POURQUOI ÇA BLOQUE ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3022 du 08/03/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3022 du 08/03/2014
 
COOPÉRATION INTERPROFESSIONNELLE

L’événement

Auteur(s) : Emilie Bollinger

Les négociations sur la rémunération de la coopération entre les professionnels de santé devraient débuter à la fin du mois. Cela sera-t-il suffisant pour débloquer les freins actuels ? Rien n’est moins sûr.

On n’aura jamais autant parlé de coopération interprofessionnelle. Et pourtant, quand il s’agit d’entrer dans le concret, les choses se corsent rapidement, d’autant que tout le monde ne parle pas toujours de la même chose. Ou freine des quatre fers. « Je ne crois pas qu’il faille parler de blocage, les professionnels sont même plutôt en demande, nuance Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Mais, effectivement, s’il n’y a pas encore beaucoup de réalisations concrètes, c’est aussi parce que ce n’est pas aussi simple qu’on le voudrait dans le monde des libéraux où chacun est débordé. » On ne peut pas reproduire en ville l’unité de lieu et les hiérarchies de l’hôpital. « Les difficultés sont concrètes, insiste Philippe Besset. Les patients ne sont pas tous suivis par le même médecin, soignés par la même infirmière et ne vont pas tous dans la même officine. »

Le sujet des coopérations souffre encore également de beaucoup de malentendus. « Il y a une incompréhension chronique entre les pouvoirs publics et les professions de santé sur les finalités des coopérations, analyse Michel Chassang, président du syndicat de médecins libéraux CSMF. Pour les premiers, coopération signifie avant tout transfert d’activité du haut vers le bas pour faire des économies. ». On dit souvent les médecins peu enclins à céder du terrain sur leurs compétences. se défend Claude Leicher, président du syndicat de médecins généralistes MG-France. Quand les pharmaciens nous apportent leurs compétences sur la délivrance des traitements, la pathologie iatrogène, la compliance, nous sommes tout à fait intéressés par la coopération avec eux. En revanche, quand ils veulent faire du travail clinique, nous ne sommes plus d’accord. » A cet égard, la mise en place des entretiens pharmaceutiques sur le suivi des AVK avait fait énormément grincer des dents du côté des médecins. « Beaucoup de professionnels ont parfois encore l’impression que les coopérations entre professionnels de santé sont conçues pour prendre le travail des autres, regrette Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Or, elles sont indispensables en particulier pour les sorties d’hôpital ou les malades chroniques. Et si nous ne nous organisons pas entre nous, nous nous retrouverons demain avec un coordonnateur imposé par les pouvoirs publics… »

La rémunération, ce grand diviseur

Dans un rapport remis le mercredi 28 février à Marisol Touraine, Catherine Génisson et Alain Milon, sénateurs, estiment que l’amélioration des soins passe par une nouvelle répartition des rôles entre les professionnels. « Les pharmaciens n’étaient pas inclus dans le champ de l’article 51 de la loi HPST sur les coopérations, mais la proposition de loi Fourcade a permis de mettre en place d’autres formes de coopération les incluant », rappelle Alain Milon. « L’article ne considère la notion de coopération que sous la forme de la délégation de tâches, souligne pour sa part Gilles Bonnefond. C’est ce qui bloque complètement le mécanisme car nous ne sommes pas à l’hôpital. »

Autre regret pour les pharmaciens : ils sont aujourd’hui toujours exclus des PRADO, les programmes de parcours de soins de sorties d’hôpital mis en place par l’Assurance maladie. D’où une certaine inquiétude quant aux pourparlers que doit lancer l’Assurance maladie, dès que son directeur aura obtenu, pour négocier le montant de cette rémunération interprofessionnelle, le mandat de son conseil d’administration le 20 mars. D’autant que les syndicats arrivent en ordre très dispersé dans la bataille. Jean-François Rey, président de l’UNPS, l’interlocuteur naturel de l’Assurance maladie sur l’interprofessionnalité, ne fait pas l’unanimité. Il a déjà rendu publiques ses propositions. « On doit créer un acte de coopération forfaitaire pour rémunérer ce travail à travers un accord conventionnel interprofessionnel, a-t-il expliqué. Le plus simple est de faire passer ce forfait par la rémunération sur objectifs de santé publique, ce qui permettrait de le décliner dans l’ensemble des conventions. » Problème : plusieurs syndicats refusent le véhicule de l’accord conventionnel interprofessionnel, en particulier l’USPO. « A l’UNPS, il n’y a aucun travail en commun, dit Gilles Bonnefond. Je ne fais pas confiance à Jean-François Rey qui a déjà voulu mettre de côté les pharmaciens lors de la réflexion sur les PAERPA. » Les difficultés ne se résument pas à ces querelles. « Si cette négociation a été si longtemps repoussée, c’est aussi parce que les caisses sont vides, rappelle Michel Chassang. On ne peut pas demander aux professionnels de mieux coopérer sans un kopeck. »

Aujourd’hui, ce sont 150 équipes de soins qui expérimentent, dans des maisons ou pôles de santé, les forfaits des nouveaux modes de rémunération. En moyenne, chaque équipe percevrait entre 40 et 50 000 euros. Aucune règle n’est encore fixée sur le partage de la somme entre chaque profession. Pas sûr, donc, que les parts du gâteau aient la même taille pour chacun.

En Ile-de-France, des outils concrets

La coopération est souvent plus facile quand elle s’engage sur le terrain. C’est ce que prouve l’URPS d’Ile-de-France. « Il y a beaucoup moins d’expressions de corporatisme et de freins quand on se rencontre et qu’on discute, explique Renaud Nadjahi, président de l’URPS-pharmaciens d’Ile-de-France. Ce qui freine la coopération, c’est parfois tout simplement le manque d’outils concrets. » Pour y remédier, l’URPS a développé une idée toute simple : une « carte de coordination des soins » remise au patient par le pharmacien, le médecin ou l’infirmière qui le prend en charge. Plusieurs milliers ont déjà été distribués depuis le début de l’automne. Et sur cette carte, chaque praticien met son tampon. Alors que le DMP est dans la nasse et les messageries sécurisées de l’ASIP Santé encore balbutiantes, cet outil cartonné a néanmoins vocation à prendre une forme numérique plus tard. « Les URPS d’Ile-de-France ont également signé un engagement pour participer aux territoires de soins numériques, l’appel à projet du ministère de la Santé et du ministère du Redressement productif », ajoute Renaud Nadjahi, qui mentionne un troisième projet : un entretien sur la contraception en collaboration entre médecins, pharmaciens et sages-femmes. « Les espaces de confidentialité des officines sont un lieu possible pour ce type d’expérimentation », conclut le président de l’URPS.

www.lemoniteurdespharmacies.fr Consultez dans les archives les articles « Une carte de coordination de soins patients/soignants » et « PAERPA : les pharmaciens au cœur de la coordination » parus dans les n° 3000 et 3021.

La coordination doit être « organisée et structurée »

Invitée le 5 mars du Café Nile, Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens, a reconnu que la coopération est une nécessité. « Mais, dans la réalité, c’est plus difficile », déclare-t-elle. Comment y remédier ? Pour l’élue, il est « souhaitable » que les professionnels de santé se retrouvent ensemble dans la formation initiale et continue. Mais cela ne suffira pas. « Il faudra que l’exercice de demain soit structuré et organisé pour que le professionnel puisse travailler en pensant au suivant. Ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui », dit-elle. Selon l’Ordre, les nouvelles technologies comme le DP seront un moyen de réaliser cette coordination. L.T.

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