LE REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN - Le Moniteur des Pharmacies n° 3005 du 02/11/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3005 du 02/11/2013
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Le RGO de monsieur D. s’aggrave

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

M. Vincent D., 50 ans.

Par quel médecin ?

Son médecin traitant.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

M D., fumeur, est sous hypocholestérolémiant depuis deux ans environ. Représentant commercial, il mange régulièrement au restaurant et apprécie le bon vin ! Il souffre d’un reflux gastro-œsophagien qu’il gérait jusqu’à présent lui-même par la prise occasionnelle d’antiacides ou d’anti-H2, sur prescription ou en conseil. Le pharmacien a remarqué qu’il avait tendance à prendre du poids ces derniers temps.

Quel était le motif de la consultation ?

M. D. a profité d’une consultation de suivi de son hypercholestérolémie pour signaler à son médecin qu’il était de plus en plus fréquemment gêné par des régurgitations acides, surtout la nuit.

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin a expliqué à monsieur D. que l’aggravation des signes de reflux n’avait rien d’alarmant.

Vérification de l’historique patient

Hormis des prescriptions de fluvastatine, de Maalox et des délivrances occasionnelles de Pepcidac, M. D. ne prend aucun autre traitement particulier.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Lansoprazole est un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Les IPP ont une action antisécrétoire puissante mais retardée (24 à 48 h voire plus), dose-dépendante, qui se maintient en cas de traitement prolongé sans phénomène de tolérance.

• Topaal est une association d’antiacides (oxyde d’aluminium, carbonate de magnésium), d’acide alginique et de silice colloïdale qui forme un gel surnageant à la surface du liquide gastrique. Son action est très rapide (dans les 15 mn) mais brève (2 à 4 h).

• Fluvastatine est un inhibiteur de l’HMG-CoA-réductase, enzyme responsable de la synthèse hépatique du cholestérol.

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui. Les antiacides associés aux alginates sont des traitements qui agissent rapidement mais dont l’action est de courte durée. Ils sont indiqués en cas de symptômes de RGO peu fréquents (moins d’une fois par semaine). Lorsque les symptômes sont plus rapprochés, la prescription d’un IPP est justifiée. La prescription d’un antiacide, à la demande, vise à soulager le patient en attendant l’action optimale de l’IPP.

• La fibroscopie n’est pas indispensable en cas de symptômes typiques de RGO. Le médecin généraliste a estimé que chez M. D. elle n’était pas nécessaire. Elle est recommandée à partir de 60 ans (ANSM) ou de 50 ans (SNFGE) ou en cas de symptômes atypiques ou de signes d’alarme (amaigrissement, dysphagie, anémie…), pour dépister une œsophagite ou une lésion néoplasique.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Le dosage de lansoprazole n’est pas précisé.

Dans un RGO sans œsophagite, le lansoprazole est prescrit en première intention à demi-dose (soit 15 mg par jour) durant 4 semaines. Joint au téléphone, le médecin confirme le dosage de 15 mg. (réponse 1).

• Topaal se prend à raison de 2 comprimés 3 fois par jour, la dernière prise se faisant de préférence au coucher.

Y a-t-il des contre-indications pour le patient ?

Non.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

Oui. Les antiacides diminuent l’absorption intestinale des autres médicaments et doivent être pris à 2 ou 3 heures de distance de l’IPP et de la statine.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Non. Les traitements prescrits ne nécessitent pas de surveillance particulière. Si les signes cliniques s’améliorent, aucune visite de contrôle n’est nécessaire en cas de RGO non compliqué. En l’absence d’amélioration, le patient devra reconsulter son médecin.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant le traitement du reflux

M. D. a l’habitude de prendre des antiacides. Mais c’est la première fois qu’il a pour traitement un IPP, il convient donc de lui prodiguer certains conseils.

Utilisation des médicaments

• Les comprimés orodispersibles de lansoprazole renferment des microgranules gastrorésistants (les inhibiteurs de la pompe à protons sont rapidement inactivés par l’acidité gastrique). Le patient peut les sucer ou les avaler avec un peu d’eau. Il ne doit ni les croquer ni les mâcher.

• Les comprimés de Topaal doivent être croqués. Ils se prennent après les repas et à distance des autres traitements. Une dernière prise le soir au coucher est recommandée pour une action sur les symptômes nocturnes.

Quand commencer le traitement ?

M D. souhaite débuter le lansoprazole le soir même. En effet, son sommeil est perturbé par des remontées acides et il pense qu’une prise le soir de ce médicament « puissant » sera bénéfique pour lui.

Il est recommandé de prendre les IPP le matin à jeun pour un effet antisécrétoire maximal. C’est ce qu’indique la plupart des RCP ainsi que les recommandations de bonne pratique (Afssaps 2007). Leur action étant prolongée sur 24 heures, ce moment de prise permet aussi une action sur les symptômes nocturnes. En pratique, il semble que le moment de prise, matin ou soir, ait peu d’importance. Si le patient est gêné la nuit, il est donc possible de lui recommander de prendre l’IPP le soir. Dans tous les cas, une prise 30 minutes avant les repas est recommandée (réponse 1 et 2).

Que faire en cas d’oubli ?

En cas d’oubli d’une prise d’IPP le soir, le patient peut rattraper la prise et prendre son traitement le lendemain matin. Un oubli occasionnel non rattrapé a peu d’incidence du fait de la longue demi-vie des IPP.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Sous IPP, l’amélioration des symptômes peut être constatée dans 24 ou 48 heures mais dans certains cas, plusieurs jours sont nécessaires pour ressentir la pleine action du traitement.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Sous lansoprazole : les inhibiteurs de la pompe à protons sont bien tolérés. Les effets indésirables les plus fréquents (entre 1 et 10 %) sont des troubles gastro-intestinaux (nausées, diarrhées ou constipation) des céphalées ou étourdissements, et des troubles cutanés (urticaire, prurit…). Plus rarement sont signalées des arthralgies et des myalgies.

