ANXIOLYTIQUES ET HYPNOTIQUES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3034 du 31/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3034 du 31/05/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

IATROGÉNIE

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un concours très stressant

Noémie J., 20 ans passe le concours de pharmacie dans trois mois. Très anxieuse, elle n’arrive plus à travailler, s’isole et ressent une sensation d’oppression. Le médecin lui a prescrit un traitement tranquillisant par bromazépam : 1/4 de comprimé matin et midi et 1/2 comprimé le soir, pendant 1 mois. Traitée depuis 4 jours, Noémie questionne son pharmacien : elle se sent plus calme mais elle peine à se concentrer, mémorise mal ses cours, somnole parfois dans la journée et a des cauchemars la nuit. N’y aurait-il pas un autre traitement qui n’ait pas ces effets indésirables ?

Les problèmes de Noémie sont-ils dus au bromazépam ?

Oui. Les benzodiazépines induisent une diminution de la vigilance et des troubles de la mémoire.

ANALYSE DU CAS

→ Les benzodiazépines et les molécules apparentées exercent sur le système nerveux central, à des degrés divers, une action anxiolytique et hypnotique qu’accompagnent, même à doses thérapeutiques, une altération des fonctions cognitives, une amnésie antérograde (perte de la mémoire des faits récents) et parfois des troubles du sommeil (cauchemars, parasomnies).

→ Leur effet sédatif et amnésiant s’explique notamment par une activité potentialisatrice de l’effet inhibiteur de l’acide gamma-aminobutyrique dans le système nerveux central, conditionnant également, à des degrés divers, leurs propriétés myorelaxantes et anticomitiales.

→ Les effets indésirables ne disparaissent pas à l’usage. Ils dépendent de la dose ingérée et de la sensibilité individuelle du patient.

→ L’instauration du traitement est une période critique.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien invite Noémie à consulter son médecin pour réévaluer le traitement.

→ Le médecin, vu le jour même, opte pour un anxiolytique dont l’index thérapeutique est meilleur. Il s’agit de la buspirone prescrite à dose faible (1/2 comprimé matin, midi et soir), pour une durée de 1 mois. Il arrête immédiatement la prescription de bromazépam : Noémie n’ayant été traitée que quelques jours, il n’y a pas lieu de faire un sevrage progressif.

→ L’administration de buspirone n’expose que de façon transitoire à des sensations ébrieuses, des céphalées, des nausées et de rares gastralgies.

Le pharmacien précise à Noémie que l’action anxiolytique de la buspirone n’est manifeste qu’après une dizaine de jours de traitement.

CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un rebond anxieux

Après avoir lu un article sur les effets indésirables des tranquillisants, Mme G., 42 ans, a décidé d’arrêter le lorazépam 2,5 mg (1/2 cp matin et midi, 1 cp le soir) qu’elle prend depuis plus d’un an. Deux jours après l’arrêt, elle a ressenti progressivement une angoisse qui n’a cessé de croître, au point de l’oppresser et de l’empêcher de dormir. Pourtant, elle n’a pas de raison d’être anxieuse. Désemparée, elle interroge le pharmacien.

Cette angoisse peut-elle être due à un syndrome de sevrage ?

Oui. Une anxiété « rebond » s’observe souvent lors de l’arrêt brutal d’un traitement par benzodiazépine.

ANALYSE DU CAS

→ Mme G. est traitée depuis une durée excédant largement les recommandations (durée d’utilisation inférieure à 3 mois).

→ Elle a décidé d’arrêter le recours à cet anxiolytique à un moment de sa vie où tout va bien.

→ Elle n’est pas accompagnée dans ce sevrage par son médecin et n’a pas réalisé une réduction progressive des doses.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Mme G. doit prendre un avis médical. Le médecin distinguera une anxiété « rebond », transitoire, d’une rechute d’un trouble anxieux qu’avait masquée la prise continue d’un anxiolytique : dans ce cas un traitement antidépresseur et/ou une psychothérapie est envisagé.

→ Mme G revient de son rendez-vous avec une nouvelle ordonnance : lorazépam 1 mg matin et midi et 2 mg le soir pendant 3 semaines, puis 0,5 mg matin et midi et 1 mg le soir pendant 3 autres semaines, avant de passer pendant 3 semaines à une seule prise de 0,5 mg au coucher. Le pharmacien s’assure de la bonne compréhension du schéma posologique d’arrêt du lorazépam.

→ Un traitement à base de passiflore peut être proposé pour accompagner l’arrêt progressif de la benzodiazépine.

CAS N° 3 – EFFETS INDESIRABLES

Une balade sous zolpidem

Inquiets, les époux T. demandent son avis au pharmacien : la veille, Mme T., 45 ans, qui prend depuis une semaine un comprimé de zolpidem 10 mg le soir, s’est levée soudainement en début de nuit. Elle a marché dans la maison jusqu’à ce que, ayant fait chuter un vase, elle se soit brutalement éveillée, étonnée de se trouver au milieu du salon, sans se souvenir de cette déambulation.

La prise de zolpidem expliquerait-elle ce somnambulisme ?

C’est possible. L’usage du zolpidem peut être associé à des parasomnies dont le somnambulisme.

ANALYSE DU CAS

→ L’usage du zolpidem, comme toutes les benzodiazépines hypnotiques et apparentés, peut être associé à des parasomnies diverses et automatismes dont le somnambulisme, à des comportements d’ingestion alimentaire, de conduite automobile, voire d’agression durant le sommeil.

→ Ces réactions iatrogènes, parfois graves (accidents, dégâts, violence), restent rares.

→ Les facteurs de risque sont : l’alcoolisation, un mauvais contrôle des impulsions, des antécédents de parasomnies, une privation durable de sommeil. Les propriétés de l’hypnotique peuvent influer : action hypnotique puissante et rapide, moindre relâchement musculaire avec le zolpidem ou la zopiclone qu’avec une benzodiazépine.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le patient et ses proches doivent être informés du risque d’automatisme lié au traitement par benzodiazépine hypnotique ou apparenté.

→ Le pharmacien propose d’appeler le médecin qui a instauré le traitement.

→ Celui-ci modifie le traitement pour de l’hydroxyzine, les hypnotiques antihistaminiques n’exposant pas à ces troubles iatrogènes.

CAS N° 4 – EFFETS INDÉSIRABLES

Bricolage d’ordonnance

Un client inconnu de la pharmacie présente une ordonnance dactylographiée de zopiclone 7,5mg, 2 comprimés au coucher pendant 1 mois. Alors, que l’homme, pressé, indique qu’il n’a pas de carte Vitale et préfère payer, l’attention du pharmacien est attirée par le chiffre « 2 » de la posologie qui ne correspond pas à la police utilisée par ailleurs. Lorsque le pharmacien l’informe qu’il va devoir contacter le médecin, le client reprend l’ordonnance et sort précipitamment de la pharmacie.

Le pharmacien est-il étonné par cet incident ?

Non. Les falsifications d’ordonnance en vue d’obtenir des benzodiazépines anxiolytiques et hypnotiques ne sont pas rares, ces médicaments donnant fréquemment lieu à un usage abusif et/ou détourné.

ANALYSE DU CAS

→ Le client a modifié une ordonnance par scan.

→ La zopiclone est connue pour faire l’objet d’abus et de détournement d’usage. Elle figure parmi les substances donnant lieu au plus grand nombre d’ordonnances falsifiées présentées aux pharmaciens d’officine, avec l’alprazolam, le bromazépam et le zolpidem.

→ Le patient agité, fuyant, refusant la prise en charge par l’assurance maladie, présente des signes qui doivent alerter sur une possible falsification de la prescription.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien n’a pas pu conserver trace de l’identité du client portée sur l’ordonnance afin de signaler le détournement.

→ Il a gardé à l’esprit le nom du médecin prescripteur, qu’il contacte immédiatement. Ce dernier se souvient de ce client vu pour la première fois, auquel il a prescrit un comprimé de zopiclone pendant 1 mois.

→ Le pharmacien doit rester très vigilant à l’égard des ordonnances d’anxiolytiques et d’hypnotiques. Leur utilisation détournée peut aller jusqu’à un usage criminel (soumission chimique).

→ En cas de doute sur l’authenticité de l’ordonnance, il est utile, si possible, de la photocopier de façon à en conserver trace avant même d’interroger le patient.

→ Le pharmacien signale le cas de falsification d’ordonnance au Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance le plus proche. Si l’identité du patient avait été connu, il aurait également pu contacter l’Assurance maladie.

CAS N° 5 – EFFETS INDÉSIRABLES

Une chute sous benzodiazépine

Mme F. est bouleversée. Pour aider sa mère de 86 ans qui avait du mal à trouver le sommeil, elle lui a donné un comprimé de Mogadon (nitrazépam) 5 mg. Peu après son coucher, la vieille dame s’est relevée et est tombée en ouvrant la porte de sa chambre. Mme F. vous raconte qu’elle a dû appeler les pompiers pensant que sa mère s’était cassé le col du fémur. Heureusement il n’en est rien, mais Mme F. culpabilise : le produit pour dormir qu’elle a donné à sa mère l’a-t-elle à ce point perturbée ?

Cette chute peut-elle résulter de la prise d’un hypnotique ?

Oui. Le risque de chute est bien documenté chez le sujet âgé sous hypnotique.

ANALYSE DU CAS

→ Le nitrazépam fait partie des médicaments potentiellement inappropriés chez la personne âgée de plus de 75 ans*.

→ La fille de Mme F. utilise régulièrement cette benzodiazépine hypnotique pour traiter des insomnies occasionnelles lors de ses fréquents déplacements à l’étranger.

→ Sa mère n’avait jamais utilisé d’hypnotique. La dose de 5 mg est inadaptée au vu de son âge.

→ Elle s’est levée peu après son coucher : le médicament avait déjà commencé à faire effet sans l’endormir totalement.

→ Les benzodiazépines et apparentés exposent à un risque de chute important résultant de leur action myorelaxante, sédative et, chez le sujet âgé, à une possible confusion mentale.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien rappelle à la fille de Mme F. qu’il ne faut jamais prendre d’hypnotique sans avis médical, et qu’il faut éviter toute automédication chez le sujet âgé.

→ Si la prise d’une benzodiazépine s’avère nécessaire chez Mme F., le médecin prescrira une dose divisée par deux, voire par trois par rapport à la dose usuelle. La prescription de benzodiazépines demi-vie courte est privilégiée pour éviter tout surrisque iatrogénique.

→ Le pharmacien recommandera à la patiente de prendre son traitement hypnotique assise sur son lit et d’attendre le sommeil en évitant de se relever. En cas de nécessité, madame F. doit demander l’aide de sa fille.

CAS N° 6 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une interaction prise à cœur

M. Thomas D., 49 ans, alcoolotabagique, ex-dépendant au clorazépate, rendu anxieux par une menace de licenciement, est traité par Atarax 25 mg (hydroxyzine, 2 cp matin, midi et soir) depuis deux mois. Atteint d’une prostatite bactérienne, il présente une prescription de Tavanic (lévofloxacine, 500 mg le matin pendant 4 semaines).

Cette ordonnance pose-elle problème ?

Oui. L’association d’hydroxyzine et de lévofloxacine est classée depuis peu en « précaution d’emploi ».

ANALYSE DU CAS

→ Monsieur D. ne peut être traité par une benzodiazépine compte tenu de ses antécédents de pharmacodépendance et de son alcoolodépendance. On lui a donc prescrit de l’hydroxyzine, un anxiolytique antihistaminique et sédatif n’exposant pas à un risque de dépendance.

→ L’infection prostatique justifie une antibiothérapie par une fluoroquinolone : la lévofloxacine. Ce médicament peut allonger l’intervalle QT et induire des troubles du rythme, y compris des torsades de pointes.

→ L’association d’hydroxyzine à un médicament susceptible de donner des torsades de pointe, majorant le risque cardiaque, requiert des précautions d’emploi (surveillance clinique et électrocardiographique pendant toute sa durée).

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien contacte le prescripteur : il n’avait pas connaissance de cette nouvelle interaction (« Thésaurus », ANSM, janvier 2014).

→ Ce dernier maintient la prescription mais il souhaite revoir le patient pour lui faire un électrocardiogramme.

→ Le pharmacien rassure M. D., inquiété par la perspective de cet examen, en expliquant qu’il est indolore et dure peu de temps. Il insiste également sur l’importance d’un suivi régulier pendant les 4 semaines de traitement prévues.

CAS N° 7 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Tôle froissée

Soir de sortie entre collègues pour fêter la signature d’un contrat important. En rentrant chez lui, Etienne B., 43 ans, a embouti un véhicule arrêté à un stop. Estimant avoir bu « avec modération », il demande au pharmacien si les comprimés de Témesta (lorazépam, 1 mg au réveil et 1 mg dans d’après-midi) donné par une amie pour aborder sereinement cette journée pouvait expliquer l’accident…

L’accident est-il lié à cette soirée arrosée ?

Oui. L’action dépressive du système nerveux central de l’alcool a été potentialisée par le lorazépam, benzodiazépine anxiolytique.

ANALYSE DU CAS

→ Les benzodiazépines et l’alcool sont des dépresseurs du système nerveux central.

→ L’association des deux psychotropes explique la survenue de troubles de la vigilance et/ou de la coordination, même si la consommation d’alcool est modérée.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien insiste auprès de M. B sur les dangers potentiels de l’automédication, notamment avec des produits psychotropes.

→ Il explique également le sens du pictogramme (une voiture dans un triangle noir) apposé depuis 2005 sur les boîtes des médicaments susceptibles d’altérer la capacité à conduire un véhicule : niveau 1 (fond jaune, prudence), 2 (fond orange, demander l’avis d’un professionnel de santé) et 3 (fond rouge, conduite interdite).

→ Les benzodiazépines relèvent des niveaux 2 ou 3 selon les molécules.

→ L’effet cumulé de la fatigue, de la prise d’un anxiolytique et de la consommation d’alcool aurait dû inciter M. B à une plus grande prudence et à ne pas prendre le volant.

PHARMACOLOGIE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

→ La prescription d’un anxiolytique en cas d’anxiété ou d’un hypnotique en cas de troubles du sommeil s’envisage après échec des approches non médicamenteuses : thérapie cognitivocomportementale, mesures d’hygiène de vie… La phytothérapie, l’homéopathie et les oligoéléments, bien tolérés, peuvent constituer une alternative intéressante.

→ Le traitement doit être adapté à chaque patient et régulièrement réévalué. wQuand un traitement est envisagé, les benzodiazépines (BZD) sont le plus souvent utilisées.

→ Le traitement par une BZD doit être le plus bref possible, sous réserve d’une information préalable du patient, notamment sur le risque de dépendance et d’accoutumance.

→ La posologie de la BZD est augmentée très progressivement, en veillant à s’en tenir à la plus faible dose efficace.

→ L’association de plusieurs BZD anxiolytiques ou/et hypnotiques n’a pas d’intérêt et majore le risque d’effets indésirables.

Les anxiolytiques

→ Les BZD et la buspirone sont indiquées dans le traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes. L’hydroxyzine, le captodiame et l’étifoxine ne sont indiqués que dans les manifestations mineures de l’anxiété.

→ Ils sont utilisés pour des périodes courtes d’exacerbation anxieuse. Ils n’ont pas de place dans la prise en charge à long terme d’un trouble anxieux.

→ La buspirone agirait en mimant les effets inhibiteurs de la sérotonine sur les récepteurs 5-HT1A présynaptiques, diminuant ainsi la libération de sérotonine.

→ Les benzodiazépines induisent une modification de la conformation du récepteur postsynaptique GABA-A, le rendant plus sensible à l’action de ce médiateur. L’afflux de chlore dans le neurone entraîne son hyperpolarisation et le rend moins excitable.

→ Les antihistaminiques H1 (anti-H1) de première génération manifestent un tropisme important pour le cerveau en raison de leur lipophilie.

→ La mélatonine, en se liant aux récepteurs mélatoninergiques centraux, inhibe le processus d’éveil circadien par des voies de signalisation complexes.

→ Les BZD sans métabolite actif et à demi-vie intermédiaire (bromazépam, lorazépam…) sont à privilégier.

→ La buspirone exerce son action en 10 à 15 jours. Pendant cette phase, il est possible de recourir à une BZD.

→ L’usage de la cyamémazine (Tercian) comme anxiolytique est évité en raison de son iatrogénie : effets extrapyramidaux, cardiaques, endocriniens.

→ La durée maximale de prescription des anxiolytiques (BZD, buspirone, hydroxyzine, étifoxine) est limitée à 12 semaines. Elle est réduite à 4 semaines pour le clorazépate dipotassique dosé à 20 mg (Tranxène 20 mg) en raison de son mésusage fréquent.

Les hypnotiques

→ Les hypnotiques sont indiqués dans le traitement symptomatique des insomnies occasionnelles ou transitoires. La doxylamine (Donormyl, Lidène, Noctyl…) est indiquée uniquement dans l’insomnie occasionnelle

→ La prise en charge d’une plainte pour trouble du sommeil impose de dormir au calme et dans l’obscurité, sur un bon couchage, au frais, en adoptant des horaires réguliers; d’éviter la prise de stimulants, d’alcool, les dîners trop riches et une activité physique dans les heures précédant le coucher.

→ Les apparentés aux benzodiazépines (zolpidem, zopiclone) ne bénéficient pas d’un meilleur index thérapeutique que les benzodiazépines elles-mêmes.

→ L’usage d’un anti-H1 (alimémazine, doxylamine) comme hypnotique est à utiliser avec précaution en raison de son action anticholinergique.

→ La durée du traitement est comprise entre 2 et 5 jours (insomnie occasionnelle) ou 2 et 3 semaines (insomnie transitoire) incluant la période de réduction de la posologie. La durée maximale de prescription est de 4 semaines.

Sevrage d’un traitement par benzodiazépines

→ L’arrêt d’un traitement anxiolytique ou hypnotique peut s’accompagner de signes de sevrage (a minima d’un rebond d’anxiété ou d’insomnie) expliquant que l’usage en soit parfois inutilement prolongé.

→ La planification de l’arrêt progressif du traitement chez un patient doit être envisagée dès sa prescription.

→ Une demande de renouvellement offre l’occasion de s’interroger sur la mise en œuvre d’un arrêt. Traiter au-delà des périodes préconisées impose des évaluations précises et répétées de l’état du patient.

→ L’arrêt est étalé sur quelques jours à quelques mois selon l’ancienneté de l’utilisation. Il ne nécessite pas de traitement médicamenteux substitutif mais des mesures d’accompagnement non médicamenteuses prolongées jusqu’à 6 mois après l’arrêt.

PRINCIPAUX MEDICAMENTS

Benzodiazépines et apparentés

Les benzodiazépines exercent toutes, à des degrés divers, une action anxiolytique, hypnosédative, myorelaxante et anticomitiale. Le profil de sécurité de ces médicaments est qualitativement identique, qu’il s’agisse d’anxiolytiques ou d’hypnotiques. L’iatrogénie est majorée chez les sujets âgés et/ou les insuffisants rénaux ou hépatiques, nécessitant une adaptation posologique.

Principaux effets indésirables

→ Sédation, somnolence.

→ Tolérance.

→ Dépendance.

→ Amnésie des faits récents.

→ Troubles du comportement (altération de la conscience, suggestibilité, irritabilité voire agressivité, confusion mentale, symptômes d’allure psychotique), parasomnies avec conduites automatiques.

→ Désinhibition avec risque suicidaire.

→ Sensations ébrieuses, céphalées, ataxie.

→ Asthénie, hypotonie musculaire (diplopie, risque de chute, dépression respiratoire).

→ Eruptions cutanées, prurigineuses ou non.

→ Phénomène de rebond anxieux ou insomniaque à l’arrêt des prises.

→ Des études observationnelles ont suggéré une association entre la prise prolongée de benzodiazépines et le développement de démence.

Interactions significatives

→ Dépresseurs du système nerveux central (morphiniques, neuroleptiques, autres anxiolytiques et hypnotiques, antidépresseurs sédatifs, anti-H1, antihypertenseurs centraux, baclofène) : majoration de la sédation.

→ Dépresseurs respiratoires (morphiniques) : risque de dépression respiratoire.

→ Alcool : potentialisation de l’effet sédatif des benzodiazépines et apparentés.

Contre-indications

→ Insuffisance respiratoire sévère et syndrome d’apnée du sommeil.

→ Insuffisance hépatique sévère, aiguë ou chronique (risque de survenue d’une encéphalopathie).

→ Myasthénie.

Buspirone

La buspirone agit de façon différée après l’instauration du traitement (10 à 15 jours), d’où la réticence à l’utiliser dans les situations de crise. Elle n’induit ni tolérance ni dépendance. Elle est dénuée d’effet sédatif.

Principaux effets indésirables

→ Sueurs, nervosité, vertiges, céphalées.

→ Nausées, gastralgie.

Contre-indications

→ Insuffisance hépatique sévère.

→ Insuffisance rénale sévère.

Antihistaminiques

Les anti-H1 de première génération ont tous une composante sédative marquée. L’hydroxyzine (Atarax) est indiquée comme anxiolytique. L’alimémazine (Théralène) et la doxylamine (Donormyl, Lidène, etc.) sont des hypnotiques. Les anti-H1 ne donnent pas lieu à dépendance.

Principaux effets indésirables

→ Sédation, plus marquée en début de traitement.

→ Effets anticholinergiques (sécheresse des muqueuses, constipation, troubles de l’accommodation, mydriase, palpitations cardiaques, risque de rétention urinaire).

→ Hypotension orthostatique et tachycardie.

→ Troubles de l’équilibre, vertiges.

→ Trouble de la mémoire ou de la concentration.

→ Incoordination motrice, tremblements (plus fréquent chez le sujet âgé).

→ Confusion mentale.

→ Erythème, prurit, urticaire.

→ Risque de photosensibilisation (alimémazine).

Interactions médicamenteuses significatives

→ Dépresseurs centraux : majoration de la sédation.

→ Anticholinergiques (atropine, antidépresseurs imipraminiques, antiparkinsoniens anticholinergiques, antispasmodiques atropiniques, neuroleptiques phénothiaziniques) : addition des effets iatrogènes atropiniques.

Contre-indications

→ Risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques.

→ Risque de glaucome par fermeture de l’angle.

→ Antécédents d’agranulocytose avec une autre phénothiazine (alimémazine).

Porphyrie.

→ Allongement de l’intervalle QT (hydroxyzine).

Autres anxiolytiques

Deux médicaments de puissance d’action réduite mais bénéficiant d’une tolérance satisfaisante sont utilisés : la captodiamine (Covatine) et l’étifoxine (Stresam).

Principaux effets indésirables

→ Somnolence en début de traitement.

Contre-indications

Seul Stresam présente des contre-indications :

→ état de choc ;

→ insuffisance hépatique ou rénale sévère ;

→ myasthénie.

Mélatonine

L’unique spécialité disponible est un hypnotique : Circadin. Son périmètre d’indication est restreint à un usage en monothérapie pour le traitement à court terme de l’insomnie primaire chez le patient de plus de 55 ans. La HAS préconise une durée maximale de traitement de 3 semaines.

Principaux effets indésirables

→ Céphalées.

→ Rhinopharyngite.

→ Dorsalgies et arthralgies.

CAS N° 8 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Brûlures d’estomac

M. T., 47 ans, négociant agricole, est traité par Valium dans un condiv de sevrage d’alcoolodépendance (diazépam 10 mg, 1/2 cp le matin et le midi et 1 cp le soir). Se plaignant de douleurs digestives à prédominance nocturne, il sollicite un traitement par cimétidine dont lui a parlé un ami. Le pharmacien lui propose Stomédine 200 mg, à raison de 1 à 2 comprimés chaque soir pendant 5 jours.

Ce traitement expose-t-il à une interaction ?

Non. La dose de cimétidine utilisée est trop faible.

ANALYSE DU CAS

→ La cimétidine, un antihistaminique H2 prescrit notamment dans le traitement des brûlures d’estomac, est disponible sans ordonnance sous forme de comprimés effervescents dosés à 200 mg (Stomédine). Le traitement ne peut excéder cinq jours.

→ La cimétidine est un inhibiteur du cytochrome P450. Son usage à forte dose (? 800 mg/j) peut augmenter le taux sérique de diazépam avec risque de sédation : elle requiert donc une précaution d’emploi.

→ La dose maximale préconisée est ici de 400 mg/j : elle est très inférieure au seuil susceptible de donner lieu à une interaction.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien peut dispenser le médicament antiacide. Le risque de somnolence n’est a priori pas augmenté, ce qui aurait pu être dangereux pour monsieur T. en raison de ses fréquents déplacements en voiture.

→ Le pharmacien doit cependant convaincre M. T de consulter un médecin : les troubles digestifs, fréquents chez le sujet alcoolodépendant, nécessitent un diagnostic précis. Il serait imprudent que M. T. prolonge ce traitement plus de cinq jours, au risque de masquer une pathologie digestive sévère.

CAS N° 9 – CONTRE-INDICATIONS

Une machine bruyante

M. René L., 54 ans, est traité pour une apnée du sommeil depuis six mois. L’amélioration de ses paramètres respiratoires et de sa vigilance diurne est encourageante mais il supporte mal l’appareillage nocturne. Il présente aujourd’hui une ordonnance de son généraliste comprenant une benzodiazépine (Normison 20 mg, 1 comprimé au coucher) afin d’améliorer son sommeil.

Le pharmacien peut-il dispenser ce traitement ?

Non. L’administration d’une benzodiazépine est contre-indiquée en cas d’apnée du sommeil.

ANALYSE DU CAS

→ M. L. est traité depuis plusieurs années pour une apnée du sommeil par une pompe à pression positive continue.

→ S’étant plaint auprès du médecin de difficultés à dormir à cause du son du moteur de l’appareil, celui-ci lui a prescrit une benzodiazépine hypnotique, le témazépam (Normison).

→ Or, l’usage d’une benzodiazépine augmente durant le sommeil la fréquence des pauses respiratoires.

→ Ces pauses respiratoires sont absolument à éviter. En effet, des études suggèrent un lien entre l’hypo-oxygénation du cerveau liée aux épisodes d’apnée et une fréquence accrue des événements cardiovasculaires (AVC, infarctus du myocarde) survenant pendant le sommeil.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien ne dispense pas le traitement hypnotique.

→ Il contacte le médecin. Ce dernier convient de l’erreur et prie le patient de revenir au cabinet pour une nouvelle prescription.

→ Finalement, monsieur L. revient à l’officine avec une ordonnance de Théralène (soluté buvable 4 %, 20 gouttes au coucher). Ce sédatif antihistaminique devrait contribuer à faciliter son repos et n’expose pas à un risque de dépression respiratoire. Anxiolytiques et hypnotiques

CAS N° 10 – CONTRE-INDICATIONS

Un conseil peu judicieux

M. Raoul T., 63 ans, vient renouveler une ordonnance associant un traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate par Josir LP (tamsulosine 0,4 mg, 1 gélule chaque matin) et un traitement antihypertenseur (irbésartan 300 mg, 1cp le matin). Stressé par une intervention chirurgicale qu’a subie sa femme, encore hospitalisée, il dort mal depuis 3 jours et demande conseil. L’étudiant en pharmacie qui le sert préconise la prise de Doxylamine Sandoz Conseil (1 cp à 15 mg le soir, une demi-heure avant le coucher).

Ce conseil est-il adapté ?

Non. La doxylamine est contre-indiquée en cas de trouble urétroprostatique avec risque de rétention urinaire.

ANALYSE DU CAS

→ La tamsulosine (Josir LP 0,4 mg), un alphabloquant, induit la relaxation des fibres lisses de la prostate et de l’urètre. Elle est indiquée dans le traitement symptomatique de l’hypertrophie bénigne de la prostate.

→ La doxylamine est indiquée dans l’insomnie transitoire de l’adulte à la dose de 7,5 à 15 mg/j, portée à 30 mg/j si nécessaire pendant 2 à 5 jours au maximum, période au-delà de laquelle ce traitement sera réévalué si l’insomnie persiste.

→ Elle exerce une action antihistaminique H1 puissamment sédative, qu’accompagne une composante anticholinergique significative.

→ Les médicaments anticholinergiques font courir un risque de rétention urinaire : leur usage est contre-indiqué en cas de trouble urétroprostatique.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien, en validant la dispensation de l’étudiant en pharmacie, retire la doxylamine et lui en explique la raison.

→ Il conseille à M. T. le recours à un sédatif léger, suffisant en cas de troubles du sommeil passagers et ne faisant pas l’objet d’une contre-indication avec ses troubles prostatiques.

→ Le pharmacien propose par exemple des associations d’extraits secs de plantes sédatives. Les données cliniques montrent que les extraits végétaux ont une efficacité limitée mais un index thérapeutique favorable. Ces somnifères et tranquillisants mineurs ne donnent pas lieu à des interactions et n’ont pas de contre-indications.

CAS N° 11 – PROFILS PARTICULIERS

Une respiration difficile

M. Arnaud S., 27 ans, bénéficie d’une substitution opiacée par buprénorphine (12 mg le matin). Son frère apprend au pharmacien qu’il a été hospitalisé la veille pour détresse respiratoire. En proie à une soudaine et violente angoisse, il a pris 18 mg de buprénorphine et, une demi-heure plus tard, a avalé 6 comprimés de diazépam 10 mg de son armoire à pharmacie ainsi que de l’alcool. Rapidement, la fréquence des mouvements respiratoires du jeune homme s’est réduite comme l’amplitude de sa respiration ; il s’est montré soudain très abattu et a été sujet à des pauses respiratoires inquiétantes. Son frère a appelé le SAMU.

Le pharmacien est-il étonné de cet accident ?

Non. L’association de buprénorphine et de diazépam potentialise le risque de dépression respiratoire attaché à chaque médicament.

ANALYSE DU CAS

→ La buprénorphine est un opioïde connu comme susceptible d’induire une dépression respiratoire. Il s’agit d’un effet iatrogène d’origine centrale (action dépressive sur le centre de la respiration dans le bulbe rachidien) commun aux produits de cette famille : codéine, fentanyl, hydromorphone, méthadone, morphine, oxycodone, etc.

→ Le diazépam, comme toutes les benzodiazépines, est également susceptible d’induire une dépression respiratoire dose-dépendante avec chute du volume courant (action myorelaxante) et augmentation du rythme ventilatoire.

→ L’association de ces deux médicaments potentialise le risque pour la ventilation.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Les usagers abusifs de médicaments ou de drogues connaissent généralement les risques attachés au mésusage des médicaments.

→ Le pharmacien incite le frère de monsieur S. à retirer tout médicament inutilisé et produit alcoolisé de son domicile. Il lui recommande également d’informer le médecin traitant de cet événement ayant conduit à appeler le SAMU pour réévaluer le traitement et l’état psychologique de monsieur S.

CAS N° 12 – PROFILS PARTICULIERS

Une future maman inquiète

Mme Julie R., 28 ans, va être maman dans 3 mois. Cette jeune femme attachée de presse est épanouie par sa grossesse mais stressée par une activité professionnelle accaparante. Elle entre dans une pharmacie pour demander l’avis d’un professionnel de santé : depuis une semaine, elle a utilisé Urbanyl 10 mg dont elle disposait dans l’armoire à pharmacie familiale et a pris 1 comprimé du médicament matin et soir. Un reportage télévisé sur les risques liés à la prise de médicaments pendant la grossesse l’a alarmée : son futur bébé court-il un risque ?

Le pharmacien peut-il la rassurer ?

Oui. Les benzodiazépines n’exposent pas à un risque tératogène.

ANALYSE DU CAS

→ Mme R., stressée par son travail, a utilisé une benzodiazépine anxiolytique, le clobazam, pendant une semaine à la posologie faible (20 mg/j) qu’elle avait pu utiliser avant sa grossesse.

→ La prise d’une benzodiazépine ou d’une molécule apparentée pendant la grossesse n’induit pas de risque malformatif connu (y compris lorsque l’exposition a lieu aux périodes de formation des organes).

→ Une exposition durable du fœtus peut se traduire par une diminution de ses mouvements in utero et par divers signes d’imprégnation observés après l’accouchement.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien vérifie sur le site du centre de référence sur les agents tératogènes (www.crat.org) l’absence de risque malformatif attribué au clobazam pris pendant la grossesse.

→ Mme R. n’a pas d’inquiétude à avoir.

→ Pour autant, il importe de ne pas sous-estimer sa plainte et d’inviter Mme R. à consulter un médecin pour gérer au mieux une angoisse qui peut devenir plus prégnante pendant la grossesse.

→ Dans l’attente, le pharmacien peut conseiller l’utilisation de médicaments homéopathiques.

CAS N° 13 – PROFILS PARTICULIERS

Un gros dodo pour Noémie

Mme Eva G., 22 ans, vient de reprendre son travail après son congé maternité. Elle continue à allaiter sa fille, Noémie, 3 fois par jour (matin, soir et nuit). La petite fille de 5 mois se porte bien mais sa maman remarque qu’elle est somnolente et tète de façon moins efficace. Questionnée par le pharmacien, la jeune femme évoque un traitement par lorazépam qu’elle a repris d’elle-même, depuis 15 jours, à la suite d’un stress professionnel (Témesta 2,5 mg, 1cp matin et soir).

La somnolence de Noémie est-elle liée à la prise de lorazépam par sa maman ?

Probablement. Le passage dans le lait maternel de benzodiazépine peut induire un syndrome d’imprégnation du nourrisson avec sédation.

ANALYSE DU CAS

→ Noémie dort beaucoup et sa succion est moins bonne : ces signes peuvent être ceux d’une sédation induite par l’usage d’une benzodiazépine, dont le passage dans le lait maternel n’est pas négligeable.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le pharmacien rappelle qu’il ne faut pas prendre d’anxiolytique sans avis médical et éviter absolument l’automédication pendant l’allaitement.

→ Il recommande à Mme G. de consulter rapidement un médecin qui pourra, si nécessaire, lui prescrire un anxiolytique compatible avec l’allaitement.

→ Le Centre de référence des agents tératogènes préconise de recourir, s’agissant d’un anxiolytique, à l’oxazépam (Séresta) dans la limite de 10 mg trois fois par jour, et, s’agissant d’un hypnotique, au zolpidem ou à la zopiclone.

→ L’allaitement est déconseillé lors de l’usage d’hydroxyzine vu son action sédative et atropinique. Le sirop contient des terpènes et de l’alcool.

→ Le risque de sédation ou d’excitation paradoxale du nouveau-né fait déconseiller l’alimémazine (Théralène) et la doxylamine (Donormyl) en cas d’allaitement.

→ L’usage de Buspirone, Stresam ou Covatine n’est pas conseillé en l’absence d’études.

CAS N° 14 – PROFILS PARTICULIERS

De la mélatonine pour Ariel ?

Après de nombreuses heures passées le soir sur son ordinateur et son smartphone, Ariel H., 15 ans, dort mal la nuit et présente des épisodes de somnolence diurne. Ses résultats scolaires sont en baisse. Sa maman sollicite le pharmacien. Elle hésite à lui donner un peu de bromazépam qu’elle utilise « pour ne pas l’habituer à ce médicament » : elle préférerait recourir à un complément alimentaire à base de mélatonine.

Le pharmacien peut-il dispenser de la mélatonine ?

Rien ne s’oppose légalement à cette dispensation. Pour autant, elle reste fortement déconseillée dans ce condiv.

ANALYSE DU CAS

→ Rester longtemps devant un écran le soir peut entraîner des troubles du sommeil.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Il faut conforter la maman dans sa position : le recours, même transitoire, à une benzodiazépine chez un enfant ou un adolescent reste affaire de spécialiste.

→ L’emploi de la mélatonine chez l’enfant et l’adolescent n’est pas documenté. L’unique médicament à base de mélatonine bénéficiant d’une AMM (Circadin) est indiqué dans le traitement à court terme d’une insomnie caractérisée par un sommeil de mauvaise qualité chez le patient ≥ 55 ans.

→ Le pharmacien insiste sur le nécessaire respect de règles d’hygiène de vie : garder des horaires de sommeil réguliers, ne pas consommer de boissons excitantes le soir, éviter de regarder un écran au moins une heure avant le coucher, dormir dans une chambre fraîche…

→ Un traitement sédatif léger par homéopathie ou à base de phytothérapie pourra éventuellement être proposé.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance

Validation de l’ordonnance

→ L’ordonnance est-elle valide ?

L’usage abusif et détourné des benzodiazépines (BZD) doit conduire à une attention particulière concernant la falsification d’ordonnance.

→ La durée de prescription est-elle conforme à la réglementation ?

La durée maximale de prescription est de 12 semaines pour les anxiolytiques (BZD, buspirone et hydroxyzine) et de 4 semaines pour les BZD et apparentés hypnotiques. L’ordonnance est non renouvelable.

Le clorazépate dipotassique dosé à 20 mg est un médicament assimilé stupéfiant. Sa durée de prescription est réduite à 4 semaines.

Profil physiopathologique du patient

→ Est-ce une personne âgée ?

Les sujets âgés étant plus exposés aux effets indésirables des BZD (chutes, troubles de la mémoire), les doses doivent être réduites de moitié et le traitement le plus court possible. Les BZD à demi-vie intermédiaire (10 à 24 heures) et sans métabolite actif doivent être privilégiées.

→ Est-ce une femme en âge de procréer ?

Les anxiolytiques et hypnotiques ne sont pas tératogènes. Un projet de grossesse impose une réévaluation du traitement : l’oxazépam et l’hydroxyzine seront privilégiés comme anxiolytiques ; la doxylamine, la zopiclone et le zolpidem comme hypnotiques (source : CRAT).

→ Est-ce une femme allaitante ?

Les anxiolytiques et hypnotiques passent dans le lait maternel et peuvent entraîner une sédation du nourrisson. L’utilisation d’oxazépam, de zopiclone et zolpidem est à privilégier (source : CRAT).

→ Le patient souffre-t-il d’une pathologie contre-indiquant le traitement ?

– Benzodiazépine : insuffisance respiratoire et syndrome d’apnée du sommeil, myasthénie…

– Antihistaminiques : troubles urétroprostatiques, risque de glaucome par fermeture de l’angle…

Médicaments associés

→ Y a-t-il une interaction médicamenteuse ?

– Benzodiazépines, antihistaminiques et dépresseurs du système nerveux central.

– Benzodiazépines et dépresseurs respiratoires.

– Antihistaminiques et anticholinergiques.

Surveillance du traitement

→ Le patient se plaint-il de somnolence et de troubles de la mémoire ?

Les benzodiazépines et apparentés et les antihistaminiques exposent à des effets sédatifs et une altération des fonctions psychomotrices en fonction de la dose et de la sensibilité du patient. Il faut en tenir compte notamment dans le cadre de la conduite de véhicules. Une consommation d’alcool majore ces effets indésirables.

→ Le patient connaît-il le délai d’action de son traitement par buspirone ?

La buspirone agit au bout de 10 à 15 jours de traitement. Une benzodiazépine peut être prescrite dans l’intervalle.

→ Le patient a-t-il compris le schéma posologique d’arrêt des benzodiazépines ?

Les benzodiazépines et apparentés peuvent entraîner une tolérance et une dépendance qui justifie un traitement de courte durée.

L’arrêt brutal peut induire un phénomène de rebond anxieux ou insomniaque. Un arrêt progressif doit être envisagé sur une durée allant de quelques semaines à plusieurs mois.

Consommation de benzodiazépines : chiffres 2012*

→ En 2012, 11,5 millions de Français ont consommé au moins une fois une benzodiazépine : 7 millions un anxiolytique, 4,2 millions un hypnotique et 0,3million du clonazépam.

→ Entre 2007 et 2012, le nombre d’usagers réguliers d’anxiolytique est stable ; celui de benzodiazépine hypnotique a augmenté de près de 5 %.

→ Les benzodiazépines représentent en volume 4 % de la consommation totale des médicaments en France.

→ Les molécules les plus utilisées sont l’alprazolam, le zolpidem et le bromazépam.

→ Environ 22 % des usagers associent au moins deux benzodiazépines et 0,7 % trois.

→ 64,2 % des usagers de benzodiazépines sont des femmes. L’âge médian est de 56 ans.

→ Le temps d’utilisation annuel des benzodiazépines anxiolytiques est voisin de 5 mois, et celui des benzodiazépines hypnotiques voisin de 4 mois. Les sujets de plus de 65 ans sont ceux qui en consomment de la façon la plus durable. Ces chiffres sont très supérieurs à ceux des recommandations actuelles : depuis 1991, la durée maximale de prescription est limitée à 12 semaines pour les anxiolytiques et à 4 semaines pour les hypnotiques.

→ Environ 16 % des consommateurs de benzodiazépines, toutes molécules confondues, y ont recours de façon continue.

→ 20 % des effets iatrogènes graves rapportés avec les benzodiazépines sont des affections du système nerveux central (somnolence, troubles de la conscience, avec risque de chute notamment chez le sujet âgé, etc.) et 15 % des troubles psychiatriques (confusion mentale, agitation, désorientation, peut-être survenue précoce d’une démence, etc.). Elles induisent aussi un risque d’abus avec tolérance, et de pharmacodépendance avec signes de sevrage à l’arrêt.

→ Les benzodiazépines et apparentés accroissent significativement le risque d’accident de la circulation.

* « Etat des lieux de la consommation des benzodiazépines en France », ANSM, décembre 2013

Tolérance, dépendance et abus

→ Les benzodiazépines et apparentés induisent une tolérance et une dépendance expliquant un usage parfois abusif. Alprazolam, bromazépam, diazépam, oxazépam et zolpidem sont les cinq benzodiazépines faisant le plus souvent l’objet d’usage abusif par des patients suivis en médecine générale.

→ La tolérance (ou accoutumance) résulte d’une réduction progressive de l’effet thérapeutique de la benzodiazépine en quelques semaines ; elle se traduit par l’augmentation progressive des doses pour ressentir des effets suffisants.

→ La dépendance se traduit par un malaise physique et psychique lors de l’arrêt brutal du traitement, expliquant la difficulté à y mettre fin. Les signes caractérisant ce sevrage sont : l’insomnie, l’anxiété, l’irritabilité, des myalgies, plus rarement de l’agitation, de la confusion mentale, des sensations de picotement des extrémités (paresthésies), des hallucinations, des convulsions.

→ La dépendance s’observe plus souvent après un usage prolongé de fortes doses, mais elle peut aussi survenir à dose thérapeutique, chez un patient sans risque spécifique et sans comorbidité addictive (alcoolisme et/ou tabagisme notamment).

→ De façon générale, un traitement par anxiolytique ne devrait pas être prolongé plus de 12 semaines, et par hypnotique plus de 4 semaines au maximum. Certains médicaments sont soumis à des règles de prescription plus strictes.

→ La législation évolue régulièrement pour limiter le mésusage ou l’abus. Par exemple, la prescription du clorazépate (Tranxène) 20 mg, particulièrement source de mésusage, se fait sur ordonnance sécurisée et limitée à 28 jours. Le clorazépate 50 mg n’est plus commercialisé.

→ L’ANSM envisage d’imposer de nouvelles mesures qui pourraient aller jusqu’à la prescription sur ordonnances sécurisées de toutes les benzodiazépines.

→ Hydroxyzine, buspirone et antihistaminiques n’exposent pas à ce risque.

Benzodiazépines et risque de chute chez le sujet âgé

→ Le sujet âgé, dormant moins profondément et ayant un sommeil fractionné, se plaint fréquemment d’insomnie. Souvent, il sollicite donc la prescription de médicaments hypnotiques : près d’un tiers des personnes de plus de 65 ans sont exposées aux benzodiazépines hypnotiques et près de 40 % des sujets de plus de 85 ans. Plus de la moitié de ces traitements ne seraient pas indiqués, l’insomnie véritable étant rare chez le sujet âgé.

→ Les chutes liées à la prise d’hypnotiques ont une origine multiple : modifications liées au vieillissement physiologique (diminution de l’acuité visuelle et auditive, ralentissement moteur, troubles de la statique…), troubles de la vigilance, comorbidités (arthrose, maladies cardiovasculaires avec hypotension…), polymédication, modifications de la pharmacocinétique des hypnotiques (demi-vie du diazépam multipliée par 4 chez le sujet âgé, clairance réduite pour les benzodiazépines subissant une oxydation hépatique comme le bromazépam…), sensibilité pharmacologique accrue aux benzodiazépines et apparentés.

→ Le risque de chute est significativement augmenté lorsque le traitement est prolongé (> 4 jours) ou que la demi-vie d’élimination est longue (nitrazépam) : elles accroissent la désorientation du patient et leur action myorelaxante est à l’origine de troubles de la statique qui peuvent perdurer jusqu’au lendemain de la prise.

→ Toute chute peut avoir des conséquences redoutables : traumatismes et fractures, imposant des gestes chirurgicaux ou une hospitalisation avec de possibles conséquences iatrogènes (infections nosocomiales), handicap définitif, perte d’autonomie et de confiance en soi (syndrome « postchute »), nécessité de placement en institution, etc.

→ La Haute Autorité de Santé (HAS) encourage l’arrêt ou la réduction de l’administration des hypnotiques chez le sujet âgé. Le prescripteur doit consacrer du temps à l’analyse de la plainte du patient et éliminer les causes habituelles des troubles du sommeil au grand âge : dépression, douleurs, problèmes urinaires, etc.

Effets anticholinergiques de certains anxiolytiques et hypnotiques

→ De nombreux médicaments exercent une action anticholinergique (atropinique) qui, soit constitue leur intérêt thérapeutique, soit constitue une composante pharmacologique indésirable, à l’origine de possibles réactions iatrogènes.

→ Parmi eux, les médicaments indiqués comme anxiolytiques ou hypnotiques ont un effet anticholinergique variable :

– effet atropinique moyen à puissant : divers tricycliques dont la prométhazine (Phénergan, indiqué dans les insomnies transitoires), des antihistaminiques dont l’hydroxyzine (Atarax) ;

– effet atropinique léger : certaines benzodiazépines telles que le clorazépate (Tranxène) et le diazépam (Valium), l’alimémazine (Théralène), la doxylamine (Donormyl, Noctyl, Lidène…).

→ Ces médicaments peuvent être à l’origine de manifestations caractéristiques évocatrices d’un syndrome anticholinergique : sécheresse des muqueuses nasales et pharyngées (avec toux sèche), insuffisance salivaire et lacrymale, diminution des sécrétions et du péristaltisme intestinal (avec constipation), troubles oculaires (troubles de l’accommodation, diplopie, augmentation de la pression intraoculaire, etc.), rétention urinaire.

→ Utilisés avec prudence dans certaines situations (troubles cognitifs, syndrome confusionnel) ainsi que chez le sujet âgé (risque de confusion mentale), ils sont contre-indiqués en cas de risque de rétention urinaire par trouble urétroprostatique et de glaucome à angle fermé.

→ Leur association à l’atropine ou à d’autres substances anticholinergiques (antidépresseurs imipraminiques, antiparkinsoniens anticholinergiques, antispasmodiques atropiniques, disopyramide, neuroleptiques phénothiaziniques, etc.) peut être à l’origine d’une potentialisation des effets indésirables anticholinergiques.

Benzodiazépines et médicaments dépresseurs de la respiration

→ Les benzodiazépines comme les molécules apparentées peuvent être à l’origine d’une dépression respiratoire.

→ Les opiacés agissent par réduction de la sensibilité des centres respiratoires du tronc cérébral à une augmentation de la pression artérielle en CO2. A forte dose, ils dépriment la respiration avec bradypnée (< 8 respirations/minute, avec risque d’apparition d’un rythme anormal de respiration alternant apnée et respiration rapide et profonde, appelé respiration de Cheyne-Stokes). A dose toxique, ils entraînent une apnée. Une cyanose périphérique traduit l’intensité de l’hypoxémie.

→ L’usage des opiacés est donc contre-indiqué en cas d’insuffisance respiratoire sévère ou de syndrome d’apnée du sommeil.

→ Il faut noter que l’anxiété et l’agitation peuvent constituer des signes d’appel d’une décompensation respiratoire.

→ Le risque lié à l’association d’une benzodiazépine ou d’une molécule apparentée avec un dérivé morphinique (analgésique, antitussif, traitement de substitution) ou un barbiturique doit être pris en compte : le risque de dépression respiratoire est majoré et l’association peut être fatale en cas de surdosage.

→ La dépression respiratoire sous benzodiazépine et apparentés peut être levée par l’administration par voie intraveineuse d’un antagoniste spécifique : le flumazénil.

→ La dépression respiratoire sous opioïde est levée par administration par voie intraveineuse d’un antagoniste spécifique des morphinomimétiques : la naloxone. Cet antagoniste est peu efficace sur une dépression respiratoire induite par la buprénorphine (agoniste-antagoniste).

→ Une dépression respiratoire d’origine mixte (benzodiazépine et opiacée) impose une intubation avec ventilation mécanique pour restaurer l’oxygénation tissulaire.

Tranquilisants et hypnotiques pendant la grossesse

→ A ce jour, les anxiolytiques et les hypnotiques, même utilisés pendant le premier mois de grossesse, n’ont pas montré d’effet tératogène. Leur index thérapeutique est satisfaisant.

→ Avant la conception, la prise de benzodiazépines ou apparentés n’a pas d’incidence sur la conception et la fertilité. Il n’y a pas lieu d’anticiper l’arrêt du traitement.

→ Pendant la grossesse, le traitement anxiolytique ou hypnotique doit être justifié médicalement et être aussi bref que possible (les conséquences d’une imprégnation sur le cerveau fœtal restent inconnues). L’usage d’une benzodiazépine pendant le 2e et/ou le 3e trimestre de la grossesse peut induire une diminution des mouvements du fœtus et une variabilité de son rythme cardiaque : ces signes régressent sans séquelle à l’arrêt du traitement. S’il faut recourir à un traitement, le choix privilégieral’oxazépam (Séresta) ou l’hydroxyzine (Atarax) comme anxiolytiques, aux doses efficaces les plus réduites possible sans pour autant « sous-doser » la femme enceinte ; la doxylamine (en première ligne), le zolpidem ou la zopiclone comme hypnotiques.

→ Juste avant l’accouchement, l’équipe de la maternité doit être avertie d’une prise d’anxiolytique ou d’hypnotique afin d’adapter l’accueil du nouveau-né, en effet :

– l’administration d’hydroxyzine (dose > 100 mg/j) peut entraîner des effets iatrogènes atropiniques et sédatifs chez le nouveau-né ;

– les benzodiazépines peuvent induire des signes d’imprégnation dès la naissance (hypotonie, troubles de la succion, mauvaise prise de poids). Ces signes peuvent persister 1 à 3 semaines après l’accouchement selon la durée de la demi-vie d’élimination de la benzodiazépine ;

– des doses très élevées de benzodiazépine peuvent induire une dépression respiratoire, une apnée du nouveau-né ou une hypothermie.

→ Un syndrome de sevrage néonatal peut être observé même après la prise de faibles doses de benzodiazépine et même si ce traitement est arrêté quelques jours avant l’accouchement : hyperexcitabilité, agitation, tremblements.

Centre de référence sur les agents tératogènes : Tél./fax : 01 43 41 26 22 ; mail : crat.secretariat@trs.aphp.fr ; www.lecrat.org

* M.-L. Laroche et al.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !