MÉDICAMENTS CONSEIL - Le Moniteur des Pharmacies n° 3025 du 29/03/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3025 du 29/03/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 – DOULEUR ET FIÈVRE

M. A. a une rage de dents

M. A., 42 ans, asthmatique, est connu de l’officine. Il y a un an, l’acide tiaprofénique prescrit pour une entorse lui avait déclenché une crise d’asthme. Ce samedi, la main sur la joue, M. A. fait part de son désarroi : depuis la veille, il souffre d’une douleur dentaire tenace mais ne pourra pas être reçu par le dentiste avant lundi soir. En attendant, 1?g de paracétamol trois fois par jour ne le soulage pas assez.

Quel autre antalgique conseiller à M. A. ?

Aucun ! L’ibuprofène, l’aspirine et la codéine sont, pour différentes raisons, contre-indiqués chez ce patient.

ANALYSE DU CAS

• Contre-indication des AINS : un antécédent d’asthme déclenché par la prise d’AINS ou d’aspirine contre-indique la réutilisation de tout autre AINS, y compris disponible sans ordonnance comme l’aspirine et l’ibuprofène. Les manifestations allergiques asthmatiformes sont des effets indésirables potentiels de tous les AINS. En effet, les AINS inhibent la métabolisation de l’acide arachidonique par les cyclo-oxygénases, ce qui a pour effet d’induire la transformation de l’acide arachidonique en leucotriènes par la lipo-oxygénase. Ces leucotriènes sont des médiateurs de l’allergie aux effets bronchoconstricteurs et pro-inflammatoires des voies respiratoires. Les patients présentant un asthme associé à une rhinite chronique, une sinusite chronique et/ou une polypose nasale ont un risque accru de manifestation allergique sous AINS les exposant à des bronchospasmes graves. Par ailleurs, en cas d’abcès dentaire, les AINS pris sans couverture antibiotique majorent le risque d’infection grave.

• Contre-indication de la codéine : la codéine, utilisée comme antitussif ou antalgique, peut, du fait de son mode d’action central, induire une dépression respiratoire, y compris aux doses thérapeutiques usuelles. Elle est contre-indiquée en cas d’asthme et d’insuffisance respiratoire (quel que soit son degré).

• Deux antalgiques pourraient éventuellement être indiqués chez ce patient, mais ils ne sont pas disponibles sans ordonnance : le néfopam, analgésique non morphinique aux propriétés antinociceptives qui ne provoque pas de détresse respiratoire, et le tramadol qui, bien que dérivé opiacé, n’est pas contre-indiqué chez l’asthmatique car les cas de dépression respiratoire s’observent surtout en cas de surdosage. Son utilisation chez l’insuffisant respiratoire fait toutefois l’objet de mises en garde dans les RCP.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique à M. A. qu’aucun des antalgiques disponibles sans ordonnance n’est adapté à son cas. En attendant la consultation dentaire, elle préconise d’augmenter la posologie de paracétamol à sa posologie maximale efficace, soit 4 g/j, et conseille un bain de bouche à base de chlorobutanol (analgésiant) et l’application d’une poche de froid sur la joue.

CAS N° 2 – DOULEUR ET FIÈVRE

« Je veux celui de la télévision »

En début de semaine, Renée D. a présenté une ordonnance d’Oravir (famciclovir), 500 mg 3 fois/jour, et une association paracétamol-tramadol (325/37,5) pour son mari, 54 ans, qui a un zona intercostal. Aujourd’hui, elle revient à la pharmacie : « Mon époux souffre toujours beaucoup. Il pourrait essayer l’antalgique qu’on voit à la télévision, celui qui cible la douleur. Il a l’air très efficace ! » Le pharmacien comprend que Renée veut de l’ibuprofène.

Peut-on accéder à la demande de Mme D ?

Non ! Mieux vaut ne pas utiliser d’ibuprofène en cas de zona.

ANALYSE DU CAS

• Une étude britannique de 2005 a conclu à un risque d’atteintes cutanées graves respectivement 5 et 1,6 fois plus élevé chez des enfants varicelleux et des adultes atteints de zona traités par AINS (ibuprofène dans 90 % des cas).

• Cette étude confortait un rapport de l’ANSM de 2004 émis suite à divers cas de pharmacovigilance, qui soulignait que les AINS ne sont pas recommandés pour traiter la fièvre et/ou la douleur de l’enfant atteint de varicelle. En effet, ils sont susceptibles d’aggraver les lésions cutanées liées au virus varicelle-zona et de favoriser la survenue de complications infectieuses type impétigo, abcès sous-cutanés, dermohypodermites (érysipèle, cellulite…) voire une fasciite nécrosante (surinfection invasive à streptocoque ou staphylocoque).

• L’aspirine, qui favorise la survenue de syndrome de Reye (complication hématoméningée potentiellement létale), est aussi à proscrire.

ATTITUDE À ADOPTER

En cas de zona, les antalgiques de première intention sont des associations de palier II. Le pharmacien déconseille l’ibuprofène en expliquant qu’il peut aggraver les lésions cutanées. Il recommande une nouvelle consultation médicale et suggère, en attendant, l’application locale de compresses humides fraîches.

CAS N° 3 – DOULEUR ET FIÈVRE

« Des pastilles, c’est plus sûr ! »

Chloé, 24 ans, enceinte de 6 mois, se plaint de maux de gorge sans autres symptômes pour l’instant. « Par téléphone, mon gynéco m’a conseillé du paracétamol mais pas d’anti-inflammatoire. Moi, je préfère d’abord essayer des pastilles à sucer, c’est plus sûr ! », relate-t-elle en saisissant une boîte de Strefen dans le rayon libre accès.

Chloé peut-elle acheter Strefen ?

Non, Strefen, bien que présenté en comprimé à sucer, contient du flurbiprofène, un AINS.

ANALYSE DU CAS

• L’utilisation chronique ou ponctuelle d’AINS est formellement contre-indiquée à partir du début du 6e mois de grossesse (24 semaines d’aménorrhées) car ils exposent le fœtus à une toxicité cardiaque (risque d’hypertension artérielle pulmonaire et d’insuffisance cardiaque) et/ou rénale (oligoamnios voire insuffisance rénale) parfois irréversible.

• Jusqu’au début du 6e mois de grossesse, la prise d’AINS, même ponctuelle, est à éviter. En effet, ils augmenteraient légèrement le risque de fausse couche au premier trimestre. Par ailleurs, l’appareil cardiopulmonaire et la fonction rénale du fœtus sont en place dès l’organogenèse (la diurèse se met en route dès la 12e semaine d’aménorrhée). Aussi l’utilisation d’AINS doit n’être envisagée que si nécessaire. Les prises prolongées sont fortement déconseillées.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique que Strefen contient un anti-inflammatoire qui est contre-indiqué au sixième mois de grossesse. Il propose d’opter plutôt pour des pastilles adoucissantes au miel et rappelle qu’en cas de besoin, Chloé peut recourir au paracétamol comme son gynécologue le lui a conseillé.