• Sous Topaal : Le sel d’aluminium qu’il contient peut être responsable de constipation. Cet effet peut être contrebalancé par les sels de magnésium qui favorisent une diarrhée. En cas de traitement prolongé, l’hydroxyde d’aluminium expose aussi à un risque de déplétion phosphorée.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

Les effets indésirables de l’IPP (troubles gastro-intestinaux, céphalées…) sont généralement transitoires, et ne nécessitent pas de prise en charge spécifique.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

En cas de soulagement insuffisant au bout de quelques jours (une semaine environ), il faut vérifier la bonne observance du traitement et sa prise avant le repas. Si cette mesure reste inefficace, le patient devra revoir son médecin.

Concernant la fluvastatine

Il s’agit d’un renouvellement. Aussi est-ce l’occasion de s’assurer que ce traitement est efficace et bien toléré.

Modalités de prise

La fluvastatine se prend de préférence le soir (l’activité de l’HMG-CoA-réductase est plus importante la nuit que le jour), au cours ou en dehors du repas.

Efficacité du traitement

Le pharmacien demande à M D. à quand remonte sa dernière prise de sang pour contrôler son cholestérol et si les résultats étaient satisfaisants.

Signes d’alerte

Les statines peuvent induire des atteintes musculaires parfois graves, voire une rhabdomyolyse (très rare). La survenue de crampes ou de douleurs impose de mesurer la CPK (créatine phosphokinase).

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Recommander à M. D. de limiter sa consommation d’alcool et de repérer éventuellement d’autres aliments déclenchant : café, épices… Appuyer les conseils du médecin en lui expliquant que le surpoids est un facteur favorisant le RGO.

• Vérifier que M. D. a bien compris les conseils à suivre pour son hypercholestérolémie. Dans tous les cas, les repas copieux et gras sont à éviter car ils favorisent les remontées acides, notamment en réduisant la vidange gastrique. Encourager également une activité physique régulière mais pas après un repas.

• Pour limiter la survenue des symptômes, respecter un délai de 3 heures entre le repas et le coucher. Surélever la tête du lit (à l’aide de cales sous les pieds du lit).

• Encourager l’arrêt du tabac.

HUIT MOIS PLUS TARD

• M. D. vient à la pharmacie chercher conseil. Après son traitement par lansoprazole qui l’avait bien soulagé, les symptômes étaient réapparus, et monsieur D. était venu renouveler son ordonnance. Par la suite, il avait également acheté à plusieurs reprises des IPP en OTC.

• Aujourd’hui, M. D. souhaite acheter une boîte de Mopralpro. Il explique au pharmacien qu’il ne peut plus manger comme avant : la semaine dernière, il n’a pas pu finir son bœuf bourguignon car il n’arrivait pas à avaler certains morceaux !

L’IPP peut être délivré mais une dysphagie récente est un signe d’alerte qui nécessite impérativement d’orienter le patient vers un gastroentérologue (réponse 2). En effet, la dysphagie peut être le premier signe (avant un amaigrissement) d’un cancer œsophagien. Une fibroscopie doit être réalisée sans tarder.

PATHOLOGIE

Le RGO en 5 questions

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) consiste en une remontée d’une quantité anormale de liquide gastrique dans l’œsophage à travers le cardia en dehors d’un effort de vomissement.

1 QUELS SONT LES SIGNES DIGESTIFS ?

Les signes typiques sont :

• un pyrosis qui se manifeste par une sensation de brûlure rétrosternale ascendante débutant à l’épigastre.

• des régurgitations ou remontées du contenu gastrique, acides ou amères, jusqu’au niveau du pharynx sans effort ni nausée.

• parfois des brûlures épigastriques isolées.

Ces symptômes sont d’autant plus spécifiques qu’ils surviennent en période postprandiale (particulièrement en cas de repas gras, épicé ou alcoolisé) ou dans certaines postures (allongé ou penché en avant).

2 QUELS SONT LES SYMPTÔMES EXTRADIGESTIFS ?

• La responsabilité du RGO est classiquement retenue dans certaines manifestations respiratoires, otorhinolaryngées, pseudo-cardiaques et même dans la survenue de troubles du sommeil.

• Les symptômes respiratoires sont principalement une toux chronique et des épisodes asthmatiformes souvent nocturnes.

• Les troubles ORL se manifestent par un mal de gorge chronique, un enrouement, ou une dysphonie liés à une inflammation du pharynx et des cordes vocales. Le RGO pourrait être également responsable d’otalgies inexpliquées, de laryngites et de lésions stomatologiques.

• Les symptômes d’allure cardiaque se manifestent par des douleurs thoraciques évoquant une angine de poitrine mais dont le bilan cardiologique reste négatif.

• Le RGO est également impliqué dans des troubles du sommeil entraînant des micro-éveils nocturnes responsables d’une fatigue et d’une moindre productivité au travail.

• Le lien de causalité entre ces symptômes extra-digestifs et le RGO est un point qui reste néanmoins à éclaircir. L’effet irritant sur les muqueuses du reflux acide serait un premier mécanisme pouvant l’expliquer (le RGO pouvant être associé à un reflux pharyngolaryngé). Le deuxième serait lié à un phénomène réflexe de la partie inférieure de l’œsophage.

3 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• La principale conséquence du RGO est l’œsophagite directement liée à l’irritation de la muqueuse œsophagienne par l’acide gastrique. Il peut s’agir d’érosion isolée ou confluente (œsophagites non sévères) voire d’érosions plus larges et circonférentielles (œsophagites sévères) pouvant aller jusqu’à l’ulcération (œsophagites compliquées). Cependant, la grande majorité des œsophagites simples ne se complique jamais sauf en cas de facteurs favorisants que sont l’âge avancé, la dénutrition, l’alcoolisme ou l’usage d’AINS. Une œsophagite sévère fait courir un risque d’hémorragie digestive.

