LA GOUTTE - Le Moniteur des Pharmacies n° 2958 du 24/11/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2958 du 24/11/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

Monsieur T. a une crise de goutte

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Monsieur T., 57 ans, restaurateur.

Par quel médecin ?

Dr C., généraliste, consulté pour la première fois.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

Monsieur T. vient à la pharmacie depuis de nombreuses années pour y chercher son traitement antihypertenseur prescrit par un cardiologue qu’il voit tous les six mois. Restaurateur, monsieur T. est un « bon vivant », en surpoids et sait qu’il devrait modérer sa consommation d’alcool et son alimentation. Il n’a pas de médecin traitant.

Motif de la consultation

Une inflammation très douloureuse du gros orteil évoquant une nouvelle crise de goutte l’a poussé pour la première fois à consulter un médecin généraliste.

Que lui a dit le médecin ?

• S’agissant d’une hyperuricémie symptomatique avec plus de deux accès goutteux en un an, le médecin a prescrit de quoi soulager cette crise et un médicament hypo-uricémiant afin d’éviter une récidive. Il a également constaté des dépôts uratiques au niveau de la pulpe digitale.

• Le médecin a expliqué à monsieur T. l’importance du respect des règles diététiques : régime pauvre en purines animales, arrêt de la bière et réduction de l’alcool.

Vérification de l’historique patient

Monsieur T. vient chercher chaque mois son traitement antihypertenseur inchangé depuis 2 ans : furosémide 40 mg (1/j) et amlodipine 10 mg (1/j).

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

La prescription a pour objectif de soulager la douleur de la crise et d’instaurer un traitement visant à diminuer le taux d’acide urique du patient pour éviter les récidives et les effets délétères à long terme (arthropathies, tophus).

• Colchicine Opocalcium (colchicine) est un alcaloïde ayant un effet anti-inflammatoire non spécifique et une action spécifique dans la crise de goutte. Il est utilisé dans le traitement aigu de la crise puis en prophylaxie lors de l’instauration du traitement hypo-uricémiant (poursuivi 6 mois avec le febuxostat).

• Dafalgan codéiné (paracétamol 500 mg-codéine 30 mg) est un antalgique de palier 2 associant un antalgique périphérique (paracétamol) à un analgésique opioïde (codéine). Il permet le traitement symptomatique des affections douloureuses ne répondant pas à l’utilisation d’antalgiques périphériques seuls.

• Adenuric (febuxostat) est indiqué en cas de dépôts d’urate. Il a une action hypo-uricémiante par inhibition de la xanthine-oxydase (voir p. 11), impliquée dans la synthèse d’acide urique.

Est-elle conforme aux référentiels ?

Oui. En cas d’accès goutteux récidivant, il est recommandé de poursuivre six mois un traitement prophylactique par colchicine ou anti-inflammatoire non stéroïdien et d’instaurer un traitement hypo-uricémiant en plus du respect des mesures hygiénodiététiques. Ici, Adenuric a été prescrit car le patient présente des dépôts uratiques. Dafalgan codéiné ne figure pas dans les référentiels mais il est ici préféré à un anti-inflammatoire non stéroïdien pour soulager l’accès douloureux car M. T. est hypertendu.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Oui, la colchicine. La dose toxique est d’environ 10 mg. La surveillance est surtout clinique : diarrhée, nausées, vomissements ou douleurs abdominales intenses doivent évoquer un surdosage.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• La colchicine étant un médicament pouvant être toxique à des doses proches des doses thérapeutiques, la posologie doit être la plus faible possible. Elle est de 2 mg/j à J1, sauf si le traitement est débuté tardivement (plus de 12 h après le début de la crise), auquel cas il est débuté à 3 mg/j le premier jour (réponse 1). Le traitement est poursuivi à 2 mg/j à J2 et J3 puis à 1 mg par jour, correspondant à la posologie d’entretien chez un sujet de moins de 75 ans.

• Dafalgan codéiné peut être pris selon la douleur à raison de 1 à 2 comprimés de 1 à 4 fois par jour au maximum.

• La posologie d’Adenuric est conforme : 80 mg/j. Une augmentation est possible jusqu’à 120 mg/j en fonction des résultats biologiques (si l’uricémie reste supérieure à 60 mg/l après 2 à 4 semaines) et de la tolérance clinique (absence de nausées ou de diarrhée).

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non. Il n’existe pas de contre-indication à l’utilisation d’Adenuric et la colchicine est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale ou hépatique sévère.

Le paracétamol n’est contre-indiqué qu’en cas d’insuffisance hépatocellulaire et la codéine est à proscrire en cas d’asthme ou d’insuffisance respiratoire. M. T. n’est pas concerné.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

Non.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Interrogé par le pharmacien, monsieur T. explique qu’il a bien dit au médecin être traité pour son HTA mais qu’il ne se rappelait plus du nom de ses médicaments. Or, M. T. est sous furosémide et amlodipine. Le pharmacien décide d’appeler le cardiologue de M. T. car la goutte peut être secondaire à la prise au long cours d’un diurétique (furosémide notamment.)

Appel au cardiologue

– Bonjour Docteur, je suis le pharmacien de Richard T. Je vous contacte car il souffre d’une crise de goutte or vous lui prescrivez un diurétique pour son HTA. Pensez-vous qu’il faille changer son traitement antihypertenseur ?

– Oui tout à fait. Lorsqu’une crise de goutte survient chez un patient sous diurétique, il faut arrêter ce dernier. Je vais lui prescrire du losartan 50 mg en remplacement du furosémide car le losartan a l’avantage de posséder un effet uricosurique. Dites-lui de passer chercher son ordonnance.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui, l’efficacité du traitement hypo-uricémiant est évaluée par le dosage de l’uricémie au bout de 2 à 4 semaines.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Il s’agit de nouveaux médicaments pour M. T.

Quand commencer le traitement ?

Monsieur T. peut commencer dès ce matin le traitement par colchicine et prendre un ou deux comprimés de Dafalgan codéiné afin de soulager la douleur. Le pharmacien conseille au patient d’espacer les prises de Dafalgan codéiné d’au moins 4 heures.