CAS N° 4 – TROUBLES DIGESTIFS

Comment soulager les nausées de M. J. ?

Linda se rend à la pharmacie acheter un antiémétique pour son père, M. J., 78 ans, en visite chez elle : « Je pense qu’il a attrapé la gastro de son petit-fils. J’ai du Smecta à la maison mais je n’ai plus de Motilium. Pouvez-vous me donner un médicament contre les vomissements ? » Le pharmacien, qui ne connaît pas M. J., s’enquiert de ses éventuels traitements. Linda répond qu’il prend des médicaments pour la prostate, mais elle n’en connaît pas le nom. Le pharmacien fronce les sourcils.

Quel antiémétique peut-être conseillé à M. J. ?

Aucun ! Toutes les spécialités antiémétiques disponibles sans ordonnance sont contre-indiquées en cas de risque de rétention urinaire lié à un adénome de la prostate.

ANALYSE DU CAS

• Deux antiémétiques sont disponibles sans ordonnance et en libre accès : la métopimazine (Vogalib) et le diménhydrinate (Nausicalm).

• Le processus du vomissement implique les récepteurs opioïdes centraux situés au niveau du centre du vomissement, ainsi que différents récepteurs (sérotoninergiques, dopaminergiques et histaminergiques) d’une zone du cerveau située en dehors de la barrière hématoencéphalique mais reliée au centre du vomissement. Les antiémétiques exercent une action antagoniste sur ces différents récepteurs.

• La métopimazine est un antagoniste dopaminergique phénothiazinique exerçant également une action atropinique. Son mode d’action expose à un risque de syndrome extrapyramidal (très rare car passage limité de la barrière hématoencéphalique) et d’effets anticholinergiques (sécheresse de la bouche, constipation, troubles de l’accommodation et rétention urinaire). Elle est donc contre-indiquée en cas de risque de glaucome à angle fermé et de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

• Le diménhydrinate est un antihistaminique H1 qui exerce également un effet anticholinergique et adrénolytique périphérique. Il expose à des effets sédatifs, au risque d’hypotension orthostatique et à des effets atropiniques qui le contre-indiquent également en cas de glaucome à angle fermé et de difficultés à uriner d’origine prostatique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien rappelle les conseils en cas de gastroentérite : se laver soigneusement les mains en sortant des toilettes et avant de préparer les repas ou de manger, éviter les aliments gras ou riches en fibres, boire régulièrement par petites gorgées (effet émétisant des gros volumes), privilégier riz, pâtes et viandes blanches. Un soluté de réhydratation peut être proposé en cas de diarrhée associée.

• Le pharmacien rappelle que Motilium (dompéridone) augmente le risque de troubles cardiaques et ne doit pas être utilisé en automédication, et préconise une consultation médicale chez ce patient âgé de 78 ans en l’absence d’amélioration rapide.

CAS N° 5 – TROUBLES DIGESTIFS

Quelle malchance !

Pascale, la quarantaine, demande une boîte de lopéramide et soupire en rappelant que la semaine dernière, elle avait consulté son médecin pour une otite. « Après l’otite, j’ai une gastro ! Je ne vomis pas et je n’ai pas de fièvre, c’est déjà ça ! » Ces mots retiennent l’attention de la pharmacienne, qui se souvient avoir dispensé il y a quelques jours de l’amoxicilline/acide clavulanique à Pascale.

Pascale peut-elle prendre Diastrolib ?

Non ! Le lopéramide ne doit pas être utilisé en cas de diarrhées survenant au cours ou au décours d’une antibiothérapie à large spectre.

ANALYSE DU CAS

• Les antibiotiques à large spectre (amoxicilline/acide clavulanique, céphalosporines, lincomycine…) peuvent provoquer des diarrhées par déséquilibre de la flore intestinale. Le plus souvent bénignes, elles peuvent rarement se compliquer d’une sélection de Clostridium difficile, bacille anaérobie à l’origine de colites pseudo-membraneuses. Ces colites, potentiellement létales, se manifestent par des diarrhées verdâtres d’allure dysentérique, des douleurs abdominales et de la fièvre. Elles peuvent survenir pendant le traitement ou jusqu’à 6 semaines après.

• Les ralentisseurs du transit comme le lopéramide entraînent une stase fécale et favorisent la sélection de bactéries pathogènes.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique que les diarrhées sont probablement liées à un déséquilibre de la flore intestinale consécutif à sa prise d’antibiotiques. Elle déconseille formellement l’achat de lopéramide et préconise l’utilisation de probiotiques et d’un pansement intestinal. Si les diarrhées deviennent glaireuses ou en cas de fièvre, il faut impérativement consulter un médecin.

CAS N° 6 – TROUBLES DIGESTIFS

Mme V. a des diarrhées

Il y a trois mois, Mme V. a subi une thyroïdectomie. Elle est sortie de l’hôpital avec une ordonnance de Lévothyrox 100 µg/j. Il y a trois semaines, son endocrinologue a décidé d’augmenter la posologie à 150 µg/j. Aujourd’hui, évoquant des diarrhées récurrentes depuis plusieurs jours, Mme V. souhaite acheter Smectalia (diosmectite).

Qu’en pense le pharmacien ?

Le pharmacien s’interroge sur l’origine des diarrhées de Mme V. Il relève aussi une interaction entre la lévothyroxine et le pansement digestif.

ANALYSE DU CAS

• Tout nouveau symptôme doit amener à suspecter une cause iatrogène, en particulier en cas de nouveau médicament ou de modification de traitement. Interrogée, Mme V. dit ne pas avoir de fièvre, ne pas vomir et ne pas avoir modifié son alimentation. Une cause infectieuse ou diététique semble donc peu probable. En revanche, l’augmentation de posologie de Lévothyrox peut être responsable de manifestations d’hyperthyroïdie à type de diarrhées, tachycardie, nervosité, insomnie et sueurs.

• La diosmectite est un silicate d’aluminium et de magnésium qui possède un important pouvoir couvrant de la muqueuse digestive interférant sur l’absorption intestinale de nombreux médicaments dont la biodisponibilité peut être diminuée.

ATTITUDE À ADOPTER

Il convient d’attendre au moins deux heures entre les deux médicaments.

Lévothyrox se prenant classiquement le matin à jeun, le pharmacien préconise 1 sachet de Smectalia le matin à 10 h, à midi et le soir pendant 3 jours. Il évoque un possible lien entre les diarrhées et l’augmentation de dose de Lévothyrox. Si elles persistaient ou en cas d’autres signes d’hyperthyroïdie, il faudrait reconsulter l’endocrinologue.

