AVK et NACO un risque hémorragique partagé - Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013
 

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SPÉCIAL ANTICOAGULANTS ORAUX

Les traitements anticoagulants, de plus en plus répandus, sont amenés à se développer encore avec le vieillissement de la population. Les anticoagulants ancestraux que sont les antivitamines K exposent à une iatrogénie élevée mais connue et bien mesurée. Les nouveaux anticoagulants oraux (NACOs), plus simples à prescrire, ne doivent pas faire oublier qu’ils ont, tout comme les AVK, des risques hémorragiques liés à leur mode d’action même.

AVK : 5 000 MORTS PAR AN

Les antivitamines K (AVK) sont utilisés depuis plus de 60 ans dans le traitement et la prévention des thromboses. D’une efficacité incontestable, ils sont toutefois associés à un risque hémorragique élevé, inhérent à leur mode d’action.

Malgré plusieurs campagnes d’information ciblées sur les AVK menées entre 2001 et 2008, les enquête ENEIS* 1 et 2 ont montré que les anticoagulants, et principalement les AVK, restaient en France au premier rang des médicaments responsables d’accidents iatrogènes graves (37 % en 2004 et 31 % en 2009 des événements indésirables graves rapportés liés au médicament). 5 000 à 6 000 décès sont dus chaque année à une hémorragie sous AVK. Ils représentent également la première cause d’hospitalisation pour accident iatrogène.

Entre hémorragie et thrombose

La complication la plus fréquente du traitement AVK est l’hémorragie : hémorragie ou hématome intracérébral (40 % des hémorragies cérébrales surviennent chez des patients sous anticoagulants), hématome du psoas, hémorragie intra-abdominale, hémorragie intra-articulaire. En cas de traitement sous-dosé, le risque est celui de la récidive de thrombose. Le patient sous AVK navigue donc perpétuellement entre le risque d’hémorragie et le risque de thrombose, l’objectif étant qu’il reste dans la fourchette thérapeutique lui permettant d’éviter ces deux risques majeurs.

Le profil-type du patient sous AVK

En dix ans, la consommation des AVK a doublé, passant de 7,6 millions de boîtes vendues en 2000 à 13,8 millions en 2010.

En 2011, on estimait à 1,1 million le nombre de sujets traités par AVK (soit en moyenne une quarantaine de patients par pharmacie). L’âge moyen des patients sous AVK est de 72,5 ans, mais le pourcentage de la population sous AVK augmente rapidement à partir de 65 ans : 5,1 % entre 65 et 74 ans, 11,2 % entre 75 et 84 ans, et plus de 13,2 % après 85 ans, population souvent polymédicamentée et donc exposée aux nombreuses interactions médicamenteuses liées aux AVK.

Sur les trois molécules disponibles, acénocoumarol (Sintrom, Mini-sintrom), fluindione (Préviscan) et warfarine (Coumadine), la fluindione arrive très largement en tête des prescriptions : 81,4 % des patients sous AVK prennent Préviscan, tandis que 9,1 % sont sous Sintrom ou Mini-Sintrom, et 9,5 % sous Coumadine.

Il s’agit la plupart du temps de traitements au long cours. La posologie médiane est de 3,1 mg/jour pour Sintrom, 20,3 mg pour Préviscan (soit un comprimé/jour) et 4,57 mg/jour pour Coumadine.

L’ARRIVÉE DES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS ORAUX

Des indications de plus en plus larges

Arrivés par la petite porte en 2008, avec des indications très restreintes limitées à la prévention des thromboses après pose de prothèse de hanche ou de genou, les NACO ont depuis fait leur chemin : indication dans la fibrillation auriculaire (le plus fréquent des troubles du rythme) pour dabigatran et rivaroxaban en juin 2012, puis en traitement des thromboses veineuses profondes (TVP) pour le rivaroxaban en septembre. En 2010, les NACO ne représentaient que 210 000 boîtes vendues, mais ces nouvelles indications devraient faire exploser les ventes, portées par l’engouement des médecins.

Un risque hémorragique à ne pas négliger

Leur atout ? Pas de suivi biologique de routine, ce qui facilite la prescription. Toutefois, le recul sur la iatrogénie potentielle est plus limité. L’ANSM, dans son document « Les anticoagulants en France en 2012 : état des lieux et surveillance » de juillet 2012, attirait l’attention sur le risque hémorragique, pouvant parfois conduire au décès, en particulier en cas d’insuffisance rénale, d’âge élevé et de faible poids corporel.

Ainsi, pour le rivaroxaban, au cours des études cliniques, des saignements ont été observés chez environ 23 % des patients dans le cadre du traitement des TVP et en prévention de leurs récidives (rivaroxaban 15 et 20 mg).

En août 2011, les autorités japonaises avaient lancé une alerte concernant la survenue d’accidents hémorragiques fatals chez des patients traités par dabigatran (patients âgés et de petits poids), ce qui avait conduit à une modification des RCP.

Autres risques liés aux NACO : les erreurs potentielles de prescription et de délivrance liées à la multiplicité des dosages et des posologies (qui dépendent des indications), et l’absence d’antidote qui rend problématique la prise en charge d’un surdosage ou d’une urgence chirurgicale.

Les nouveaux anticoagulants oraux sont probablement un tournant important dans la stratégie thérapeutique d’anticoagulation, mais le pharmacien doit rester le pivot central garant de la bonne utilisation de ces médicaments, potentiellement dangereux.

La formation d’un thrombus peut avoir des conséquences catastrophiques (AVC, infarctus du myocarde…) mais à la base, le thrombus a un rôle physiologique de « colmatage des brèches » pouvant survenir en cas de lésion d’un vaisseau.

Colmatage d’une brèche

Dans un premier temps, l’activation de la cascade de coagulation aboutit à la formation d’un amas de fibrine insoluble, sur lequel viennent s’agréger les plaquettes, formant un « clou plaquettaire » qui stoppe l’hémorragie.

Cette cascade de coagulation fait intervenir plus d’une dizaine de facteurs de la coagulation (numérotés en chiffres romains : facteur I, II…). Le facteur I est le dernier à être activé : il s’agit du fibrinogène, qui une fois activé se transforme en fibrine. Le facteur II, qui le précède dans la chaîne, est la prothrombine, et le facteur III l’antithrombine.

Formation d’un thrombus pathogène

L’activation de la cascade de coagulation peut parfois être inappropriée (en dehors d’une lésion nécessitant un colmatage) et entraîne un risque d’occlusion d’une veine ou d’une artère. Une partie du thrombus peut également se détacher et migrer dans la circulation, entraînant l’obstruction d’un vaisseau en aval (embolie pulmonaire…).

Action des anticoagulants

Les anticoagulants agissent à différents niveaux de la cascade de coagulation, empêchant la formation de fibrine insoluble. Ils peuvent avoir une action immédiate et généralement brève : héparine standard, héparine de bas poids moléculaire (HBPM), fondaparinux et nouveaux anticoagulants oraux (NACO), ou une action retardée et prolongée : antivitamine K. En traitement curatif d’une thrombose, l’action retardée des AVK nécessite d’avoir recours temporairement à une protection immédiate par une héparine ou une HBPM ou le fondaparinux.

D’autres molécules agissent en évitant la fixation des plaquettes au caillot de fibrine. Ce sont les antiagrégants plaquettaires (aspirine, clopidogrel…).

* ENEIS : enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins.

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