La première prise d’Adenuric ne devra se faire que deux semaines après la guérison de la crise (réponse 3), en association avec la colchicine pour prévenir les crises induites par la libération des cristaux à partir des dépôts tophacés par le traitement hypo-uricémiant.

Que faire en cas d’oubli ?

• En cas d’oubli d’une prise d’Adenuric, le patient continue le lendemain à la posologie habituelle.

• Concernant la colchicine, négliger la prise omise et continuer le traitement comme prévu. Ne pas doubler la dose suivante.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Monsieur T. constatera l’antalgie due à l’effet anti-inflammatoire de la colchicine, et antalgique de Dafalgan codéiné. Ensuite, il pourra remarquer le bénéfice à long terme du traitement hypo-uricémiant, lequel devrait espacer les accès goutteux après plusieurs mois.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• La colchicine engendre essentiellement des troubles gastro-intestinaux en cas d’accumulation (nausées, vomissements, diarrhée).

• Les effets indésirables rencontrés sous Adenuric sont : céphalées, nausées, éruptions cutanées, déclenchement de crises de goutte en début de traitement ; diarrhée et anomalies du bilan hépatique chez les sujets sous colchicine.

• Aux doses thérapeutiques, les effets indésirables de la codéine sont modérés : somnolence, états nauséeux, constipation, bronchospasme.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• Le pharmacien informe M. T. du risque de somnolence dû à la prise de codéine.

• En cas de troubles digestifs sous Adenuric, il lui conseille la prise lors d’un repas.

• La fixation tissulaire de la colchicine entraîne une accumulation dans les tissus dès que la posologie journalière dépasse 1 mg et peut parfois provoquer des effets toxiques. Une consultation médicale est indispensable en cas de diarrhées. A l’officine, il ne faut pas conseiller d’emblée de ralentisseur du transit qui masquerait la diarrhée. Cependant, lorsque des troubles gastro-intestinaux surviennent pour une posologie quotidienne de 1 mg, ils peuvent être pris en charge à l’officine (réhydratation hydrosodée et antidiarrhéique…).

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Nausées, vomissements, diarrhée profuse et hypotension sont les premiers signes d’un surdosage en colchicine, lequel nécessite une consultation médicale, car l’intoxication (rare et surtout volontaire) peut être grave voire mortelle par déséquilibre hydroélectrolytique, choc septique, arrêt respiratoire (paralysie ascendante) ou collapsus cardio-vasculaire.

• De rares réactions graves d’hypersensibilité au febuxostat (réactions cutanées, œdème de la face, fièvre…) – incluant le syndrome de Stevens-Johnson et de réaction/choc anaphylactique – peuvent survenir en général durant le premier mois. Le traitement doit alors être arrêté immédiatement. Le syndrome de Stevens-Johnson est caractérisé par une éruption cutanée progressive accompagnée de bulles ou de lésions des muqueuses et une irritation oculaire.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Le pharmacien recommande au patient de signaler ses traitements à tout médecin (interactions nombreuses avec la colchicine, notamment avec certains antibiotiques : macrolides – sauf spiramycine – et Pyostacine) et de respecter les mesures hygiénodiététiques (voir p. 15).

• Avec l’accord du médecin, si une nouvelle crise survient dans les mois suivants, M. T. pourra reprendre 2 comprimés par jour de colchicine pendant 3 jours dès les premiers signes. Il devra toujours avoir des comprimés de colchicine sur lui.

• Si possible, glacer l’articulation douloureuse aussi souvent que nécessaire pour soulager l’inflammation.

• Monsieur T. doit éviter d’utiliser de l’ibuprofène pour ses crises de goutte. Lui expliquer que l’ibuprofène est déconseillé chez l’hypertendu.

PATHOLOGIE

La goutte en 4 questions

La goutte appartient au groupe des arthropathies microcristallines (rhumatismes induits par des dépôts tissulaires de microcristaux). Conséquence d’une hyperuricémie prolongée, elle s’associe très souvent aux facteurs de risque cardiovasculaires.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

Les crises de goutte

• Elles surviennent après une phase d’hyperuricémie asymptomatique prolongée.

• L’accès typique de goutte (80 % des cas) se traduit par une arthrite aiguë de l’articulation métatarsophalangienne du gros orteil. Le patient signale parfois un événement déclenchant : traumatisme, repas copieux ou prise d’alcool, maladie intercurrente, traitement diurétique.

Le début est toujours brutal, souvent nocturne. La douleur, intense, est associée à des signes inflammatoires locaux importants (rougeur, chaleur cutanée, gonflement de l’articulation). L’impotence fonctionnelle est majeure. Le simple toucher est douloureux et la peau est luisante, parfois marquée d’un « piqueté » purpurique. Au plan systémique, il existe une hyperthermie. En l’absence de traitement, la guérison de l’épisode survient spontanément en 7 à 10 jours. Souvent, la peau desquame en regard de l’articulation touchée.

• Plus rarement, la maladie débute par une autre articulation : tarse, cheville, genou. En l’absence de traitement, les crises deviennent de plus en plus fréquentes, touchant parfois plusieurs articulations. Les membres supérieurs peuvent alors être atteints : mains, poignets, coudes.

• La crise prend parfois l’aspect d’une tendinite (tendon d’Achille) ou d’une bursite (face postérieure du coude, région prérotulienne).

La goutte chronique

• Elle est observée après plusieurs années d’évolution sans traitement, environ 10 ans après le premier accès goutteux.

• Les arthropathies uratiques, liées aux dépôts d’urate de sodium, sont de type mécanique (articulations douloureuses et raides, sans rougeur ni chaleur locale et sans fièvre). La symptomatologie est chronique, entrecoupée de crises aiguës (inflammatoires).

• Les tophi sous-cutanés siègent au niveau des articulations atteintes, mais aussi en certains sites évocateurs : pavillon de l’oreille, doigts, coude, tendon d’Achille.

• L’atteinte rénale peut se traduire soit par des lithiases uriques (crises de colique néphrétique, à cristaux d’acide urique, radiotransparents ; favorisées par l’acidité urinaire), soit par une néphropathie interstitielle chronique causée par les dépôts microcristallins. La prise fréquente d’AINS, dans le but de soulager les crises, peut contribuer à endommager le rein.