CAS N° 7 – TROUBLES DIGESTIFS

Des crampes douloureuses

Madame P. vient acheter un médicament contre les crampes, pensant avoir trop forcé sur le jardinage. Elle demande également un laxatif à base de séné. Elle confie en avoir acheté à la campagne et en prendre quotidiennement depuis 3 semaines car elle ne va à la selle qu’un jour sur deux, voire trois.

Y a-t-il un lien entre les crampes de Mme P. et ses troubles du transit ?

Des crampes survenant sous laxatif stimulant sont évocatrices d’hypokaliémie, d’autant que le pharmacien suspecte une dépendance au laxatif.

ANALYSE DU CAS

• Les laxatifs stimulants sont prisés en automédication pour leur délai d’action court (entre 8 et 12 h), mais leur mésusage n’est pas rare.

• D’action drastique, ils modifient les échanges hydroélectrolytiques intestinaux et provoquent une évacuation quasi complète du contenu colique pouvant se traduire par une absence de selles les jours suivants.

• Le patient, se croyant à tort toujours constipé, réitère les prises et une accoutumance s’installe avec tendance à augmenter les doses. Une « maladie des laxatifs » est alors à craindre avec alternance de diarrhées, responsables d’hypokaliémie (facteur de troubles du rythme cardiaque et se manifestant par des crampes), et de constipation entretenant la dépendance.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rappelle les conseils hygiénodiététiques en cas de constipation et informe sur le mode d’action du séné, notamment l’absence possible de selles les jours suivant l’exonération. Suggérant que les crampes sont davantage liées au laxatif qu’au jardinage, il préconise son arrêt et oriente Mme P. vers le médecin en vue d’un contrôle de l’ionogramme sanguin.

CAS N° 8 – TROUBLES DIGESTIFS

Pas d’IPP pour M. D. !

M. D., 62 ans, profite de son renouvellement d’antihypertenseurs pour évoquer des remontées acides gênantes, surtout le soir quand il s’allonge sur son canapé parce qu’il a fait un bon déjeuner d’affaire à midi. « Pourtant, j’ai toujours bien supporté les repas au restaurant, même copieux ! », ironise M. D. Il a noté sur son calepin « pantoprazole », conseillé par l’un de ses collaborateurs.

Que répondre à M. D. ?

Même si les symptômes de M. D. semblent bénins, l’automédication est déconseillée dans son cas.

ANALYSE DU CAS

• Deux IPP (le pantoprazole et l’oméprazole) sont actuellement disponibles sans ordonnance pour traiter les symptômes de RGO rapprochés (plus de 1 fois par semaine) ou espacés mais non soulagés par les topiques ou anti-H2, à condition d’écarter les situations nécessitant un avis médical : antécédent d’œsophagite ou d’ulcère gastrique, grossesse, signes d’alarme (amaigrissement, difficultés à avaler, saignements digestifs), patients sous AINS, antiagrégants ou AVK et/ou de plus de 55 ans dont les symptômes sont récemment apparus ou modifiés.

• Avant 50 ans, la majorité des cas de RGO sont bénins. Au-delà, il existe une plus grande probabilité d’œsophagite compliquée (sténose peptique, endobrachyœsophage) et d’adénocarcinome. La sévérité de symptômes n’étant pas parallèle à la gravité des lésions, une fibroscopie est recommandée à partir de 55 ans (voire 50 ans selon la Société nationale française de gastroentérologie).

ATTITUDE À ADOPTER

Dans le cas de M. D., des examens complémentaires sont nécessaires même en l’absence de signes de gravité. Le pharmacien lui remet la brochure de l’ANSM explicitant les situations de RGO nécessitant une consultation.

PHARMACOLOGIE

AUTOMÉDICATION ET IATROGÉNIE

L’automédication

Médicaments conseil

• L’automédication est le fait pour un patient d’avoir recours à un ou plusieurs médicaments de prescription médicale facultative dispensé (s) dans une pharmacie et non effectivement prescrit (s) par un médecin*.

• Depuis 2008, la vente de certains médicaments est autorisée en libre accès dans les officines. La dernière liste, mise à jour en mai 2013, comprend 455 spécialités dont 383 médicaments allopathiques.

• Certains médicaments sont exclus de la liste des références pouvant être placées dans la zone en libre accès, en particulier ceux présentant des contre-indications majeures ou un risque important d’interactions. Cependant, l’aspirine et l’ibuprofène sont disponibles en libre accès.

Chiffres et consommation

• Selon le dernier baromètre de l’AFIPA (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable), le marché de l’automédication est en baisse en 2013, et ce pour la première fois depuis 5 ans, sous l’effet notamment d’une augmentation des prescriptions liées à une forte prévalence de grippe l’année dernière. L’essentiel des médicaments d’automédication est constitué par des antalgiques et des médicaments des voies respiratoires et digestives.

• 70% des Français achètent au moins une fois par an des médicaments sans ordonnance, 81,6 % réutilisent des médicaments dont ils disposent et 74 % ne s’adressent pas au médecin pour des pathologies bénignes.

Les Français et le libre accès

• En 2013, le recours au libre accès, mis en place dans 72% des officines, a doublé par rapport à 2012.

• Pour plus de 55% des utilisateurs, la possibilité de choisir seul et le gain de temps motivent leur achat. D’après une enquête de l’AFIPA, leur choix serait le plus souvent défini avant d’entrer à l’officine. Le pharmacien doit donc être d’autant plus vigilant,valider (ou non) ce choix et prodiguer les conseils adéquats (41% des consommateurs reconnaissent ne pas lire les notices !).

Iatrogénie

L’automédication serait à l’origine de 9% des accidents iatrogènes. Elle est associée à 4 types de risque :

Apparition d’effets indésirables

• Tout médicament, même sans ordonnance, peut être à l’origine d’effets indésirables, notamment d’allergies. wCertains sont considérés à tort par le grand public comme inoffensifs, par exemple les principes actifs d’origine végétale (laxatifs anthracéniques, qui peuvent provoquer des troubles hydroélectrolytiques…) ou certaines formes galéniques (pommades aux huiles essentielles contenant des dérivés terpéniques potentiellement convulsivants…).

Risques d’interactions

• L’ajout d’un ou plusieurs médicaments au traitement habituel majore le risque d’interaction, notamment chez les patients polymédiqués.

• Les risques liés aux interactions sont nombreux : majoration du risque d’effets indésirables (saignement avec ibuprofène ou aspirine et AVK, insuffisance rénale aiguë avec ibuprofène et IEC, diurétiques ou sartans, effets atropiniques avec anti-H1 antirhume et anticholinergique urinaire…), diminution d’efficacité des traitements chroniques (risque de thrombose avec millepertuis et AVK), diminution de la biodisponibilité de médicaments associés aux topiques digestifs, antagonisme (anticholinergique et anticholinestérasique), surdosages (plusieurs médicaments contenant du paracétamol, vasoconstricteurs par voies nasale et orale, ibuprofène pouvant augmenter la lithémie)…

Risques de mésusage

• Erreurs d’indications (antitussif pour une toux grasse, lopéramide pour une diarrhée induite par antibiotiques…), usages détournés (laxatif stimulant dans un but amincissant…) ou non-respect des contre-indications (codéine chez un asthmatique, ibuprofène pendant la grossesse, vasoconstricteur chez un hypertendu…).

