12 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013
 

Cahiers Formation du Moniteur

SPÉCIAL ANTICOAGULANTS ORAUX

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Grosse fatigue

Mme P., 49 ans, est traitée depuis 1 an par Previscan (fluindione), 1 comprimé par jour, en prévention des accidents thromboemboliques liés à une fibrillation auriculaire. Elle est observante et son traitement est équilibré. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie car elle se sent très fatiguée et est très pâle. Elle sort d’une période de travail intense et elle demande au pharmacien de la vitamine C pour se remettre sur pied.

La prise de vitamine C est-elle adaptée dans le cas de madame P. ?

Non. D’une part, la vitamine C n’a pas prouvé son efficacité pour traiter les épisodes de fatigue et, d’autre part, une fatigue et une pâleur chez un patient traité par un AVK doivent attirer l’attention car il pourrait s’agir d’un signe clinique associé à des lésions digestives.

ANALYSE DU CAS

Les événements hémorragiques sous AVK peuvent être bénins et visibles (épistaxis, saignements gingivaux, hématomes), plus sévères et visibles (rectorragies, hémoptysie, hémorragies externes importantes) ou encore sévères et invisibles (hémorragies digestives sans vomissement, cérébrales ou intra-articulaires…). Une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut être le reflet d’une hémorragie digestive distillante non extériorisée.

ATTITUDE À ADOPTER

Il est important de ne pas inquiéter la patiente, car sa fatigue peut être liée à une cause extérieure au traitement (travail, saison, stress…). Néanmoins, il est primordial qu’elle comprenne l’éventualité d’une situation d’urgence. Le pharmacien propose donc d’appeler le médecin pour l’informer de la situation. Celui-ci propose de recevoir madame P. en fin d’après-midi et lui demande de réaliser une NFS et un INR au laboratoire d’analyses médicales. En règle générale, tout nouveau symptôme sous AVK doit amener à s’interroger sur un éventuel effet indésirable.

CAS N °2 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un départ à la retraite mal vécu

Depuis la récente cession de son entreprise, M. V, 70 ans, a perdu l’appétit. Aujourd’hui, Céline, vient acheter un bain de bouche et une brosse à dents souple pour son père. Elle explique que depuis avant hier, il saigne en se brossant les dents. Ne connaissant pas M. V., la pharmacienne demande à Céline, si son père prend des médicaments. Cette dernière répond qu’il suit un traitement anti-arythmique dont elle ne connaît pas le nom. Elle a apporté la carte Vitale de son père. La consultation du DP interpelle la pharmacienne.

Qu’a découvert la pharmacienne ?

Une autre pharmacie dispense régulièrement à M V. : Cordarone (amiodarone), Préviscan (fluindione), Hémigoxine (digoxine) et Aldactazine (spironolactone + altizide). La pharmacienne se demande si les gingivorragies ne seraient pas un signe de surdosage en AVK.

ANALYSE DU CAS

• En effet, chez le sujet âgé, en particulier dénutri, il existe un risque majoré de surdosage en AVK. Ces médicaments ayant la particularité cinétique d’avoir une forte affinité pour l’albumine, ils circulent davantage sous forme libre en cas d’hypoprotidémie et sont donc plus actifs.

• Ainsi, du fait de la gravité et de la fréquence accrue des accidents hémorragiques chez la personne âgée, l’utilisation des AVK chez ce patient fait l’objet de recommandations particulières de l’Ansm : évaluation des fonctions cognitives du sujet, du condiv psychologique et social ; diminution de la posologie initiale de moitié ou d’un quart par rapport aux adultes jeunes ; réévaluation indispensable du rapport bénéfice/risque tout au long du traitement ; surveillance de l’INR au moins une fois/mois et réajustement de la dose en cas de maladie intercurrente, de modification du traitement ou de l’apport alimentaire avec une vigilance accrue en cas d’hypoprotidémie.

• 2 à 4 % des seniors de 60 à 80 ans vivant à domicile sont dénutris, en raison de modifications métaboliques et de leurs habitudes alimentaires. En parallèle l’anabolisme protéique diminue tandis que le catabolisme protéique est conservé. La dépense énergétique de la personne âgée se trouve donc augmentée. Ce phénomène est aggravé lors de stress physiques ou psychiques.