2 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• Selon les dernières recommandations européennes sur la goutte, le diagnostic définitif repose sur la mise en évidence de cristaux d’urate de sodium dans le liquide synovial (ponction articulaire) ou dans un tophus. Entre les accès de goutte, la ponction d’une articulation non douloureuse, mais ayant déjà été le siège d’accès aigus, permet également de poser le diagnostic lorsqu’elle retrouve des cristaux d’urate de sodium.

• Le dosage de l’acide urique ne permet ni d’affirmer ni d’exclure le diagnostic de goutte. Car même si une hyperuricémie est retrouvée dans la plupart des cas, le taux d’acide urique peut être normal lors d’un accès aigu (pour raugmenter ensuite). Par ailleurs, la majorité des patients hyperuricémiques ne développe pas la maladie. En revanche, ce dosage est indispensable lors du suivi du traitement hypo-uricémiant. L’hyperuricémie est définie par une uricémie supérieure à 70 mg/l (420 µmol/l). Le but du traitement est d’abaisser l’uricémie durablement en dessous de 60 mg/l (360 µmol/l).

• Il existe par ailleurs une élévation de la VS (vitesse de sédimentation), de la CRP (protéine C réactive) ainsi qu’une hyperleucocytose pendant l’accès goutteux.

• D’autres examens sont utiles au diagnostic étiologique : créatininémie et estimation de la fonction rénale, NFS.

• Les radiographies standard des articulations atteintes ne sont pas contributives en cas d’accès aigu et ne sont utiles que tardivement, au stade de goutte chronique. Elles sont utilisées également pour le diagnostic différentiel.

• L’échographie articulaire permet de détecter les aspects typiques des dépôts uratiques : double contour, tophus.

3 QUELS SONT LES ÉTIOLOGIES ET LES FACTEURS DE RISQUE ?

On distingue la goutte primitive et les gouttes secondaires. Dans les deux cas, l’hyperuricémie est nécessaire au développement de la maladie. Le risque de goutte augmente avec la durée et l’intensité de l’hyperuricémie, mais toute hyperuricémie n’aboutit pas à une goutte.

La goutte primitive

• Elle concerne plus de 75 % des patients et résulte de l’association de plusieurs facteurs de risque :

– sexe masculin ;

– dimension familiale et facteurs génétiques, impliqués surtout dans la diminution de l’excrétion urinaire d’urate ;

– alimentation riche en purines : viandes, poissons, crustacés, bière, y compris sans alcool ;

– consommation d’alcool fort et de sodas riches en fructose (qui favorisent l’hyperproduction d’urates) ; alimentation riche en calories et en hydrates de carbone, à l’origine d’un hyperinsulinisme qui réduit l’excrétion urinaire des urates. Le vin a peu d’effet sur l’uricémie ;

– syndrome métabolique, associant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire : HTA, intolérance au glucose ou diabète, obésité, dyslipidémie.

• La baisse nocturne de la température pendant le sommeil favorise la mobilisation des cristaux d’urate de sodium, ce qui explique que les crises surviennent volontiers au cours de la nuit.

• On classe aussi parmi les gouttes primitives les gouttes liées à un déficit génétique en hypoxanthine-guanine-phosphoribosyltransférase.

La goutte secondaire

• L’insuffisance rénale chronique peut être responsable d’une goutte par l’intermédiaire d’une diminution de l’excrétion de l’acide urique (10 % des gouttes).

• Certains médicaments pris au long cours peuvent induire une hyperuricémie : diurétiques (thiazidiques et diurétiques de l’anse, déclenchant une forme de goutte fréquente chez la femme âgée), antituberculeux (pyrazinamide et éthambutol), salicylés à faible dose, ciclosporine, tacrolimus, antiviraux (ritonavir, didanosine).

• Les hémopathies malignes peuvent être en cause par augmentation du catabolisme des acides nucléiques des cellules tumorales, laquelle élève la production d’acide urique. Même processus pour les tumeurs solides traitées par chimiothérapie (hyperuricémie aiguë à risque de néphropathie urique aiguë).

4 QUELLES SONT LES ÉVOLUTIONS ET COMPLICATIONS ?

• En l’absence de traitement hypo-uricémiant, les arthropathies chroniques tophacées peuvent aboutir à une destruction articulaire, voire osseuse. Les tophi peuvent induire un handicap fonctionnel important.

• L’atteinte rénale peut évoluer vers une insuffisance rénale chronique (15 à 20 % des goutteux).

• L’hyperuricémie chronique et la goutte sont associées à une augmentation du risque cardiovasculaire (infarctus du myocarde, AVC…). Actuellement, l’hyperuricémie est considérée comme un marqueur de risque cardiovasculaire.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la goutte ?

La prise en charge de la goutte combine des principes actifs pour l’accès aigu, et d’autres visant à réduire l’hyperuricémie (inhibiteurs de la synthèse d’acide urique et uricosuriques) au long cours.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les résultats du traitement de la goutte sont globalement remarquables. Au stade de la goutte aiguë, le traitement symptomatique des crises permet de les guérir en quelques jours. Le traitement de fond permet d’éviter la répétition des crises et l’évolution vers la goutte chronique avec ses manifestations articulaires et rénales.

Au stade de la goutte chronique, le traitement de fond peut aboutir à la réduction ou à la disparition des tophi sous-cutanés, à l’amélioration partielle ou à la stabilisation des manifestations articulaires. Mais il ne permet pas la régression de l’insuffisance rénale à partir du moment où elle s’est constituée, d’où l’intérêt de traiter dès les premières crises.

Traitement de l’accès aigu

Il s’agit d’un traitement symptomatique qui doit être efficace et précoce, car tout retard thérapeutique augmente la résistance de la goutte. Il doit par conséquent débuter le plus tôt possible, dès les premières heures. Il comprend deux composantes : le repos et les médicaments.

Repos et froid

Il s’agit d’un repos au lit, l’articulation douloureuse pouvant être protégée du poids des draps par un arceau. Ce repos durera tant que les manifestations douloureuses ne seront pas calmées. L’application de froid peut provoquer un resserrement des vaisseaux sanguins engourdissant la région endolorie. L’application d’une vessie de glace ou d’une compresse froide avec protection cutanée durant 20 minutes, 3 à 4 fois par jour, en association à la colchicine soulage l’inflammation et permet de réduire significativement la durée de l’accès par rapport à la colchicine seule. Attention à ne pas s’endormir avec la glace (risque de brûlures) !

Traitement médicamenteux

• La colchicine, traitement spécifique de la goutte, est prescrite en première intention.

• Le traitement sera poursuivi pendant toute la durée des phénomènes douloureux et quelques jours encore pour éviter le retour des phénomènes aigus. Il faut vérifier que le patient possède toujours des comprimés de colchicine sur lui ou rangés dans sa table de nuit.

• Les AINS sont communément utilisés en deuxième intention. Ils aident à soulager la douleur et à réduire le gonflement et la raideur articulaire, mais ne contribuent pas à prévenir les lésions articulaires. Ils sont contre-indiqués chez les patients insuffisants rénaux (< 60 ml/min), insuffisants cardiaques, avec un antécédent d’infarctus et/ou sous AVK.

• La prednisone est réservée aux contre-indications ou échecs de la colchicine et des AINS. D’une manière générale, on cherche à éviter l’utilisation des corticoïdes, présentant un effet favorable immédiat mais aboutissant généralement à une rechute et tendant à avoir une action défavorable sur l’évolution générale de la maladie, créant des formes rebelles aux autres traitements, appelée « goutte cortisonée ».

• Les ponctions-aspirations intra-articulaires suivies d’une injection locale de corticoïdes sont parfois réalisées, mais n’ont pas fait l’objet d’essais contrôlés.

Traitement de fond de l’hyperuricémie

Le but du traitement de fond est de réduire la surcharge uratique et d’amener l’uricémie sous la valeur de 60 mg/l afin d’éviter les récidives de crise de goutte et l’arthropathie goutteuse. Il se compose d’un ré’élimination), doit être mis en œuvre à distance d’au moins 15 jours de tout phénomène aigu. Il doit être institué progressivement sous peine de déclencher une crise de goutte, sa posologie faisant l’objet d’une adaptation en fonction des résultats obtenus sur l’uricémie.

Mesures hygiénodiététiques

Les mesures diététiques consistent à supprimer les aliments contenant des précurseurs de l’acide urique en très grandes quantités (voir p. 15), à diminuer les apports de protéines, à augmenter les apports hydriques (1,5 l d’eau par jour) et à évincer certains alcools.

L’efficacité de ces mesures diététiques reste néanmoins modeste, avec une baisse de l’uricémie d’environ 10 mg/l.

Traitement médicamenteux

• Le traitement, composé d’urico-inhibiteurs (inhibant la synthèse) ou d’uricosuriques (favorisant l’élimination), doit être mis en œuvre à distance d’au moins 15 jours de tout phénomène aigu. Il doit être institué progressivement sous peine de déclencher une crise de goutte, sa posologie faisant l’objet d’une adaptation en fonction des résultats obtenus sur l’uricémie.

• A l’instauration, les crises peuvent être plus fréquentes qu’auparavant. Il est indispensable d’en faire part au patient, sans quoi le risque d’arrêt de traitement est fort, le patient pensant à tort à une inefficacité thérapeutique. Afin de minimiser le risque de survenue de ces accès, il est nécessaire d’associer un traitement préventif de la crise de goutte par la colchicine à posologie minimale efficace (1 mg/j) pendant 2 à 3 mois pour l’allopurinol, et pendant 6 mois pour le febuxostat ou par un anti-inflammatoire non stéroïdien, avec si besoin un protecteur gastrique. La posologie du traitement urico-inhibiteur, d’instauration progressive, est adaptée jusqu’à obtention d’une uricémie inférieure à 60 mg/l, soit 360 µmol/l et poursuivie à vie, sous réserve d’une bonne tolérance. Le traitement hypo-uricémiant ne doit pas être interrompu au cours des crises.

• Les uricosuriques trouvent leur place en cas d’intolérance aux urico-inhibiteurs ou peuvent s’y ajouter.

Autres

• L’ablation chirurgicale de certains tophi volumineux peut parfois être envisagée à titre complémentaire.

• Il est indispensable de corriger les comorbidités (hyperlipidémie, HTA…) avec de préférence du fénofibrate (hypolipémiant qui réduit l’uricémie en accroissant de 30 % la clairance de l’acide urique) et/ou du losartan (uricosurique également), et d’arrêter les diurétiques thiazidiques ou de l’anse (source d’hyperuricémie secondaire).

TRAITEMENTS

ACCES GOUTTEUX

La colchicine

• La colchicine (Colchimax, Colchicine Opocalcium) n’a pas d’action sur le métabolisme de l’acide urique ; elle ne modifie ni son taux sanguin, ni son pool, ni son excrétion urinaire. Elle empêche indirectement la phagocytose des cristaux d’urate monosodique par les polynucléaires. Cette action est obtenue par la diminution de la mobilité des polynucléaires et par l’altération des microtubules du cytosquelette.

• Son effet se manifeste en 10 à 24 heures en moyenne sur les douleurs et elle aboutit à la disparition totale de la crise en 3 à 4 jours dans 90 % des cas si elle est prescrite dès le premier jour. Le traitement est composé de 2 mg les trois premiers jours (voire 1 mg à J1 afin d’éviter tout surdosage) et de 1 mg les trois ou quatre jours suivants. Lorsque le traitement est instauré plus de 12 heures après les premiers symptômes de la crise, la posologie doit être augmentée à 3 mg/j à J1.

• Chez la personne âgée (> 75 ans), la posologie ne doit pas dépasser 2 mg/ j en plusieurs prises. Ensuite, la posologie d’entretien pourra être menée à la dose de 1 mg voire 0,5 mg en cas de diarrhées et chez la personne âgée. Les prises par comprimé ou demi-comprimé ne doivent pas dépasser 1 mg.

• Avant l’instauration du traitement, il est recommandé de vérifier la clairance de la créatinine, en particulier chez la personne âgée (risque de surdosage).

• En cas d’apparition d’une crise de goutte durant le traitement de fond à base d’hypo-uricémiant et de colchicine (1 cp/j), le patient doit augmenter la posologie de colchicine à 2 mg le premier jour de la crise. Les prises doivent être espacées de 4 h au minimum.

• L’effet indésirable majeur de ce traitement réside en une irritation intestinale, se manifestant par des diarrhées dont l’apparition 12 à 48 h après le début du traitement coïncide avec l’amélioration de l’inflammation goutteuse. Il arrive que la diarrhée soit trop intense pour que l’on puisse atteindre ou maintenir la posologie nécessaire pour guérir l’accès goutteux. Colchimax contient de la poudre d’opium et du tiémonium destinés à limiter l’apparition de la diarrhée due à la colchicine. Toutefois, ces deux principes actifs peuvent masquer les premiers signes d’un surdosage en colchicine.

• La colchicine est contre-indiquée avec les antibiotiques de la classe des macrolides (télithromycine, azithromycine, clarithromycine, érythromycine, josamycine, midécamycine, roxithromycine) et la pristinamycine. Ces antibiotiques diminuent le métabolisme de la colchicine et augmentent sa concentration plasmatique, aboutissant à un surdosage avec effets toxiques.

D’autres médicaments nécessitent des précautions d’emploi, notamment les statines et les fibrates, nécessitant une surveillance clinique et biologique (muscles et globules blancs) car il y a un risque de rhabdomyolyse et de pancytopénie. Le patient doit consulter immédiatement en cas de douleurs musculaires.

Les AINS

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (diclofénac, kétoprofène, ibuprofène, naproxène, indométacine) peuvent parfois être associés d’emblée à la colchicine ou en cas d’efficacité insuffisante de celle-ci ou pour raccourcir son délai d’action. Les doses utilisées sont rapidement dégressives jusqu’à la guérison de l’accès goutteux, sachant qu’il n’y a pas de durée de traitement optimale. L’aspirine n’est pas utilisée dans cette indication car elle interfère avec l’élimination urinaire de l’acide urique.

Les corticoïdes

Le traitement par prednisone doit être réservé aux contre-indications ou échecs à la colchicine et aux AINS. Son principal inconvénient est le risque de récidive de l’accès goutteux à l’arrêt. Il n’y a pas de durée optimale recommandée, la posologie initiée à 20 ou 30 mg devant être progressivement diminuée jusqu’à la guérison de l’accès pendant 4 à 5 jours.

HYPO-URICÉMIANTS

Les urico-inhibiteurs

• Ils agissent en inhibant la production endogène d’acide urique, prévenant ainsi la récidive des accès goutteux et réduisant les dépôts d’urates.

• Ils sont représentés par l’allopurinol (Zyloric) et le febuxostat (Adénuric), indiqués dans le traitement des hyperuricémies chroniques avec manifestations cliniques.

• Ce traitement de fond doit être classiquement instauré à distance de toute crise (15 jours après guérison). En début du traitement, des crises de goutte peuvent survenir en raison d’une variation de l’uricémie qui entraîne une mobilisation des cristaux d’urate à partir des dépôts tissulaires, d’où l’association à de la colchicine ou à un AINS à titre préventif.

• Le traitement par allopurinol (Zyloric) est débuté à la posologie de 100 mg/j, avec un contrôle de l’uricémie tous les 15 jours puis tous les mois. La posologie est ensuite adaptée, jusqu’à obtention d’une uricémie de 60 mg/l ou < 360 µmol/l et poursuivie à vie, sous réserve d’une bonne tolérance. Les intolérances sont rares. Zyloric peut être prescrit en cas de lithiase ou d’insuffisance rénale. Les effets indésirables sont les troubles digestifs modérés, des éruptions cutanées (3 % des patients), nécessitant l’arrêt du traitement, et une leucopénie. Toute éruption cutanée impose l’arrêt définitif de l’allopurinol. La réintroduction de l’allopurinol expose à un risque de syndrome de DRESS, de Lyell et de Stevens-Johnson. Cette notion est importante à garder en mémoire, notamment face à une prescription de générique : le patient peut avoir fait une éruption cutanée sous Zyloric mais ne pas le signaler croyant que l’allopurinol est un autre médicament.

• L’association des pénicillines A et de l’allopurinol entraîne un risque accru de réactions cutanées.

• Adenuric (febuxostat) est prescrit à la dose initiale de 80 mg/j. Si l’uricémie reste > 360 µmol/l après 4 semaines de traitement, la posologie sera portée à 120 mg/j. Les effets indésirables fréquents sont là encore de types digestifs et cutanés, ou sous forme d’anomalies du bilan hépatique ou de céphalées. Le febuxostat possède également un risque de réaction cutanée grave. La conduite à tenir est la même qu’avec l’allopurinol.

Les uricoéliminateurs ou uricosuriques

• Les uricosuriques agissent en augmentant l’uraturie. Ils sont représentés par le probénécide (Bénémide).

• L’utilisation des uricosuriques est réservée aux patients ne présentant ni insuffisance rénale ni lithiase ni hyperuraturie. Il est nécessaire d’adjoindre de la colchicine à dose prophylactique (1 mg/jour) en début de traitement afin d’éviter le déclenchement d’une crise aiguë.

• Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sous probénécide sont de type céphalées, anorexie, nausées, vomissements, gingivorragies, sensations vertigineuses ou mictions fréquentes.

Perspectives thérapeutiques

• La découverte récente du rôle majeur de l’inflammasome et de l’interleukine (IL 1) dans l’apparition des crises de goutte ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques. Récemment, un patient ayant une polyarthrite goutteuse corticodépendante a été traité efficacement par de l’anakinra, antagoniste du récepteur de l’IL 1.

• La pégloticase, urate-oxydase pégylée commercialisée sous le nom de Krystexxa, a été approuvée par la Federal and Drug Administration (Etats-Unis) pour les patients souffrant de goutte chronique, réfractaires ou intolérants aux traitements hypo-uricémiants conventionnels.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Jean-Marc, 66 ans, retraité

« Ma première crise de goutte date d’il y a quinze ans environ. Une deuxième un an plus tard et un taux d’acide urique élevé ont incité mon médecin à me prescrire Zyloric. Je n’ai pas pu poursuivre ce traitement qui me faisait mal à l’estomac et qui n’a pas empêché une nouvelle crise trois mois après. La seule façon de limiter mon uricémie (elle stagne maintenant autour de 65-70 mg/l) est de respecter le régime qu’on m’a recommandé : plus d’abats, ni certains poissons, alors que je suis de nature gourmande ! Et plus d’alcool du tout. Ce régime a eu le mérite de résoudre mon problème d’hypercholestérolémie, mais malgré mes efforts je fais une crise tous les deux ans environ et je vis dans l’appréhension que cela récidive, d’autant que la dernière n’a pas touché mon gros orteil mais mon coude et que des lésions blanchâtres peu esthétiques y sont apparues sous la peau. Mon médecin m’a prescrit depuis un nouvel hypo-uricémiant, Adenuric, que je supporte bien jusque-là. »

LA GOUTTE VUE PAR LE PATIENT

Impact sur la vie quotidienne

• La crise de goutte est un accès très douloureux, qui peut durer plusieurs semaines et être difficile à supporter. Même le contact des draps sur l’articulation atteinte peut déranger le patient et perturber le sommeil.

Le patient a parfois du mal à se soumettre à l’idée qu’un traitement hypo-uricémiant lui est nécessaire car il n’en ressent pas forcément l’efficacité hors période de crise.

• Le quotidien du patient goutteux chronique est également compliqué par les règles diététiques et la réduction de la consommation d’alcool qui peuvent constituer un frein à la convivialité et perturber ainsi la vie sociale (repas familial, d’affaires…).

Impact sur la vie professionnelle

Les crises d’arthropathie microcristalline peuvent entraîner un handicap physique dû à l’inflammation nécessitant un arrêt de travail durant plusieurs jours.

À DIRE AU PATIENT

A propos de la pathologie

Si la goutte n’est pas traitée, des arthropathies chroniques avec douleurs mécaniques chroniques (présence de tophi visibles sous la peau) peuvent apparaître.

L’évolution de la pathologie est à expliquer aux patients pour obtenir leur adhésion au traitement hypo-uricémiant en dehors des périodes de crise car la goutte est la seule maladie rhumatismale que l’on peut guérir en suivant correctement un traitement médicamenteux et en évitant certains écarts diététiques.

A propos du traitement

• Rappeler la distinction entre le traitement de l’accès et le traitement de la maladie métabolique et expliquer l’objectif des hypo-uricémiants et uricosuriques.

• Ne pas négliger l’intérêt de l’immobilisation et du glaçage articulaire avec protection cutanée 10-15 minutes 3 fois par jour pour réduire la durée de l’accès douloureux. Dans certains cas, recommander le repos au lit avec un arceau (remboursable par la Sécurité sociale) afin d’éviter le poids des draps sur l’articulation douloureuse.

• Concernant la colchicine, en expliquer le bon usage : elle est efficace lorsqu’elle est débutée le plus tôt possible (dans les 12 premières heures de la crise), d’où l’intérêt pour le patient d’en avoir toujours sur soi. Le pharmacien doit informer le patient des signes en cas surdosage (nausées, vomissements et diarrhée) et, du fait d’importantes interactions médicamenteuses, lui conseiller d’éviter l’automédication et de signaler son traitement à tout prescripteur ou autre pharmacien. Par exemple, éviter la prise d’aspirine qui interfère avec l’élimination de l’acide urique.

• Ne pas arrêter le traitement hypo-uricémiant en cas de crise de goutte ; le pharmacien doit prévenir le patient de la possibilité de crises en début de traitement hypo-uricémiant (jusqu’à un an).

• Insister sur l’importance du régime et surtout de l’éviction de la consommation d’alcool fort, de bière et de soda et la réduction de la consommation d’alcool, d’aliments riches en purines ou en fructose, qui peut parfois permettre de traiter efficacement un malade apparemment « rebelle » aux hypo-uricémiants.

Prévention secondaire

Le respect de mesures hygiénodiététiques est essentiel. Elles ne permettent pas à elles seules de soigner le patient mais contribuent à baisser l’uricémie d’environ 10 mg /l.

• Le pharmacien doit évoquer avec le patient en surpoids souffrant de goutte la nécessité d’entamer un régime amaigrissant. Il doit se faire de manière progressive avec une alimentation équilibrée : pas de régime drastique (pour éviter un catabolisme protéique accéléré) ni de régime hyperprotéiné (apportant trop de purines).

• Conseiller 30 minutes d’activité physique quotidienne non traumatisante d’un point de vue articulaire type natation, aquagym, vélo, marche rapide (éviter le tennis et le football)…

• L’acide urique est un déchet au stade final de la dégradation des protéines, et plus particulièrement de la famille des purines. Certains aliments sont donc à proscrire (soda, alcool fort et bière, même sans alcool). D’autres sont à éviter ou limiter (voir tableau ci-dessus) en fonction de leur teneur en purines (exemple de teneurs en purines en mg pour 100 g : ris de veau 990, anchois 465, saumon 130, veau 115, poulet 100, asperges 50).

• Le fructose, largement utilisé dans l’industrie alimentaire pour son pouvoir sucrant, pose problème car son métabolisme augmente la dégradation d’ATP en précurseurs puriniques et donc en acide urique.

A noter que le risque d’hyperuricémie augmente dès 1 canette de soda sucré par jour et que certains sodas sans sucre contiennent du fructose.

• Insister sur l’importance d’une hydratation suffisante : au moins 1,5 l d’eau par jour.

• Encourager la consommation de certains aliments pauvres en purines : légumes (haricots verts, poireaux, courgettes, carottes…), pommes de terre, laitages à faible teneur en matière grasse, fromages à pâte molle et fruits frais.

• Ne pas sauter de repas car cela accélère le catabolisme des protéines et la synthèse d’acide urique.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON. L’association d’une pénicilline A à l’allopurinol est à prendre en compte car elle majore le risque de réactions cutanées. Contacter le généraliste qui pourra changer l’antibiotique ou décider d’interrompre momentanément le traitement hypo-uricémiant.

ORDONNANCE 1 : OUI. La spiramycine est le seul macrolide qui n’est pas contre-indiqué avec la colchicine ; les autres augmentent le risque de surdosage en colchicine.

MÉMO-DÉLIVRANCE

TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX

Le patient a-t-il compris la différence entre le traitement de la crise aiguë et le traitement de fond ?

Le traitement de crise (colchicine, AINS) permet de soulager la crise mais un traitement de fond (allopurinol, febuxostat, probénécide) est indispensable pour diminuer l’hyperuricémie et ainsi éviter une nouvelle crise de goutte.

Le patient sait-il quand commencer le traitement de fond ?

En principe, le patient doit commencer son traitement de fond 15 jours après la guérison de la crise de goutte.

Le patient connaît-il les signes d’alerte d’un surdosage en colchicine ?

Les signes de surdosage sont des vomissements et des diarrhées profuses. Pour éviter tout surdosage, le patient doit éviter toute automédication sans avis pharmaceutique ou médical (nombreuses interactions médicamenteuses, en particulier avec certains antibiotiques et les statines).

Le patient sait-il comment agir lors d’une prochaine crise de goutte ?

Le patient doit toujours avoir un comprimé de colchicine sur lui afin d’initier au plus vite son traitement de crise au moindre symptôme. Plus le traitement est pris tôt, plus il est efficace et la dose à prendre sera moindre (2 mg/j au maximum si le traitement est débuté dans les 12 h contre 3 mg/j s’il est débuté plus tard), engendrant ainsi moins d’effets indésirables et de risque de surdosage.

MESURES HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

Le patient connaît-il les mesures hygiénodiététiques ?

Lors d’une crise, le patient doit reposer l’articulation malade. L’application de glace avec protection cutanée durant 20 minutes 3 à 4 fois par jour peut soulager l’articulation enflammée. De manière générale, le patient doit avoir une activité physique non traumatisante (natation, marche rapide…) d’au moins 30 minutes par jour. Il doit respecter des règles diététiques :

– commencer un régime progressif s’il est en surpoids ou obèse,

– ne pas boire de bière (même sans alcool), d’alcool fort (> 40°) et des sodas,

– limiter les aliments riches en purine,

– éviter les excès alimentaires,

– s’hydrater suffisamment (1,5 l/jour).

ERRATUM

Cahier « Antiostéoporotiques » n° 169 (27.10.2012)

Tableau « Rythme de prises des antiostéoporotiques » : Fosavance et Adrovance sont des biphosphonates à prise hebdomadaire et non quotidienne. Possibilité de télécharger la version corrigée sur www.WK-Pharma.fr

LE CAS : M. T., 57 ans, arrive à la pharmacie en boitant. Son gros orteil est douloureux au moindre contact, rouge et gonflé depuis hier. Il explique qu’il s’agit de sa 3e crise de goutte depuis un an et qu’il a soulagé les précédentes avec de l’ibuprofène, mais que cette fois-ci il est allé consulter un médecin car la douleur était très importante.

TOPHUS

Masse habituellement formée de cristaux d’urate de sodium entraînant la formation d’un granulome inflammatoire. C’est une manifestation tardive de la goutte, siégeant à l’intérieur des articulations dans les tendons.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous : ordonnance@wolters-kluwer.fr

Qu’en pensez-vous

M. T. débutera son traitement de colchicine plus de 12 h après le début de la crise de goutte, la posologie maximum de colchicine est dans ce cas de :

1) 3 mg /j

2) 2 mg /j

3) 1 mg /j

Qu’en pensez-vous

Le traitement par Adenuric peut être débuté :

1) le soir même

2) dès que la crise sera terminée

3) après un délai minimal de 15 jours après la guérison de la crise

EN CHIFFRES

• Prévalence de la goutte en Europe : 1 à 1,5 %. Maladie de plus en plus fréquente.

• Augmentation de la prévalence avec l’âge : < 0,5 % avant 30 ans, > 2 % après 60 ans.

• 10 hommes atteints pour 1 femme.

• Seulement 10 % des hyperuricémies évoluent vers la goutte.

• Etude française CACTUS : 2 patients goutteux sur 3 sont hypertendus et 71 % ont un syndrome métabolique.

BURSITE

Inflammation d’une bourse séreuse se traduisant par une tuméfaction rouge et douloureuse au niveau d’une articulation.

Physiopathologie

• La goutte se caractérise par des dépôts intra- ou périarticulaires de cristaux d’urate de sodium. Ce phénomène résulte d’une surcharge en acide urique, elle-même en rapport soit avec un excès de production d’acide urique, soit avec un défaut d’élimination rénale. S’agissant de la production, la source principale d’acide urique endogène provient de la purinosynthèse de novo, qui s’effectue dans le foie. Le reste de l’acide urique endogène est issu du catabolisme des acides nucléiques cellulaires (ADN, ARN…) au moment de la mort cellulaire. L’acide urique exogène provient du catabolisme des acides nucléiques alimentaires et du fructose. L’élimination de l’acide urique est principalement assurée par le rein. Une petite partie est éliminée par voie intestinale.

• A pH physiologique (neutre), l’acide urique est présent sous forme d’urate de sodium. Lorsque le seuil de solubilité est dépassé (environ 420 µmol/l, soit 70 mg/l), sous l’effet d’une hyperuricémie importante et prolongée, l’urate de sodium cristallise et se dépose en certains sites : articulations, tissus périarticulaires, ligaments, peau. Lors d’un événement déclenchant (traumatisme, modification de pH…), les dépôts se désagrègent, libérant les cristaux dans l’articulation. La réaction inflammatoire qui en résulte, au cours de laquelle interviennent des cytokines pro-inflammatoires (dont l’interleukine 1), amène la crise goutteuse. Au fil du temps, les concrétions d’urate de sodium, ou tophi, deviennent de plus en plus volumineuses, donnant lieu aux manifestations chroniques de la goutte, ce qui peut générer une lithiase urinaire.

• Si le pH est acide, par exemple au niveau urinaire, l’équilibre entre l’acide urique et l’urate de sodium est déplacé vers l’acide urique. Ce dernier précipite plus facilement que l’urate de sodium, ce qui peut générer la formation de lithiases urinaires (calculs d’acide urique).

CE QUI A CHANGÉ

APPARUS

• Adenuric (febuxostat) : commercialisé en mars 2010.

• Colchicine : apparition dans les RCP de nouvelles interactions contre-indiquées entre les macrolides/pristinamycine et la colchicine. L’association peut entraîner des effets indésirables graves à type d’aplasie médullaire, de rhabdomyolyse.

• Colchimax et Colchicine Opocalcium : en février 2012, modification du RCP des spécialités. Nouvelle posologie « de charge » (diminuée).

• Colchimax : apparition de comprimés sécables en septembre 2012 qui permet une posologie adaptable à chaque patient.

DISPARUS

• Désuric (benzbromarone) : supprimé en 2003 suite à de rares cas d’atteintes hépatiques graves d’évolution fatale ou ayant entraîné une transplantation. Il est désormais soumis à ATU nominative depuis le 28 mai 2002.

TOXICITÉ

Colchicine et surdosage

L’Afssaps a publié une mise en garde concernant les spécialités à base de colchicine le 26 septembre 2011 du fait de la survenue de nouveaux cas d’effets indésirables graves liés à des interactions médicamenteuses ayant entraîné des surdosages (notamment suite au décès d’une patiente traitée par Colchimax quelques jours après l’introduction de clarithromycine). La colchicine est un médicament à marge thérapeutique étroite. Le respect des indications, des contre-indications et des interactions par les professionnels de santé est indispensable :

• Respecter strictement les RCP.

• Respecter strictement les contre-indications et l’adaptation posologique chez le sujet âgé, insuffisant rénal ou hépatique. La colchicine est contre-indiquée chez le sujet insuffisant rénal sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min) et chez le sujet insuffisant hépatique sévère. La clairance de la créatinine doit être évaluée avant l’instauration du traitement.

• Evaluer le risque d’interaction devant toute prescription d’un autre médicament. Les médicaments contre-indiqués en association sont les macrolides (sauf spiramycine) et la pristinamycine. Ils diminuent le métabolisme de la colchicine et entraînent un surdosage (effets toxiques, décès).

• Etre attentif aux premiers signes d’un surdosage : nausées, vomissements et diarrhée profuse. Devant l’apparition de signes de surdosage, il faut demander au patient d’arrêter la colchicine et de consulter d’urgence son médecin.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications absolues doivent être connues du pharmacien :

• Colchicine : insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min), insuffisance hépatique sévère.

• AINS : au-delà de 24 semaines d’aménorrhée (5 mois de grossesse révolus), antécédents de réactions d’hypersensibilité, antécédents d’hémorragie ou de perforation digestive sous AINS, hémorragie gastro-intestinale, hémorragie cérébrovasculaire, ulcère peptique évolutif, insuffisances hépatique, rénale ou cardiaque sévères.

• Allopurinol : allaitement

• Febuxostat : grossesse, allaitement.

• Probénécide : insuffisance rénale sévère, lithiase urique, hyperuraturie, hémopathie maligne.

POINT DE VUE Pr Frédéric Lioté, service de rhumatologie, INSERM (UMR 606), hôpital Lariboisière à Paris, interrogé par Carole Fusi

« La goutte est la seule maladie rhumatologique dont on peut guérir »

Les patients goutteux sont-ils observants ?

Non. Une étude récente a comparé l’observance des patients atteints de goutte, de diabète, d’hypertension artérielle et d’ostéoporose. Il s’est avéré que les moins observants sont les plus jeunes et les patients goutteux. Pourtant, à l’inverse de la goutte, l’hypertension artérielle et le diabète sont des pathologies silencieuses. Pour améliorer l’observance des patients, il est important de bien leur expliquer la différence entre les crises aiguës et l’hyperuricémie sous-jacente, et d’insister sur le fait qu’il faut déstocker cette surcharge d’acide urique pour éviter de nouvelles crises. La goutte est la seule maladie rhumatologique dont on peut guérir.

Le patient doit-il respecter un régime alimentaire particulier ?

Oui, mais il ne faut pas parler de régime alimentaire mais d’une correction des écarts diététiques. Seuls trois aliments sont interdits : la bière (même sans alcool), les sodas sucrés et l’alcool fort (> 40°). Je dis souvent à mes patients que le pire est de boire du whisky-Coca. En caricaturant, boire cette boisson équivaut à boire de l’acide urique ! Il n’existe pas d’autres interdits alimentaires mais des limitations (réduire les aliments riches en purines animales, les fruits de mer en quantité trop importante…). Le patient goutteux doit éviter les excès alimentaires et s’hydrater normalement (au moins 1,5 l par jour). Pour élever le pH urinaire, on conseille parfois aux patients sans terrain cardiovasculaire et sous uricosuriques de boire 0,5 l d’eau de Vichy.

Quelle attitude adopter en cas de diarrhées dues à la colchicine ?

Le pharmacien doit vérifier que la dose de colchicine soit bien adaptée au patient (âge, fonction rénale…) et qu’il n’y ait pas d’interaction médicamenteuse (macrolides, pristinamycine…). Il doit également interroger le patient sur une éventuelle consommation de jus de pamplemousse, car ce dernier peut augmenter la toxicité potentielle de la colchicine. Enfin, le pharmacien doit contacter le médecin pour espacer ou réduire la posologie de la colchicine.

QUESTION DE PATIENT « Depuis que je suis ménopausée, mon taux d’acide urique dépasse la norme. »

Effectivement, à la ménopause, sans hormonothérapie substitutive, l’uricémie a tendance à augmenter car les œstrogènes, dont le taux chute, sont uricosuriques. En cas d’hyperuricémie sans signe clinique (crise de goutte), la patiente ne sera pas traitée par hypo-uricémiant.

EN SAVOIR PLUS

www.crisedegoutte.fr

Ce site, réalisé par des rhumatologues, apporte des explications sur la maladie et ses traitements, notamment sous forme de réponses à des questions de patients. Les patients ont la possibilité de télécharger un document comportant des conseils pour adapter leur mode de vie et éviter les situations favorisant les crises de goutte.

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