BATAILLE RANGÉE AUTOUR DU MONOPOLE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3017 du 01/02/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3017 du 01/02/2014
 
AUTOMÉDICATION EN GRANDE SURFACE

Actualité

Auteur(s) : François Pouzaud*, Loan Tranthimy**

Face aux représentants de l’UFC-Que Choisir et de la Fédération du commerce et de la distribution, l’Ordre des pharmaciens et le syndicat USPO sont montés au créneau, lors d’un débat organisé par l’Autorité de la concurrence, pour s’opposer contre l’ouverture potentielle de la distribution des médicaments sans ordonnance en grande surface.

La tension était palpable. En suggérant, dans son avis du 19 décembre 2013, une ouverture partielle du monopole pharmaceutique de la vente de médicaments sans ordonnance, l’Autorité de la concurrence a rallumé la mèche. La profession, représentée par Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens, et Gilles Bonnefond, président de l’USPO, a eu l’occasion d’en découdre avec des représentants de l’UFC-Que Choisir et de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), favorables à cette ouverture, lors du débat organisé par l’Autorité de la concurrence le 28 janvier.

Chacun a défendu ses positions en invoquant l’intérêt du patient. Isabelle Adenot rappelle que le monopole emporte le respect de règles déontologiques fondées sur des impératifs de protection de la santé publique, garantissant aux patients la qualité et la sécurité des approvisionnements, la traçabilité des produits, la proximité et l’indépendance du pharmacien. Autant de garanties qui pourraient voler en éclats si, demain, on ouvre des corners « médicament » dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) avec à leur tête un pharmacien diplômé. En effet, « la seule formation et le seul diplôme de docteur en pharmacie ne suffisent pas car la structure dans laquelle intervient le professionnel de santé est tout aussi essentielle », explique Isabelle Adenot.

Même si la Cour de justice de l’Union européenne conforte le choix de la France pour garantir à la population un haut niveau de protection de la santé publique, « l’ouverture de la concurrence se fera tôt ou tard », annonce Gérard Becher, trésorier national de l’UFC-Que Choisir et membre de sa commission santé, reprochant aux pharmaciens de mener « un combat d’arrière-garde ». Pour lui, la proposition de l’Autorité de la concurrence prend tout son sens pour des motifs purement consuméristes. « L’ouverture du monopole permettrait de faire baisser les prix des médicaments de prescription médicale facultative non remboursables de 15 % avec des impacts faibles sur la marge des officinaux, de l’ordre de 5 % », affirme-t-il, convaincu qu’elle ne va pas menacer profondément le réseau des officines.

Au contraire, pour Gilles Bonnefond, « la création de 500 à 800 pharmacies supplémentaires en GMS déstabiliserait le réseau alors qu’il n’y a pas de problème d’accessibilité des officines et qu’en milieu rural, le pharmacien reste parfois le seul professionnel de santé de proximité. »

La transparence sur les prix au cœur du débat

Le représentant de Que-Choisir a stigmatisé le conseil du pharmacien et le défaut d’information sur les prix alors qu’un arrêté du 26 mars 2003 l’y oblige : « Seule une officine sur dix affiche un panneau informant les consommateurs sur la liberté des prix des médicaments non remboursables. » Sur ces deux griefs, l’Ordre et l’USPO reconnaissent qu’il y a des insuffisances à corriger. Isabelle Adenot entend y remédier rapidement, en rappelant prochainement aux officinaux leur obligation d’affichage des prix. Par ailleurs, elle annonce la mise en place du nouveau programme de l’Ordre sur l’amélioration de la qualité de l’acte pharmaceutique. « Des audits pédagogiques vont être réalisés par des conseillers ordinaux à la demande des pharmaciens, et l’Ordre passera à la moulinette la qualité du conseil via des visites de clients mystère dans 3 000 pharmacies par an », dévoile Isabelle Adenot.

Sur le manque de concurrence entre officines, le débat s’est résumé à une querelle stérile de chiffres. Que Choisir corrobore les écarts de prix (rapport de 1 à 4) relevés sur les médicaments non remboursables par l’Autorité de la concurrence, tandis que Gilles Bonnefond en stigmatise les biais (analyse uniquement des extrêmes, sélection d’une seule marque). Isabelle Adenot soutient que le rapport n’est que de 1 à 2. En revanche, elle rejoint cette association de consommateurs sur la nécessité d’avoir un observatoire sur les prix des médicaments de prescription médicale facultative. Gilles Bonnefond ajoute qu’il y a un autre combat à mener : faire sauter toutes les entraves aux achats groupés. « Le jour où il y aura une information sur les prix en officine, UFC-Que Choisir sera moins virulent sur sa position à l’égard de l’ouverture du monopole », promet Gérard Becher.

Mêmes droits, mêmes devoirs en GMS

De son côté, Jacques Creyssel, président de la FCD, balaie d’un revers de main les arguments avancés par la profession. Il met en avant les atouts de la GMS : une capacité d’achat forte sans passer par des intermédiaires et sans confier les stocks à des dépositaires (coût économisé de 8 à 10 %), mais aussi à gérer les stocks, à investir et à pratiquer des marges nettes faibles (en moyenne de 1,5 %), la proximité, la sécurité d’approvisionnement. Jacques Creyssel propose aussi que les diplômés en pharmacie employés d’une GMS soient soumis aux mêmes règles et remplissent les mêmes conditions d’exercice que les officinaux. « Ils pourraient être inscrits à l’Ordre et, dans le cadre de leur contrat de travail, prendraient des engagements sur le plan déontologique pour que leur conseil soit réalisé en toute indépendance dans le seul intérêt du patient. »

Isabelle Adenot doute toutefois de sa capacité à recruter suffisamment de diplômés pour pouvoir garantir la présence d’un pharmacien permanente dans ces corners : « Si la GMS en ouvre 2 200, il faudra 3 fois plus de pharmaciens à embaucher compte tenu des amplitudes horaires des GMS. Où allez-vous les trouver alors que plus de 10 000 pharmaciens sont aujourd’hui âgés de plus de 63 ans ? » Le vieillissement de la profession pourrait bien être le meilleur rempart de la profession…

REPÈRES

• Février 2013 : l’enquête sectorielle annuelle de l’Autorité de la concurrence vise le secteur de la distribution du médicament à usage humain.

• Juillet 2013 : l’Autorité de la concurrence présente un document préparatoire et lance une consultation publique sur ce document.

• Décembre 2013 : l’instance publie son rapport définitif après avoir reçu 105 contributions dont celles de nombreux pharmaciens d’officine.

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