ATTITUDE À ADOPTER

Après s’être assurée auprès de Céline que monsieur V. n’avait pas pris d’AINS ou d’aspirine en automédication, la pharmacienne lui explique que la baisse de moral de M. V. et le fait qu’il mange moins qu’auparavant ne doivent pas être banalisés car ils peuvent être à l’origine d’un surdosage en anticoagulant, responsable des gingivorragies. Elle préconise d’aller faire une mesure d’INR avant d’aller consulter le médecin muni du résultat, dans les plus brefs délais, pour une éventuelle adaptation posologique de Previscan, et une évaluation de l’état psychologique et nutritionnel de M. V.

CAS N° 3 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une mycose gênante

Monsieur A., 67 ans, est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique. Il est traité par Sintrom (acénocoumarol) en prévention des événements thromboemboliques que peut provoquer le port de cette prothèse. Depuis quelques jours, ayant un goût bizarre dans la bouche, il a utilisé un bain de bouche antiseptique. Son inefficacité l’a conduit à consulter un médecin de garde qui, pensant qu’il s’agissait d’une mycose, a initié un traitement par Daktarin gel buccal à raison de 8 cuillères par jour. M. A. n’est pas allé dans sa pharmacie habituelle et a commencé son traitement depuis 2 jours. Il y revient aujourd’hui pour acheter un bain de bouche à cause de saignements gingivaux.

Les saignements gingivaux sont-ils un signe d’alerte ?

Oui, tout saignement chez un patient sous AVK doit alerter. Dans le cas de monsieur A., le problème semble provenir de l’interaction Daktarin/Sintrom, source de surdosage en AVK.

ANALYSE DU CAS

Lors de la pose d’une prothèse valvulaire mécanique, le traitement anticoagulant est nécessaire pour éviter les complications thromboemboliques. Par ailleurs, monsieur A. a contracté une mycose buccale. Le médecin a jugé nécessaire de la traiter et a choisi le miconazole en traitement local, qui est une option bien évaluée dans cette situation. Le miconazole est un inhibiteur enzymatique du CYP450. Les AVK sont peu sensibles aux enzymes hépatiques CYP450. Néanmoins, l’effet inhibiteur du miconazole est suffisamment important pour avoir une conséquence clinique sur leur élimination. Une fois dans la circulation générale, le miconazole augmente les concentrations plasmatiques d’acénocoumarol et donc son effet anticoagulant (cf. schéma ci-dessous). C’est ce qui peut expliquer les saignements dont souffre le patient. La forme locale du gel de miconazole (Daktarin) fait oublier parfois son potentiel d’interaction. Pourtant, l’absorption systémique reste importante. La voie d’administration « buccale » présente une biodisponibilité analogue à dose équivalente à celle de la forme orale.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut arrêter Daktarin immédiatement et gérer le risque hémorragique. Le pharmacien doit rappeler le prescripteur pour lui expliquer la situation. Ce dernier demandera de réaliser une réévaluation ponctuelle de la posologie de l’AVK et un dosage rapide de l’INR pour connaître plus précisément le risque encouru. Lorsqu’un événement hémorragique est visible, l’adaptation de la posologie de l’AVK est recommandée avant même les résultats de l’INR. Lorsque le médecin reverra le patient, il pourra proposer un autre traitement pour la mycose, Fungizone (amphotéricine B) par exemple.

CAS N° 4 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

M. G. est sous antibiotique

Monsieur G., 56 ans, a fait une thrombose veineuse profonde (TVP) suite à un voyage en avion. Il est depuis sous Préviscan (fluindione) et son traitement est bien équilibré depuis 6 mois (3/4 cp/j). M. G. est passé à la pharmacie il y a quelques jours chercher une ordonnance pour une angine : Clamoxyl 1 g (amoxicilline) matin et soir durant 6 jours. Aujourd’hui, il revient car son INR est passé à 3,8. Il se demande si l’antibiotique n’en est pas responsable, d’autant que le pharmacien l’avait mis en garde.

L’amoxicilline peut-elle être responsable ?

Oui, tous les antibiotiques sont susceptibles d’augmenter l’INR d’un patient sous AVK.

ANALYSE DU CAS

On a longtemps dit que les antibiotiques, responsables d’une diminution de la flore intestinale (productrice de vitamine K), étaient susceptibles d’entraîner une augmentation des effets des antivitamines K, et donc une augmentation de l’INR. Or, ce n’est pas la principale cause engendrant cette augmentation lors de l’association antibiotique/AVK. En effet, le mécanisme principalement responsable est la diminution de la métabolisation des AVK par les antibiotiques, en particulier une diminution de la voie métabolique des CYP2C9.

ATTITUDE À ADOPTER

Monsieur G. a un INR hors fourchette thérapeutique (2 à 3) mais inférieur à 4. Il faut en priorité rechercher des signes évocateurs de saignements extériorisés ou occultes (essoufflement, maux de tête, sensation de malaise…). En l’absence de ces signes, il n’y a pas lieu de modifier la posologie de l’AVK. La cause du surdosage est ici connue : il s’agit très vraisemblablement du traitement antibiotique, qui se termine le lendemain. Il faut conseiller à monsieur G de contrôler son INR le lendemain.

CAS N° 5 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Prise de médicament par erreur

Monsieur S., 77 ans, est traité par Previscan depuis 5 ans. Aujourd’hui, il s’empresse d’aller voir le pharmacien dès l’ouverture pour lui dire qu’il a pris pendant une semaine le Biprofenid (kétoprofène) de sa femme au lieu de son Bitildiem (diltiazem). Il s’est aperçu de son erreur hier soir et s’inquiète d’autant plus que ce matin il a vomi du sang. Pourtant il est allé faire un INR hier et ses résultats étaient élevés mais compris dans la fourchette thérapeutique.

Cette situation présente-t-elle un risque ?

Oui, une hématémèse représente toujours une situation urgente et à risque et l’INR correct n’est pas suffisant pour rassurer le patient.

ANALYSE DU CAS

M. S. a pris par inadvertance deux médicaments (Biprofenid et Previscan) dont l’association est déconseillée. Ce type de confusions est malheureusement fréquent avec des spécialités dont les noms sont proches (Biprofénid et Bitildiem par exemple). Plusieurs mécanismes d’action distincts peuvent expliquer l’interaction. Tout d’abord, les AINS présentent une toxicité gastrique susceptible de provoquer une hémorragie digestive qui sera majorée par la prise de l’AVK. De plus, les AVK présentent une très forte liaison aux protéines plasmatiques (environ 97 %). La plupart des AINS sont susceptibles de déplacer les AVK de leurs sites de liaison protéique et donc d’augmenter la fraction libre de l’anticoagulant. Il peut en résulter une augmentation du risque hémorragique, généralement accompagnée d’une augmentation de l’INR. Enfin, les AINS présentent un effet antiagrégant plaquettaire propre qui majore l’effet des AVK.

ATTITUDE À ADOPTER

L’hématémèse est une urgence médicale. Le patient doit aller aux Urgences. Le pharmacien appelle le médecin traitant de monsieur S. pour l’informer.

CAS N° 6 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Constipation passagère

Monsieur C., 74 ans, souffre d’arthrose depuis plusieurs années, a tendance à rester sédentaire et à limiter ses sorties. Il a été victime d’une embolie pulmonaire il y a 1 an et est traité depuis par Préviscan (fluindione), 3/4 de comprimé par jour. Son traitement est bien équilibré. M. C. vient à la pharmacie aujourd’hui car il est constipé depuis 2 jours et a mal à la tête. Il demande une boîte de Doliprane et une boîte de Lansoÿl.

Pouvez-vous délivrer ?

Doliprane (paracétamol) ne pose pas de problème si la consommation est ponctuelle. L’usage de Lansoÿl n’est pas recommandé avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

• Dans le cas de monsieur C., l’usage de paracétamol ne pose pas de problème. Il reste l’antalgique de référence pour les patients sous AVK. Cependant, quelques cas de déséquilibre modéré de l’INR ont été rapportés lors d’un usage répété de doses de paracétamol supérieures à 2 g/j. Cette interaction pourrait s’expliquer par une inhibition de plusieurs enzymes cibles des AVK par un métabolite du paracétamol, potentialisant les effets anticoagulants de ces médicaments. Cela ne concernerait néanmoins que quelques patients particuliers (usage des doses maximales sur de longues durées, déplétion en glutathion, sujet âgé…). Une intervention pharmaceutique n’est donc pas justifiée chez un patient traité ponctuellement par cet antalgique.

• La paraffine contenue dans Lansoÿl peut interagir avec les AVK. Elle limite l’absorption des vitamines liposolubles (notamment la vitamine K), ce qui pourrait augmenter l’effet de l’anticoagulant. Par ailleurs, l’AVK est également liposoluble : son absorption pourrait être diminuée. D’autre part, comme tous les laxatifs, la paraffine accélère le transit intestinal et peut perturber l’absorption de l’AVK.

• Finalement, l’usage de cette substance peut avoir des conséquences imprévisibles sur l’équilibre du traitement.

ATTITUDE À ADOPTER

• En ce qui concerne la constipation, le pharmacien donne des conseils hygiénodiététiques.

• Il pourra éventuellement conseiller un laxatif osmotique, qui présente moins de risque d’interaction avec le traitement anticoagulant.

CAS N° 7 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Les plantes ne font pas de mal ! »

Peut-on délivrer ?

Non, car Mildac contient du millepertuis qui est une plante contre-indiquée en association avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

Le millepertuis est une plante ayant un fort pouvoir inducteur enzymatique. L’induction enzymatique est un phénomène peu spécifique qui touche la majorité des enzymes hépatiques du CYP450. Ainsi, les AVK, qui sont en partie métabolisés par le CYP2C9, voient leur élimination accélérée lors d’une prise concomitante d’un inducteur. Dans le cas de madame H., il faut donc craindre une baisse de la concentration plasmatique de son anticoagulant. Le risque est donc l’accident thromboembolique. L’induction enzymatique est un phénomène lent qui se met en place sur 2 ou 3 semaines.

ATTITUDE À ADOPTER

Un contrôle de l’INR doit être réalisé dans la journée. Le pharmacien appelle le prescripteur. L’effet inducteur perdurera entre 2 et 3 semaines, au cours desquelles une surveillance accrue de l’INR devrait être réalisée. Le médecin proposera un antidépresseur plus compatible avec son traitement AVK. A noter que l’interaction médicamenteuse AVK/ISRS engendre la majorité des accidents iatrogènes liés aux AVK (en nombre).

CAS N° 8 – PROFILS PARTICULIERS

Monsieur B. part en Inde

Monsieur B., 69 ans, est traité par Préviscan (fluindione) depuis 10 ans pour une fibrillation auriculaire. Son traitement est bien équilibré. Il envisage de partir en voyage en Inde l’année prochaine et son médecin lui a prescrit dès à présent un vaccin contre l’hépatite A. Il vient donc à la pharmacie pour obtenir Havrix.

M. B. peut-il se faire vacciner par Havrix ?

Oui, cependant, tout acte invasif, dont la vaccination, est susceptible de provoquer un saignement majoré chez les patients sous AVK.

ANALYSE DU CAS

Le vaccin contre l’hépatite A s’administre selon un schéma en deux injections à 6 à 12 mois d’intervalle. Le mode d’administration recommandé est l’injection par voie intramusculaire dans le deltoïde, mais celle-ci est déconseillée chez les patients sous AVK en raison du risque hémorragique induit. Lorsqu’aucune autre voie n’est possible, la balance bénéfice/risque du traitement doit être réévaluée avec le prescripteur.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit expliquer à monsieur B. que, en raison de sa prescription d’AVK, la voie intramusculaire risque de provoquer des saignements. L’injection devra donc être réalisée par voie sous-cutanée, comme le préconise le RCP d’Havrix lorsque la voie habituelle d’administration est contre-indiquée. Par ailleurs, monsieur B. devrait s’assurer qu’il pourra faire contrôler son INR si nécessaire lors de son voyage en Inde.

CAS N° 9 – PROFILS PARTICULIERS

INR en baisse

Madame G., 75 ans, est traitée depuis de nombreuses années par Sintrom (acénocoumarol) pour la prévention des complications thromboemboliques liées à la pose d’une prothèse valvulaire. Son traitement est parfaitement équilibré. Aujourd’hui, elle vient vous voir, très inquiète, car son dernier INR est très bas (1,9 au lieu de 3,5). Cela ne lui est pas arrivé depuis plusieurs années. Après avoir discuté des conditions de survenue, le pharmacien apprend que madame G. a récemment commencé un régime strict pour perdre du poids.

A quoi peut-être due cette baisse de l’INR ?

Une modification importante de l’alimentation chez les patients sous AVK peut être responsable d’un déséquilibre du traitement anticoagulant.

ANALYSE DU CAS

Les antivitamines K inhibent la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation vitamino-K-dépendants (facteurs II, VII, IX, X et protéines C et S). Ces derniers sont habituellement métabolisés par le foie au cours d’une réaction de carboxylation nécessitant la présence de vitamine K. De fait, tout apport de vitamine K diminue l’effet de ces thérapeutiques. Une des principales sources de vitamine K reste l’alimentation, notamment certains légumes verts et huiles végétales. Dans le cas de cette patiente, le déséquilibre semble être dû à une consommation importante de légumes verts qu’elle ne consomme pas habituellement. Ces aliments sont une source importante de vitamine K, ce qui a entraîné une diminution de l’efficacité des AVK et donc une diminution de l’INR.

ATTITUDE À ADOPTER

• D’une part, le pharmacien doit expliquer à madame G. la cause du problème, à savoir la consommation inhabituelle d’une grande quantité d’aliments riches en vitamine K. Cette consommation n’est pas interdite, mais elle doit se faire de façon régulière et sans apports massifs ponctuels. Le traitement AVK est équilibré lors de son régime alimentaire habituel. Madame G. ne doit pas changer brusquement d’alimentation.

• D’autre part, le pharmacien doit gérer le risque thrombogène lié à l’INR bas. Il faut rappeler le prescripteur pour qu’il adapte la posologie du médicament. Cette adaptation se fera plus ou moins ponctuellement selon que madame G. souhaite continuer son régime ou non. Cette situation va contraindre madame G. à un suivi beaucoup plus rapproché de l’INR durant quelques jours.

CAS N° 10 – PROFILS PARTICULIERS

Madame T. passe une cœlioscopie

Mme T., 45 ans, est traitée depuis plusieurs années par Préviscan (fluindione) pour une prothèse valvulaire mécanique. Son traitement est bien équilibré. Elle présente un kyste ovarien bénin qui entraîne des douleurs régulières. Une opération par coelioscopie est prévue depuis 3 mois et doit avoir lieu le lendemain. Mme T. vient à la pharmacie aujourd’hui car l’anesthésiste lui avait demandé d’arrêter son AVK 5 jours avant l’opération et de commencer un traitement par Fragmine (daltéparine). Mais Mme T. a oublié et a continué L’AVK sans commencer l’héparine.

Le délai restant est-il suffisant ?

Non, lorsque l’arrêt d’un AVK est nécessaire avant un acte chirurgical, un délai de 24 heures n’est pas suffisant pour que le patient ne présente pas de risque de saignement.

ANALYSE DU CAS

Madame T. doit arrêter son traitement anticoagulant en prévision d’une intervention chirurgicale. Cette précaution est nécessaire pour tout acte invasif susceptible de provoquer des saignements non facilement contrôlables. Dans le cas d’un arrêt des antivitamines K préopératoire, deux options sont envisageables. Soit le patient présente un risque thromboembolique modéré et aucun relais par héparine n’est proposé, soit il présente un risque élevé et un relais par héparine à dose curative à 2 injections par jour est nécessaire. Madame T. étant porteuse d’une prothèse mécanique, le choix d’un relais par héparine est justifié. La dernière prise d’AVK doit avoir lieu à J-5 avant l’intervention chirurgicale et l’HBPM doit être commencée à J-3 à raison d’une injection le soir puis poursuivie à J-2 (une injection matin et soir) puis à J-1 avec une injection le matin pour limiter le risque hémorragique lors de l’intervention.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit informer la patiente du risque important de saignement si elle se présente à son intervention chirurgicale dans ces conditions. Il faut joindre le chirurgien pour l’informer. Etant donné la situation, le praticien reportera probablement l’intervention.

CAS N° 11 – PROFILS PARTICULIERS

AVK et mauvaise observance

Monsieur R. est traité par Préviscan (fluindione) depuis 3 mois. Il vient à la pharmacie ce matin à cause d’un saignement gingival qui l’inquiète. Le pharmacien apprend que monsieur R. a oublié son traitement en partant 2 jours en week-end et qu’il a rattrapé les prises « perdues » sur 2 jours dès son retour (1 prise matin et soir pendant 2 jours).

Le patient a-t-il eu raison de rattraper les prises oubliées ?

Non, une prise d’AVK oubliée depuis plus de 8 heures ne doit en aucun cas être rattrapée.

ANALYSE DU CAS

Monsieur R. est un nouveau patient sous antivitamine K. Il a rattrapé les deux prises oubliées pour limiter le risque d’événement thromboembolique. Cette pratique a probablement entraîné un surdosage ponctuel en anticoagulant qui est peut-être à l’origine du saignement gingival. Ce patient n’a pas reçu d’éducation thérapeutique. Or, ceci est un facteur de risque de mauvaise observance.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut rappeler le médecin de monsieur R. pour gérer le risque hémorragique immédiat. Ce dernier demandera probablement un INR en urgence. Ensuite, il faudra rappeler les règles d’usage des AVK au patient et, si cela n’a pas déjà été fait, lui remettre le carnet de suivi (disponible sur le site www.cespharm.fr).

À RETENIR

Chez les patients sous AVK, aucun événement hémorragique ne doit être banalisé, même si l’INR est normal. Une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut signer une hémorragie interne.

APPAREILS D’AUTOMESURE

Depuis 2008, il existe en France deux dispositifs d’automesure d’INR. La mesure s’effectue sur une goutte de sang prélevée sur le côté du bout d’un doigt.

Les deux lecteurs actuellement commercialisés sont inscrits sur la LPPR au tarif de 1 136 euros. Ils sont garantis deux ans et disponibles en pharmacie.

• Le Coaguchek XS (Roche Diagnostics) et sa version Coaguchek XS Plus System réservée aux hôpitaux : détermination de l’INR à partir d’un échantillon de 10 µl de sang. Il faut choisir parmi 3 unités de mesure : en INR, en secondes (temps de Quick) ou en % de taux de prothrombine. Le lecteur est délivré avec l’autopiqueur Coaguchek Softclix, les lancettes associées et les bandelettes Coaguchek XS. Lors de l’ouverture d’une nouvelle boîte de bandelettes, il faut insérer la puce de calibration fournie dans chaque boîte de bandelettes et vérifier le code correspondant à chaque insertion de bandelette dans le lecteur.

• Le lecteur INRatio2 (AAZ-LMB) est conçu pour un usage professionnel ou pour un autocontrôle par le patient : détermination de l’INR à partir d’un échantillon de 10 µl de sang. Il faut choisir parmi 2 unités de mesure : en INR ou en seconde (temps de Quick), avec l’affichage de la fourchette cible déterminée par le médecin. Le lecteur est délivré avec l’autopiqueur Autolet, les lancettes (ou avec des lancettes stériles jetables Unilet en usage professionnel) et les bandelettes INRatio. A l’insertion de toute nouvelle bandelette, il faut entrer le code de calibrage correspondant au numéro de lot inscrit sur la pochette individuelle de la bandelette.

Prise en charge

Après évaluation de ces dispositifs d’automesure, la Haute Autorité de santé (HAS) n’a recommandé leur prise en charge intégrale que pour les enfants de moins de 18 ans sous traitement AVK au long cours. C’est une population restreinte pour laquelle les prélèvements sont difficiles à réaliser.

En pratique

• Les lecteurs d’INR nécessitant une quantité de sang plus importante que pour une automesure glycémique, les autopiqueurs associés à ces dispositifs sont donc spécifiques.

• En ce qui concerne l’obtention de la goutte de sang, les conseils sont les mêmes que pour l’autopiqueur glycémique :

– préparer la peau en se savonnant les mains à l’eau chaude, rincer et sécher ;

– se masser de la paume de la main vers le bout du doigt ;

– piquer le côté de la dernière phalange du majeur, de l’annulaire ou de l’auriculaire.

• Il est nécessaire de contrôler les résultats de l’automesure par des mesures en laboratoire selon un protocole défini par la HAS.

• Prescription de l’appareil, formation et suivi des patients doivent être assurés par un service de cardiopédiatrie. Parents et enfants reçoivent une éducation au traitement par AVK et une formation à l’automesure.

UN CARNET PEU ADAPTÉ AU PATIENT ÂGÉ

• Selon une étude publiée en septembre 2011 dans la Presse Médicale, il s’avérerait que les personnes âgées rencontrent des difficultés à lire et donc à utiliser correctement le carnet d’information et de suivi des AVK. Ce carnet élaboré notamment par l’Ansm, le Cespharm et la Société française de cardiologie vise à optimiser le suivi et l’éducation des patients sous AVK. Il rappelle les règles d’usage de ces médicaments, donne des conseils pratiques, et permet de relever les posologies, les dates et valeurs d’INR.

• Or, la typographie du carnet serait mal adaptée à la lisibilité par les personnes de plus de 75 ans (police trop fine, contraste insuffisant des caractères blancs sur fond violet). La moyenne d’âge des patients traités par AVK est pourtant de 72,5 ans. Ainsi à peine 70 % des 47 patients testés (patients hospitalisés, âgés d’au moins 75 ans, ne présentant pas de troubles cognitifs) ont réussi à lire correctement huit extraits du carnet à voix haute.

• Compte tenu des limites que connaissent les personnes âgées à utiliser correctement ce carnet, il est certain que le pharmacien à un rôle d’accompagnement d’autant plus vigilant à jouer auprès des seniors sous AVK, pour prévenir la iatrogénie liée à ces médicaments.

À RETENIR

Les AVK ont un fort potentiel iatrogène, en particulier chez les patients de plus de 65 ans. La surveillance des traitements doit être renforcée chez ces derniers, du fait d’un risque accru de surdosage, notamment en cas de modifications majeures de l’apport alimentaire.

À RETENIR

L’association du miconazole à un AVK peut entraîner une accumulation de l’AVK. Il en découle un risque hémorragique. L’association est contre-indiquée.

À RETENIR

Lorsque le surdosage est asymptomatique, avec un INR < 4, il n’y a pas lieu de sauter de prise d’AVK. L’INR doit être contrôlé le lendemain. Si l’INR avait été ≥ à 4 (mais < 6), il aurait fallu contacter le médecin. Les recommandations de la HAS sont alors de sauter une prise. Au delà de 6, le traitement AVK est stoppé et de la vitamine K est donnée per os comme antidote.

À RETENIR

L’association d’un AVK et d’un AINS par voie orale est déconseillée car elle majore le risque hémoragique

À RETENIR

Tous les laxatifs, et la paraffine en particulier, sont susceptibles de déséquilibrer un traitement anticoagulant par AVK.

À RETENIR

Les inducteurs enzymatiques forts comme le millepertuis peuvent diminuer l’efficacité des AVK et augmenter le risque thrombogène. Toute dispensation de millepertuis nécessite de vérifier l’absence de traitement interférant.

À RETENIR

La voie intramusculaire est déconseillée chez ces patients. Il faut lui préférer une autre voie d’administration lorsque cela est possible.

À RETENIR

Dans quelques cas de consommation inhabituelle, les aliments peuvent entraîner une diminution de l’efficacité des AVK, notamment avec l’acénocoumarol (demi-vie courte).

À RETENIR

Lors d’une intervention chirurgicale nécessitant l’arrêt d’un AVK, un délai de 5 jours de carence est recommandé.

À RETENIR

En cas d’oubli de prise d’un AVK de plus de 8 h, il ne faut en aucun cas rattraper la prise oubliée. De même en cas de doute, il vaut mieux sauter une prise.

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