L’ÎLE-DE-FRANCE APPELLE À LA RÉSISTANCE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3039 du 05/07/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3039 du 05/07/2014
 
DISPENSATION À L’UNITÉ

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Alors que l’appel à candidature des pharmaciens vient d’être lancé par les agences régionales de santé pour expérimenter la vente à l’unité de certains antibiotiques, l’Union régionale des professionnels de santé pharmaciens Ile-de-France (URPS) lance la fronde. Elle refuse catégoriquement d’accompagner ce dispositif, jugé inefficace pour lutter contre le mésusage du médicament.

Pour éviter le gaspillage ou une mauvaise utilisation en automédication, Marisol Touraine a décidé d’expérimenter en France la dispensation à l’unité des médicaments. Cent pharmacies sélectionnées suite à un appel à candidature par les agences régionales de santé vont expérimenter dès octobre cette nouvelle pratique sur quatorze antibiotiques*. Alors que le décret et l’arrêté fixant les modalités de cette mesure ne sont toujours pas publiés, l’Union régionale des profes­sionnels de santé pharmaciens Ile-de-France (URPS), sollicitée par l’agence francilienne de santé pour sensibiliser les pharmaciens à ce dispositif, se rebiffe. Réunie en séance plénière le 16 juin, elle refuse unanimement, toutes tendances syndicales confondues, de le promouvoir auprès des confrères de la région.

Pas convaincus par l’expérimentation

Lors d’une conférence de presse le 27 juin, l’organisation, par la voix de son président, Renaud Nadjahi, avoue ne pas être convaincue par cette mesure. Au contraire, la dispensation à l’unité « relègue le pharmacien d’officine au rôle de simple distributeur de médicament et d’exécutant », contrairement aux évolutions instaurées par la loi HPST. « Le pharmacien a vu sa fonction renforcée. Il est le spécialiste du médicament et le garant de son bon usage. Ses compétences pourraient permettre d’améliorer la prévention, le dépistage ou encore l’observance, plutôt que de manier une paire de ciseaux », déclare l’élu. Pire, cette solution ne favorisera pas le bon usage du médicament. « Le respect de l’AMM est la garantie nécessaire à l’optimisation du traitement tant pour l’indication thérapeutique que pour le coût », dit-il. Pour Patrick Zeitoun, secrétaire général de l’URPS pharmaciens (et élu de l’USPO), cette expérimentation sur les antibiotiques est inutile. « Les pouvoirs publics ne s’attaquent pas aux vrais problèmes qui sont le respect des traitements et la conformité des prescriptions », regrette-il. La position de l’URPS Ile-de-France rejoint donc celle de l’USPO, qui a appelé en avril 2014 les pharmaciens à boycotter le dispositif.

La fronde « intersyndicale » de l’URPS révèle-t-elle un malaise profond des pharmaciens contre les réformes gouvernementales ou une nouvelle dissension syndicale ?

Sur le terrain, les représentants des pharmaciens contactés se déclarent sceptiques sur l’intérêt du déconditionnement, y compris dans le camp de la FSPF, seul syndicat qui a choisi d’accompagner cette expérimentation. Les présidentes (FSPF) de Paris et des Yvelines, Andrée Ivaldi et Hélène Alix-Requi, ont la même position: « L’antibiothérapie dispose aujourd’hui des conditionnements les mieux adaptés en termes de délivrance, avec un nombre de comprimés en adéquation avec l’AMM donnée, ne justifiant en rien un essai de délivrance à l’unité sur cette famille thérapeutique », commentent-elles. « Compte tenu de la fragilité du réseau actuel et de la classe thérapeutique choisie, la FSPF des Yvelines ne peut accepter des contraintes supplémentaires pour les pharmaciens, qui pourraient intensifier les disparités entre les officines », précise Hélène Alix-Requi. Anne Montfajon, présidente (FSPF) du Val-d’Oise, estime que « le déconditionnement n’est pas la solution au mésusage. Pour autant, cette expérimentation vaut la peine pour démontrer qu’on fait fausse route ». Sur la page Facebook du Moniteur, le président (FSPF) du syndicat général des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, Philippe Lance, lui se dit prêt, malgré son scepticisme, à participer à l’expérimentation. L’élu conteste la situation où l’on demande aux pharmaciens « de manier le ciseau et la photocopieuse pour la délivrance unitaire des médicaments remboursés tout en donnant la part de marché de l’OTC aux épiciers de la GMS ». Convaincue de sa décision, l’URPS Ile-de-France espère être aussi suivie par les autres régions concernées. Ainsi, le président de l’URPS Limousin, Alain Perrier, est sans appel : « Même si nous ne sommes pas farouchement favorables à cette expérimentation, pourquoi la rejeter a priori ? »

