Spécial AVK et nouveaux Anticoagulants oraux : 1ere partie - Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013
 

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La thrombose veineuse profonde

La thrombose veineuse profonde (TVP) correspond à l’oblitération du flux sanguin d’une veine profonde par un caillot sanguin (thrombus). C’est l’une des deux manifestations de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV), l’autre étant la complication immédiate de la TVP : l’embolie pulmonaire.

QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• La majorité des TVP (anciennement dénommées phlébites) siège au membre inférieur. L’examen comparatif des deux côtés est alors très contributif (asymétrie des signes).

• La douleur est variable, allant de la simple pesanteur à la douleur aiguë. Classiquement, elle est associée à un œdème dur et localisé, responsable d’une augmentation du diamètre du mollet. L’examen clinique peut retrouver également une augmentation de la chaleur cutanée, une dilatation du réseau veineux superficiel, et parfois un cordon veineux dur et douloureux. Tous ces signes sont inconstants.

Sur le plan général, on retrouve souvent une hyperthermie modérée (38° C).

QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ?

Trois éléments induisent la formation d’une TVP (triade de Virchow) :

• La stase veineuse, elle-même favorisée par l’alitement ou l’immobilisation prolongés, l’insuffisance cardiaque décompensée, les compressions extrinsèques liées à la présence d’adénopathies ou d’un cancer thoraco-abdominal ou pelvien ;

• Les lésions de l’endothélium veineux sous l’effet de facteurs mécaniques (chirurgie, cathéter veineux central), biologiques ou infectieux ;

• L’activation des facteurs de la coagulation (hypercoagulabilité) favorisée par les traumatismes, l’accouchement, la chirurgie, les déficits acquis ou congénitaux en certains facteurs de la coagulation.

COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

Le diagnostic de TVP est souvent difficile et il faut confronter les éléments cliniques à la présence éventuelle de situations à risque de thrombose pour parvenir à établir un diagnostic de présomption. Des examens complémentaires sont nécessaires à la confirmation du diagnostic, notamment dosage de D-dimères plasmatiques(produits de dégradation de la fibrine). Si la probabilité clinique est forte ou si les D-dimères sont supérieurs à 500 µg/l, l’échographie veineuse est indiquée pour confirmer un diagnostic.

L’écho-Doppler veineux permet l’étude morphologique de la veine. En cas de TVP, la veine est incompressible. On peut décrire la structure du caillot, son caractère adhérent ou non à la paroi veineuse, ainsi que son extension et le degré d’obstruction de la veine.

QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

De nombreux facteurs de risque de TVP ont été identifiés. Dans 40 % des cas, il s’agit de facteurs de risque transitoires, permanents dans 20 %, et dans 30 à 40 % des cas, aucun facteur de risque n’est retrouvé : la thrombose est dite « idiopathique ».

On distingue les facteurs de risque transitoires et les facteurs de risque permanents. Les premiers sont :

– chirurgie, notamment chirurgie orthopédique, chirurgie carcinologique et chirurgie pelvienne ;

– fractures (membre inférieur surtout) ;

– immobilisation, paralysie du membre inférieur, alitement ;

– voyages prolongés (vol long courrier, long trajet en automobile, en train, en car…) ;

– décompensation cardiaque ou respiratoire aiguës ;

– infection aiguë ;

– grossesse et post-partum ;

– contraception estroprogestative et traitement hormonal substitutif de la ménopause ;

– cathéter veineux central.

Les facteurs de risque permanents sont :

– âge, antécédents thromboemboliques personnels ou familiaux ;

– obésité ;

– insuffisance veineuse chronique ;

– anomalies de la coagulation (déficit en antithrombine…) ;

– insuffisance cardiaque ou insuffisance respiratoire chroniques, syndrome néphrotique ;

– cancer évolutif, hémopathie, syndrome myéloprolifératif ;

– syndrome des antiphospholipides (SAPL), MICI (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin).

QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

Sous traitement anticoagulant, le caillot se résorbe plus ou moins complètement. Il peut persister une occlusion partielle de la veine. En l’absence de traitement, la TVP peut évoluer vers une embolie pulmonaire. Le caillot migre vers l’artère pulmonaire en direction des poumons. Environ 30 % des TVP s’accompagnent d’une embolie pulmonaire asymptomatique. Inversement, on retrouve une TVP asymptomatique dans la majorité des embolies pulmonaires.

Le diagnostic est malaisé, les signes cliniques (douleur thoracique, expectorations sanglantes, toux, fièvre, dyspnée) étant variables et inconstants.

Le pronostic dépend de la gravité de l’embolie pulmonaire (risque de défaillance cardiaque).

Les récidives de TVP et le syndrome post-thrombotique constitent d’autres complications.

Un accident vasculaire

Un accident vasculaire cérébral est dû à une modification de l’irrigation sanguine du cerveau, impliquant le plus souvent une artère cérébrale ou à distribution cérébrale. Il peut être ischémique (infarctus cérébral, accident ischémique transitoire) ou hémorragique (hémorragie cérébrale). Seuls certains AVC ischémiques relèvent d’un traitement anticoagulant.

QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

Les manifestations cliniques sont variables, souvent associées, et dépendent du territoire artériel touché. Elles sont d’installation brutale.

• Pour les AVC d’origine carotidienne : troubles visuels, céphalées, hémiplégie brachiofaciale, crurale ou de tout un hémicorps, troubles sensitifs unilatéraux, troubles du langage, anosognosie, troubles de l’orientation spatiale.

• En cas d’ischémie dans le territoire vertébrobasilaire : troubles moteurs et/ou sensitifs d’un ou plusieurs membres (du même côté ou non), troubles visuels, céphalées, troubles de l’équilibre, dysarthrie, troubles de la déglutition.

• Le locked-in syndrome témoigne également d’une ischémie vertébrobasilaire.

QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ?

• Les trois causes principales des AVC ischémiques sont l’athérosclérose des artères cervicales, intracrâniennes ou de l’aorte, les embolies d’origine cardiaque (arythmie par fibrillation auriculaire, infarctus du myocarde, valvulopathie…) et les maladies des petites artères cérébrales responsables des infarctus lacunaires. Elles représentent 2/3 de l’ensemble des accidents ischémiques cérébraux.

• Certains infarctus cérébraux restent de cause indéterminée.

QUELS SONT LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ?

Ils ont pour but de déterminer la cause et le mécanisme de l’AVC.

L’IRM cérébrale est l’examen de prédilection, à réaliser en urgence. Si l’accès en urgence à l’IRM est impossible, il est recommandé de réaliser un scanner cérébral sans injection de produit de contraste. Cet examen est moins performant que l’IRM pour détecter des signes d’ischémie récente, mais il permet de visualiser une hémorragie intracrânienne (zone hyperdense).

Autres examens : electrocardiogramme à la recherche d’un éventuel trouble du rythme cardiaque, exploration biologique (hémogramme, glycémie, ionogramme sanguin, évaluation de la fonction rénale, bilan lipidique, coagulation)…

QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

• Outre l’âge, qui augmente le risque d’AVC, les facteurs de risque des AVC ischémiques sont globalement superposables aux facteurs de risque cardiovasculaire : élévation de la pression artérielle (inversement, la baisse de la pression artérielle est associée à une réduction du risque vasculaire), hypercholestérolémie, diabète.

• Le tabac est un facteur de risque indépendant d’infarctus cérébral, avec un doublement du risque chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.

• Autres facteurs de risque : consommation chronique d’alcool, obésité, sédentarité, facteurs de risque d’origine iatrogène (contraception estroprogestative, traitement hormonal de la ménopause).

QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

• La qualité de la prise en charge initiale influe considérablement sur le pronostic et l’évolution des AVC. Ainsi, le traitement de l’ischémie cérébrale par thrombolyse intraveineuse peut se solder par la régression complète des signes de déficit.

• Après un infarctus cérébral, le risque de récidive est estimé à 10 % la première année et à plus de 30 % à 5 ans. Il existe aussi un risque de survenue d’événements cardiaques.

• Parmi les patients atteints d’infarctus cérébraux, 50 % gardent des séquelles invalidantes, 10 % décèdent au cours du premier mois, 23 % la première année, et plus de 50 % à 5 ans. Les décès précoces sont en rapport avec l’œdème cérébral et l’hypertension intracrânienne.

• Les séquelles fonctionnelles potentielles des AVC sont nombreuses : troubles de l’équilibre et de la marche, troubles de la déglutition, perturbations des fonctions cognitives…

La fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire est le plus fréquent des troubles du rythme cardiaque. Avec environ 2 % de prévalence dans la population adulte et plus de 8 % au-delà de 80 ans, le vieillissement de la population en fait une pathologie aux allures épidémiques (prévalence multipliée par 2,5 en 2050).

QU’EST-CE QUE C’EST ?

• La fibrillation auriculaire ou atriale (FA) est une tachycardie irrégulière née de l’oreillette, ayant pour conséquence un rythme cardiaque rapide et irrégulier (tachyarythmie) et la paralysie mécanique des oreillettes source de stase sanguine, de thrombose et d’embolies (cf. schéma). Elle est le plus souvent associée à une cardiopathie dont elle aggrave les conséquences.

• Sur l’ECG, les ondes P sont remplacées par des oscillations de la ligne de base, irrégulières, rapides et variables par leur amplitude et leur morphologie (cf. schéma).

QUELS SONT LES SYMPTÔMES ?

• Lorsqu’elle est symptomatique (2/3 des patients), la FA se manifeste par des palpitations, une dyspnée, une asthénie, des précordialgies (douleur thoracique située devant le cœur), des lipothymies voire une syncope. Elle peut aussi se révéler par une complication, en particulier un AVC.

• La FA peut être paroxystique (retour spontané en rythme sinusal rythme cardiaque normal < 7 jours, le plus souvent < 48 h), persistante (nécessité d’une cardioversion pour restaurer le rythme sinusal) ou permanente (échec de régularisation ou décision de laisser en l’état). La FA paroxystique ou permanente est volontiers récidivante. La FA reste une pathologie relativement réfractaire aux traitements médicamenteux actuels.

QUELS SONT LES FACTEURS PRÉDISPOSANTS ?

• Les principaux facteurs prédisposants sont l’HTA, l’hypertrophie ventriculaire gauche, l’insuffisance cardiaque, les valvulopathies mitrales, le diabète.

• La FA peut également être due à une cause transitoire et réversible : hyperthyroïdie ou une hypokaliémie.

QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• Complications thrombo-emboliques : le principal risque est celui d’AVC. Il concerne en moyenne 5 % des patients atteints de FA par an. La FA est responsable de plus d’1 AVC sur 5. Les AVC liés à la FA sont particulièrement sévères. Un score prédictif, dénommé CHA2DS2-Vasc, est utilisé afin d’évaluer le risque embolique individuel et déterminer la stratégie de traitement antithrombotique. Il dépend de différents critères, pour l’essentiel : antécédent d’AVC, âge et présence d’une insuffisance cardiaque, d’un diabète ou d’une HTA.

• Complications hémodynamiques : la FA est une cause majeure d’aggravation d’une insuffisance cardiaque préexistante ou de décompensation d’une cardiopathie jusqu’alors bien tolérée. La FA peut induire à elle seule une insuffisance cardiaque sévère.

L’infarctus du myocarde et le post-infarctus

L’infarctus du myocarde (IDM) reste l’une des pathologies médicales les plus fréquentes : entre 100 et 120 000 Français en sont victimes chaque année. Lorsque la prise en charge est rapide est adéquate, le taux de mortalité après un IDM est de l’ordre de 5 à 10 % le premier mois, de 5 à 10 % ensuite pour la première année puis de 2 à 4 % par an.

QU’EST-CE QUE C’EST ?

L’IDM est une nécrose ischémique du muscle cardiaque. Il concerne avant tout le ventricule gauche. Des atteintes du ventricule droit ou des oreillettes sont plus rares.

L’IDM est le résultat d’une ischémie myocardique prolongée en aval de l’occlusion thrombotique complète ou incomplète d’une branche artérielle coronaire.

La thrombose coronaire se produit, dans l’immense majorité des cas, en regard d’une plaque d’athérosclérose. C’est la déstabilisation de la plaque (rupture ou érosion de la chape fibreuse superficielle) qui déclenche la formation d’un thrombus, aboutissant à l’occlusion coronaire complète ou incomplète.

Les conséquences de la nécrose myocardique sont de deux ordres.

• Le myocarde nécrosé (ou sévèrement ischémié) cesse de se contracter. Le pouvoir de contraction du ventricule gauche est diminué. Il peut en résulter une insuffisance ventriculaire gauche aiguë plus ou moins prononcée puis une insuffisance cardiaque chronique.

• Le territoire nécrosé constitue un foyer d’instabilité électrique qui peut engendrer des troubles du rythme variés, notamment ventriculaires : extrasystoles, tachycardie, fibrillation. Ce risque accru de troubles rythmiques ventriculaires, donc de mort subite, est maximum au tout début de l’infarctus puis diminue.

La taille de l’infarctus dépend du siège de l’obstruction coronaire et des possibilités d’une circulation collatérale de suppléance. La nécrose n’est pas totale d’emblée, mais s’étend progressivement du centre du territoire coronaire intéressé vers la périphérie au cours des 6 à 12 heures suivant l’occlusion coronaire. Un traitement adapté peut donc empêcher la nécrose d’une partie de zone ischémiée.

QUELLE EST L’ÉTIOLOGIE ?

L’athérosclérose est une affection chronique de la paroi vasculaire.

Au plan anatomopathologique, elle est caractérisée par un épaississement focal de l’intima des artères de gros et moyen calibre. La lésion élémentaire est la plaque athéroscléreuse qui associe un athérome et une sclérose.

L’athérome, essentiellement composé d’un dépôt lipidique où prédomine le cholestérol, forme le centre de la plaque. La sclérose est une armature fibreuse qui forme le pourtour de la plaque, enchâssant le centre athéromateux.

Les plaques tirent leur gravité potentielle du fait qu’elles peuvent croître jusqu’à perturber l’écoulement sanguin dans les artères où elles siègent. La rupture d’une plaque se complique immédiatement d’une thrombose qui peut :

– se développer rapidement et boucher la lumière artérielle,

– se détacher pour former une embole qui occlut une artère en aval.

L’étiologie de l’athérosclérose n’est pas connue.

QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES DU POST-INFARCTUS ?

Après un IDM, le patient redevient en général asymptomatique : il ne ressent aucune douleur thoracique, aucun essoufflement. Il a alors tendance à penser qu’il est guéri.

QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• Trouble du rythme ventriculaire

Les phénomènes électriques qui s’observent sur l’électrocardiogramme (ECG) à la phase initiale de l’IDM s’atténuent en 24-48 heures. Mais la zone cicatricielle peut rester source de troubles du rythme à distance de la phase aiguë : une fibrillation ventriculaire, responsable d’une mort subite, peut se produire plusieurs mois ou plusieurs années après un IDM.

• Récidive d’infarctus

Après un IDM, la maladie coronaire athéroscléreuse résiduelle peut être responsable d’une ischémie dans le territoire myocardique initialement partiellement infarci ou dans d’autres territoires. Elle expose à une récidive d’infarctus.

• Dysfonction du ventricule gauche

Dans les mois ou les années suivant un IDM peuvent apparaître des signes d’insuffisance cardiaque gauche. Le remodelage ventriculaire gauche postinfarctus est le principal responsable de cette situation.

• Evolution de l’athérosclérose

Le patient est aussi exposé aux risques d’évolution des lésions athéroscléreuses au niveau d’autres artères. L’athérosclérose des artères carotides peut provoquer des accidents ischémiques cérébraux ou oculaires. L’atteinte de l’aorte abdominale peut être à l’origine du développement d’un anévrisme. Celle des artères des membres inférieurs entraîne une claudication intermittente ou une ischémie aiguë des extrémités.

COORDONNÉES UTILES

• Centre de référence et d’éducation des antithrombotiques d’Ile-de-France, joignable 24 h/24 h au 01 42 81 12 13 ou à creatif.lrb@lrb.aphp.fr

• Site internet d’information pour les patients : www.avkcontrol.com

QUELLES SONT LES INDICATIONS DES AVK ?

• La prévention des complications thromboemboliques des cardiopathies emboligènes :

– certains troubles du rythme auriculaire (fibrillations auriculaires, flutter, tachycardie atriale),

– certaines valvulopathies mitrales,

– les prothèses valvulaires en particulier mécanique.

• La prévention des complications thromboemboliques des infarctus du myocarde compliqués, en relais de l’héparine.

• Le traitement des thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire ainsi que la prévention de leurs récidives, en relais de l’héparine.

La prescription des AVK tient compte du condiv médico-social, physiologique, de l’âge, et des fonctions cognitives du patient. Une réévaluation régulière du bénéfice/risque est indispensable tout au long du traitement.

QUELLE EST LA POSOLOGIE HABITUELLE ?

• Pour les dérivés coumariniques :

– warfarine (Coumadine 2 ou 5 mg en comprimés sécables) : 5 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 1 mg.

– acénocoumarol (Sintrom 4 mg cp quadrisécable et Mini-Sintrom cp 1 mg) : 4 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 1 mg.

• Pour les dérivés de l’indanedione :

– fluindione (Previscan 20 mg cp quadricécable) : 20 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 5 mg.

• Chez les patients de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans polypathologiques, la posologie d’initiation est diminuée de moitié.

A QUEL MOMENT PRENDRE L’AVK ?

Les prises doivent être effectuées en une seule fois tous les jours à la même heure de préférence le soir afin de pouvoir adapter la posologie si nécessaire dès les résultats de l’INR réalisé le matin (exception : Sintrom peut être pris matin et soir).

PENDANT COMBIEN DE TEMPS ?

Le traitement peut être de courte durée (3 à 6 mois) par exemple en prévention et en traitement des thrombophlébites et des embolies pulmonaires. Il peut également être indiqué à vie dans d’autres pathologies : fibrillation auriculaire, valvulopathie… (cf. tableau p 11).

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La dose oubliée peut être prise dans un délai de 8 h après l’heure habituelle de prise. Lorsque le délai d’oubli est supérieur (en particulier s’il n’est constaté que le lendemain matin), la prise doit être sautée. Ne jamais doubler la dose pour rattraper la prise oubliée.

QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Risque hémorragique

• Le principal risque du traitement est l’hémorragie. Le patient doit être vigilant et contacter le médecin, en cas de signes annonciateurs de surdosage :

– INR supérieur à la fourchette fixée par le médecin ;

– Apparition d’un saignement visible : saignements des gencives, du nez, œil rouge, sang dans les urines, menstruations anormalement abondantes, hématomes, sang dans les selles ou selles noires, vomissements ou crachats sanglants, saignement qui ne s’arrête pas…

– Signes possibles de saignement interne non visible : fatigue inhabituelle, essoufflement anormal, pâleur inhabituelle, mal de tête ne cédant pas au traitement, malaise inexpliquée…

• Le risque d’accident hémorragique est maximal durant les premiers mois du traitement. La surveillance doit donc être particulièrement rigoureuse durant cette période, en particulier lors du retour à domicile d’un patient hospitalisé.

Risque de thrombose

• Un risque thrombotique est également possible en cas de sous-dosage.

Autres effets indésirables

• A ces effets indésirables fréquents s’ajoutent d’autres effets beaucoup plus rares : diarrhées, nécroses cutanées, survenant généralement entre le 3e et le 10e jour de traitement, atteintes hépatiques ou vascularites. On retrouve également des événements immunoallergiques aigus touchant divers organes et notamment les reins (néphrite interstitielle) : ce dernier effet indésirable est plus fréquent avec la fluindione qu’avec les autres AVK.

Y A-T-IL DES EXCIPIENTS À EFFETS NOTOIRES ?

• Pour tous les AVK : présence de lactose.

• Pour Préviscan uniquement : amidon de blé (gluten).

Il n’existe pas de génériques des AVK.

QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS ?

Contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique sévère. Déconseillé en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/min).

PEUT-ON DÉLIVRER UN AVK EN CAS DE GROSSESSE ?

Les AVK sont déconseillés pendant la grossesse. En conséquence, chez les femmes en âge de procréer, une contraception est souhaitable lors de l’utilisation des antivitamines K (à vérifier systématiquement lors de la délivrance dans ce condiv). Chez la femme enceinte, la prescription des antivitamines K doit être exclusivement réservée au cas où l’héparine ne peut être utilisée.

ET EN CAS D’ALLAITEMENT ?

L’allaitement contre-indique l’utilisation de fluindione (Previscan) du fait du passage dans le lait maternel. En revanche, les coumariniques (Sintrom, Mini-Sintrom, Coumadine) passent en faible quantité dans le lait maternel. Leur utilisation, associée à une supplémentation en vitamine K du nourrisson, est possible.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

• Les AVK sont très fortement liés aux protéines plasmatiques (97 %) et peuvent en être déplacés. Cela les expose à des interactions médicamenteuses lors de l’association à d’autres substances se liant à ces mêmes protéines. Les médicaments susceptibles d’interagir avec les AVK sont très nombreux.

• Si un traitement associé à l’AVK doit être débuté, modifié ou supprimé, il est nécessaire d’effectuer un contrôle de l’INR, 3 à 4 jours après chaque modification et de le répéter jusqu’à stabilisation tous les 4 à 8 jours.

• Associations contre-indiquées

Acide acétylsalicylique (selon la dose, cf. tableau ci-dessous), miconazole (Daktarin) et millepertuis (comprimés, teintures mères, tisanes…) sont contre-indiqués.

• Associations déconseillées

– AINS et acide acétylsalicylique à dose antalgique ou antipyrétique (≥ 500 mg/prise et/ou < 3 g/j). En cas d’antécédent d’ulcère gastro-duodénal, association déconseillée avec des doses antiagrégantes d’aspirine (de 50 mg à 375 mg/jour).

– Tégafur, capécitabine, fluorouracile (augmentation du risque hémorragique).

• Précautions d’emploi

De nombreux autres médicaments peuvent augmenter l’effet des AVK et majorer le risque hémorragique : allopurinol, amiodarone, amitriptyline, bicalutamide, danazol, disopyramide, entacapone, ézétimibe, glucosamine, orlistat, pentoxifylline, propafénone, quinidine, raloxifène, tamoxifène, tramadol, venlafaxine, antifongiques azolés, la majorité des antibiotiques à large spectre et des cytotoxiques…

• La liste complète des interactions médicamenteuses est disponible dans le Thesaurus des interactions sur le site de l’ANSM (www.ansm.sante.fr).

POURQUOI LES ANTIBIOTIQUES DÉSÉQUILIBRENT-ILS LE TRAITEMENT ?

De nombreux cas d’augmentation de l’activité des anticoagulants oraux ont été rapportés chez des patients recevant des antibiotiques. Le condiv infectieux ou inflammatoire marqué, l’âge et l’état général du patient apparaissent comme des facteurs de risque. Dans ces circonstances, il apparaît difficile de faire la part entre la pathologie infectieuse et son traitement dans la survenue du déséquilibre de l’INR. Cependant, certaines classes d’antibiotiques sont davantage impliquées : il s’agit notamment des fluoroquinolones, des macrolides, des cyclines, du cotrimoxazole et de certaines céphalosporines, qui imposent de renforcer la surveillance de l’INR.

QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS CHEZ LES PATIENTS TRAITÉS POUR UN CANCER ?

En raison de l’augmentation du risque thrombotique lors des affections tumorales, le recours à un traitement anticoagulant est fréquent. La grande variabilité intra-individuelle de la coagulabilité au cours de ces affections, à laquelle s’ajoute l’éventualité d’une interaction entre les anticoagulants oraux et la chimiothérapie anticancéreuse, imposent d’augmenter la fréquence des contrôles de l’INR. Une alternative consite à instaurer un traitement prolongé par HBPM.

QU’EST-CE QUE L’INR ?

• La surveillance des traitements par AVK est effectuée par la mesure de l’INR (International Normalised Ratio), reflet du degré d’anticoagulation. L’INR d’un sujet normal est < 1,2.

• Dans la majorité des situations, un INR compris entre 2 et 3 avec une valeur cible de 2,5 est recherché. Pour certaines indications (valvulopathies mitrales et prothèses valvulaires), il peut être plus élevé : 3,7 (INR 3 à 4,5).

• Un INR inférieur à 2 ou à 3 (selon la valeur cible) reflète une anticoagulation insuffisante, un INR supérieur à 3 ou à 4,5 (selon la valeur cible) traduit un excès d’anticoagulation et dans tous les cas, un INR supérieur à 5 est associé à un risque hémorragique.

QUAND DOIT ÊTRE MESURÉ L’INR ?

• Le premier contrôle d’INR doit s’effectuer dans les 48 h ± 12 h car les AVK agissent en 48 h (délai raccourci avec les AVK à demi-vie courte), après la première prise d’antivitamine K, pour dépister une hypersensibilité individuelle : un INR supérieur à 2 annonce un surdosage à l’équilibre et doit faire réduire la posologie. Le deuxième contrôle s’effectue en fonction des résultats du précédent pour apprécier l’efficacité anticoagulante. Le traitement parentéral peut être arrêté lorsque 2 INR consécutifs sont dans la cible souhaitée.Les contrôles ultérieurs doivent être pratiqués tous les 2 à 4 jours jusqu’à stabilisation de l’INR, puis avec un espacement progressif (2/semaine puis 1/semaine pendant 3 semaines) jusqu’à un intervalle maximal de 1 mois.

• L’équilibre du traitement n’est parfois obtenu qu’après plusieurs semaines.

A QUELLE FRÉQUENCE ?

• L’INR est réalisé 1 fois par mois, le matin, sans être à jeun. Des contrôles supplémentaires peuvent être nécessaires en cas de déséquilibre du traitement (modification de la posologie, survenue d’une maladie intercurrente, introduction ou retrait d’un autre médicament, en cas de vomissements, diarrhées, ou lorsque les résultats de l’INR sont instables par une cause parfois non identifiée). La posologie devra être réajustée jusqu’à obtention de l’INR cible. Lors d’un changement de dose, il faut attendre 3 jours (période d’équilibre) pour contrôler l’INR.

EXISTE-T-IL UN ANTIDOTE ?

• En cas de surdosage, la vitamine K est utilisée comme antidote. La posologie et le mode d’administration dépendent de l’importance du surdosage et de la valeur de l’INR.

• En cas de surdosage asymptomatique ou d’hémorragie non grave, la vitamine K est administrée par voie orale quand la valeur de l’INR est supérieure ou égale à 6.

• En cas d’hémorragie grave, la vitamine K (voie orale ou intraveineuse) sera associée à l’administration en urgence d’un CCP (concentrés de complexes prothrombiniques) et ce quelle que soit la valeur de l’INR.

Y A-T-IL DES ALIMENTS INTERDITS ?

• Aucun aliment n’est interdit à condition de les répartir régulièrement dans l’alimentation et de les consommer sans excès. L’apport en vitamine K du régime alimentaire doit être régulier, afin de ne pas perturber l’équilibre de l’INR.

• Le jeûne augmente l’effet anticoagulant.

• En cas d’alcoolisme chronique, l’effet des AVK est diminué. En cas d’intoxication alcoolique aiguë, l’effet anticoagulant est au contraire augmenté.

QUELS SONT LES VRAIS INTERDITS ?

• Sport : la pratique sportive doit être réduite le premier mois suivant le diagnostic. La pratique sportive et certains travaux pouvant entraîner une coupure (boxe, jardinage, bricolage…), une chute (ski, vélo…) ou un pic de tension (musculation, tennis…) ne sont pas recommandés afin d’éviter un risque hémorragique.

• Injections : éviter les injections intramusculaires qui peuvent provoquer des hématomes.

RELAIS HÉPARINE – AVK DANS LES TVP

• Lors d’un événement thromboembolique ponctuel, le traitement initial repose généralement sur l’usage d’une héparine ou du fondaparinux, dont l’action est immédiate. En raison du temps de latence d’action de 2 à 3 jours des AVK, ceux-ci ne sont pas adaptés au traitement d’urgence. Lorsque le diagnostic est confirmé, et si aucune contre-indication n’existe, un relais par un AVK est proposé systématiquement, permettant de se passer de la voie parentérale qui n’est généralement pas adaptée à un traitement long.

• L’ANSM préconise une introduction de l’AVK entre le premier et le deuxième jour de traitement par héparine. L’AVK ayant un délai d’action long, l’héparine est continuée à dose inchangée pendant au minimum 5 jours et au maximum 10 jours et ne sera arrêtée que lorsque deux INR consécutifs seront supérieurs à 2 à 24 h d’intervalle, ce qui signe une efficacité anticoagulante suffisante de l’AVK. Le relais le plus court possible est recommandé car l’association AVK/HBPM provoque un cumul des effets indésirables hémorragiques.

• Le premier contrôle de l’INR a lieu 48 heures + 12 h après le début du traitement par AVK. Si le patient est hypersensible, l’INR sera déjà dans la zone cible et la dose devra être diminuée.

• Les contrôles suivants ont lieu toutes les 24 à 48 h jusqu’à ce que l’on obtienne deux INR supérieurs à 2. Ils seront ensuite espacés progressivement jusqu’à un contrôle par mois au minimum en traitement chronique.

CARNET DE SUIVI

• La remise au patient et l’utilisation du carnet d’information et de suivi prévu pour le traitement par AVK sont essentielles.

• Ce carnet a été conçu pour prévenir le risque iatrogène des AVK.

Il rappelle les règles de bon usage des AVK. Dans ce carnet, le patient doit remplir à chaque contrôle la date de l’INR, sa valeur, la date du prochain INR, la posologie de l’AVK, mais aussi les éventuels oublis de prise, saignements, changements de traitement. Les carnets peuvent être placés dans les tiroirs, avec les médicaments anticoagulants oraux.

• Le carnet comporte une carte détachable que le patient doit remplir et conserver dans son portefeuille.

• Pour obtenir des carnets de suivi à remettre au patient, commander les gratuitement sur le site Internet du Cespharm (www.cespharm.fr).

ATTENTION

Si la posologie varie en alternance sur deux voire trois jours, vérifier que le patient ait bien compris le schéma de prise et lui établir un calendrier écrit si besoin.

ATTENTION

Si le patient n’arrive pas à scinder les comprimés, lui montrer la manipulation et lui proposer un pilulier pour conserver les fractions restantes du comprimé.

ATTENTION

L’oubli doit être notifié dans le carnet de suivi.

CARNET DE SUIVI

• La remise au patient et l’utilisation du carnet d’information et de suivi prévu pour le traitement par AVK sont essentielles.

• Ce carnet a été conçu pour prévenir le risque iatrogène des AVK.

Il rappelle les règles de bon usage des AVK. Dans ce carnet, le patient doit remplir à chaque contrôle la date de l’INR, sa valeur, la date du prochain INR, la posologie de l’AVK, mais aussi les éventuels oublis de prise, saignements, changements de traitement. Les carnets peuvent être placés dans les tiroirs, avec les médicaments anticoagulants oraux.

• Le carnet comporte une carte détachable que le patient doit remplir et conserver dans son portefeuille.

• Pour obtenir des carnets de suivi à remettre au patient, commander les gratuitement sur le site Internet du Cespharm (www.cespharm.fr).

ATTENTION

Avertir le patient de ces risques et lui apprendre en priorité les signes de surdosage.

A DIRE AU PATIENT

Compte tenu du risque élevé d’interactions médicamenteuses, il convient de mettre les patients en garde contre les dangers de l’automédication. En cas de douleurs ou de fièvre, pas d’aspirine ni d’AINS (ibuprofène…).

ATTENTION

Aucun changement de posologie ne doit être décidé par le patient. Lorsque l’INR n’est pas dans la zone thérapeutique, contacter le médecin, voire le 15 si le médecin n’est pas joignable et que l’INR est loin de la cible.

ALIMENTS RICHES EN VITAMINES K

100 à 1 000 µg/100 g :

Brocoli, chou vert, laitue, cresson, persil, huile de colza et de soja, épinard, choux de Bruxelles, asperges. Attention, les aliments fermentés tels que la choucroute (chou fermenté), le nato (soja fermenté) ou le fromage frais fermenté (selon la souche de bactéries) sont très riches en vitamine K.

Sources : AFSSA, « Aliments riches en vitamines K », tableau des aliments pouvant perturber l’action des anticoagulants s’ils sont consommés occasionnellement, Ciqual 2012. / Liste non-exhaustive.

EN SAVOIR PLUS

• Le Moniteur Formation Iatrogénie « AVK et autres anticoagulants oraux – 15 cas pratiques » n° 2929 du 14 avril 2012.

• Le Moniteur Formation Ordonnance « La thrombose veineuse profonde » n° 2846 18 septembre 2010.

• ANSM www.ansm.sante.fr

• AVK control www.avkcontrol.com

CAS N° 1 — EFFET INDESIRABLE

J’ai une baisse de tension !

Madame T., 65 ans, vient de subir une intervention pour la pose d’une prothèse de hanche. Pour limiter les risques d’accidents thromboemboliques, un traitement par Xarelto (rivaroxaban) à 10 mg par jour a été instauré il y a 3 semaines. Madame T. est sortie de l’hôpital il y a 2 jours et vient aujourd’hui à la pharmacie pour prendre sa tension car elle se sent très fatiguée. Le pharmacien trouve une tension à 105/65.

Quel est le risque encouru ?

Cette baisse de pression artérielle peut être due à un saignement pathologique.

ANALYSE DU CAS

Suite à une intervention chirurgicale de la hanche, madame T. s’est vu prescrire du rivaroxaban, un anticoagulant par voie orale inhibiteur direct du facteur Xa destiné à limiter les risques de survenue d’effets indésirables thromboemboliques. Tout comme les antivitamines K, le rivaroxaban peut entraîner des saignements visibles ou occultes. La baisse de tension constatée peut avoir deux origines. Il peut s’agir de simples suites de la chirurgie (hématome dans la zone chirurgicale) ou du reflet d’un saignement interne dû à la prise de l’anticoagulant.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit appeler le médecin de madame T. ou, si c’est possible, son chirurgien pour l’informer de la situation. L’un ou l’autre pourra évaluer si cette baisse de pression artérielle peut être liée à un effet indésirable du médicament. Si c’est le cas, son arrêt sera immédiat. Il est important de ne pas attendre pour réagir, notamment car il n’existe aucun antidote au rivaroxaban en cas d’effet trop important ou de surdosage.

CAS N° 2 — PROFIL PARTICULIER

Problème de déglutition

Monsieur R., 66 ans, diabétique, est traité par Pradaxa 150 mg (dabigatran etexilate), une gélule deux fois par jour en prévention d’un AVC après un diagnostic de fibrillation auriculaire. Aujourd’hui, sa femme vient à la pharmacie car monsieur R. saigne du nez. Lors de l’entretien, le pharmacien apprend que ce dernier a mal à la gorge et qu’il a ouvert les gélules de Pradaxa pour en faciliter la prise.

Y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

Oui. Le fait d’ouvrir les gélules de ce médicament peut augmenter l’effet anticoagulant du traitement. Le risque d’un événement hémorragique sévère n’est donc pas à écarter.

ANALYSE DU CAS

Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine exerçant un effet antithrombotique. Dans le cas de monsieur R, on peut supposer que le saignement constaté est lié à l’usage du médicament et à son effet anticoagulant. Le problème dans ce cas ne vient probablement pas du dosage du médicament mais plutôt de son mode d’utilisation. En effet, les études pharmacocinétiques de mise sur le marché montrent une augmentation de la biodisponibilité du produit d’environ 75 % lorsque l’enveloppe de la gélule est ouverte. Cette pratique augmente donc considérablement les risques de saignement.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit expliquer à madame R. que le saignement nasal de son mari peut être dû au fait qu’il a ouvert les gélules de Pradaxa. Il devra également prévenir le prescripteur pour qu’il adapte le traitement au risque hémorragique du patient. De plus, il faut rappeler à monsieur R. qu’il ne doit plus ouvrir les gélules de Pradaxa, mais les avaler telles quelles. Il faut lui préciser également que les gélules de Pradaxa ne doivent pas être ôtées du blister à l’avance (risque de diminution de la biodisponibilité). Attention : il n’y a pas d’antidote en cas de surdosage en dabigatran.

À RETENIR

Une chute de tension chez un patient traité par anticoagulant doit interpeller car elle peut être le signe d’un saignement interne.

À RETENIR

Les gélules de Pradaxa ne doivent pas être ouvertes car cela augmente fortement son absorption et donc ses effets anticoagulants.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ESSENTIELLES ENTRE AVK ET NACO ?

• Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) agissent de façon ciblée en inhibant directement la thrombine ou le facteur Xa, à la différence des AVK qui inhibent, en amont, un ensemble de facteurs impliqués dans la cascade de la coagulation.

• De ce fait, ils agissent plus rapidement que les AVK, et ne nécessitent pas d’instaurer une anticoagulation par héparine en attendant leur pleine efficacité. Rivaroxaban, apixaban et dabigatran pourraient presque être qualifiés « d’héparines orales ? » si l’on se réfère à leur site d’action.

• Leur durée d’action est plus longue que celle des héparines mais beaucoup plus courte que celle des AVK.

QUELLES SONT LES INDICATIONS DES NACO ?

• La première indication des NACO en 2009, assez confidentielle, a été la prévention des TVP et des embolies pulmonaires, chez les adultes ayant bénéficié d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou. Autant dire que ces NACO étaient finalement peu délivrés en ville, la durée de traitement n’excédant pas 5 semaines. A l’heure actuelle, les trois NACO commercialisés (Xarelto, Pradaxa, Eliquis) ont tous cette indication, mais uniquement pour leurs « faibles dosages ».

• En juin 2012, Xarelto et Pradaxa, à des dosages supérieurs, devenaient indiqués chez les patients souffrant de fibrillation atriale – voir page 29 – (un trouble du rythme cardiaque fréquent) et présentant un ou plusieurs facteur de risque*, en prévention des AVC et des embolies systémiques. Une indication passée relativement inaperçue chez les pharmaciens mais dont les médecins ont tout de suite vu l’implication. Cela a fait décoller les prescriptions.

• En septembre 2012, Xarelto obtenait une AMM en traitement des TVP et prévention des récidives, en alternative au classique duo héparine/AVK, Nul doute que d’autres NACO suivront.

QUELLE EST LEUR POSOLOGIE ?

Les NACO existent sous différents dosages et il faut être particulièrement vigilant lors de la délivrance, qui nécessite impérativement de connaître l’indication du traitement.

Xarelto (rivaroxaban)

Trois dosages de Xarelto existent : 10 mg, 15 mg, 20 mg.

– Xarelto 10 mg n’est indiqué que dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou.

– Xarelto 15 et 20 mg sont indiqués dans le traitement et la prévention des rechutes de TVP et de l’embolie pulmonaire : 30 mg/jour en deux prises pendant 3 semaines puis 20 mg/jour en une prise.

Xarelto 20 mg est indiqué de plus dans la fibrillation atriale (20 mg/jour).

La prise doit se faire au cours d’un repas pour améliorer la biodisponibilité.

Pradaxa (dabigatran)

Trois dosages de Pradaxa existent : 75 mg, 110 mg et 150 mg, mais attention les posologies ne sont pas calquées sur celles de Xarelto !

– Pradaxa 110 mg est indiqué dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou. La posologie est de deux gélules à 110 mg par jour en une prise pendant 10 jours (genou) ou 28 à 35 jours (hanche).

– Pradaxa 75 mg a la même indication (à la même posologie de 2 gélules en une prise/jour) mais est prescrit en cas d’insuffisance rénale modérée, chez le sujet de plus 75 ans, ou lors de certaines associations (vérapamil, amiodarone, quinidine).

– Pradaxa 150 mg est indiqué dans la prévention de l’AVC et de l’embolie systémique chez des patients présentant une fibrillation atriale associée à un facteur de risque. La posologie est d’une gélule à 150 mg deux fois par jour. Chez les patients de plus de 80 ans, traités par vérapamil, ou dans certains cas après évaluation du risque de saignement (insuffisance rénale modérée, RGO, gastrite, patient âgé de 75 à 80 ans…), on utilise Pradaxa 110 mg deux fois par jour.

La prise se fait au cours ou en-dehors des repas. Les gélules ne doivent pas être ouvertes (augmentation du risque hémorragique).

Eliquis (apixaban)

Un seul dosage est commercialisé à l’heure actuelle : Eliquis 2,5 mg, indiqué dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou. La dose préconisée est d’un comprimé à 2,5 mg deux fois par jour. La durée de traitement recommandée est de 32 à 38 jours en cas de chirurgie pour prothèse totale de hanche et de 10 à 14 jours en cas de chirurgie pour prothèse totale de genou.

Eliquis vient d’obtenir une AMM européenne dans la prévention des AVC et de l’embolie systémique en cas de FA. Dans ce cadre, un deuxième dosage à 5 mg pourrait rapidement être commercialisé en France.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La conduite diffère selon le NACO.

– Dabigatran : prendre la dose oubliée au maximum 6 h avant la dose suivante ;

– Rivaroxaban : prendre dans la journée de l’oubli ;

– Apixaban : prendre dès que possible en continuant sur le rythme de deux prises par jour.

QUELS SONT LEURS EFFETS INDÉSIRABLES ?

Risque hémorragique

Le risque hémorragique est toujours présent avec les NACO avec des accidents graves possibles, parfois mortels. Ce risque est accru chez les patients âgés, en cas d’insuffisance rénale, de poids < 50 kg, de pathologies ou d’intervention associées à un risque hémorragique particulier.

La fonction rénale doit être systématiquement évaluée (clairance de la créatinine) avant la mise en route du traitement.

Risque de thrombose

Une thrombose ou une récidive de thrombose peut survenir en cas d’anticoagulation insuffisante (mauvaise observance par exemple…). Dans le suivi post-commercialisation, les cas « d’inefficacité » du dabigatran faisaient partie des effets les plus fréquemment rapportés (22 %).

Autres effets indésirables

D’autres effets indésirables peuvent apparaître :

– Des nausées, diarrhées et des douleurs abdominales.

– Une anomalie de la fonction hépatique a été notée plus particulièrement avec le dabigatran qui fait l’objet d’une surveillance renforcée. Le ximelagatran (Exanta), le premier antithrombine par voie orale, avait été retiré du marché en 2006 en raison de sa toxicité hépatique.

– Le risque d’infarctus du myocarde serait augmenté avec le dabigatran par rapport à la warfarine mais l’interprétation des données reste délicate en raison du manque de recul.

QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS ?

• Attention ! Les NACO sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère. Le dabigatran est éliminé à 80 % par voie rénale, contre 25 à 30 % pour le rivaroxaban et l’apixaban. Pour le dabigatran, même une insuffisance rénale légère à modérée peut conduire à un surdosage et accroît le risque hémorragique.

• Les NACO sont également contre-indiqués en cas de saignement évolutif significatif, d’insuffisance hépatique associée à un risque de saignement majeur (ulcération gastro-intestinale, néoplasies malignes à haut risque de saignement, lésion cérébrale ou rachidienne récente, intervention chirurgicale cérébrale, rachidienne ou ophtalmique récente, hémorragie intracrânienne récente…).

PEUT-ON DÉLIVRER UN NACO EN CAS DE GROSSESSE OU D’ALLAITEMENT ?

– L’utilisation de Pradaxa chez la femme enceinte n’est pas conseillée. L’allaitement doit être suspendu.

– Xarelto est contre-indiqué en cas de grossesse et d’allaitement (passage de la barrière placentaire et dans le lait maternel).

– En l’absence de données chez l’homme, l’utilisation d’Eliquis n’est pas recommandée pendant la grossesse et l’allaitement.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

• Les NACO (sauf Xarelto 10 mg) sont contre-indiqués avec tous les autres anticoagulants, en dehors d’une phase de relais entre NACO et AVK qui justifie quelque jours de coprescription (temps de montée en efficacité des AVK).

• Les NACO sont, comme les AVK, déconseillés avec les AINS. Contrairement aux AVK, leur liaison aux protéines plasmatiques est faible. Cependant, les AINS peuvent interférer avec la fonction rénale et augmentent le risque de saignement. Si l’association est justifiée, elle nécessite une surveillance clinique rapprochée.

• Les autres interactions dépendent du NACO. Apixaban et rivaroxaban ont les mêmes interactions (voir tableau ci-dessous).

POURQUOI SONT-ILS SOUMIS À UN PGR ?

Les nouveaux anticoagulants font l’objet d’un plan de gestion des risques (PGR) européen comme l’ensemble des nouveaux médicaments.

– Dabigatran : suivi des accidents hémorragiques, suivi des infarctus du myocarde, et des atteintes hépatiques.

– Rivaroxaban : suivi des accidents hémorragiques, suivi des atteintes hépatiques, pancréatiques et rénales.

– Apixaban : suivi des accidents hémorragiques, suivi des atteintes hépatiques,

Ils font également partie d’un plan de suivi national. Les premiers résultats nationaux montrent que les effets indésirables les plus souvent rapportés sont les hémorragies et les cas d’inefficacité (avec parfois événements thromboemboliques).

Y A-T-IL UN SUIVI BIOLOGIQUE ?

• Il n’y a pas de suivi de l’anticoagulation en routine (pas d’INR).

• La fonction rénale doit être évaluée avant toute prescription. La posologie doit être adaptée si la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min.

• Pour les traitements curatifs, la surveillance biologique consiste en un examen de la fonction rénale au moins une fois par an ou tous les six mois en cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min.

PEUT-ON MESURER LE RISQUE HÉMORRAGIQUE EN URGENCE ?

• La mesure de l’anticoagulation est possible en cas de surdosage ou d’intervention chirurgicale en urgence mais ne peut pas être réalisée en routine.

– Pour l’apixaban et le rivaroxaban, un test quantitatif d’unité anti-facteur Xa peut être utilisé pour évaluer les concentrations plasmatiques.

– Pour le dabigatran, les tests utilisés ne sont pas standardisés, leurs résultats doivent être interprétés avec prudence.

EXISTE-T-IL UN ANTIDOTE ?

Il n’existe pas d’antidote spécifique pour les NACO (contrairement aux AVK dont l’antidote est la vitamine K). En cas de complication hémorragique, arrêter le traitement et rechercher l’origine du saignement.

TOUS LES AVK DOIVENT-ILS ETRE REMPLACÉS PAR DES NACO ?

Non, il n’existe pas d’argument pour modifier le traitement d’un patient bien équilibré sous AVK. Ce n’est qu’en cas de patient non correctement équilibré sous AVK qu’un relais peut être envisagé. Dans ce cas, après arrêt définitif de l’AVK, le NACO est débuté dès que l’INR passe en-dessous de 3 (si Xarelto est prescrit dans un condiv de fibrillation atriale), de 2,5 (si Xarelto est prescrit en traitement d’une TVP) ou de 2 (pour Pradaxa).

PEUT-ON A L’INVERSE REMPLACER UN NACO PAR UN AVK ?

En cas de passage de Pradaxa à un AVK, celui-ci est commencé 3 jours avant l’arrêt de Pradaxa (si pas d’insuffisance rénale).

En cas de passage de Xarelto vers un AVK, les deux médicaments sont administrés conjointement jusqu’à l’obtention d’un INR ≥ 2. La mesure de l’INR doit être effectuée 24 h après la prise de Xarelto car des valeurs faussement élevées d’INR ont été observées après la prise de rivaroxaban.

QUE RETENIR SUR LES NACO ?

– La nouveauté et l’absence de recul incitent à une grande vigilance.

– Sensibiliser le patient au risque hémorragique au moment de la délivrance : le patient doit conserver une carte sur lui avec le nom du NACO, l’indication, la posologie, la date de prescription.

– Attention au dosage et à la posologie qui varient selon de nombreux paramètres.

* Patients de plus de 75 ans, ou de plus de 65 ans présentant un diabète, une coronaropathie ou une hypertension artérielle, ou tout autre patient adulte présentant au moins l’un des facteurs de risque suivant :

– antécédent d’AVC, d’accident ischémique transitoire ou d’embolie systémique ;

– fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 %, insuffisance cardiaque symptomatique, classe ≥ 2 New York Heart Association (NYHA).

ATTENTION

Les dosages et les posologies diffèrent en fonction des indications et d’un certain nombre de paramètres : insuffisance rénale, âge…

ATTENTION

Les trois nouveaux anticoagulants Xarelto, Pradaxa et Eliquis n’ont pas tous les mêmes indications. De plus les indications diffèrent selon les dosages.

ATTENTION

Il ne faut jamais doubler la dose pour compenser la prise oubliée.

ATTENTION

Le risque hémorragique (effet indésirable fréquent) doit être étroitement surveillé pendant toute la durée du traitement.

ATTENTION

L’absence de surveillance biologique du traitement est à la fois un avantage (moindres contraintes) et un inconvénient (absence de suivi de l’efficacité du traitement).

ATTENTION

Les NACO peuvent faussement élever l’INR. L’INR ne convient pas pour suivre l’activité anticoagulante des NACO.

BIENTÔT UN NOUVEL ANTICOAGULANT

Un nouvel inhibiteur du facteur Xa, l’édoxaban (Lixiana) est commercialisé au Japon depuis juin 2011, avec une indication dans la prévention des événements thromboemboliques à la suite d’une prothèse de hanche ou de genou. La molécule est en phase III d’essai clinique pour la prévention des TVP et des embolies pulmonaire depuis octobre 2012 au Japon. En Europe et aux Etats-Unis, l’édoxaban est encore en phase III d’essai clinique et n’a pas été approuvée.

QUE FAIRE EN CAS DE SAIGNEMENT SOUS NACO ?

• Ne pas prendre la dose suivante.

• Appeler le médecin qui décidera s’il faut différer la prise.

• Si la dernière prise est récente, administrer du charbon activé.

• En cas d’hémorragie plus sévère, avec baisse de tension, envoyer le patient aux urgences (perfusion sanguine, administration de complexe prothrombinique ou de facteur VIIa recombinant).

L’AVIS DU SPECIALISTE Jean-Claude Daubert, PROFESSEUR DE CARDIOLOGIE AU CHU DE RENNES

Pensez-vous que les NACO seront prescrits largement dans les prochaines années ?

A mon avis, d’ici un an, presque tous les nouveaux patients atteints de fibrillation auriculaire et ne présentant pas de contre indications seront traités par NACO. Les médecins proposeront également un relais vers les NACO pour les patients instables sous AVK. En revanche, je ne préconise pas de changer le traitement des patients sous AVK qui sont bien équilibrés. Ce n’est pas la mort des AVK, il reste des situations dans lesquelles les NACO n’ont pas actuellement d’indication, par exemple chez les patients porteurs de valve cardiaque.

Le dabigatran est proche du ximelagatran, qui avait été retiré du marché en raison de sa toxicité hépatique, est-ce inquiétant ?

Le ximelagatran était responsable d’élévation des transaminases : le laboratoire n’a pas voulu prendre de risque de le commercialiser, mais le risque de toxicité hépatique ne me semble pas le plus important. Avec le dabigatran, il faut être très vigilant avec la fonction rénale, car ce médicament est éliminé exclusivement par le rein. Il est contre-indiqué en cas de clairance à la créatinine < 30 ml/min et en cas d’insuffisance rénale modérée, la dose doit être réduite. L’association de vérapamil au dabigatran est à prendre en compte, mais la substitution par un autre antihypertenseur ne pose pas de problème.

Le rivaroxaban a depuis septembre 2012 un dosage indiqué dans le traitement des TVP. En novembre, il a obtenu une AMM européenne pour une extension d’indication, le traitement des embolies pulmonaires. Est-ce qu’on ne brûle pas les étapes ?

Non, c’est une bonne chose. Jusqu’à présent les embolies pulmonaires de faible gravité étaient traitées par HBPM avec un relais par AVK, ce qui nécessitait environ une semaine d’hospitalisation, le temps d’équilibrer le traitement. Avec le rivaroxaban, qui agit en quelques heures, le patient sera de retour à son domicile le lendemain, ce qui apporte un confort certain et une économie de santé.

Verra-t-on le nombre de décès dus aux anticoagulants réduit grâce à ces nouvelles molécules ?

Ce n’est pas sûr, seule leur utilisation à large échelle et le recul permettra de répondre à cette question. Mais les premiers retours de pharmacovigilance dévoilés récemment par la FDA sur plus de 3 millions de prescriptions aux Etats-unis en comparaison avec les AVK, vont dans le sens de la réduction des hémorragies intracérébrales par rapport aux AVK, et une efficacité au moins similaire, confirmant les données des essais cliniques

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Grosse fatigue

Mme P., 49 ans, est traitée depuis 1 an par Previscan (fluindione), 1 comprimé par jour, en prévention des accidents thromboemboliques liés à une fibrillation auriculaire. Elle est observante et son traitement est équilibré. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie car elle se sent très fatiguée et est très pâle. Elle sort d’une période de travail intense et elle demande au pharmacien de la vitamine C pour se remettre sur pied.

La prise de vitamine C est-elle adaptée dans le cas de madame P. ?

Non. D’une part, la vitamine C n’a pas prouvé son efficacité pour traiter les épisodes de fatigue et, d’autre part, une fatigue et une pâleur chez un patient traité par un AVK doivent attirer l’attention car il pourrait s’agir d’un signe clinique associé à des lésions digestives.

ANALYSE DU CAS

Les événements hémorragiques sous AVK peuvent être bénins et visibles (épistaxis, saignements gingivaux, hématomes), plus sévères et visibles (rectorragies, hémoptysie, hémorragies externes importantes) ou encore sévères et invisibles (hémorragies digestives sans vomissement, cérébrales ou intra-articulaires…). Une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut être le reflet d’une hémorragie digestive distillante non extériorisée.

ATTITUDE À ADOPTER

Il est important de ne pas inquiéter la patiente, car sa fatigue peut être liée à une cause extérieure au traitement (travail, saison, stress…). Néanmoins, il est primordial qu’elle comprenne l’éventualité d’une situation d’urgence. Le pharmacien propose donc d’appeler le médecin pour l’informer de la situation. Celui-ci propose de recevoir madame P. en fin d’après-midi et lui demande de réaliser une NFS et un INR au laboratoire d’analyses médicales. En règle générale, tout nouveau symptôme sous AVK doit amener à s’interroger sur un éventuel effet indésirable.

CAS N °2 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un départ à la retraite mal vécu

Depuis la récente cession de son entreprise, M. V, 70 ans, a perdu l’appétit. Aujourd’hui, Céline, vient acheter un bain de bouche et une brosse à dents souple pour son père. Elle explique que depuis avant hier, il saigne en se brossant les dents. Ne connaissant pas M. V., la pharmacienne demande à Céline, si son père prend des médicaments. Cette dernière répond qu’il suit un traitement anti-arythmique dont elle ne connaît pas le nom. Elle a apporté la carte Vitale de son père. La consultation du DP interpelle la pharmacienne.

Qu’a découvert la pharmacienne ?

Une autre pharmacie dispense régulièrement à M V. : Cordarone (amiodarone), Préviscan (fluindione), Hémigoxine (digoxine) et Aldactazine (spironolactone + altizide). La pharmacienne se demande si les gingivorragies ne seraient pas un signe de surdosage en AVK.

ANALYSE DU CAS

• En effet, chez le sujet âgé, en particulier dénutri, il existe un risque majoré de surdosage en AVK. Ces médicaments ayant la particularité cinétique d’avoir une forte affinité pour l’albumine, ils circulent davantage sous forme libre en cas d’hypoprotidémie et sont donc plus actifs.

• Ainsi, du fait de la gravité et de la fréquence accrue des accidents hémorragiques chez la personne âgée, l’utilisation des AVK chez ce patient fait l’objet de recommandations particulières de l’Ansm : évaluation des fonctions cognitives du sujet, du condiv psychologique et social ; diminution de la posologie initiale de moitié ou d’un quart par rapport aux adultes jeunes ; réévaluation indispensable du rapport bénéfice/risque tout au long du traitement ; surveillance de l’INR au moins une fois/mois et réajustement de la dose en cas de maladie intercurrente, de modification du traitement ou de l’apport alimentaire avec une vigilance accrue en cas d’hypoprotidémie.

• 2 à 4 % des seniors de 60 à 80 ans vivant à domicile sont dénutris, en raison de modifications métaboliques et de leurs habitudes alimentaires. En parallèle l’anabolisme protéique diminue tandis que le catabolisme protéique est conservé. La dépense énergétique de la personne âgée se trouve donc augmentée. Ce phénomène est aggravé lors de stress physiques ou psychiques.

ATTITUDE À ADOPTER

Après s’être assurée auprès de Céline que monsieur V. n’avait pas pris d’AINS ou d’aspirine en automédication, la pharmacienne lui explique que la baisse de moral de M. V. et le fait qu’il mange moins qu’auparavant ne doivent pas être banalisés car ils peuvent être à l’origine d’un surdosage en anticoagulant, responsable des gingivorragies. Elle préconise d’aller faire une mesure d’INR avant d’aller consulter le médecin muni du résultat, dans les plus brefs délais, pour une éventuelle adaptation posologique de Previscan, et une évaluation de l’état psychologique et nutritionnel de M. V.

CAS N° 3 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une mycose gênante

Monsieur A., 67 ans, est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique. Il est traité par Sintrom (acénocoumarol) en prévention des événements thromboemboliques que peut provoquer le port de cette prothèse. Depuis quelques jours, ayant un goût bizarre dans la bouche, il a utilisé un bain de bouche antiseptique. Son inefficacité l’a conduit à consulter un médecin de garde qui, pensant qu’il s’agissait d’une mycose, a initié un traitement par Daktarin gel buccal à raison de 8 cuillères par jour. M. A. n’est pas allé dans sa pharmacie habituelle et a commencé son traitement depuis 2 jours. Il y revient aujourd’hui pour acheter un bain de bouche à cause de saignements gingivaux.

Les saignements gingivaux sont-ils un signe d’alerte ?

Oui, tout saignement chez un patient sous AVK doit alerter. Dans le cas de monsieur A., le problème semble provenir de l’interaction Daktarin/Sintrom, source de surdosage en AVK.

ANALYSE DU CAS

Lors de la pose d’une prothèse valvulaire mécanique, le traitement anticoagulant est nécessaire pour éviter les complications thromboemboliques. Par ailleurs, monsieur A. a contracté une mycose buccale. Le médecin a jugé nécessaire de la traiter et a choisi le miconazole en traitement local, qui est une option bien évaluée dans cette situation. Le miconazole est un inhibiteur enzymatique du CYP450. Les AVK sont peu sensibles aux enzymes hépatiques CYP450. Néanmoins, l’effet inhibiteur du miconazole est suffisamment important pour avoir une conséquence clinique sur leur élimination. Une fois dans la circulation générale, le miconazole augmente les concentrations plasmatiques d’acénocoumarol et donc son effet anticoagulant (cf. schéma ci-dessous). C’est ce qui peut expliquer les saignements dont souffre le patient. La forme locale du gel de miconazole (Daktarin) fait oublier parfois son potentiel d’interaction. Pourtant, l’absorption systémique reste importante. La voie d’administration « buccale » présente une biodisponibilité analogue à dose équivalente à celle de la forme orale.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut arrêter Daktarin immédiatement et gérer le risque hémorragique. Le pharmacien doit rappeler le prescripteur pour lui expliquer la situation. Ce dernier demandera de réaliser une réévaluation ponctuelle de la posologie de l’AVK et un dosage rapide de l’INR pour connaître plus précisément le risque encouru. Lorsqu’un événement hémorragique est visible, l’adaptation de la posologie de l’AVK est recommandée avant même les résultats de l’INR. Lorsque le médecin reverra le patient, il pourra proposer un autre traitement pour la mycose, Fungizone (amphotéricine B) par exemple.

CAS N° 4 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

M. G. est sous antibiotique

Monsieur G., 56 ans, a fait une thrombose veineuse profonde (TVP) suite à un voyage en avion. Il est depuis sous Préviscan (fluindione) et son traitement est bien équilibré depuis 6 mois (3/4 cp/j). M. G. est passé à la pharmacie il y a quelques jours chercher une ordonnance pour une angine : Clamoxyl 1 g (amoxicilline) matin et soir durant 6 jours. Aujourd’hui, il revient car son INR est passé à 3,8. Il se demande si l’antibiotique n’en est pas responsable, d’autant que le pharmacien l’avait mis en garde.

L’amoxicilline peut-elle être responsable ?

Oui, tous les antibiotiques sont susceptibles d’augmenter l’INR d’un patient sous AVK.

ANALYSE DU CAS

On a longtemps dit que les antibiotiques, responsables d’une diminution de la flore intestinale (productrice de vitamine K), étaient susceptibles d’entraîner une augmentation des effets des antivitamines K, et donc une augmentation de l’INR. Or, ce n’est pas la principale cause engendrant cette augmentation lors de l’association antibiotique/AVK. En effet, le mécanisme principalement responsable est la diminution de la métabolisation des AVK par les antibiotiques, en particulier une diminution de la voie métabolique des CYP2C9.

ATTITUDE À ADOPTER

Monsieur G. a un INR hors fourchette thérapeutique (2 à 3) mais inférieur à 4. Il faut en priorité rechercher des signes évocateurs de saignements extériorisés ou occultes (essoufflement, maux de tête, sensation de malaise…). En l’absence de ces signes, il n’y a pas lieu de modifier la posologie de l’AVK. La cause du surdosage est ici connue : il s’agit très vraisemblablement du traitement antibiotique, qui se termine le lendemain. Il faut conseiller à monsieur G de contrôler son INR le lendemain.

CAS N° 5 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Prise de médicament par erreur

Monsieur S., 77 ans, est traité par Previscan depuis 5 ans. Aujourd’hui, il s’empresse d’aller voir le pharmacien dès l’ouverture pour lui dire qu’il a pris pendant une semaine le Biprofenid (kétoprofène) de sa femme au lieu de son Bitildiem (diltiazem). Il s’est aperçu de son erreur hier soir et s’inquiète d’autant plus que ce matin il a vomi du sang. Pourtant il est allé faire un INR hier et ses résultats étaient élevés mais compris dans la fourchette thérapeutique.

Cette situation présente-t-elle un risque ?

Oui, une hématémèse représente toujours une situation urgente et à risque et l’INR correct n’est pas suffisant pour rassurer le patient.

ANALYSE DU CAS

M. S. a pris par inadvertance deux médicaments (Biprofenid et Previscan) dont l’association est déconseillée. Ce type de confusions est malheureusement fréquent avec des spécialités dont les noms sont proches (Biprofénid et Bitildiem par exemple). Plusieurs mécanismes d’action distincts peuvent expliquer l’interaction. Tout d’abord, les AINS présentent une toxicité gastrique susceptible de provoquer une hémorragie digestive qui sera majorée par la prise de l’AVK. De plus, les AVK présentent une très forte liaison aux protéines plasmatiques (environ 97 %). La plupart des AINS sont susceptibles de déplacer les AVK de leurs sites de liaison protéique et donc d’augmenter la fraction libre de l’anticoagulant. Il peut en résulter une augmentation du risque hémorragique, généralement accompagnée d’une augmentation de l’INR. Enfin, les AINS présentent un effet antiagrégant plaquettaire propre qui majore l’effet des AVK.

ATTITUDE À ADOPTER

L’hématémèse est une urgence médicale. Le patient doit aller aux Urgences. Le pharmacien appelle le médecin traitant de monsieur S. pour l’informer.

CAS N° 6 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Constipation passagère

Monsieur C., 74 ans, souffre d’arthrose depuis plusieurs années, a tendance à rester sédentaire et à limiter ses sorties. Il a été victime d’une embolie pulmonaire il y a 1 an et est traité depuis par Préviscan (fluindione), 3/4 de comprimé par jour. Son traitement est bien équilibré. M. C. vient à la pharmacie aujourd’hui car il est constipé depuis 2 jours et a mal à la tête. Il demande une boîte de Doliprane et une boîte de Lansoÿl.

Pouvez-vous délivrer ?

Doliprane (paracétamol) ne pose pas de problème si la consommation est ponctuelle. L’usage de Lansoÿl n’est pas recommandé avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

• Dans le cas de monsieur C., l’usage de paracétamol ne pose pas de problème. Il reste l’antalgique de référence pour les patients sous AVK. Cependant, quelques cas de déséquilibre modéré de l’INR ont été rapportés lors d’un usage répété de doses de paracétamol supérieures à 2 g/j. Cette interaction pourrait s’expliquer par une inhibition de plusieurs enzymes cibles des AVK par un métabolite du paracétamol, potentialisant les effets anticoagulants de ces médicaments. Cela ne concernerait néanmoins que quelques patients particuliers (usage des doses maximales sur de longues durées, déplétion en glutathion, sujet âgé…). Une intervention pharmaceutique n’est donc pas justifiée chez un patient traité ponctuellement par cet antalgique.

• La paraffine contenue dans Lansoÿl peut interagir avec les AVK. Elle limite l’absorption des vitamines liposolubles (notamment la vitamine K), ce qui pourrait augmenter l’effet de l’anticoagulant. Par ailleurs, l’AVK est également liposoluble : son absorption pourrait être diminuée. D’autre part, comme tous les laxatifs, la paraffine accélère le transit intestinal et peut perturber l’absorption de l’AVK.

• Finalement, l’usage de cette substance peut avoir des conséquences imprévisibles sur l’équilibre du traitement.

ATTITUDE À ADOPTER

• En ce qui concerne la constipation, le pharmacien donne des conseils hygiénodiététiques.

• Il pourra éventuellement conseiller un laxatif osmotique, qui présente moins de risque d’interaction avec le traitement anticoagulant.

CAS N° 7 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Les plantes ne font pas de mal ! »

Peut-on délivrer ?

Non, car Mildac contient du millepertuis qui est une plante contre-indiquée en association avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

Le millepertuis est une plante ayant un fort pouvoir inducteur enzymatique. L’induction enzymatique est un phénomène peu spécifique qui touche la majorité des enzymes hépatiques du CYP450. Ainsi, les AVK, qui sont en partie métabolisés par le CYP2C9, voient leur élimination accélérée lors d’une prise concomitante d’un inducteur. Dans le cas de madame H., il faut donc craindre une baisse de la concentration plasmatique de son anticoagulant. Le risque est donc l’accident thromboembolique. L’induction enzymatique est un phénomène lent qui se met en place sur 2 ou 3 semaines.

ATTITUDE À ADOPTER

Un contrôle de l’INR doit être réalisé dans la journée. Le pharmacien appelle le prescripteur. L’effet inducteur perdurera entre 2 et 3 semaines, au cours desquelles une surveillance accrue de l’INR devrait être réalisée. Le médecin proposera un antidépresseur plus compatible avec son traitement AVK. A noter que l’interaction médicamenteuse AVK/ISRS engendre la majorité des accidents iatrogènes liés aux AVK (en nombre).

CAS N° 8 – PROFILS PARTICULIERS

Monsieur B. part en Inde

Monsieur B., 69 ans, est traité par Préviscan (fluindione) depuis 10 ans pour une fibrillation auriculaire. Son traitement est bien équilibré. Il envisage de partir en voyage en Inde l’année prochaine et son médecin lui a prescrit dès à présent un vaccin contre l’hépatite A. Il vient donc à la pharmacie pour obtenir Havrix.

M. B. peut-il se faire vacciner par Havrix ?

Oui, cependant, tout acte invasif, dont la vaccination, est susceptible de provoquer un saignement majoré chez les patients sous AVK.

ANALYSE DU CAS

Le vaccin contre l’hépatite A s’administre selon un schéma en deux injections à 6 à 12 mois d’intervalle. Le mode d’administration recommandé est l’injection par voie intramusculaire dans le deltoïde, mais celle-ci est déconseillée chez les patients sous AVK en raison du risque hémorragique induit. Lorsqu’aucune autre voie n’est possible, la balance bénéfice/risque du traitement doit être réévaluée avec le prescripteur.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit expliquer à monsieur B. que, en raison de sa prescription d’AVK, la voie intramusculaire risque de provoquer des saignements. L’injection devra donc être réalisée par voie sous-cutanée, comme le préconise le RCP d’Havrix lorsque la voie habituelle d’administration est contre-indiquée. Par ailleurs, monsieur B. devrait s’assurer qu’il pourra faire contrôler son INR si nécessaire lors de son voyage en Inde.

CAS N° 9 – PROFILS PARTICULIERS

INR en baisse

Madame G., 75 ans, est traitée depuis de nombreuses années par Sintrom (acénocoumarol) pour la prévention des complications thromboemboliques liées à la pose d’une prothèse valvulaire. Son traitement est parfaitement équilibré. Aujourd’hui, elle vient vous voir, très inquiète, car son dernier INR est très bas (1,9 au lieu de 3,5). Cela ne lui est pas arrivé depuis plusieurs années. Après avoir discuté des conditions de survenue, le pharmacien apprend que madame G. a récemment commencé un régime strict pour perdre du poids.

A quoi peut-être due cette baisse de l’INR ?

Une modification importante de l’alimentation chez les patients sous AVK peut être responsable d’un déséquilibre du traitement anticoagulant.

ANALYSE DU CAS

Les antivitamines K inhibent la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation vitamino-K-dépendants (facteurs II, VII, IX, X et protéines C et S). Ces derniers sont habituellement métabolisés par le foie au cours d’une réaction de carboxylation nécessitant la présence de vitamine K. De fait, tout apport de vitamine K diminue l’effet de ces thérapeutiques. Une des principales sources de vitamine K reste l’alimentation, notamment certains légumes verts et huiles végétales. Dans le cas de cette patiente, le déséquilibre semble être dû à une consommation importante de légumes verts qu’elle ne consomme pas habituellement. Ces aliments sont une source importante de vitamine K, ce qui a entraîné une diminution de l’efficacité des AVK et donc une diminution de l’INR.

ATTITUDE À ADOPTER

• D’une part, le pharmacien doit expliquer à madame G. la cause du problème, à savoir la consommation inhabituelle d’une grande quantité d’aliments riches en vitamine K. Cette consommation n’est pas interdite, mais elle doit se faire de façon régulière et sans apports massifs ponctuels. Le traitement AVK est équilibré lors de son régime alimentaire habituel. Madame G. ne doit pas changer brusquement d’alimentation.

• D’autre part, le pharmacien doit gérer le risque thrombogène lié à l’INR bas. Il faut rappeler le prescripteur pour qu’il adapte la posologie du médicament. Cette adaptation se fera plus ou moins ponctuellement selon que madame G. souhaite continuer son régime ou non. Cette situation va contraindre madame G. à un suivi beaucoup plus rapproché de l’INR durant quelques jours.

CAS N° 10 – PROFILS PARTICULIERS

Madame T. passe une cœlioscopie

Mme T., 45 ans, est traitée depuis plusieurs années par Préviscan (fluindione) pour une prothèse valvulaire mécanique. Son traitement est bien équilibré. Elle présente un kyste ovarien bénin qui entraîne des douleurs régulières. Une opération par coelioscopie est prévue depuis 3 mois et doit avoir lieu le lendemain. Mme T. vient à la pharmacie aujourd’hui car l’anesthésiste lui avait demandé d’arrêter son AVK 5 jours avant l’opération et de commencer un traitement par Fragmine (daltéparine). Mais Mme T. a oublié et a continué L’AVK sans commencer l’héparine.

Le délai restant est-il suffisant ?

Non, lorsque l’arrêt d’un AVK est nécessaire avant un acte chirurgical, un délai de 24 heures n’est pas suffisant pour que le patient ne présente pas de risque de saignement.

ANALYSE DU CAS

Madame T. doit arrêter son traitement anticoagulant en prévision d’une intervention chirurgicale. Cette précaution est nécessaire pour tout acte invasif susceptible de provoquer des saignements non facilement contrôlables. Dans le cas d’un arrêt des antivitamines K préopératoire, deux options sont envisageables. Soit le patient présente un risque thromboembolique modéré et aucun relais par héparine n’est proposé, soit il présente un risque élevé et un relais par héparine à dose curative à 2 injections par jour est nécessaire. Madame T. étant porteuse d’une prothèse mécanique, le choix d’un relais par héparine est justifié. La dernière prise d’AVK doit avoir lieu à J-5 avant l’intervention chirurgicale et l’HBPM doit être commencée à J-3 à raison d’une injection le soir puis poursuivie à J-2 (une injection matin et soir) puis à J-1 avec une injection le matin pour limiter le risque hémorragique lors de l’intervention.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit informer la patiente du risque important de saignement si elle se présente à son intervention chirurgicale dans ces conditions. Il faut joindre le chirurgien pour l’informer. Etant donné la situation, le praticien reportera probablement l’intervention.

CAS N° 11 – PROFILS PARTICULIERS

AVK et mauvaise observance

Monsieur R. est traité par Préviscan (fluindione) depuis 3 mois. Il vient à la pharmacie ce matin à cause d’un saignement gingival qui l’inquiète. Le pharmacien apprend que monsieur R. a oublié son traitement en partant 2 jours en week-end et qu’il a rattrapé les prises « perdues » sur 2 jours dès son retour (1 prise matin et soir pendant 2 jours).

Le patient a-t-il eu raison de rattraper les prises oubliées ?

Non, une prise d’AVK oubliée depuis plus de 8 heures ne doit en aucun cas être rattrapée.

ANALYSE DU CAS

Monsieur R. est un nouveau patient sous antivitamine K. Il a rattrapé les deux prises oubliées pour limiter le risque d’événement thromboembolique. Cette pratique a probablement entraîné un surdosage ponctuel en anticoagulant qui est peut-être à l’origine du saignement gingival. Ce patient n’a pas reçu d’éducation thérapeutique. Or, ceci est un facteur de risque de mauvaise observance.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut rappeler le médecin de monsieur R. pour gérer le risque hémorragique immédiat. Ce dernier demandera probablement un INR en urgence. Ensuite, il faudra rappeler les règles d’usage des AVK au patient et, si cela n’a pas déjà été fait, lui remettre le carnet de suivi (disponible sur le site www.cespharm.fr).

À RETENIR

Chez les patients sous AVK, aucun événement hémorragique ne doit être banalisé, même si l’INR est normal. Une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut signer une hémorragie interne.

APPAREILS D’AUTOMESURE

Depuis 2008, il existe en France deux dispositifs d’automesure d’INR. La mesure s’effectue sur une goutte de sang prélevée sur le côté du bout d’un doigt.

Les deux lecteurs actuellement commercialisés sont inscrits sur la LPPR au tarif de 1 136 euros. Ils sont garantis deux ans et disponibles en pharmacie.

• Le Coaguchek XS (Roche Diagnostics) et sa version Coaguchek XS Plus System réservée aux hôpitaux : détermination de l’INR à partir d’un échantillon de 10 µl de sang. Il faut choisir parmi 3 unités de mesure : en INR, en secondes (temps de Quick) ou en % de taux de prothrombine. Le lecteur est délivré avec l’autopiqueur Coaguchek Softclix, les lancettes associées et les bandelettes Coaguchek XS. Lors de l’ouverture d’une nouvelle boîte de bandelettes, il faut insérer la puce de calibration fournie dans chaque boîte de bandelettes et vérifier le code correspondant à chaque insertion de bandelette dans le lecteur.

• Le lecteur INRatio2 (AAZ-LMB) est conçu pour un usage professionnel ou pour un autocontrôle par le patient : détermination de l’INR à partir d’un échantillon de 10 µl de sang. Il faut choisir parmi 2 unités de mesure : en INR ou en seconde (temps de Quick), avec l’affichage de la fourchette cible déterminée par le médecin. Le lecteur est délivré avec l’autopiqueur Autolet, les lancettes (ou avec des lancettes stériles jetables Unilet en usage professionnel) et les bandelettes INRatio. A l’insertion de toute nouvelle bandelette, il faut entrer le code de calibrage correspondant au numéro de lot inscrit sur la pochette individuelle de la bandelette.

Prise en charge

Après évaluation de ces dispositifs d’automesure, la Haute Autorité de santé (HAS) n’a recommandé leur prise en charge intégrale que pour les enfants de moins de 18 ans sous traitement AVK au long cours. C’est une population restreinte pour laquelle les prélèvements sont difficiles à réaliser.

En pratique

• Les lecteurs d’INR nécessitant une quantité de sang plus importante que pour une automesure glycémique, les autopiqueurs associés à ces dispositifs sont donc spécifiques.

• En ce qui concerne l’obtention de la goutte de sang, les conseils sont les mêmes que pour l’autopiqueur glycémique :

– préparer la peau en se savonnant les mains à l’eau chaude, rincer et sécher ;

– se masser de la paume de la main vers le bout du doigt ;

– piquer le côté de la dernière phalange du majeur, de l’annulaire ou de l’auriculaire.

• Il est nécessaire de contrôler les résultats de l’automesure par des mesures en laboratoire selon un protocole défini par la HAS.

• Prescription de l’appareil, formation et suivi des patients doivent être assurés par un service de cardiopédiatrie. Parents et enfants reçoivent une éducation au traitement par AVK et une formation à l’automesure.

UN CARNET PEU ADAPTÉ AU PATIENT ÂGÉ

• Selon une étude publiée en septembre 2011 dans la Presse Médicale, il s’avérerait que les personnes âgées rencontrent des difficultés à lire et donc à utiliser correctement le carnet d’information et de suivi des AVK. Ce carnet élaboré notamment par l’Ansm, le Cespharm et la Société française de cardiologie vise à optimiser le suivi et l’éducation des patients sous AVK. Il rappelle les règles d’usage de ces médicaments, donne des conseils pratiques, et permet de relever les posologies, les dates et valeurs d’INR.

• Or, la typographie du carnet serait mal adaptée à la lisibilité par les personnes de plus de 75 ans (police trop fine, contraste insuffisant des caractères blancs sur fond violet). La moyenne d’âge des patients traités par AVK est pourtant de 72,5 ans. Ainsi à peine 70 % des 47 patients testés (patients hospitalisés, âgés d’au moins 75 ans, ne présentant pas de troubles cognitifs) ont réussi à lire correctement huit extraits du carnet à voix haute.

• Compte tenu des limites que connaissent les personnes âgées à utiliser correctement ce carnet, il est certain que le pharmacien à un rôle d’accompagnement d’autant plus vigilant à jouer auprès des seniors sous AVK, pour prévenir la iatrogénie liée à ces médicaments.

À RETENIR

Les AVK ont un fort potentiel iatrogène, en particulier chez les patients de plus de 65 ans. La surveillance des traitements doit être renforcée chez ces derniers, du fait d’un risque accru de surdosage, notamment en cas de modifications majeures de l’apport alimentaire.

À RETENIR

L’association du miconazole à un AVK peut entraîner une accumulation de l’AVK. Il en découle un risque hémorragique. L’association est contre-indiquée.

À RETENIR

Lorsque le surdosage est asymptomatique, avec un INR < 4, il n’y a pas lieu de sauter de prise d’AVK. L’INR doit être contrôlé le lendemain. Si l’INR avait été ≥ à 4 (mais < 6), il aurait fallu contacter le médecin. Les recommandations de la HAS sont alors de sauter une prise. Au delà de 6, le traitement AVK est stoppé et de la vitamine K est donnée per os comme antidote.

À RETENIR

L’association d’un AVK et d’un AINS par voie orale est déconseillée car elle majore le risque hémoragique

À RETENIR

Tous les laxatifs, et la paraffine en particulier, sont susceptibles de déséquilibrer un traitement anticoagulant par AVK.

À RETENIR

Les inducteurs enzymatiques forts comme le millepertuis peuvent diminuer l’efficacité des AVK et augmenter le risque thrombogène. Toute dispensation de millepertuis nécessite de vérifier l’absence de traitement interférant.

À RETENIR

La voie intramusculaire est déconseillée chez ces patients. Il faut lui préférer une autre voie d’administration lorsque cela est possible.

À RETENIR

Dans quelques cas de consommation inhabituelle, les aliments peuvent entraîner une diminution de l’efficacité des AVK, notamment avec l’acénocoumarol (demi-vie courte).

À RETENIR

Lors d’une intervention chirurgicale nécessitant l’arrêt d’un AVK, un délai de 5 jours de carence est recommandé.

À RETENIR

En cas d’oubli de prise d’un AVK de plus de 8 h, il ne faut en aucun cas rattraper la prise oubliée. De même en cas de doute, il vaut mieux sauter une prise.

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