• La sténose peptique siège à la partie inférieure de l’œsophage. Elle est la conséquence d’une œsophagite sévère le plus souvent ancienne. L’âge moyen de survenue se situe autour de 60 ans. Elle se manifeste essentiellement par une dysphagie. Sa prévalence en endoscopie est de l’ordre de 2 %.

• L’endobrachyœsophage est une complication rare qui survient après plusieurs années d’évolution d’une œsophagite. Il correspond à une transformation de la muqueuse de l’œsophage en une muqueuse de type intestinal avec un risque d’évolution en adénocarcinome. Le risque augmente sensiblement après 50 ans.

• Le RGO ne peut pas évoluer vers un ulcère gastrique dont la physiopathologie est différente (implication d’Helicobacter pylori).

4 QUELS SONT LES FACTEURS FAVORISANTS ?

• La surcharge pondérale et l’obésité favorisent la survenue d’un RGO par hyperpression abdominale.

• Certains facteurs alimentaires comme les repas gras et trop copieux, la consommation de chocolat ou de café, l’alcool et le tabac ont également un rôle déclenchant dans le RGO.

• Certains médicaments déclenchent ou aggravent un RGO en limitant la tonicité du sphincter inférieur de l’œsophage. Il s’agit entre autres de la théophylline, de la nicotine, des inhibiteurs calciques, des dérivés nitrés et des anticholinergiques. Les AINS ont un mécanisme d’action moins bien connu. S’ils ne semblent pas directement responsables de RGO, ils peuvent aggraver un reflux préexistant.

La grossesse, notamment au cours du dernier trimestre, favorise des épisodes de RGO chez près d’une femme sur deux. Cela s’explique par une augmentation de la pression intra-abdominale. La progestérone serait aussi un facteur favorisant.

• La chirurgie gastrique de l’obésité génère fréquemment des reflux gastro-œsophagiens quel que soit le mode opératoire utilisé.

5 COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

• Les circonstances diagnostiques du RGO sont très variables selon la symptomatologie et l’âge du patient.

• Avant 50 ans et en l’absence de signes d’alarme (dysphagie, amaigrissement, hémorragie digestive, anémie), la symptomatologie (pyrosis associé à des régurgitations) suffit pour poser le diagnostic.

• Lorsque les signes sont plus atypiques (douleur épigastrique isolée laissant craindre un ulcère gastrique), en cas de manifestations extradigestives, de mauvaise réponse au traitement ou en présence de signes d’alarme, le recours aux examens complémentaires s’impose quel que soit l’âge.

• La fibroscopie œsogastrique est l’examen de première intention permettant de mettre en évidence une éventuelle œsophagite et de s’assurer de l’absence de complications ou de lésions d’allure cancéreuse (d’autant qu’il existe parfois une grande discordance entre les symptômes allégués par le malade et les constatations endoscopiques).

• En cas de fibroscopie normale une pH-métrie peut être proposée car c’est le seul examen qui confirme de façon certaine un RGO. Elle permet de quantifier un RGO dans sa durée et sa fréquence au moyen d’un capteur intra-œsophagien, introduit par voie nasale grâce à un cathéter et connecté à un boîtier externe. Cet examen est réservé aux manifestations extra-digestives du RGO pour éliminer d’autres diagnostics mais également en cas de reflux typique sans lésion d’œsophagite chez des patients non améliorés par le traitement de référence ou rechutant rapidement.

• D’autres examens comme la manométrie ou l’impédancemétrie sont indiqués lorsqu’une intervention chirurgicale se discute. Plus récente la vidéocapsule endoscopique reste d’usage limité en raison de son coût.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter le RGO ?

Chez l’adulte, la prise en charge du RGO et des éventuelles lésions d’œsophagite associées est essentiellement médicamenteuse. La prescription d’un traitement continu par IPP est justifiée en cas de récidives précoces ou fréquentes. La place de la chirurgie, seul traitement étiologique, reste limitée.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Objectifs du traitement

• Le traitement du RGO est indiqué en cas de troubles fonctionnels altérant la qualité de vie et/ou de lésions œsophagiennes documentées. Ses objectifs sont de soulager les symptômes, de cicatriser les éventuelles lésions d’œsophagite et de prévenir les récidives.

• Si des mesures hygiénodiététiques sont habituellement recommandées, le traitement est essentiellement médicamenteux, prescrit selon les cas de façon ponctuelle, intermittente ou continue. La stratégie thérapeutique est guidée par la fréquence des symptômes, la présence d’une œsophagite et sa sévérité, la fréquence et le délai d’apparition d’éventuelles rechutes.

• Le traitement peut faire appel aux topiques (antiacides et alginates) et aux antisécrétoires (anti-H2 et IPP). Le recours à la chirurgie est de plus en plus rare étant donné l’excellente tolérance et l’efficacité des IPP au long cours.

Mesures hygiénodiététiques

• Les mesures ayant fait preuve de leur efficacité sont la surélévation de la tête du lit et un intervalle d’au moins 3 heures entre le dîner et le coucher. Le surpoids étant considéré comme un facteur favorisant, la réduction pondérale peut être bénéfique.

• Le patient peut identifier et corriger ses propres facteurs favorisants : efforts physiques intenses, certaines postures (antéflexion, décubitus), habitudes alimentaires (repas gras, épicés…) et boissons (café, boissons gazeuses, alcool).

• Inversement, l’exercice physique modéré et l’apport de fibres alimentaires pourraient avoir un effet protecteur.

Prise en charge à court terme

• Si les symptômes sont typiques et espacés (moins d’une fois par semaine), les règles posturales et hygiénodiététiques suffisent, associées si besoin à un traitement d’effet immédiat à la demande, éventuellement en automédication : alginates ou antiacides ou anti-H2 à demi-dose.

• Si les symptômes sont typiques et rapprochés (> 1 fois/semaine), un traitement symptomatique par IPP à demi-dose (sauf oméprazole : pleine dose) pendant 4 semaines est recommandé. L’automédication est possible sous certaines conditions (voir Prise en charge à l’officine ci-dessous).

