UN MAILLAGE HARMONIEUX MAIS FRAGILE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3037 du 21/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3037 du 21/06/2014
 
DÉMOGRAPHIE PHARMACEUTIQUE

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Attractivité de la profession en berne, départs à la retraite reportés et concentration des structures d’exercice… Malgré ces tendances marquantes du rapport sur la démographie des pharmaciens en 2013, l’Ordre des pharmaciens assure que le maillage reste harmonieux. Oui mais jusqu’à quand ?

Contrairement à la démographie médicale, l’évolution de la démographie des pharmaciens n’a rien d’inquiétant. A première vue ! Les chiffres présentés par l’ordre des pharmaciens le jeudi 19 juin sont même rassurants. Pour la deuxième année consécutive, le nombre de pharmaciens inscrits à l’Ordre augmente grâce notamment à l’effet du numerus clausus et aux départs retardés à la retraite des pharmaciens. Au 1er janvier 2013, on compte 74 270 pharmaciens, soit 2 452 nouveaux inscrits, chiffre le plus élevé depuis 2006. Parmi ceux-ci, 2 204 nouveaux inscrits sont diplômés depuis moins de trois ans. Seulement voilà, cette évolution ne profite pas à l’exercice libéral : le nombre de pharmaciens titulaires en officine baisse (- 0,15 %). Cette année encore, l’Ordre attire l’attention sur trois tendances préoccupantes pour l’avenir.

Une profession peu attractive et vieillissante

Première tendance : l’absence d’attractivité de la profession se confirme. Malgré une forte inscription des moins de 30 ans, qui rassemblent plus de 82,6 % des nouveaux inscrits en 2013, l’Ordre indique que le taux « d’évaporation » des jeunes diplômés se situe au niveau le plus élevé jamais atteint : 26,3 % en 2013 soit 786 diplômés. La non-attractivité concerne aussi les pharmaciens étrangers. Ceux-ci ne représentent que 1,7 % des inscrits et 74 % d’entre eux exercent en officine. A cette tendance s’ajoute le vieillissement de la profession qui progresse encore. L’âge moyen des pharmaciens est passé de 46,4 à 46,5 ans au 1er janvier 2013. En 2013, ce sont les 53-57 ans qui sont les plus nombreux nettement devant les 48-52 ans. Ce phénomène est encore plus marqué pour les pharmaciens titulaires dont l’âge moyen est de 49,5 ans contre 49,2 ans en 2012 (45,3 ans pour les pharmaciens exerçant en SEL contre 44,8 ans l’an passé). Au final, pour la section A, les plus de 60 ans représentent près de 14 % de l’effectif (4 115 pharmaciens) et les plus de 56 ans, 32 % (8 758 titulaires) par rapport à l’effectif total. Pour l’Ordre, le vieillissement de la population pharmaceutique est loin d’être enrayé et « devrait continuer encore quelques années » : près de 2 600 pharmaciens ont aujourd’hui plus de 66 ans et plus de 19 000 sont âgés de plus de 56 ans en 2013. Ce phénomène sera d’autant plus accentué qu’ils retardent de plus en plus leur départ à la retraite. Si les confrères partent vers 63 ans, l’Ordre note un nombre en hausse de pharmaciens qui le font entre 66 et 70 ans. « En raison du condiv économique, les confrères ne parvenant pas à vendre leur officine au prix souhaité préfèrent continuer à travailler en attendant de trouver acquéreurs », commente Alain Delgutte, président de la section A à l’ordre des pharmaciens. Pour s’adapter justement aux contraintes économiques et aux évolutions professionnelles, « la profession se concentre », note l’Ordre. C’est la troisième tendance. En 2013, l’Ordre constate 123 fermetures d’officine, 266 transferts effectués quasiment dans la même commune et une augmentation du nombre de sociétés d’exercice libéral (SEL) : 7 403 contre 6 925 en 2012. L’exercice associé est donc privilégié. Par ailleurs, un an après l’introduction des sociétés de participations financières de professions libérales (SPF-PL), 140 SPF-PL ont été inscrites au cours du second semestre 2013, dont 21 avec des pharmaciens investisseurs individuels, 125 en exercice dans une SEL détenue par la SPF-PL et 5 avec des pharmaciens adjoints investisseurs.

Une pharmacie pour 2 900 habitants

Malgré ces tendances, l’Ordre indique que le maillage officinal reste encore « harmonieux ». La France compte toujours un nombre d’officines par habitant (une pharmacie pour 2 900 personnes) supérieur à ses voisins (une pour 3 800 en Allemagne par exemple). Difficile effectivement dans ces conditions d’être con­vaincu de la fragilité de ce maillage. « Aujourd’hui, dans la plus grande majorité des cas, les disparitions d’officine n’ont pas d’impact sur l’accès au médicament. Il s’agit avant tout d’une restructuration du réseau. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? », s’interroge Alain Delgutte. L’élu ordinal ajoute : « Pour maintenir le maillage, il faut que les jeunes reprennent les officines. Mais, avec l’incertitude économique, les jeunes n’ont pas de visibilité sur l’avenir et se posent des questions avant de se lancer. Par ailleurs, les banques restent frileuses et hésitent à prêter. » Une analyse que partage Philippe Gaertner, président de la FSPF. « Durant l’année 2013, l’économie officinale a pu bénéficier des éléments positifs liés à la convention 2012, ce qui ne sera pas le cas en 2014 à cause des baisses de prix importantes », dit-il. Pour permettre au réseau d’évoluer rapidement, le représentant syndical demande la mise en place rapide des mesures prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale 2012. Celui-ci cite le gel des licences pendant douze ans après un regroupement et la possibilité de rachat-fermeture dans les zones « surdenses ». « Ces mesures doivent trouver des modalités pratiques pour conforter le reste du réseau », déclare-t-il.

Selon Philippe Gaertner, la réorientation prise sur les nouvelles missions ainsi que la réforme de la rémunération permettent de rendre la profession attractive, « à condition que les dispositifs prévus dans la réforme soient mis en place ». De son côté, Gilles Bonnefond, président de l’USPO, est affirmatif. « La nouvelle rémunération signée par un seul syndicat ne va pas sécuriser l’officine et n’apportera pas de perspectives positives pour la profession. Dans les mois à venir, il faudra s’attendre à un effondrement des chiffres d’affaires. Le maillage tel qu’il existe aujourd’hui va être remis en cause rapidement », déclare-t-il. Gilles Bonnefond appelle le gouvernement à utiliser le réseau officinal « comme une véritable porte d’entrée dans les zones sous-denses » et à mettre en place des outils existants (possibilité de rachat-fermeture) pour régler les problèmes de surdensité. Quant à Michel Caillaud, président de l’UNPF, il estime que « le gouvernement n’a pas compris que, face à la désertification médicale, la pharmacie est le seul rempart. Le maillage officinal va aussi se casser. L’Etat va devoir recréer des structures qui vont coûter beaucoup plus cher dans cinq ou dix ans. Et les pharmaciens vont devoir faire appel à des fonds qui viennent de l’extérieur ». Face à ces avertissements, le gouvernement va-t-il réagir pour éviter de répéter les erreurs commises à l’égard de la démographie médicale ? Pour l’heure, un premier pas semble avoir été franchi. Il a chargé les agences régionales de santé d’évaluer les conditions d’accès aux médicaments dans les zones de fragilité. Un bilan devrait être rendu fin juin.

Jeunes diplômés : pas de regret, mais beaucoup de travail

Une population officinale vieillissante et la désaffection grandissante pour les études de pharmacie ont poussé l’Ordre sur les routes l’hiver dernier. A Paris, Lille ou encore Montpellier, sa présidente, Isabelle Adenot, est partie à la rencontre des futurs confrères. Elle leur a présenté les premiers résultats du questionnaire sur l’avenir de la profession, auquel ont répondu près de 1 300 étudiants et 4 500 jeunes pharmaciens. Ces résultats vont souvent à l’encontre d’idées reçues.

Contrairement aux médecins, la plupart des jeunes confrères, y compris les femmes, ne privilégient pas le statut de salarié. Et ne fuient pas les zones rurales. 83 % d’entre eux donnent préférence à une installation dans une ville de moins de 50 000 habitants. Paris et l’Ile-de-France, en particulier, connaissent une réelle désaffection… Par ailleurs, étudiants et jeunes diplômés sont très critiques vis-à-vis de leur formation initiale. Ainsi, 48 % des jeunes titulaires, contre 70 % de leurs adjoints, se disent mal préparés à leur exercice professionnel. Les employeurs sont en prise directe avec des notions de comptabilité, de management et d’assurance-qualité, qu’ils maîtrisent mal. Mais au final, étudiants et jeunes pharmaciens ne regrettent rien. Dans 88 % des cas, ils sont satisfaits de leur parcours. Même si huit titulaires sur dix trouvent leur charge de travail contraignante, contre seulement quatre adjoints sur dix.

Matthieu Vandendriessche

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