MARIE-THÉRÈSE HENRY, PHARMACIEN RÉFÉRENT EN EHPAD - Le Moniteur des Pharmacies n° 3030 du 03/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3030 du 03/05/2014
 
HAROUÉ (MEURTHE-ET-MOSELLE)

Reportage

Auteur(s) : Marie Luginsland

Etre pharmacien référent au sein d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ce n’est pas seulement l’approvisionner en médicaments. La titulaire Marie-Thérèse Henry a endossé ce rôle à titre expérimental, comme une quinzaine de ses confrères en Lorraine. Retour sur une expérience qui dessine l’avenir du métier officinal.

Marie-Thérèse Henry est pharmacienne titulaire à Haroué, commune rurale de 500 habitants en Meurthe-et-Moselle. Entre novembre 2010 et juin 2013, elle a expérimenté la mission de pharmacien référent en EHPAD. Cette initiative s’est inscrite dans la conduite d’expérimentations prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2009. Il s’agissait d’évaluer les conséquences d’une réintégration des médicaments dans le budget des EHPAD. Dans ce cadre, le pharmacien référent a pour mission de garantir une maîtrise des dépenses pharmaceutiques par ses actions : préparation des traitements, organisation du circuit de distribution par les infirmières, conservation des médicaments, etc.

Confection d’une échantillothèque de 160 références usuelles

L’expérimentation s’est déroulée sous la conduite de l’URPS-pharmaciens de Lorraine*. Comme une quinzaine de ses confrères, Marie-Thérèse Henry a franchi le pas. Ce fut dans l’EHPAD Beau Site d’Haroué, structure appartenant au groupe belge Acis, dont elle fournit les médicaments à 80 % des résidents. « Le pharmacien référent a une tout autre dimension. Il est garant du circuit du médicament dans l’établissement. C’est un professionnel de santé qui intervient dans l’EHPAD comme tout autre professionnel de santé. »

Parmi les actions menées par Marie-Thérèse Henry, la confection d’échantillothèque de médicaments. « J’y ai introduit les 160 comprimés et gélules les plus usuels parmi les médicaments prescrits aux résidents de l’EHPAD. Il s’agit d’antibiotiques comme de traitements de pathologies chroniques », indique la pharmacienne. Ce pilulier type, placé au-dessus du chariot des médicaments, Nathalie Henry, l’infirmière référente de l’EHPAD, le consulte et le compare au pilulier du résident. Un coup d’œil averti lui permet de vérifier que le contenu correspond au traitement prescrit.

Pendant deux années, la titulaire, qui avait pris la succession de son ex-associé comme pharmacien référent, s’est rendue indispensable au sein de cette structure de 82 lits. Au-delà de l’échantillothèque, elle a mis en place la réserve d’urgence de médicaments prévue par les divs. Son action s’est basée sur une observation et un diagnostic affiné du circuit du médicament. « Dans l’objectif de veiller à son bon usage et de prévenir les accidents iatrogènes, j’ai décelé les carences du circuit pharmaceutique au fur et à mesure du fonctionnement ou en discutant avec le médecin coordonnateur, la direction et le personnel soignant », indique Marie-Thérèse Henry. Le résident n’entre pas en contact direct avec le pharmacien référent, mais son bien-être et l’observance de son traitement ont été des priorités pour l’officinale.

Optimiser la traçabilité du médicament

Marie-Thérèse Henry a trouvé des astuces pour simplifier la délivrance du traitement et réduire les sources possibles d’erreurs. « Un papier mal classé peut, par exemple, être à l’origine de dysfonctionnements importants », note-t-elle. C’est ainsi qu’elle a préconisé l’abandon des classeurs de traitement pour écarter tout oubli de transcription. Médecin prescripteur, infirmières et pharmacien référent : tous ont « basculé » sur Titan. Ce logiciel spécialement conçu pour les EHPAD contient une base de données remise à jour au fur et à mesure des nouveaux traitements.

Cet allégement des dispositifs a également eu pour objectif d’optimiser la traçabilité du médicament. Dans ce but, Marie-Thérèse Henry a demandé aux équipes soignantes de conserver les boîtes de médicaments, pour chaque patient, afin de pouvoir retrouver instantanément les lots dispensés avec un historique d’un mois. Jacques Frustrin, médecin coordonnateur de l’EHPAD, rejoint Marie-Thérèse Henry sur cette analyse : « la traçabilité est le principal problème en EHPAD ». Pour lui, la confiance réciproque entre médecin, pharmacien et personnel soignant est essentielle : « Dans le cas contraire, nous sommes en grand danger, au plan légal et pénal. » Second domaine dans lequel il s’est félicité de la coopération avec le pharmacien référent : la continuité dans les génériques. « Il est par exemple inconcevable que le patient se voit dispenser d’un mois sur l’autre le losartan de laboratoires différents. »

Des relations durables avec les autres professionnels de santé

Autre combat commun entre le médecin coordonnateur et le pharmacien référent : le strict respect des galéniques. La collaboration est telle que, pour Jacques Frustrin, « on ne peut se passer de la vigilance du pharmacien, pour la validité de l’ordonnance, l’historique médicamenteux ou tout simplement pour me questionner sur un oubli éventuel ». En partageant les responsabilités avec les infirmières, notamment par la préparation des piluliers, Marie-Thérèse Henry et ses préparatrices leur ont permis de dégager du temps auprès des résidents. « Cela nous rend plus disponibles pour les visites médicales quotidiennes et pour suivre la dizaine de médecins traitants qui interviennent dans notre établissement », relève Nathalie Henry. « Il est évident que l’action du pharmacien référent permet de libérer le personnel qui pourrait alors se concentrer sur d’autres priorités, comme la gestion des chutes, de la douleur, des dépressions », note Laurence Banyasz, directrice de l’établissement.

Tout comme son équipe, cette dernière apprécie les relations qui se sont tissées avec les professionnels externes à l’établissement, dont Marie-Thérèse Henry : « Nous avons le sentiment de tous travailler en équipe. Et même si je n’ai pas à gérer ces professionnels de santé, nous ressentons une grande proximité. Cela se perçoit particulièrement lors des commissions qui se tiennent deux fois par an et auxquelles participent médecins, kinésithérapeutes, psychologues, infirmières, direction et pharmacien. » Par ailleurs, ajoute la directrice de l’EHPAD, l’intervention de ces professionnels garantit une certaine neutralité à l’établissement dans la mesure où ils conservent leur autonomie. « Ayant chacun notre mission, nous pouvons tous confronter nos points de vue », se félicite-t-elle.

Cette expérimentation, Marie-Thérèse Henry en parle désormais au passé. Elle a en effet été stoppée en juin dernier. Comme le rappelle Christophe Wilcke, président de l’URPS-pharmaciens de Lorraine, « c’est la conséquence de la décision de la représentation nationale. Elle estimait que la réintégration du médicament dans le forfait de soins n’apportait aucun bénéfice économique ni aucune plus-value sur le traitement des patients. En revanche, le travail de pharmacien référent n’avait pas du tout été remis en cause. » C’est donc à regret que Marie-Thérèse Henry a dû abandonner les tâches qu’elle effectuait au sein de l’établissement. « Sans la rémunération de 0,35 euro par patient et par jour, il ne m’était plus possible d’assurer ces services pour l’équilibre économique de mon officine », regrette-t-elle. En dépit de l’arrêt de l’expérimentation, les liens ne se sont pas distendus entre la titulaire et le personnel de l’EHPAD. Il n’est pas rare aujourd’hui que les infirmières la contactent pour lui demander des conseils. Ce qui la confirme dans ses convictions. « Si l’expérimentation avait été poursuivie, j’aurais voulu consacrer une matinée tous les quinze jours à la résidence Beau Site. Cela m’aurait donné l’occasion de passer en revue régulièrement les dysfonctionnements et d’ajuster certains traitements, en lien avec le médecin. » Non pour la posologie, car cela est du ressort du pharmacien fournisseur, mais pour l’adéquation des traitements. Trop souvent, par exemple, les supplémentations restent mal gérées.

* L’URPS-pharmaciens de Lorraine a publié novembre 2013 un guide de pharmacien référent consultable sur www.urpspharmacienslorraine.fr

Marie-Thérèse Henry en 3 dates

• 2005 : diplôme d’Etat de docteur en pharmacie à l’université de Nancy.

• 2005 : DU d’orthopédie.

• 2010 Installation à Haroué (Meurthe-et-Moselle).

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• La fonction de pharmacien référent modifie la relation avec les autres professionnels de santé et le regard qu’ils portent sur le métier officinal.

• Ce rôle renforce le travail d’équipe au sein de l’officine. Il responsabilise les collaborateurs qui s’intéressent à ce qui se passe au quotidien dans l’EHPAD.

L’inconvénient

• Que l’expérimentation ait été stoppée !

Le conseil

Il faut aborder ce nouveau rôle en fonction de sa personnalité. Il n’existe pas de schéma écrit. C’est donc au travers de sa sensibilité, des différents intervenants et de la structure elle-même que le pharmacien référent va configurer son intervention.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

« Notre intervention à la résidence Beau Site nous a permis de sortir de l’officine et du comptoir. C’est une autre facette concrète de notre métier qui supposait des techniques de travail et des responsabilités différentes. Cette rencontre entre deux mondes nous a permis de travailler sur le traitement des résidents de manière plus étroite avec les infirmiers et les médecins. Et aussi de faire appel à nos compétences dans le domaine thérapeutique. Les comprimés, les gélules, tout cela doit être très approfondi. Nous appréciions aussi beaucoup les contacts sur place. Résultat, nous revenions au comptoir plus impliquées et avec de meilleures connaissances dans le médicament. »

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