Même réponse du côté de la Lorraine, qui préfère attendre de mieux connaître le détail des conditions d’expérimentation.

Un forfait de 1 500 euros

Selon Christophe Koperski, membre de la FSPF et chargé de suivre le dossier, « le cadre légal est fixé ». Il reviendra toujours aux pharmaciens d’extraire le nombre de comprimés ou de gélules prescrits et de les remettre aux patients dans un nouvel emballage, assorti d’éléments de traçabilité (numéros de lot, etc.) et d’une notice. Pour ce travail spécifique, le pharmacien volontaire sera rémunéré « 1 500 euros pour la durée de l’expérimentation ». Des réunions sont encore prévues en juillet pour affiner les conditions pratiques, portant notamment sur la facturation ou encore sur la nature des consommables à utiliser. « Nous attendons le retour des éditeurs de logiciels pour la facturation. A l’heure de la dématérialisation, nous n’allons pas facturer à la main », explique Christophe Koperski. Pragmatique, Philippe Gaertner, président de la FSPF, tente de calmer le jeu : « Je comprends l’inquiétude des pharmaciens. C’est pourquoi nous restons vigilants sur cette expérimentation mais nous l’accompagnons dans le cadre prévu. L’INSERM va faire évoluer la prescription mais aussi le comportement individuel des patients. On pourra alors tirer des conclusions », dit-il. La fronde de l’URPS pharmaciens Ile-de-France peut-elle décourager les pharmaciens à se porter volontaires ? En raison du faible nombre de pharmacies nécessaires, le dispositif pourra de toute façon toujours être lancé. Mais pour quels résultats ?

* Association amoxicilline-acide clavulanique, céphalosporines de troisième et quatrième générations (céfixime, cefpodoxime, céfotiam), fluoroquinolones (ciprofloxacine, lévofloxacine, loméfloxacine, péfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, enoxacine), fluméquine et phénicolés (thiamphénicol)

Une évaluation effectuée par l’INSERM

C’est l’Unité de recherche Inserm 912-Université d’Aix-Marseille qui sera chargée de sélectionner les 100 officines parmi celles qui auront déposé leur candidature.

Selon le projet de protocole, la recherche comporte un double objectif: étudier l’acceptabilité de la dispensation à l’unité pour les pharmaciens et ses conséquences sur les comportements d’observance des patients et évaluer l’impact économique de cette expérimentation par les pharmacies d’officine comparée à la délivrance effectuée de manière habituelle.

Le pharmacien, la clé pour l’observance

Après les AVK puis l’asthme, le pharmacien devra-t-il aussi assurer le bon suivi du traitement chez les patients ?

La réponse est oui, selon Jalma, cabinet de consulting spécialisé dans la santé. Dans une publication intitulée « Les enjeux de l’observance en France », il rappelle que « la non-observance serait responsable d’environ 12 000 décès par an et de plus de 475 000 hospitalisations évitables ». Pour y remédier, Jalma propose de développer le rôle du pharmacien dans les pathologies les plus criantes (hypertension, diabète…) et son accès à la e-prescription. Pour rémunérer cette activité jugée chronophage par les pharmaciens, il estime qu’« une rémunération à la performance complémentaire serait opportune pour inciter le pharmacien à la qualité de l’accompagnement et pour renforcer les impacts du dispositif sur l’observance ».

Septembre 2013

Annonce de la dispensation à l’unité par Marisol Touraine

Avril 2014

Report de l’expérimentation

Octobre 2014

Lancement de l’expérimentation dans quatre régions

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !