LE SPECTRE DES GRANDS CONDITIONNEMENTS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3031 du 10/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3031 du 10/05/2014
 
PARACÉTAMOL

L’événement

Auteur(s) : François Pouzaud

Le gouvernement envisage d’augmenter la taille des conditionnements sur le paracétamol, en complément d’une baisse de prix des spécialités de marque au 1er janvier 2015. Indignés, les syndicats de pharmaciens y voient une mesure compensatoire pour Sanofi et BMS sur le dos de l’officine, qui risque de perdre 50 à 100 millions d’euros de marge, et plus encore en 2015 avec la future rémunération à la boîte.

En répondant le 29 avril au sénateur du Lot-et-Garonne, Henri Tandonnet (UDI), qui l’avait interpellé sur l’inscription du paracétamol au répertoire des génériques, Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat sous tutelle du ministère de la Santé, a confirmé que les négociations sur les baisses de prix sur le paracétamol vont se poursuivre entre les industriels et le Comité économique des produits de santé (CEPS).

La baisse applicable au 1er janvier prochain pourrait être plus importante que celle qui a déjà été envisagée (6,7 %). C’est pourquoi le gouvernement souhaite l’assortir d’une mesure d’accompagnement sur les grands conditionnements. Si la mesure est adoptée, les pharmaciens d’officine seront donc une nouvelle fois les dindons de la farce. « La stratégie appliquée est la même que dans d’autres pays européens (Belgique, Pays-Bas, Portugal, Angleterre…), qui ont adopté des grands conditionnements : changer la taille des boîtes pour baisser la marge des pharmaciens et augmenter les profits des laboratoires pharmaceutiques », tempête Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO). Très remonté, il annonce une perte de marge de l’ordre de 50 à 100 M€. Michel Caillaud, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), ne décolère pas non plus. « Les laboratoires et l’Etat sont en train de négocier la façon de compenser les baisses de prix industriels sur le dos de l’officine, ce sont 500 millions de boîtes de paracétamol, codéinés compris, qui sont en jeu », rappelle-t-il. De son côté, Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a immédiatement interpellé le cabinet de Marisol Touraine.

Il attend une réponse claire avant de décider des suites à donner à cette annonce, si elle était confirmée. « Si le but recherché par cette mesure est d’aller toucher l’officine, ce n’est pas acceptable ! Il faut que l’Etat et l’Assurance maladie respectent les équilibres qui ont amené à fixer les chiffres de la nouvelle rémunération, sinon cela ne veut plus rien dire », martèle-t-il.

Une réflexion « cousue de fil blanc »

Après l’annonce d’un nouveau plan de rigueur de 3,5 milliards d’euros d’économies sur le médicament, le spectre des grands conditionnements sur le paracétamol fragilise à son tour la réforme introduisant la nouvelle rémunération, alors que la moitié de la rémunération actuelle du pharmacien sur cette molécule est liée au forfait à la boîte. En effet, l’officine perdrait encore plus de marge là où elle escomptait en gagner, avec la nouvelle marge dégressive lissée plus rémunératrice sur les médicaments de faible prix (de PFHT inférieur à 1,91 €), du fait du transfert des ventes de paracétamol en boîte de 8 ou 16 comprimés vers des présentations de prix plus élevé. « Ce sont les pharmacies rurales qui ont une clientèle importante de patients souffrant de douleurs chroniques, consommant plus d’une dizaine de boîtes de paracétamol par mois, qui seront le plus pénalisées », ajoute Gilles Bonnefond, pas franchement surpris par l’annonce du gouvernement. « C’était cousu de fil blanc ! Les laboratoires concernés sont prêts à tout, à consentir des baisses de prix et à accepter les grands conditionnements, pour que le paracétamol ne rentre pas au répertoire des génériques. » Répondant aux accusations du président de l’USPO, Benoît Gallet, vice-président de BMS France, dément être l’instigateur de cette annonce gouvernementale. « Il n’y a à ce jour aucune négociation en cours avec le CEPS et notre laboratoire n’a pas été approché pour discuter d’une modification de la taille des conditionnements du paracétamol, affirme-t-il, même si nous connaissons l’intérêt des services techniques du ministère de la santé pour cette mesure ». En France, cette taille étant extrêmement réglementée et limitée à 8 g pour des raisons de santé publique, autoriser des grands conditionnements suppose l’accord préalable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

« Quel serait notre intérêt de négocier des grands formats qui vont nécessiter une modification de notre outil industriel ? », ajoute Benoît Gallet.

Quant à Sanofi, il n’a pas souhaité faire de commentaire sur ce sujet très sensible qui risque de compromettre la signature de l’avenant rémunération.

La piste des honoraires à l’ordonnance relancée ?

Cette nouvelle péripétie ne fait que conforter les craintes de l’USPO et apporter de l’eau au moulin de Gilles Bonnefond qui appelle depuis plusieurs semaines la profession à se mobiliser contre la réforme de la rémunération. « Il faut sortir du piège de l’honoraire de 1 € à la boîte, et repartir sur une nouvelle négociation en allant vers une stratégie des honoraires à l’ordonnance », exhorte-t-il. C’est ce que ne cesse de réclamer l’UNPF, qui soutient depuis le début des négociations qu’une autre réforme est possible. « La réforme actuelle nous emmène droit dans le mur et les grands conditionnements sur le paracétamol ne feront qu’amplifier l’allure », met en garde Michel Caillaud. Pour Philippe Gaertner, il va de soi que l’introduction de grands conditionnements ne sera pas possible sans mesures compensatoires pour l’officine. « Nous aurons d’autres revendications », annonce clairement le président de la FSPF. Et si elles ne sont pas satisfaites, il ne signera pas l’avenant sur la rémunération. Le président de l’UNPF redoute que cette succession de mesures contre l’officine conduise la profession à sortir de ses gongs. « Se sentant prise au piège, on peut s’attendre à ce qu’elle réagisse violemment en interne comme en externe ».

Le mouvement de rassemblement et de protestation de la profession réclamé par l’USPO (syndicats, collectifs de groupements, adjoints, étudiants…), pour décider des actions à mener, est un véritable coup de semonce adressé au gouvernement. Gageons qu’il saura en prendre la mesure.

Générique du paracétamol : six députés font appel à Marisol Touraine

« Le gain financier espéré de cette mesure est minime alors qu’elle risque de causer beaucoup de dégâts sur l’emploi local ». Le député UMP Jean Pierre Door ne mâche pas ses mots. L’élu du Loiret se montre très inquiet sur les conséquences sur l’emploi de l’introduction du paracétamol dans le répertoire des médicaments génériques. Alors que la décision gouvernementale se fait attendre, avec cinq autres députés de différents bords politique Patrice Carvalho (PC), Clotilde Valter (PS), Lucette Lousteau (PS), Conchita Lacuey (PS) et Jean-Pierre Blazy (PS), il a adressé un courrier à Marisol Touraine pour l’alerter. Si « une concurrence aiguë se développait sur les prix, des délocalisations s'ensuivraient afin de produire les médicaments concernés dans des pays à faible coût de main d'œuvre, alors qu'ils sont aujourd'hui produits en France », indique la lettre. La menace planerait sur le site de distribution d’Amilly (Loiret) de Sanofi qui emploie 300 personnes, selon le député. « Cette affaire n’a rien de politique », conclut-il.

Loan Tranthimy

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