LA FIÈVRE MONTE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3018 du 08/02/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3018 du 08/02/2014
 
SUBSTITUTION DU PARACÉTAMOL

L’événement

Auteur(s) : Chloé Devis

Le projet d’inscription du paracétamol au tableau des génériques n’en finit pas de faire monter la température sociale. Les deux laboratoires leaders du marché, Sanofi et BMS, qui assurent l’ensemble de leur production en France, redoutent en effet une baisse des ventes, potentiellement destructrice pour l’emploi. Une démarche aux effets également incertains pour l’officine.

L’ANSM soupçonnait-elle le tollé que provoquerait l’annonce, début décembre, de son intention de créer un groupe générique du paracétamol, soit la molécule la plus vendue en volumes en France ? Groupe qui aura « la particularité de ne comporter que des princeps, mais qui seront tous substituables entre eux, ce qui est une première », fait remarquer l’économiste de la santé Claude Le Pen. La mesure, qui ne concerne que les formes sèches, obligerait les pharmaciens à substituer un générique à toute prescription de Doliprane (Sanofi), d’Efferalgan ou de Dafalgan (BMS), les trois marques qui représentent plus de 85 % d’un marché dont un quart seulement relève de l’automédication. La disposition ne pourra cependant être actée qu’après réception par l’ANSM des observations émises par les 37 titulaires d’une autorisation de mise sur le marché sur le plan technique et scientifique, qui avaient jusqu’au jeudi 6 février pour le faire. Les cas de Doliprane, Efferalgan et Dafalgan constituent aujourd’hui une exception puisque le brevet les protégeant a expiré depuis longtemps.

L’absence de groupe générique pour le paracétamol jusqu’alors résulte d’un arbitrage rendu en 2003 par le ministère de la Santé pour protéger l’emploi sur deux sites de production en contrepartie de baisses de prix successives. C’est l’Autorité de la concurrence qui a proposé, en juillet dernier, de mettre fin à ce statu quo. A la clé, un alignement sur la situation des autres pays européens, l’amélioration de la concurrence et des économies pour le patient et pour l’assurance maladie. Le développement des génériques est censé alléger d’une dizaine de millions d’euros la facture annuelle rien que pour Doliprane, soit 276 millions d’euros, ce qui en fait le cinquième médicament le plus remboursé en France.

Des prix incompressibles selon les laboratoires

Mais les laboratoires ne l’entendent pas de cette oreille. « Nous ne voyons pas où se situe la distorsion de concurrence car les paracétamols de marque génériqueur existent, sont disponibles dans les officines et ne sont pas plus substituables que les marques de BMS et de Sanofi. L’économie pour la Sécurité sociale et le patient est donc nulle. Même le Gemme reconnaît qu’il sera difficile de comprimer encore davantage les prix », dénonce ainsi Benoît Gallet, vice-président des affaires publiques de BMS.

Soutenus par les syndicats et les élus locaux et leurs propres salariés, fortement mobilisés, les deux groupes pharmaceutiques pointent le risque que ferait peser cette mesure sur l’emploi. Plus de 1 000 emplois directs seraient en effet menacés sur les sites de production et de distribution du paracétamol dans les régions, principalement à Agen (BMS), Lisieux et Compiègne (Sanofi). Les industriels mettent également en avant les considérables investissements réalisés ces dernières années pour moderniser leurs outils, mais aussi le risque d’une perte de compétitivité à l’international.

Sanofi et BMS ont donc entrepris d’interpeller l’ensemble des parties prenantes du dossier, y compris les ministères, sur la nécessité de stopper le projet et de rouvrir le débat de manière concertée. Avec une certitude : si l’ANSM est techniquement en charge du dossier, c’est bien au plus haut niveau du gouvernement que se jouera la décision finale.

De nombreuses inconnues pour l’officine

De leur côté, sans être dans l’œil du cyclone, les officines ne disposent guère d’éléments fiables à ce jour pour appréhender les répercussions sur leur activité qu’aura l’obligation de substitution du paracétamol, alors que les enjeux sont à la mesure des volumes en question. A en croire les arguments des laboratoires, elles seraient gagnantes : leur crainte d’une chute des ventes repose en effet, notamment, sur l’attractivité des remises consenties par les génériqueurs. Mais la question de la légalité de ces pratiques reste en suspens. « Il existe déjà des versions génériques du paracétamol sur le marché et des officinaux qui délivrent du paracétamol sur DCI plutôt que des produits de marque. Donc la nouvelle disposition risque de ne pas changer grand-chose pour l’officine, à moins que d’autres incitations financières soient envisagées », estime Claude Le Pen.

« En principe, avec l’entrée en vigueur du nouveau mode de rémunération, il n’y a pas d’enjeu économique pour le pharmacien, renchérit Philippe Gaertner, président de la FSPF. On sera dans un cas de figure classique de générication pour la partie prescription. Sur la partie des demandes faites sans ordonnances, il est plus difficile d’imaginer le comportement du patient-consommateur. Mais il y a de fortes chances que celui-ci conserve son choix habituel. » Aux yeux de Michel Caillaud, conseiller économique de l’UNPF, « les inconnues sont à ce jour trop nombreuses, notamment sur les aspects de prix et de volumes, pour trancher sur l’impact, bénéfique ou pas, de l’entrée du paracétamol au tableau des génériques pour l’activité officinale ». La diversité des scénarios tient notamment aux choix que feront Sanofi et BMS, en lien avec l’évolution de la rémunération de l’officine : désengagement de la production, demande d’inscription de leurs produits au TFR assortie d’une baisse des prix, abandon de la vente en direct entraînant la perte des conditions commerciales avantageuses qui y sont associées pour le pharmacien, voire déremboursement comme l’a explicitement envisagé Sanofi…

« Dans ce cas, si le produit n’est plus soutenu par la visite médicale, on peut s’attendre à une baisse des volumes même si la marge reste identique », note Michel Caillaud. L’option ouvrirait toutefois « la possibilité de faire de la publicité grand public, voire d’augmenter les prix , indique pour sa part Claude Le Pen. Mais je ne pense pas que les autorités sanitaires y soient favorables ». Affaire à suivre…

REPÈRES

• Juillet 2013 : l’Autorité de la concurrence s’étonne de l’absence de groupe générique pour le paracétamol.

• Décembre 2013 : l’ANSM annonce son intention d’intégrer le paracétamol à son Répertoire des génériques.

• Janvier 2014 : 1 500 salariés du site de production de BMS à Agen manifestent contre cette mesure.

• Janvier 2014 : Arnaud Montebourg déclare sur Europe 1 que c’est au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de statuer sur l’entrée du paracétamol au Répertoire des génériques, au vu du risque que ferait peser ce projet sur l’emploi.

• Février 2014 : 630 salariés des trois sites de production de Sanofi (Oise, Loiret et Calvados) défilent à leur tour.

CHIFFRES

500 millions

Nombre de boîtes produites (marques et génériques confondus) par an.

5e

Le Doliprane est le 5e médicament le plus remboursé par l’assurance maladie.

75 %

Les trois quarts des ventes de paracétamol se font sur prescription.

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