ils trouvent généralement leur place en prévention des événements thrombotiques artériels favorisés par l’activation plaquettaire. L’origine d’une thrombose veineuse, souvent différente (stase veineuse, lésion endothéliale), fait privilégier le recours à un anticoagulant. Il n’est cependant pas rare d’associer un antiagrégant et un anticoagulant.

• Inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 1 plaquettaire. L’aspirine (Aspirine Upsa, Catalgine, Kardégic) inhibe irréversiblement les cyclo-oxygénases (cox) dont la cox-1, une enzyme exprimée dans de nombreux tissus dont les plaquettes. La dose antiagrégante (75 à 325 mg/j) reste très inférieure à la dose anti-inflammatoire qu’impose l’inhibition des cox-2, enzymes pro-inflammatoires produites dans les tissus enflammés.

Le flurbiprofène (Cebutid 50 mg) exerce une action réversible en 24 heures, ce qui explique son intérêt si l’aspirine est contre-indiquée (intervention chirurgicale programmée).

• Inhibiteurs de la voie de l’adénosine diphosphate. Clopidogrel (Plavix), prasugrel (Efient), ticagrélor (Brilique) et dipyridamole (Persantine) inhibent la liaison de l’adénosine à son récepteur plaquettaire. Ils sont essentiellement prescrits dans la prévention des événements thrombotiques (postinfarctus, post-AVC, fibrillation auriculaire) en monothérapie ou parfois en association à l’aspirine (dose antiagrégante) ou à un AVK. Moins prescrite, la ticlopidine (Ticlid) expose à un risque rare mais grave d’agranulocytose.

• Inhibiteurs du complexe-récepteur GPIIb/IIIa. Ces médicaments hospitaliers agissent sur l’étape ultime de l’agrégation : eptifibatide (Integrilin), tirofiban (Agrastat), abciximab (Réopro).

Anticoagulants

Voie orale

• Les AVK (acénocoumarol, fluindione, warfarine) bloquent irréversiblement l’oxydoréduction de la vitamine K indispensable à la synthèse hépatique des facteurs II, VII, IX et X (complexe prothrombique). Un surdosage peut être traité par injection de vitamine K.

• Parmi les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) ou anticoagulants d’action directe, le rivaroxaban (Xarelto), proche par sa cible du fondaparinux (injectable), inhibe de façon directe, réversible et spécifique le facteur Xa. Il s’administre généralement en une seule prise quotidienne. Il n’existe pas d’antidote efficace en cas de surdosage. L’apixaban (Eliquis) est voisin du rivaroxaban. Le dabigatran (Pradaxa) est un inhibiteur direct, compétitif et réversible de la thrombine libre ou liée à la fibrine et de l’agrégation plaquettaire induite par la fibrine.

Voie injectable

Elle est généralement utilisée de façon temporaire (pour initier le traitement anticoagulant), avec relais par un traitement oral.

• Les héparines non fractionnées (HNF ; Calciparine, Héparine Choay) agissent indirectement en accélérant l’inactivation des facteurs XIIa, XIa, IXa, Xa et IIa par l’antithrombine, un inhibiteur physiologique de la coagulation. De demi-vie courte (2 h), elles sont injectées plusieurs fois par jour. Elles exposent à un risque de thrombopénie induite par l’héparine (TIH) d’origine immune.

• Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), obtenues à partir d’héparine porcine fractionnée, agissent comme les HNF mais leur action anti-Xa l’emporte sur leur action anti-IIa : énoxaparine (Lovenox), daltéparine (Fragmine), nadroparine (Fraxiparine, Fraxodi) et tinzaparine (Innohep). L’héparinothérapie par HBPM expose à un risque de TIH moindre qu’avec une HNF.

• Le fondaparinux (Arixtra), le plus petit motif saccharidique héparinique bloquant l’antithrombine, cible le facteur Xa en respectant le facteur IIa. Il n’induit pas de risque de TIH.

• Les antithrombines (inhibiteurs directs de la thrombine), d’usage hospitalier (bivalirudine, Angiox ; argatroban, Arganova), agissent, contrairement aux héparines, sur la thrombine soluble ou liée à la fibrine du thrombus et n’exposent pas au risque de TIH.

Sources : ANSM, « Les anticoagulants en France en 2014 : état des lieux, synthèse et surveillance », Calop J. et al. (2012), Pharmacie clinique et thérapeutique », Masson (4e édition).

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