• Non respect des posologies et durées de traitement. En 2013, plus de 36 % des consommateurs étaient prêts à consommer une dose trop forte d’ibuprofène. Par ailleurs, 25 % des accidents cardiovasculaires ou neurologiques graves liés aux vasoconstricteurs sont dus à un non-respect des contre-indications ou de la durée de traitement (limitée à 5 jours).

• Erreurs d’administration, notamment en pédiatrie (pipettes interchangées, utilisation à tort de médicaments réservés à l’adulte).

Risques de retarder un diagnostic

L’automédication peut :

• Masquer des symptômes et retarder un diagnostic (prise d’inhibiteurs de la pompe à protons retardant une fibroscopie, d’antalgiques pour traiter des douleurs lombaires retardant un diagnostic de lithiases ou de pyélonéphrite…).

• Masquer les effets indésirables d’un autre traitement et retarder un diagnostic d’iatrogénie (laxatif pour traiter une constipation induite par opiacés ou sétrons, paracétamol pour des céphalées induites par antagoniste calcique, antitussif pour une toux sèche induite par un IEC…).

• Aggraver une pathologie sous-jacente (ibuprofène majorant le risque de complications cutanéomuqueuses de la varicelle ou du zona, aspirine susceptible d’induire un syndrome de Reye chez l’enfant grippé ou varicelleux…).

Nourrissons et jeunes enfants

En ville, l’incidence des effets indésirables en pédiatrie est de 0,7 à 2,7 %. Ces effets sont responsables de 0,6 à 4 % des hospitalisations pédiatriques. Les facteurs de vulnérabilité sont l’immaturité organique et certains facteurs liés aux médicaments.

Immaturité organique

• Chez le nourrisson, les capacités d’élimination hépatique et rénale étant diminuées, bien insister sur les posologies et rythmes d’administration.

• La barrière hématoencéphalique, non encore fonctionnelle, expose davantage aux effets indésirables centraux (effets sédatifs avec les anti-H1 ou les opiacés…), la peau fine majore le risque d’effets systémiques de médicaments cutanés (alcool, terpènes) et les capacités de drainage bronchique limitées exposent à un surencombrement bronchique (antitussifs, fluidifiants).

• Chez le nourrisson et l’enfant, le seuil épileptogène abaissé majore le risque de convulsions sous dérivés terpéniques (les huiles essentielles sont contre-indiquées chez les moins de 6 ans en application cutanée et chez les moins de 12 ans en inhalation). De même, les vasoconstricteurs sont contre-indiqués avant 15 ans.

Facteurs liés aux médicaments eux-mêmes

• Les dispositifs doseurs pédiatriques, parfois insuffisamment précis ou absents, conduisent à utiliser des cuillères domestiques de contenance variable. Les gammes ombrelles favorisent les erreurs : confusion avec les conditionnements adultes, même nom de marque pour des principes actifs différents.

• La ressemblance de certains conditionnements primaires expose à confusion si les médicaments sont déconditionnés (dosettes chlorhexidine/sérum physiologique…).

• Les formes solides orales sont inadaptées aux moins de 6 ans, et les collutoires contre-indiqués avant 30 mois (risque de laryngospasme).

Personnes âgées

8,6 % des personnes âgées achètent un médicament sans ordonnance par mois et 4 % des médicaments acquis par les personnes âgées le sont sans ordonnance. Les effets indésirables sont deux fois plus fréquents après 65 ans. Les facteurs de vulnérabilité propres au sujet âgé sont multiples.

Polypathologies

Les comorbidités favorisent les risques iatrogènes. Ainsi, les anticholinergiques (antirhume, antiémétiques ou somnifères) exposent à un risque de rétention urinaire aiguë en cas d’adénome de la prostate et aggravent une démence. Les vasoconstricteurs peuvent déséquilibrer un traitement antihypertenseur et exposent également à un risque de rétention d’urine. L’ibuprofène est susceptible d’augmenter la tension artérielle des hypertendus et de décompenser une cardiopathie sous-jacente.

Altérations organiques

La vidange gastrique diminuée augmente le risque digestif sous ibuprofène, la fonction rénale altérée allonge les demi-vies des médicaments, la barrière hématoencéphalique, plus perméable, majore le risque d’effets centraux (en particulier des anticholinergiques, anti-H1 ou antagonistes dopaminergiques). Les barorécepteurs altérés prédisposent le sujet âgé à l’hypotension orthostatique (antihistaminiques adrénolytiques…).

Dénutrition

La dénutrition, qui touche 2 à 4 % des seniors de 60 à 80 ans vivant à domicile, aggrave une sarcopénie et modifie le volume de distribution des médicaments. De même, l’hypoprotidémie aggrave l’hypoalbuminémie propre au sujet âgé, augmentant les fractions libres des médicaments à forte affinité pour l’albumine (ibuprofène…).

Troubles cognitifs

En ajoutant des médicaments au traitement habituel, l’automédication majore le risque d’erreurs d’administration et de défaut d’observance qui diminue avec le nombre de médicaments (75 % pour une monothérapie contre 40 % pour plus de 4 médicaments).

Troubles de la déglutition

Les troubles de déglutition dont peuvent souffrir des patients parkinsoniens ou Alzheimer favorisent la survenue d’accidents iatrogènes (par exemple, les laxatifs lubrifiants peuvent induire des pneumopathies d’inhalation en cas de fausses-routes).

Femmes enceintes

A l’exception des molécules de poids moléculaire élevé (héparine, insuline…), tous les médicaments passent dans la circulation fœtale et peuvent exposer l’embryon ou le fœtus à trois types de risque : tératogène, altérations du développement ou du bon fonctionnement des organes (l’aspirine et les AINS présentent un risque de toxicité fœtale cardiopulmonaire et rénale et sont contre-indiqués au 3e trimestre, y compris par voie cutanée) et néonatal (par exemple, la codéine expose le nouveau-né à un risque de détresse respiratoire).

Femmes allaitantes

Les médicaments qui passent dans le lait exposent le nourrisson allaité à un risque de toxicité potentielle. C’est le cas notamment des dérivés terpéniques (même utilisés par voie cutanée ou en inhalation), des vasoconstricteurs, de l’aspirine et de la codéine.

CAS N° 9 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Glaucome et grippe

Ce samedi matin, M. F., 60 ans, sort d’une consultation d’ophtalmologie pour le suivi de son glaucome et tend à Pauline, étudiante en pharmacie, une ordonnance mentionnant « Timoptol (timolol) LP0,5 % et Lumigan (bimatoprost) 0,1 mg/ml, 1 goutte/j de chaque collyre dans l’œil gauche, qsp 6 mois ». De retour au comptoir avec les collyres, Pauline s’aperçoit que M. F. a pris une boîte de sachets Actifed Etats grippaux dans le rayon libre accès. Il lui confie qu’il a de la fièvre et le nez qui coule, mais après l’ophtalmologue ce matin, il n’a aucune envie de consulter encore un médecin ce week-end. Pauline s’interroge et va trouver le pharmacien.

Qu’est-ce qui préoccupe Pauline ?

Pauline se demande si Actifed n’est pas contre-indiqué chez ce patient souffrant de glaucome.

ANALYSE DU CAS

• Les sachets d’Actifed contiennent du paracétamol, de la vitamine C et de la chlorphénamine, un anti-H1 dont l’activité anticholinergique est à l’origine de potentiels effets indésirables atropiniques (sécheresse des muqueuses, constipation, dysurie, mais aussi effets oculaires à type de troubles de l’accommodation et de mydriase). Ces effets justifient les principales contre-indications des sachets Actifed, à savoir les risques de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques et de glaucome par fermeture de l’angle.

• Cette forme aiguë de glaucome se caractérise par une élévation brutale et importante de la pression intraoculaire causée par la fermeture soudaine de l’angle iridocornéen. Elle est la moins fréquente mais constitue une urgence ophtalmique. Les facteurs de risque sont l’âge, le sexe féminin, les antécédents familiaux ou personnels de glaucome aigu, l’effort visuel soutenu et un œil prédisposé par un angle étroit (hypermétropes). Dans 30 % des cas, le glaucome à angle fermé est d’origine iatrogène, consécutif à la prise d’anticholinergiques ou de vasoconstricteurs, pourvoyeurs de mydriase. Sous l’effet de la dilatation de la pupille, l’iris se bombe et vient s’appliquer contre la cornée, fermant brutalement l’angle iridocornéen et retenant l’humeur aqueuse dans la chambre antérieure de l’œil.

• Timoptol et Lumigan sont utilisés dans le traitement du glaucome à angle ouvert, caractérisé par un angle iridocornéen normal, et dû à une modification progressive de la perméabilité du trabéculum (filtre situé au niveau de l’angle iridocornéen), qui empêche l’évacuation de l’humeur aqueuse. Cette forme chronique, qui représente 80 à 90 % des glaucomes, ne contre-indique pas l’utilisation d’anticholinergiques ou de vasoconstricteurs. Les facteurs de risque sont l’âge, le sexe masculin, les fortes myopies, le tabagisme et l’hypertension artérielle.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à Pauline la différence entre les deux formes de glaucome. Les contre-indications aux anticholinergiques ne concernent que le glaucome à angle fermé, ce qui n’est pas le cas de monsieur F.

CAS N° 10 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Clara, 14 mois, tousse

Mme B., maman de Paul (4 ans) et Clara (14 mois), téléphone à la pharmacie : il lui reste du sirop Hélicidine prescrit à Paul le mois dernier par le pédiatre, mais elle perdu la notice. Elle voudrait savoir si elle peut en donner à Clara qui tousse beaucoup la nuit.

Clara peut-elle prendre ce sirop ?

Non ! Hélicidine est contre-indiqué chez le nourrisson de moins de deux ans.

ANALYSE DU CAS

• Depuis 2010, Hélicidine et les mucolytiques cystéinés sont contre-indiqués avant deux ans du fait d’un risque de surencombrement bronchique chez le nourrisson dont les capacités de drainage sont limitées.

• Depuis 2011, les antitussifs antihistaminiques (oxomémazine, prométhazine…) sont aussi contre-indiqués avant deux ans à cause de leur effet sédatif marqué et de la possible incrimination de certaines phénothiazines dans des cas de mort subite du nourrisson.

• Les antitussifs opiacés sont contre-indiqués chez les moins de 30 mois, voire de 6 ans, en raison du risque de détresse respiratoire.

• L’oxéladine (antitussif central) n’est indiquée qu’à partir de 30 mois, la pentoxyvérine à partir de 20 kg.

• Les sirops homéopathiques Stodal et Drosetux, sans contre-indications, ne sont explicitement indiqués que chez l’adulte et l’enfant. Par ailleurs, Stodal contient de l’éthanol (1,74 % v/v).

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique que la toux est un réflexe naturel qu’il ne faut pas bloquer et déconseille l’utilisation d’Hélicidine. Elle préconise de bien hydrater Clara, de laver son nez, d’aérer et maintenir sa chambre à 19 °C. En cas d’aggravation, de difficultés à respirer ou à s’alimenter, il faudrait consulter.

CAS N° 11 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Aucun risque avec des inhalations !

Mme C. dépose sur le comptoir une boîte de Vicks Vaporub prise dans le rayon « libre accès » et demande un inhalateur. Elle explique qu’elle est enrhumée, mais ne veut pas de comprimés car elle allaite encore. Elle pense qu’avec des inhalations, il n’y a aucun risque pour Victor, 4 mois.

Mme C. peut-elle faire des inhalations ?

Il est préférable de ne pas faire d’inhalations pendant l’allaitement, en raison d’un risque de neurotoxicité chez le nourrisson.

ANALYSE DU CAS

• Les inhalations contiennent des huiles essentielles (térébenthine, menthe, thym, eucalyptus…) dont les principes actifs sont des dérivés terpéniques, susceptibles d’induire des convulsions, en particulier chez le nourrisson. Il est préférable de ne pas les utiliser en cas d’allaitement du fait d’une absence de données relatives au passage des terpènes dans le lait.

• Par voie orale, la pseudo-éphédrine est contre-indiquée et les anti-H1 de première génération (chlorphénamine, phéniramine…) fortement déconseillés car ils passent dans le lait et exposent respectivement le nourrisson à des effets cardiovasculaires et sédatifs. Selon le CRAT, les anti-H1 de deuxième génération (cétirizine, loratadine…), non anticholinergiques, passent peu dans le lait et sont bien tolérés par le nourrisson. Mais ils ne sont efficaces qu’en cas de rhinite allergique.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne préconise de drainer les fosses nasales à l’eau de mer, de boire régulièrement et, pour éviter de contaminer Victor, de se laver soigneusement les mains et de porter un masque. L’homéopathie peut être utilisée sans risque et, en cas de fièvre, le paracétamol.

CAS N° 12 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

M. E. veut un antitussif sans sucre

A l’occasion de son renouvellement de Levemir (insuline détémir) et de Novorapid (insuline aspartate), M. E. présente une ordonnance de Marsilid (iproniazide) 1 cp/j prescrit par son psychiatre. Il demande également à Olivier, étudiant en pharmacie, quelque chose contre la toux sèche et précise « sans sucre ». Olivier choisit un sirop sans sucre à base de dextrométhorphane. En validant ses dispensations, la pharmacienne tique sur le sirop.

Le conseil d’Olivier est-il judicieux ?

Non, il y a une interaction entre l’antitussif et l’antidépresseur de M. E.

ANALYSE DU CAS

• L’iproniazide, antidépresseur inhibiteur non sélectif de la monoamine-oxydase, augmente les concentrations en monoamines (noradrénaline, sérotonine et dopamine) dans les fentes synaptiques.

• Le dextrométhorphane est un dérivé morphinique d’action centrale possédant un effet sérotoninergique.

• L’association du dextrométhorphane à un IMAO non sélectif ou à un IMAO A sélectif (moclobémide…) est contre-indiquée car elle expose à un risque de syndrome sérotoninergique (diarrhée, tachycardie, sudation, hyperthermie, tremblements, hypertonie, agitation, confusion voire coma) potentiellement létal. En revanche, le dextrométhorphane n’interagit pas avec les IMAO B sélectifs antiparkinsoniens (rasagiline, sélégiline).

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique à Olivier que le dextrométhorphane est contre-indiqué avec l’antidépresseur de M. E. Elle conseille une suspension buvable à base de codéine sans sucre et sans alcool (déconseillé avec l’insuline et les IMAO). Elle informe d’un risque de constipation (effet commun aux IMAO et opioïdes) et préconise de renforcer l’apport hydrique et en fibres alimentaires.

CAS N° 13 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Une réunion de famille exténuante

Madame S., 66 ans, est traitée par Exforge 5/80 (amlodipine + valsartan) et sa tension est stabilisée (135/85 mm Hg). De retour d’un séjour en famille, elle demande Rhinadvil (« Une cousine m’a donné une plaquette entamée, mais ça fait 5 jours et mon rhume n’est pas tout à fait fini ») et souhaite faire contrôler sa tension qui s’avère être à 145/90 mmHg. Pourtant, elle assure prendre correctement son traitement antihypertenseur.

Comment expliquer les chiffres tensionnels de Mme S. ?

Une cause iatrogène peut être à l’origine de l’élévation de sa pression artérielle.

ANALYSE DU CAS

• Rhinadvil est une association d’ibuprofène et de pseudo-éphédrine (30 mg par comprimé). Les dérivés de l’éphédrine (sympathomimétiques), vasoconstricteurs, peuvent induire des céphalées et des troubles cardiovasculaires (poussée hypertensive, palpitations).

• L’ibuprofène est également susceptible d’élever la pression artérielle, en particulier chez les patients hypertendus. En effet, les AINS, qui inhibent la synthèse des prostaglandines vasodilatatrices, exercent un effet vasoconstricteur. En outre, ils peuvent être responsables de rétention hydrosodée et réduire l’efficacité des antihypertenseurs.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique à Mme S. que l’antirhume doit être arrêté car très probablement responsable de l’élévation de sa tension. Du fait de leur action vasoconstrictrice, les dérivés de l’éphédrine peuvent être responsables d’effets indésirables cardiovasculaires. Respecter la durée de traitement (5 jours). En attendant, elle propose de simples lavages de nez à Mme S.

CAS N° 14 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Arthrose et rhume

M. L. vient acheter des sachets pour le rhume pour son épouse qui est enrhumée. La préparatrice se souvient avoir délivré il y a trois jours à Mme L. du paracétamol 1 g et Celebrex 200 mg (célécoxib) prescrits par un rhumatologue pour soulager une poussée d’arthrose.

La préparatrice peut-elle délivrer ?

Outre un anti-H1 et de la vitamine C, les sachets antirhume demandés par M. L. contiennent 500 mg de paracétamol. Selon la posologie de paracétamol prescrite, un surdosage est possible.

ANALYSE DU CAS

• Un des métabolites du paracétamol, produit principalement par les isoenzymes CYP2E1 et 3A4 du cytochrome P450, est hépatotoxique. Normalement produit en petite quantité et bien toléré, il s’accumule en cas de surdoses répétées, même modérées. La posologie adulte ne doit pas excéder 4 g/j en 4 prises.

• Un surdosage au-delà de 8 g/jour peut provoquer une cytolyse hépatique se manifestant initialement par des nausées et vomissements, une anorexie et des douleurs abdominales, et peut mener à une nécrose complète et irréversible engageant le pronostic vital.

ATTITUDE À ADOPTER

Le rhumatologue a prescrit le paracétamol à posologie maximale (4 g/j) pendant 8 jours. Il ne faut donc pas prendre d’autre spécialité contenant du paracétamol. La préparatrice ne recommande pas non plus d’ibuprofène (association déconseillée de deux AINS, y compris célécoxib) ni de vasoconstricteur (risque accru d’infarctus du myocarde et d’AVC sous célécoxib). Elle opte pour des lavages de nez avec une solution d’eau de mer hypertonique et antiseptique.

CAS N° 15 – TROUBLES ORL ET RESPIRATOIRES

Christophe s’est servi tout seul !

Christophe, 28 ans, vient chercher conseil accompagné de son amie Eva. C’est elle qui l’a reconduit chez lui après le travail car il est pris de vertiges et se sent « complètement abruti ». Christophe confie avoir acheté ce matin, dans une officine située près de son bureau, une boîte de comprimés à sucer Alairgix (cétirizine) car il souffre de rhinite allergique.

Le malaise de Christophe est-il lié à Alairgix ?

C’est possible, d’autant que Christophe avoue que, pressé, il a pris la boîte dans le rayon « libre accès », séduit par le côté pratique des « pastilles », puis est parti sans attendre de conseils. Il reconnaît avoir sucé trois comprimés dans la journée.

ANALYSE DU CAS

La cétirizine est un anti-H1 de 2e génération. La dose recommandée est de 10 mg/j (soit un comprimé d’Alairgix/j). Selon le résumé des caractéristiques du produit, les symptômes observés après un surdosage sont principalement des effets antihistaminiques centraux : confusion, vertiges, fatigue, céphalées, malaise, somnolence. Des effets atropiniques (difficultés mictionnelles, mydriase, tachycardie) peuvent aussi s’observer en dépit d’un antagonisme sélectif des récepteurs H1 et d’une activité anticholinergique réduite. Il n’existe pas d’antidote connu à la cétirizine.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le RCP révèle que la cétirizine, éliminée majoritairement par voie urinaire, a une demi-vie de 10 heures. Le pharmacien préconise l’arrêt complet d’Alairgix et de bien boire pour en faciliter l’élimination, qui sera totale dans deux jours environ (5 demi-vies). D’ici là, il déconseille de conduire et de prendre tout autre antihistaminique, médicament sédatif ou alcool.

CAS N° 16 – TROUBLES DE L’HUMEUR ET DU SOMMEIL

Les plantes ne font pas de mal !

M. O. est traité par aténolol 100 et Préviscan (fluindione) pour une fibrillation auriculaire. A la retraite depuis peu, cet ancien cadre de l’industrie agroalimentaire s’ennuie et déprime. Aujourd’hui, Monique, son épouse, vient acheter des gélules de millepertuis dont les mérites sont vantés dans l’une de ses revues préférées. « Au moins, avec les plantes, pas d’interactions avec son Préviscan ! », assure Monique.

Monique a-t-elle raison ?

Non, contrairement à ce qu’elle croit, le millepertuis interagit avec la fluindione.

ANALYSE DU CAS

• Le millepertuis est un inducteur de cytochromes P450 susceptible de potentialiser le métabolisme des médicaments associés (AVK, contraceptifs hormonaux, anticonvulsivants, digoxine, antirétroviraux…), donc d’en diminuer l’efficacité.

• L’association de millepertuis (sous forme de comprimés, gélules mais aussi de tisanes) aux AVK est contre-indiquée car elle expose à un risque de thrombose liée à une diminution des concentrations plasmatiques d’AVK.

• En cas d’association fortuite, il ne faut pas interrompre brutalement la prise de millepertuis (risque hémorragique lié à la suppression de l’effet inducteur enzymatique), mais en gérer l’arrêt sous contrôle médical, avec surveillance de l’INR et adaptation éventuelle des posologies d’AVK

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne déconseille formellement l’achat de gélules de millepertuis en expliquant que cette plante peut diminuer l’effet de l’anticoagulant et en précisant que les plantes ne sont pas toutes sans nocivité. Elle encourage une consultation pour apprécier l’état psychologique et les besoins thérapeutiques de M. O.

CAS N° 17 – TROUBLES DE L’HUMEUR ET DU SOMMEIL

« Ma mère vit la nuit »

Mme R., 82 ans, atteinte de maladie d’Alzheimer, vit chez sa fille Sylvie. Elle est traitée par donépézil 10 mg. « Ma mère dort très mal, elle se réveille en pleine nuit et c’est impossible de la faire se rendormir. Parfois, elle a même envie de sortir ! », soupire Sylvie, désemparée. Elle souhaite acheter « des petits comprimés blancs » et ajoute : « Je ne me rappelle plus le nom mais ça commence par do, comme dodo ! »

Est-ce une bonne idée ?

Non ! Il doit s’agir de doxylamine, or l’association au donépézil est illogique.

ANALYSE DU CAS

• Le donépézil est un anticholinestérasique qui augmente les transmissions cholinergiques centrales et exerce une action parasympathomimétique indirecte.

• La doxylamine est un antihistaminique H1 possédant un effet anticholinergique, c’est-à-dire antagoniste du système nerveux parasympathique.

• Ces deux médicaments ont donc des actions pharmacologiques opposées. Leur association risque de diminuer l’efficacité de l’anticholinestérasique et d’aggraver les troubles cognitifs. Par ailleurs, l’arrêt brutal de la doxylamine exposerait au risque d’exacerbation des effets du donépézil et de « crise cholinergique » pouvant se manifester par des convulsions.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne déconseille l’achat de la doxylamine qui peut diminuer l’effet du donépézil et qui est potentiellement mal tolérée par une personne âgée (risque de somnolence diurne, vertiges, effets atropiniques : constipation, troubles de l’accommodation, palpitations, confusion…).

• Elle évoque un lien possible entre les troubles de Mme R. et la maladie d’Alzheimer (inversion du rythme « veille-sommeil », désorientation temporelle) et préconise une consultation médicale.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser en délivrant un médicament conseil

Choix du traitement

Le pharmacien doit toujours valider le choix du patient.

A qui est destiné le médicament ?

– Déceler des contre-indications : vigilance accrue si le patient est une personne à haut risque iatrogène (jeune enfant, personne âgée, femme enceinte ou allaitante) et/ou s’il souffre de pathologie contre-indiquant certains médicaments conseil : asthme, adénome de prostate, hypertension…

– Choisir une forme galénique adaptée : déconseiller les sirops sucrés chez les diabétiques, les formes effervescentes chez les insuffisants cardiaques ou rénaux, proscrire les formes orales solides chez l’enfant de moins de 6 ans…

Quels sont les symptômes ?

– Vérifier qu’ils ne relèvent pas d’une consultation médicale ou ne sont pas liés à un médicament.

– Vérifier que le médicament choisi par le patient est adapté à son cas (antitussif non adapté à la toux grasse….

 – Déceler d’éventuels mésusages (lopéramide pour traiter une diarrhée induite par antibiotiques…).

Le patient prend-il un ou des médicaments ?

– Eviter tout surdosage et redondance (en paracétamol, ibuprofène, achat d’un vasoconstricteur oral par un patient sous vasoconstricteur nasal…).

– Dépister d’éventuelles interactions, s’enquérir des traitements en cours et consulter le DP.

Modalités de prise

Le patient connaît-il la posologie ?

– Renseigner le patient sur la posologie et aménager un plan de prise cohérent (prendre les topiques digestifs à 2 h de distance des autres médicaments).

Connaît-il la durée de traitement ?

– Elle doit dans tous les cas rester courte, en particulier pour éviter une dépendance (opiacés ou laxatifs) et avec les vasoconstricteurs (traitement < 5 jours pour limiter le risque d’effets cardiovasculaires et neurologiques graves).

– Orienter vers une consultation médicale si les symptômes persistent malgré le traitement.

Prévention des risques

Le patient connaît-il les effets indésirables potentiels ?

– Rappeler qu’aucun médicament n’est dénué d’effets indésirables, y compris ceux faisant l’objet de publicité, ceux de phytothérapie ou dont la forme galénique paraît sans risque (pommades, formes à sucer, inhalations…).

– S’enquérir de l’activité du patient avant de conseiller un médicament aux effets sédatifs et déconseiller l’alcool.

– Faire une déclaration de pharmacovigilance en cas d’effets indésirables graves ou inattendus, susceptibles d’être en rapport avec un médicament conseil.

Connaît-il les risques de l’automédication familiale ?

– Rappeler, compte tenu du risque d’automédication au sein d’une même famille, que le conseil est individuel et que les conditions d’utilisation des médicaments diffèrent selon l’âge (antitussifs, huiles essentielles…).

– Eviter de conseiller la même spécialité en version adulte et enfant pour éviter les erreurs d’administration à la maison. Enjoindre les parents à ne pas ranger les médicaments destinés aux enfants à côté de ceux destinés aux adultes.

* D’après le rapport Coulomb (« Situation de l’automédication en France et perspectives d’évolution), rédigé en 2006 à la demande du ministère de la Santé.

ATTENTION

La codéine est contre-indiquée chez l’asthmatique quelle que soit son utilisation (antitussive mais aussi antalgique) car elle peut induire une dépression respiratoire, même aux doses usuelles.

L’antalgie au comptoir

• Quand orienter vers une consultation ?

En cas de douleur violente, inattendue et survenue brutalement, ou accompagnée d’autres symptômes (sensation de malaise, forte fièvre, œdème) et/ou faisant suspecter une urgence (infarctus du myocarde, appendicite…), ou récurrente.

• Quelles questions se poser pour conseiller un antalgique ?

• Le patient a-t-il déjà essayé un antalgique ?

Eviter les redondances et rechercher un éventuel échec de palier I.

• Quel est le profil du patient ?

– Femme enceinte : privilégier le paracétamol, voire ponctuellement la codéine.

– Femme allaitante : selon le CRAT*, le paracétamol et l’ibuprofène peuvent être utilisés ou, ponctuellement, la codéine (2 jours au moins après l’accouchement).

– Patient asthmatique : la codéine est contre-indiquée, l’aspirine et l’ibuprofène également en cas d’antécédent d’asthme induit par AINS.

– Patient varicelleux : ne pas utiliser d’aspirine ou d’ibuprofène.

– Patient souffrant d’un ulcère digestif évolutif : l’ibuprofène et l’aspirine sont contre-indiqués. – Patient âgé : tenir compte, avec les AINS, d’un risque d’aggravation d’une insuffisance cardiaque ou rénale et d’un risque digestif accru.

• Le patient prend-il d’autres médicaments ?

Rechercher et prévenir les interactions entre AINS eux-mêmes ou AINS et anticoagulants, antiagrégants, lithium, méthotrexate, antihypertenseurs.

* CRAT : Centre de référence sur les agents tératogènes.

À RETENIR

L’ibuprofène et l’aspirine sont à proscrire pour traiter la douleur ou la fièvre liées à une infection par virus varicelle-zona.

ATTENTION

L’ibuprofène est contre-indiqué à partir du 6e mois de grossesse. Avant, son utilisation est à éviter. L’antalgique/ antipyrétique à privilégier pendant la grossesse est le paracétamol.

À RETENIR

Toutes les spécialités allopathiques antiémétiques conseil sont contre-indiquées en cas de risque de rétention urinaire lié à un adénome de la prostate.

Nausées et vomissements : quand consulter ?

• Les nausées et vomissements constituent une plainte fréquente au comptoir. Leur origine est diverse (cause iatrogène ou infectieuse, grossesse, migraine, mal des transports…).

• La plupart du temps, il s’agit de symptômes bénins qui peuvent être pris en charge à l’officine, mais, dans certaines situations, une consultation médicale s’impose, notamment en cas de :

– suspicion d’origine iatrogène : à évoquer avec les médicaments agissant sur le centre du vomissement ou les récepteurs de l’area postrema (opiacés, morphiniques, antiparkinsoniens, antidépresseurs) ou exerçant une action irritante sur la muqueuse digestive (anticancéreux, AINS…) ;

– signes de gravité : forte fièvre, vomissements de bile ou de sang, vomissements en jets (évocateurs de méningite) ou incoercibles, vomissements apparus après un choc sur la tête (suspicion de traumatisme crânien) ;

– signes évocateurs de déshydratation : sensation de soif intense, constipation, confusion ;

– aggravation ou persistance des vomissements au-delà de 2 jours de traitement antiémétique.

• De même, il convient d’orienter vers un médecin certains profils particuliers : enfant < 6 ans, femme enceinte ou allaitante, personne âgée.

ATTENTION

Du fait d’un risque de colite pseudo- membraneuse, le lopéramide ne doit pas être utilisé pour stopper des diarrhées liées à une antibiothérapie à large spectre.

À RETENIR

Une diarrhée survenant chez un patient sous lévothyroxine doit faire suspecter une origine iatrogène. En cas de recours à un pansement intestinal, prendre celui-ci à distance de la lévothyroxine.

ATTENTION

Devant des achats répétés de laxatifs stimulants, le pharmacien doit suspecter un mésusage qui favorise la survenue d’hypokaliémie.

À RETENIR

La vente d’antisécrétoires conseil doit être raisonnée afin de ne pas retarder un diagnostic médical. En particulier, orienter vers une consultation les patients de plus de 55 ans, même sans signes de gravité.

LES 7 RÈGLES D’OR DE L’AUTOMÉDICATION

Ce que le patient doit faire

• Toujours faire valider son choix par le pharmacien.

• Bien lire la notice avant de prendre un médicament et la conserver avec le médicament dans son conditionnement.

• Bien respecter les modalités de prise, les posologies et la durée de traitement recommandées.

• En cas de persistance des symptômes ou d’apparition d’effets indésirables,contacter son pharmacien ou son médecin.

Ce que le patient ne doit pas faire

• Ne pas recourir de façon systématique au contenu de son armoire à pharmacie. En particulier, ne pas réutiliser de sa propre initiative des médicaments prescrits anciennement, ou pour un autre membre de la famille, comme des antibiotiques par exemple.

• Ne pas utiliser des médicaments conseillés par un tiers ou achetés sur Internet, hors circuit sécurisé.

• Ne pas prendre de sa propre initiative plusieurs médicaments différents.

À RETENIR

Seul le risque de glaucome à angle fermé contre-indique l’utilisation des décongestionnants anti-H1 ou vasoconstricteurs. Ces médicaments ne sont pas contre-indiqués en cas de glaucome à angle ouvert.

À RETENIR

Avant deux ans, les sirops antitussifs sont contre-indiqués sauf exception (sirop homéopathique).

À RETENIR

Chez la femme allaitante enrhumée, les vasoconstricteurs sont contre-indiqués, les anti-H1 de 1re génération fortement déconseillés et les inhalations non recommandées. Privilégier les lavages de nez.

ATTENTION

Le dextrométhor- phane est contre-indiqué avec les IMAO non sélectifs et les IMAO A sélectifs.

ATTENTION

L’action vasoconstrictrice des dérivés de l’éphédrine peut être responsable d’effets indésirables cardiovasculaires importants imposant l’arrêt du traitement.

À RETENIR

La dispensation de spécialités antirhume impose de s’enquérir des autres traitements du patient afin d’éviter les surdosages en paracétamol et les redondances entre ibuprofène et AINS.

À RETENIR

Les comprimés anti-H1 à sucer ne doivent pas être banalisés par les patients et exposent aux mêmes effets indésirables que les comprimés à avaler.

ATTENTION

Le millepertuis (y compris en tisane peut réduire l’efficacité de nombreux autres médicaments. Avant d’en délivrer, il faut impérativement contrôler l’historique médicamenteux du patient.

À RETENIR

Les médicaments anticholinergiques (comme la doxylamine, mais aussi de nombreux antirhume et la métopimazine) interagissent par antagonisme avec les médicaments de la maladie d’Alzheimer.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !