ATTENTION DANGER ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 3043 du 23/08/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3043 du 23/08/2014
 
MÉDICAMENTS EN GMS, OUVERTURE DU CAPITAL, LIBERTÉ D’INSTALLATION…

L’événement

Auteur(s) : Marjolaine Labertonière*, Loan Tranthimy**

Pour développer la concurrence, le rapport de l’Inspection générale des finances propose des mesures radicales pour la pharmacie. Même si le gouvernement n’a pas encore pris de décision, les syndicats de pharmaciens protestent et se préparent à des actions de contestation à la rentrée.

Un pavé dans la mare ! Un peu avant la trêve estivale, Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique annonce, lors d’un show très médiatique, la réforme d’ampleur des professions réglementées. L’objectif affiché : faire gagner 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français. Comment ? En s’attaquant notamment aux pharmaciens libéraux. Un discours sur « les rentes de situation » plus loin, un flou entretenu sur les intentions exactes et la divulgation d’extraits du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) dans les médias a fini de mettre le feu aux poudres.

Il faut dire que les propositions du rapport, non encore rendu public, touchant les pharmaciens ont de quoi agiter les esprits : fin du monopole sur les médicaments sans ordonnance, ouverture du capital des officines à des investisseurs non pharmaciens, fin du quorum d’installation et du numerus clausus à l’entrée des études. Le procédé consistant à révéler des revenus nets médians déclarés sans les rapporter aux nombres d’heures n’a guère été apprécié, la profession se sentant livrée à la jalousie populaire.

Levée du monopole officinal

Pour booster la croissance, l’Inspection générale des finances recommande donc d’ouvrir à la concurrence la vente de médicaments rembousables de prescription facultative et les médicaments non remboursables, ne reconnaissant l’exigence de qualifications particulières que pour les médicaments à prescription médicale obligatoire. Les « consommateurs » sont donc sensés bien connaître les autres qualifiés de produits courants : « rhume, douleur, fatigue, mal de tête, toux », considère le rapport. La mission avance également d’autres motifs pour justifier la sortie du monopole des produits devenus « frontière » : l’existence d’une notice explicative, les résultats de « nombreuses » enquêtes de consommateurs montrant le rôle limité de prévention du pharmacien, la délivrance par des préparateurs sans le contrôle effectif d’un pharmacien et la récente possibilité de vente par Internet.

L’IGF considère aussi que les médicaments concernés dont les prix auraient augmenté plus que le coût de la vie et pour lesquels les marges seraient disproportionnées ne représentent que 10 à 15 % du chiffre d’affaires des pharmacies en moyenne. Une façon de sous-entendre qu’avec leurs revenus les pharmaciens pourraient supporter la perte d’une partie de ce marché sans que la menace d’une déstabilisation du réseau ne soit sérieuse. Un passage en grande surface permettrait ainsi une baisse de prix de 20 %. Ce chiffre se base sur des comparaisons faites avec des pays étrangers telle l’Italie, selon l’Inspection générale des finances. Aussitôt cette annonce connue, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a défendu le maintien du monopole officinal sur la vente de médicaments. Interrogé par l’agence de presse Reuters, il a indiqué que Marisol Touraine était favorable à une « modernisation des pratiques dans l’intérêt de la Sécurité sociale et des patients ». Néanmoins, « ces évolutions se feront dans le respect du principe du monopole officinal sur les médicaments et du statut spécifique de ces produits, qui ne sont pas des biens de consommation comme les autres », a ajouté le ministère.

Un capital plus ouvert

En parallèle de la levée du monopole officinal, l’IGF préconise l’ouverture du capital des pharmacies a des non-pharmaciens. Sur les restrictions à l’accès au capital des pharmacies, le rapport recommande la suppression des freins à l’apport de non-professionnels, en renforçant simplement les contrôles déontologiques. Les pouvoirs de l’Ordre se verraient ainsi renforcés et étendus aux actionnaires des structures d’exercice avec la possibilité de procéder à des inspections, de prononcer la fermeture, etc. L’unique limitation retenue n’interviendrait que pour prévenir les conflits d’intérêts avec d’autres professionnels de santé (laboratoires pharmaceutiques ou prescripteur médical). Il est aussi recommandé d’autoriser tout pharmacien à investir dans plusieurs structures. Cette mesure de libéralisation des investissements extérieurs impacterait positivement les gains de productivité.

Liberté d’installation et fin du numerus clausus

Pour la mission, il serait « économiquement plus efficace de poser le principe de liberté d’installation, en prévoyant dans ce cas précis que les pouvoirs publics disposent d’un droit d’opposition motivée, strictement défini par la loi et placé sous le contrôle du juge administratif ». Quant au numerus clausus à l’entrée des études, il doit être supprimé au motif qu’il est parfois contourné, les étudiants allant se former dans un autre pays d’Europe pour revenir exercer en France par le biais des reconnaissances de diplôme intra-européennes. Enfin, la durée des études qui n’excède pas six ans laisserait suffisamment de visibilité sur les futures perspectives d’activité avant de s’engager. Toutes ces préconisations n’ont pas manqué de faire réagir vivement les pharmaciens comme en attestent les nombreux commentaires sur le site du Moniteur. Des initiatives personnelles de pharmaciens explosent de toute part : jeux vrai/faux sur le paracétamol et l’aspirine, affichette d’information, pétitions… La page Facebook des Pigeons pharmaciens regorge d’exemples, d’idées et de colère. Le CNGPO (Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine) est monté également au créneau. « La vente de médicaments en GMS poserait la question de l’accès aux soins pour tous et celle de la sécurité du réseau », a réagi Pascal Louis, son président.

Au-delà même des pharmaciens, des voix de médecins se sont élevées pour s’inquiéter de la délivrance de médicaments hors de la responsabilité d’un pharmacien (MG-France, Confédérations des syndicats médicaux français), craignant pour la santé des patients, la perte de traçabilité. Les vertus du dossier pharmaceutique ont même été mises en avant.

La menace sur le monopole, qui a commencé depuis le rapport Attali, suivi par ceux de l’IGAS, de l’Autorité de la concurrence, par les campagnes de communication de la grande distribution (Leclerc en tête, suivi des dirigeants des groupes Carrefour, Super U) laissera de toute façon des traces indélébiles dans les esprits. A force d’en parler, la possibilité de trouver des médicaments ailleurs qu’en pharmacie pourrait s’imposer comme une évidence sous le contrôle d’un « docteur en pharmacie ». Mais plus sous sa responsabilité.

Janvier 2008

Rapport Attali sur la libéralisation du marché.

Décembre 2013

Autorisation de vente des tests de grossesse et d’ovulation en grande surface.

Décembre 2013

Rapport de l’Autorité de la concurrence.

Avril 2014

Programme national de réforme par Bercy.

Juillet 2014

Rapport de l’Inspection générale des finances.

Médicaments en grande surface : les Français divisés

La vente des médicaments en GMS permettrait de réduire les prix des médicaments jugés élevés et de rendre le pouvoir d’achat aux consommateurs. Une telle mesure n’est pourtant pas plébiscitée par les Français, à croire les résultats du sondage CSA pour le journal Les Echos et Radio classique. Les personnes sondées se montrent divisées sur cette question : une courte majorité (54 %) ne veut pas de médicaments en supermarché contre 45 % se déclarant favorables. Les pharmaciens d’officine peuvent compter sur le soutien des femmes (61 % vs 46 %), plus attachées sans doute aux conseils prodigués, les sympathisants de gauche (58 % vs 51 %), les employés et les ouvriers (58 % contre) plutôt que les cadres et les professions intermédiaires (56 % pour). Le clivage est aussi important entre les villes, plus favorables à cette mesure, et les zones rurales. « Sans doute, les pharmaciens restent perçus comme importants dans la vie locale », estime le CSA. L.T.

Les syndicats et l’Ordre réagissent

Michel Caillaud, président de l’UNPF défend non pas un monopole de situation mais un monopole d’exercice qui requiert des pharmaciens et des équipes pharmaceutiques pour la dispensation. Attaché également au maillage territorial, il appelle l’ensemble de la profession à se réunir face à la communication d’Arnaud Montebourg, qualifiée de « démagogique ». Pour trouver des leviers de croissance, l’UNPF plaide pour des incitations fiscales aux regroupements d’officines et l’autorisation des rétrocessions.

Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, « deux points du rapport constituent une ligne blanche à ne pas franchir : la fin du monopole sur certains médicaments et l’ouverture du capital à des investisseurs extérieurs ». Philippe Gaertner met l’accent sur la fragilité actuelle de l’économie de l’officine et sur les conséquences sur la santé publique (gardes, contrôle des contrefaçons…). Enfin, l’effet sur le pouvoir d’achat serait très marginal vu la dépense annuelle des Français en automédication.

Gilles Bonnefond, président de l’USPO, s’offusque que le ministère de l’Economie se mêle de la santé et dénonce la cacophonie gouvernementale. Pour lui, un médicament n’est jamais banal. Il estime aussi qu’on ne relancera pas la croissance en France en faisant consommer plus de médicaments. Le syndicaliste prône des incitations fiscales aux regroupements pour les zones en surdensité et appelle à une action commune forte et coordonnée à la rentrée si besoin.

Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens, refuse de sacrifier les services de santé libéraux de proximité pour les offrir aux géants de la grande distribution et des fonds d’investissement. Pour elle, les lieux les moins rentables seraient abandonnés et l’indépendance d’un pharmacien chef de rayon ou gérant d’une chaîne ne pourrait pas être garantie. Elle rappelle à nouveau que les prix des médicaments d’automédication en France se situent plutôt dans la fourchette basse comparés aux pays européens proches. L’éventualité de la fin du numerus clausus à l’entrée des études est envisageable.

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