• Si le patient a plus de 50 ans et/ou présente des signes d’alerte ou en cas d’inefficacité ou de rechute rapide après le traitement, une fibroscopie est recommandée. Si l’endoscopie montre l’absence d’œsophagite ou une œsophagite peu sévère, le traitement est le même qu’en cas de symptomatologie typique chez le sujet de moins de 50 ans. En cas de symptômes rapprochés et persistants, les IPP peuvent être utilisés à pleine dose.

• En cas d’œsophagite sévère, un traitement de cicatrisation est recommandé par IPP à pleine dose pendant 8 semaines suivi d’un contrôle endoscopique. En cas de réponse insuffisante, les doses d’IPP peuvent être augmentées (hors AMM).

Prise en charge à long terme

• Dans le cadre d’un RGO sans œsophagite ou avec œsophagite non sévère, les récidives espacées justifient un traitement intermittent dans des modalités identiques à celles du traitement initial ou un traitement IPP à la demande.

• Si les rechutes sont précoces et/ou fréquentes, un traitement continu par IPP à dose minimale efficace est recommandé.

• En cas d’œsophagite sévère, avec récidive de symptômes quasi-constante, la prescription au long cours d’un IPP à dose minimale efficace est recommandée.

Profils particuliers

Femmes enceintes

• La stratégie de traitement est progressive en commençant généralement par des mesures hygiénodiététiques puis des antiacides.

• En cas d’échec de ces derniers, le recours aux IPP est possible puisque les données actuelles ne suggèrent pas de risque fœtal lié aux IPP. Toutefois, selon le CRAT, les données concernant l’utilisation du rabéprazole pendant la grossesse étant peu nombreuses, les autres IPP seront préférés chez la femme enceinte.

• De même, si la prescription d’un anti-H2 est justifiée, la ranitidine et la famotidine sont à privilégier chez la femme enceinte (effet antiandrogène chez l’animal avec la cimétidine et insuffisance de données pour la nizatidine).

Enfants et nourrissons

• Au-delà de 18 mois, la stratégie thérapeutique est la même que celle de l’adulte.

• Chez le nourrisson de moins de 18 mois, le RGO physiologique sera pris en charge par des mesures hygiénodiététiques (fractionner/diminuer le volume des biberons et les épaissir). Le RGO pathologique documenté ou compliqué justifie un traitement antisécrétoire. Les IPP sont à privilégier sur les anti-H2, bien qu’aucun IPP n’ait d’AMM chez l’enfant de moins d’un an. Cependant, le cas échéant, un traitement par IPP est recommandé même avant un an (hors AMM).

L’oméprazole et l’ésoméprazole qui ont une AMM à partir de 1 an seront préférés sur une durée initiale de 2 à 3 mois. Les traitements prolongés sont à éviter (risque plus fréquent d’infections digestives, ORL et respiratoires). Les topiques ont une efficacité modérée chez les nourrissons.

• La dompéridone n’est plus indiquée dans le traitement du RGO chez le nourrisson et l’enfant (risque d’arythmie ventriculaire).

TRAITEMENT

Les topiques

Les topiques présentent une efficacité limitée sur les symptômes du RGO. Ils ne permettent pas la cicatrisation des lésions œsophagiennes. Leur action locale, rapide mais courte, est adaptée à une utilisation à la demande.

Les antiacides

• Les antiacides (sels d’aluminium, de magnésium, de calcium ou de sodium) agissent en neutralisant l’acidité des sécrétions gastriques par neutralisation transitoire des ions H+. Leur action est immédiate mais courte, environ 30 à 60 minutes.

• Ils sont indiqués en traitement intermittent, à raison d’une prise après les repas associée si besoin à une prise au coucher, ou à la demande au moment des douleurs.

• Leurs principaux effets indésirables sont digestifs et varient selon les sels utilisés : les sels d’aluminium retardent la vidange gastrique et exposent à un risque de constipation, voire d’obstruction intestinale à forte dose, les sels de magnésium accélèrent au contraire la vidange gastrique et exposent au risque de diarrhée. Les antiacides à base de carbonate de calcium peuvent provoquer constipation et flatulences, liées à la formation de gaz carbonique. L’utilisation prolongée expose à des déséquilibres type déplétion phosphorée, hypercalcémie, hypermagnésémie, notamment chez l’insuffisant rénal. La prise d’antiacides à base de bicarbonate de sodium apporte du sodium en quantité non négligeable avec risque d’aggravation d’insuffisance cardiaque ou rénale et d’HTA.

• Leur principal inconvénient est de diminuer l’absorption de nombreux médicaments pris par voie orale, soit par diminution du pH gastrique soit par formation de complexes insolubles. Par prudence, on recommande d’espacer la prise de 2 à 3 heures avec tout traitement concomitant en prenant de préférence l’antiacide en dernier.

Les alginates

• Les alginates forment un gel visqueux surnageant au niveau du contenu gastrique avec un effet de barrière qui protège l’œsophage lors des reflux. Leur action est quasi immédiate et d’une durée de 2 à 4 heures.

• Ils partagent les principaux effets indésirables et inconvénients des antiacides.

Les antisécrétoires

Les antisécrétoires inhibent la sécrétion d’acide chlorhydrique par les cellules pariétales de l’estomac. Il n’y a pas de preuve de leur efficacité sur les manifestations extra-digestives isolées du RGO.

Les anti-H2

• Les anti-H2 (cimétidine, famotidine, nizatidine, ranitidine) agissent par blocage compétitif au niveau des récepteurs membranaires H2 à l’histamine. Ils empêchent ainsi la fixation de l’histamine sur les récepteurs des cellules pariétales de l’estomac et inhibent son action prosécrétoire acide.

• Leur effet est rapide, d’intensité modérée, de durée supérieure aux topiques (environ 6 heures).

• Les anti-H2 sont efficaces dans le traitement des symptômes du RGO et des lésions d’œsophagites non sévères. Toutefois, la supériorité d’efficacité des IPP tant sur les symptômes que sur la cicatrisation des lésions ayant été démontrée, les anti-H2 sont aujourd’hui un traitement de deuxième ligne des œsophagites non sévères. Leur effet antisécrétoire diminuant lors des traitements continus en raison d’un phénomène de tolérance pharmacodynamique, ils ne sont pas recommandés en traitement d’entretien.

• Les anti-H2 sont bien tolérés, leurs principaux effets indésirables sont des céphalées, des sensations de vertige, des troubles du transit, une fatigue et des douleurs musculaires.

La cimétidine (aux doses ≥ 800 mg/j) étant un inhibiteur du cytochrome P450, son utilisation expose au risque d’accumulation de certains médicaments. Pour cette raison, les autres molécules lui sont souvent préférées.

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)

• Les IPP (oméprazole, ésoméprazole, pantoprazole, lansoprazole, rabéprazole) agissent en bloquant irréversiblement la pompe à protons H+/K+ATPase, qui libère les ions H+ (responsables de l’acidité) dans la lumière de l’estomac. Seul le renouvellement « naturel » des pompes à protons explique la perte d’efficacité en cas d’interruption de la prise médicamenteuse. Leur action antisécrétoire est puissante et maintenue dans le temps (> 24 heures). Leur efficacité est supérieure aux anti-H2 dans le traitement des symptômes du RGO et des lésions d’œsophagite et de sténose peptique. Toutefois, ils ne permettent pas de faire régresser les lésions d’endobrachyœsophage. En l’absence de phénomène de tolérance ou d’effet rebond objectivé à l’arrêt d’un traitement, les IPP peuvent être utilisés au long cours dans la prévention des récidives ou le traitement des complications du RGO.

• L’efficacité des IPP est dose-dépendante. Elleaugmente en quelques jours avec l’hypochlorhydrie et atteint un plateau entre le 3e et le 5e jour du traitement.

• Les IPP sont globalement bien tolérés, à court ou à long terme. Les principaux effets indésirables, généralement en début de traitement, sont des céphalées, des troubles gastro-intestinaux (nausées/ vomissements, flatulences, diarrhée ou constipation…) et des vertiges. Lors d’un traitement au long cours, a été rapportée une augmentation du risque de fractures, d’infections intestinales et de pneumopathies. Ces effets restent discutés.

Les IPP ayant un effet hyponatrémiant, le risque d’hyponatrémie est à prendre en compte notamment chez les patients âgés traités par diurétiques, desmopressine et carbamazépine.

• Les IPP (notamment oméprazole et ésoméprazole) sont inhibiteurs du cytochrome 2 C19, et peuvent interférer dans le métabolisme de certains médicaments. Ainsi ils sont susceptibles de diminuer l’efficacité du clopidogrel (prodrogue transformée en métabolites actifs par le CYP2C19), bien que la pertinence clinique de cette interaction soit incertaine.

• Par ailleurs, les IPP diminuent l’absorption digestive pH-dépendante de certains médicaments antiviraux, anticancéreux ou azolés (association déconseillée avec l’atazanavir et le posaconazole).

La chirurgie

• Seul traitement étiologique du reflux gastro-œsophagien, la chirurgie vise à reconstituer une barrière « anatomique » antireflux.

• Elle peut être discutée dans les cas où le patient garde des régurgitations gênantes malgré un traitement par IPP bien conduit.

• Le geste de référence est la fundoplicature sur 360 ou 180°.

• Dans 70 à 90 % des cas, les résultats cliniques de la chirurgie sont satisfaisants mais une dysphagie postopératoire est observée dans 5 à 10 %. Des manifestations fonctionnelles gênantes (flatulences, dysphagie, impossibilité d’éructer ou de vomir) peuvent subsister.

Perspectives d’avenir

Un dispositif implantable par voie cœlioscopique associant des petits aimants en titane (procédé LINK) placés en couronne au niveau de l’œsophage est disponible. Sous l’effet du magnétisme, la couronne d’aimants resserre l’œsophage et crée une barrière antireflux. L’intérêt à court terme de ce nouveau dispositif est prouvé mais son intérêt à moyen ou long terme reste à établir.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Hélène, 40 ans, infirmière

« Les symptômes du RGO sont apparus au cours de ma première grossesse. J’avais alors 31 ans. Je ressentais des brûlures au niveau de l’estomac qui remontaient jusque dans la gorge, surtout après avoir mangé et quand je m’allongeais. Je me rappelle que cela me réveillait la nuit et que c’était vraiment très douloureux. A l’époque, j’étais traitée par Gaviscon. J’ai souffert de la même manière au cours de mes 2 grossesses suivantes, pendant lesquelles mon médecin m’a prescrit de la ranitidine puis du Mopral et là, j’ai vraiment senti un soulagement. A présent, les symptômes réapparaissent lorsque je bois un peu d’alcool ou lorsque je fais un repas copieux. J’ai une prescription d’Inexium que je prends à la demande et qui me soulage bien dans ces situations. Je fais aussi attention à ne pas m’allonger juste après un repas et, comme j’aime nager, j’évite les séances de natation durant la digestion ! »

LE RGO VU PAR LES PATIENTS

Impact sur le quotidien

Chez certains patients, les répercussions du RGO sur la qualité de vie peuvent être importantes : troubles du sommeil, perturbations des activités professionnelles ou sociales, appréhension des repas…

Impact psychologique

La majorité des personnes consultant pour un RGO disent être stressées. Or le ressenti des symptômes chez une personne stressée est souvent plus important.

Ces symptômes peuvent retentir sur l’humeur et générer anxiété, irritabilité, voire dépression.

A DIRE AU PATIENT

A propos de la pathologie

• Phénomène physiologique quand il est bref et occasionnel en période postprandiale, le RGO est pathologique lorsqu’il altère la qualité de vie. Le plus souvent, il évolue de façon chronique sans entraîner de complications. Seule une minorité de patients ont une œsophagite, le plus souvent modérée.

• Certaines situations nécessitent une consultation médicale : symptômes atypiques extradigestifs, antécédents d’ulcère gastrique ou de chirurgie gastrique, patient de plus de 60 ans voire dès 50 ans (surtout s’il existe des facteurs de risque néoplasique associés (alcool, tabac) ou lorsque les symptômes surviennent pour la première fois), signes d’alarme (dysphagie, amaigrissement, selles noires, vomissements de sang, douleur survenant à l’effort).

• Certains médicaments peuvent favoriser le RGO : dérivés nitrés, atropiniques, inhibiteurs calciques, théophylline… Toutefois leur impact semble faible et leur administration chez les patients atteints de RGO doit être poursuivie si elle est justifiée.

• Chez le nourrisson (< 18 mois), rassurer les parents, le RGO est le plus souvent bénin et transitoire et ne justifie aucune prise en charge médicamenteuse dans la majorité des cas.

A propos des traitements

Chez l’adulte

• Le patient doit apprendre à « manier » les traitements. Tous peuvent être pris « à la demande » : antiacides (et alginates) pour une action rapide mais brève ; anti-H2 pour une action plus prolongée en cas de symptômes peu fréquents car leur durée d’action reste limitée ; IPP pour une action prolongée lorsque les symptômes sont fréquents (plus d’une fois par semaine), mais leur action est différée.

• L’aggravation des symptômes, l’absence d’amélioration sous IPP ou leur réapparition très rapide après l’arrêt de l’IPP doit inciter à consulter un médecin. Un traitement continu à posologie minimale efficace peut être nécessaire.

Topiques

• A prendre au moment des douleurs ou jusqu’à deux heures après les repas. A au moins 2 ou 3 heures de distance des autres médicaments.

• Administration possible au cours de la grossesse (se reporter à chaque spécialité).

• Effet laxatif pour le magnésium, constipant pour l’aluminium.

Anti-H2

• A prendre au moment de la crise douloureuse ou avant un repas ou au coucher. En conseil, deux prises par jour maximum durant 5 jours pour la cimétidine, 2 semaines maximum pour la famotidine.

• Attention aux interactions médicamenteuses sous cimétidine (inhibitrice enzymatique aux posologies ≥ 800 mg/j).

IPP

• Une seule prise par jour de préférence avant le premier repas de la journée pour un effet antisécrétoire maximal. Une prise avant le repas du soir est possible si les symptômes prédominent la nuit. En conseil, recommander leur prise jusqu’au soulagement complet des symptômes et durant 4 semaines maximum pour le pantoprazole, 2 semaines pour l’oméprazole. En cas de persistance des symptômes au bout de 2 semaines, le patient doit consulter un médecin.

• Les comprimés ou gélules renferment des microgranules gastrorésistants : il ne faut pas les mâcher ni les croquer.

•L’activité du clopidogrel est diminuée par l’oméprazole ou le lansoprazole : par prudence, faire confirmer cette association par le médecin et, en conseil, éviter l’oméprazole chez les patients sous clopidogrel. De même, un avis médical est nécessaire avant de conseiller un IPP aux patients sous antirétroviraux, azolés et certains inhibiteurs de récepteurs tyrosine kinase car les IPP diminuent leur biodisponibilité.

Chez le nourrisson

• Les mesures diététiques sont au premier plan?: réduire le volume des biberons si celui-ci est trop important, épaissir l’alimentation (Gélopectose, Gumilk, Magimix…) ou recourir à des laits préépaissis telles les formules AR (antirégurgitation).

• La position en procubitus dorsal (tête surélevée à 30° au moyen d’un oreiller glissé sous le matelas ou à 45°, réalisée au moyen d’un plan incliné et nécessitant l’utilisation d’un harnais) n’a pas fait preuve d’efficacité en termes de pH-métrie, mais peut être proposée par le médecin pour éviter les fausses routes. La position ventrale est contre-indiquée car elle favorise la mort subite du nourrisson.

PRÉVENTION

• Des mesures d’hygiène de vie sont recommandées pour réduire la fréquence du reflux mais elles sont rarement suffisantes seules : perdre du poids si nécessaire, respecter au moins 3 heures entre le dîner et le coucher. D’autres mesures sont aussi recommandées : surélévation de la tête du lit de 10 à 15 cm en cas de symptômes nocturnes, éviter de faire un effort physique ou de se pencher en avant après un repas, ne pas porter de vêtements trop serrés comprimant l’abdomen, repérer et limiter les aliments déclenchants (alcool, eau gazeuse, aliments acides, plats pimentés, café, chocolat, repas abondants et riches en graisses…), limiter le stress, encourager l’arrêt du tabac.

• En prévention du RGO du nourrisson : veiller à maintenir l’enfant en position assise ou semi-assise pendant et après ses repas et faire faire des rots en cours de tétée. La position en « baby relax » est déconseillée car elle augmente la pression abdominale.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI EN PARTIE. Inexium peut être délivré ainsi que Gaviscon. Ce dernier qui associe un antiacide et un alginate a une action rapide, intéressante pour calmer les symptômes du RGO en attendant que l’IPP soit pleinement efficace (24 à 48 heures voire parfois davantage). L’antiacide doit être pris à au moins 2 heures de distance de l’IPP ou de tout autre médicament. En revanche, Raniplex ne sera pas délivré. Il est en effet inutile de combiner un IPP (Inexium) et un anti-H2 (Raniplex) car l’action de l’IPP étant bien plus puissante que celle de l’anti-H2, ce dernier n’apporte pas d’efficacité supplémentaire.

ORDONNANCE 2 : OUI. Zoltum peut être délivré. En revanche, la prise de millepertuis n’est pas recommandée chez ce patient. Le millepertuis peut en effet diminuer l’efficacité des IPP ce qui n’est pas souhaitable en particulier en présence d’une œsophagite (association à prendre en compte). Il est préférable d’orienter le patient vers son médecin si les symptômes dépressifs sont avérés.

MÉMO-DÉLIVRANCE

Quel est le profil du patient ?

• Femme enceinte : éviter la cimétidine.

• Femme allaitante : cimétidine contre-indiquée.

• Insuffisant rénal sévère : antiacides à l’aluminium contre-indiqués.

• Nourrissons : épaississement des biberons et réduction de leur volume en première ligne.

Le patient sait-il quand et comment prendre son traitement ?

• Topiques : au moment des douleurs ou après les repas et éventuellement au coucher.

• Anti-H2 : au moment de la crise douloureuse, avant un repas ou au coucher. Ne pas dépasser 2 prises/jour en conseil.

• IPP : 1 prise/jour, préférentiellement avant le petit déjeuner (ou éventuellement avant le dîner). Ne pas mâcher les gélules ni les comprimés. Les gélules peuvent être ouvertes et leur contenu dispersé dans un liquide ou une compote. Possibilité de disperser les comprimés d’ésoméprazole, de lansoprazole et d’oméprazole dans de l’eau plate.

Sait-il quand le traitement fera effet ?

• Topiques et anti-H2 : effet rapide voir immédiat perdurant de 30 mn à quelques heures. A savoir : phénomène de tolérance avec les anti-H2 au long cours.

• IPP : action plus puissante et plus longue, mais non immédiate (leur effet apparaît progressivement en quelques jours). C’est pourquoi, l’association aux topiques peut être utile en début de traitement. En revanche, il est inutile d’associer un anti-H2 et un IPP.

Le patient prend-il d’autres médicaments ?

• Si traitement par topiques : respecter un intervalle de 2 heures entre l’administration des topiques et celle des autres médicaments.

• Si traitement par anti-H2 : la cimétidine (≥ 800 mg/j) est contre-indiquée avec le carvédilol et le métoprolol.

• Avec les IPP : les IPP diminuent la biodisponibilité de certains anticancéreux, antirétroviraux et antifongiques azolés.

Connaît-il les conseils hygiénodiététiques ?

• Eviter le port de vêtements trop serrés, de se pencher en avant ou de pratiquer un effort physique après un repas.

• Eviter les repas trop copieux et la consommation d’alcool, de boissons gazeuses, d’aliments acides ou épicés, de café et de chocolat.

• Le cas échéant, encourager l’arrêt du tabac et la perte de poids.

En conseil, une consultation médicale est-elle indispensable ?

• En cas d’âge > 50 ans, de signes extra-digestifs, d’anémie, de dysphagie ou d’amaigrissement, orienter le patient vers une consultation spécialisée.

• En cas de symptômes typiques chez un patient de moins de 50 ans, le pharmacien peut conseiller des spécialités à la demande : topiques ou anti-H2 en cas de symptômes survenant moins de 1 fois/semaine (5 jours maxi pour la cimétidine, 2 semaines pour la famotidine), IPP en cas de symptômes plus fréquents (2 semaines maxi pour l’oméprazole, 4 semaines pour le pantoprazole). En cas de résistance au traitement, orienter vers une consultation.

LE CAS : M. D., 50 ans, est un patient bien connu de la pharmacie. Fumeur, il est suivi pour une hypercholestérolémie traitée par statine. M. D. souffre parfois de « remontées acides ». Pour les soulager, il a recours de temps en temps à Maalox ou Pepcidac. Il se présente aujourd’hui avec une ordonnance de son médecin généraliste qui a renouvelé l’hypocholestérolémiant et a initié un traitement par IPP.

« Inutile pour le moment de passer une fibroscopie, vous avez des signes typiques d’un reflux gastro-œsophagien. Faites attention à ce que vous mangez. Perdre un peu de poids permettrait d’améliorer votre reflux. En attendant, je vous prescris un traitement plus puissant que ceux que vous avez l’habitude de prendre. Vous pourrez le renouveler si besoin. »

Qu’en pensez-vous

Le médecin a voulu prescrire :

1) Lansoprazole 15 mg

2) Lansoprazole 30 mg

Qu’en pensez-vous

La prise de l’IPP :

1) se fait de préférence le matin à jeun

2) peut se faire avant le repas du soir

3) doit se faire à la fin d’un repas pour une action optimale

Qu’en pensez-vous

Quelle est la réaction du pharmacien ?

1) il délivre Mopralpro : c’est un IPP qui ne nécessite pas d’ordonnance

2) il recommande à M. D. de consulter un gastroentérologue

EN CHIFFRES

• 30 à 45 % de la population générale présente des symptômes de RGO au moins une fois par mois et 5?% une fois par jour.

• Avant 50 ans, la majorité des cas sont bénins.

• Prévalence du RGO parallèle à celle de l’obésité.

• Concerne 50 % des nourrissons < 6 mois et 5 % des nourrissons de 1 an.

• Concerne une femme enceinte sur deux.

• Sur 100 endoscopies pour RGO, environ 50 % sont normales, 50 % révèlent une œsophagite.

La physiopathologie du RGO

• La cause principale est l’insuffisance du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) dont le rôle est de s’opposer au gradient de pression abdominothoracique. Ce gradient favorise des manifestations de RGO à chaque inspiration. La pression du SIO est défaillante en permanence dans les cas sévères de RGO notamment compliqués d’œsophagite. Mais beaucoup plus souvent, il s’agit d’une relaxation transitoire et anormalement fréquente du SIO survenant spontanément en dehors de toute déglutition.

• Les autres facteurs sont liés à une stase gastrique par retard d’évacuation de l’estomac. Une hyperpression abdominale peut être également en cause, favorisée par un surpoids ou au cours d’un effort de toux.

• Une hernie hiatale n’est pas suffisante pour générer obligatoirement un RGO. Cependant elle aggrave un reflux existant et favorise les lésions d’œsophagite en diminuant la clairance acide œsophagienne.

Le RGO du nourrisson et de l’enfant

Avant 6 mois près d’un nourrisson sur deux présente un RGO, le plus souvent physiologique, qui disparaîtra complètement vers l’âge d’un an. Les régurgitations en sont le symptôme principal. Elles peuvent être pluriquotidiennes et surviennent sans effort souvent après une tétée. Leur caractère bénin est attesté par l’absence de troubles du sommeil ou d’autre symptôme extra-digestif et une courbe staturo-pondérale normale.

• Le RGO devient pathologique lorsque les régurgitations sont anormalement nombreuses et surviennent n’importe quand, y compris pendant le sommeil et sans relation évidente avec les tétées. Elles peuvent s’accompagner de symptômes tels que : pleurs, refus du biberon, inflexion de la courbe de poids ou signes extradigestifs. Exceptionnellement le RGO peut être révélé par une complication comme chez l’adulte ou un malaise.

• Le RGO du nourrisson est principalement lié à des particularités physiologiques (vidange gastrique retardée) et anatomiques (œsophage court, immaturité cardiale, faible volume de l’estomac et bol alimentaire proportionnellement trop élevé, déglutition d’air lors de la tétée).

• Principaux diagnostics différentiels : l’intolérance aux protéines du lait de vache (survenant au sevrage maternel sur terrain allergique, entraînant des régurgitations mais plus souvent des vomissements), la sténose du pylore et le volvulus du grêle se révélant par des vomissements importants et imposant la chirurgie en urgence.

Prise en charge à l’officine

Certaines spécialités destinées au traitement symptomatique « à la demande » du RGO sont réservées au conseil. Selon la SNFGE, la prise en charge officinale doit s’accompagner d’une information sur les mesures hygiénodiététiques et les signes qui doivent mener à une consultation.

Symptômes survenant moins d’une fois par semaine

• Les antiacides (Maalox, Rennie…) ou alginates (Gavisconell) sont administrés après les 3 principaux repas et si besoin au coucher.

• Les anti-H2 peuvent être conseillés à raison d’une prise au moment de la crise douloureuse ou avant le repas ou au moment du coucher sans dépasser 400 mg/j pendant 5 jours pour la cimétidine (Stomédine) ou 20 mg/j pendant 2 semaines pour la famotidine (Pepcidac). Leur effet est rapide.

Symptômes survenant plus d’une fois par semaine

• Les IPP en conseil sont réservés aux adultes souffrant d’un RGO intermittent sans œsophagite ni complications, ni signes d’alarme. Les molécules disponibles en OTC sont l’oméprazole (Mopralpro, Omédiprol… ) le pantoprazole (Ipraalox, Pantoloc control, Pantozol control, Prazopant…) et prochainement l’esoméprozole (arrêté du 11 octobre 2013). Ils sont à prendre jusqu’à disparition des symptômes qui s’observe généralement en 7 jours. En cas de persistance des symptômes après 2 semaines de traitement continu, orienter vers une consultation médicale.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

2010 : premiers IPP disponibles en conseil.

DISPARU

2011 : retrait du marché du cisapride (Prepulsid), plus aucun prokinétique n’est indiqué dans le RGO, y compris chez les moins de 36 mois.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications doivent être connues du pharmacien :

• Antiacides à l’aluminium : insuffisance rénale sévère (risque d’encéphalopathie).

• Cimétidine : allaitement.

POINT DE VUE Docteur Axel Balian, praticien hospitalier, service d’hépatogastroentérologie à l’hôpital Antoine Béclère

« Ne pas passer à côté des formes requérant un avis spécialisé »

Selon vous, quelle est la place des pharmaciens dans la prise en charge du RGO ?

Je pense qu’ils sont parfaitement capables de donner un conseil sur la prise en charge du reflux gastro-œsophagien. Dans la grande majorité des cas, la forme est typique. Mais il faut savoir adresser rapidement à un spécialiste en cas d’âge supérieur à 50 ans, de résistance au traitement, de symptômes ORL, pulmonaires ou cardiaques, ou de signes particuliers (anémie, dysphagie, altération de l’état général, odynophagie). Le maître message à donner est de ne pas passer à côté des formes requérant une endoscopie et un avis spécialisé rapide. Même dans le cadre d’une automédication avec des spécialités OTC, le pharmacien peut dialoguer avec le patient et être de bon conseil.

La SNFGE préconise une fibroscopie à partir de 50 ans et l’ANSM, elle, à partir de 60 ans. Qu’en pensez-vous ?

Je pense que les recommandations de réalisation d’une endoscopie dès 50 ans sont plus pertinentes. Prescrire des inhibiteurs de la pompe à protons sans endoscopie préalable et sans tenir compte de l’âge du patient me semble une très mauvaise pratique et expose au risque de passer à côté d’une sténose peptique ou à côté d’un endobrachyœsophage, qui peut évoluer vers la dysplasie et l’adénocarcinome. Il faut en effet savoir qu’il n’y a pas de parallélisme entre la sévérité des symptômes et la gravité des lésions. Je préconise donc une endoscopie chez le patient de plus de 50 ans, même en l’absence de signes d’alarme.

QUESTION DE PATIENTS

« J’ai une œsophagite pourtant le médecin ne m’a pas prescrit de fibroscopie de contrôle ! »

« Une fibroscopie de contrôle après un traitement par IPP n’est pas nécessaire en cas d’œsophagite non sévère. En revanche elle est indispensable dans les formes sévères d’œsophagite pour s’assurer de la cicatrisation. Elle s’effectue à distance du traitement antisécrétoire. »

INTERNET

www.ameli-sante.fr

Sur le site de la CNAM, on trouve un article destiné au grand public, traitant du RGO du nourrisson, rappelant qu’il s’agit d’un phénomène fréquent et le plus souvent sans gravité ainsi que les différents conseils pour en atténuer les symptômes.

Les principaux examens de diagnostic y sont aussi explicités.

http://bit.ly/1drd22d

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