LES DYSTHYROÏDIES (hyper et hypothyroïdies) - Le Moniteur des Pharmacies n° 2934 du 19/05/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2934 du 19/05/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme T., 36 ans, a une maladie de Basedow

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mme Marie T., âgée de 36 ans.

Par quel médecin ?

L’endocrinologue qui la suit depuis un mois.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui. La durée de prescription de Lexomil est inférieure à douze semaines.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme T. est maman de trois enfants dont un bébé de 9 mois. Epuisée au moment du diagnostic de sa maladie, elle a été arrêtée pendant 3 semaines et n’a repris son activité que depuis quelques jours.

Lors des premières dispensations de Thyrozol, il est apparu à l’équipe officinale que Mme T. avait bien compris que son hyperthyroïdie était due à des auto-anticorps qui stimulaient sa thyroïde.

Quel était le motif de la consultation ?

Mme T. avait rendez-vous chez l’endocrinologue dans le cadre du suivi de son hyperthyroïdie. Ses derniers résultats d’analyse révèlent un taux d’anticorps anti-récepteur à la TSH diminué et un taux d’hormone thyroïdienne T4 libre abaissé en-dessous de la normale, traduisant une hypothyroïdie.

Que lui a dit le médecin ?

• « Le dosage des auto-anticorps responsables de votre hyperthyroïdie est très satisfaisant ce qui montre que le médicament antithyroïdien est efficace. Désormais, votre thyroïde ne synthétise plus assez d’hormones thyroïdiennes. Il faut poursuivre le traitement par Thyrozol pour continuer à freiner la production d’auto-anticorps mais je vais vous prescrire en plus des hormones thyroïdiennes pour compenser l’hypothyroïdie induite par l’antithyroïdien. »

• Par ailleurs le médecin a indiqué à la patiente qu’elle pouvait désormais prendre Lexomil à la demande. Il a également diminué la posologie du bêtabloquant.

Vérification de l’historique de la patiente

L’historique médicamenteux révèle des dispensations de Varnoline (contraceptif oestroprogestatif) et, depuis deux mois, de Tardyféron 80 mg.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Thyrozol (thiamazole) : métabolite actif du carbimazole (principe actif du Néo-Mercazole), antithyroïdien indiqué dans le traitement de l’hyperthyroïdie.

• Avlocardyl (propranolol) : bêtabloquant non cardiosélectif destiné à soulager les manifestations cardiovasculaires (hypertension artérielle, tachycardie) et les tremblements dus à l’hyperthyroïdie.

• Lexomil (bromazépam) : benzodiazépine utilisée pour ses propriétés anxiolytiques et sédatives dans le traitement symptomatique des manifestations anxieuses de l’hyperthyroïdie (nervosité, troubles du sommeil).

• Levothyrox (lévothyroxine) : hormone thyroïdienne associée ici au thiamazole pour éviter une hypothyroïdie.

Est-elle conforme aux référentiels ?

Oui, le traitement de la maladie de Basedow fait appel à un traitement initial par antithyroïdien de synthèse, pour réduire l’hyperhormonémie thyroïdienne, éventuellement associé à un bêtabloquant non cardiosélectif. A l’issue de cette phase (de 3 à 5 semaines environ), un bilan thyroïdien est réalisé. La phase d’entretien peut être instaurée selon deux stratégies différentes : réduction de la posologie de l’antithyroïdien de synthèse pour maintenir l’euthyroïdie ou maintien de la dose initiale de l’antithyroïdien de synthèse avec supplémentation en lévothyroxine pour pallier l’hypothyroïdie induite.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

La lévothyroxine n’est pas à proprement parler un médicament à marge thérapeutique étroite mais elle est considérée comme étant « à dose critique » car chez certains patients, il peut être difficile de trouver le bon dosage.

Y a-t-il des contre-indications pour cette patiente ?

• Non. Mme T. n’est pas enceinte et prend régulièrement son contraceptif oral (risque malformatif du thiamazole sur le cuir chevelu et l’œsophage et risque d’hypothyroïdie fœtale). Elle n’allaite pas son troisième enfant (passage du thiamazole dans le lait maternel).

• Elle n’est pas asthmatique et ne souffre ni de BPCO, ni de maladie de Raynaud contre-indiquant le propranolol.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui. Dans de nombreux cas, l’inhibition de la production d’hormones thyroïdiennes est atteinte par un traitement initial de 20 à 30 mg par jour de thiamazol. En combinaison avec la lévothyroxine (posologie initiale de 50 à 100 µg/j), une dose quotidienne de 5 à 20 mg de thiamazole est recommandée.

Y a-t-il des interactions ?

Les sels de fer (Tardyféron) diminuent l’absorption des hormones thyroïdiennes, aussi convient-il de respecter un intervalle d’au moins 2 heures entre ces deux prises (réponse 2).

La prescription pose-t-elle d’autres problèmes ?

En dehors de cette interaction, la prescription ne pose pas de problème particulier.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui, au bout d’un mois environ, un bilan thyroïdien sera réalisé (dosage de la T4 libre et de la TSH), pour s’assurer que la posologie de la lévothyroxine est bien adaptée.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant Levothyrox

Lévothyrox est un nouveau médicament pour Mme T. Il est important de lui prodiguer certains conseils de prise.

Utilisation du médicament

Pour améliorer leur biodisponibilité, il est recommandé classiquement* de prendre les hormones thyroïdiennes le matin environ 30 minutes avant le petit-déjeuner, car la prise simultanée de nourriture ralentit leur absorption digestive (réponse 1).

Intervention pharmaceutique

Par ailleurs, l’interaction entre la lévothyroxine et les sels de fer nécessite d’aménager un plan de prise cohérent.

« – Mme T., à quel moment de la journée prenez-vous le médicament Tardyféron ?

– En principe le matin pendant mon petit-déjeuner.

– Il serait préférable de changer vos habitudes car le fer diminue l’efficacité des hormones thyroïdiennes. Il est important de prendre Levothyrox le matin comme indiqué par le médecin. Vous pouvez prendre le fer à midi ou le soir.

– Je le prendrai le soir. Comme d’habitude, pouvez-vous me noter les moments de prise sur les boîtes ?

– Bien sûr. »

Quand débuter le traitement ?

Le traitement par Levothyrox sera débuté dès le lendemain matin.

Que faire en cas d’oubli ?

La demi-vie de la lévothyroxine étant longue (7 jours), cela garantit une concentration plasmatique stable en hormones thyroïdiennes, même en cas d’oubli occasionnel. Expliquer à la patiente qu’il ne faut ni rattraper la prise oubliée, ni doubler la prise suivante.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Oui. Au bout de 15 jours à un mois, Mme T. ne devrait plus ressentir de signes d’hypothyroïdie (frilosité, constipation, crampes…).

Quels sont les principaux effets indésirables de la lévothyroxine ?

Il s’agit essentiellement de signes d’hyperthyroïdie : tachycardie, troubles du rythme cardiaque, tremblements, sueurs, diarrhées…

De tels signes (en particulier la tachycardie) sont évocateurs d’un surdosage et doivent être signalés au prescripteur.

Le propranolol, à la posologie de 40 mg par jour, peut atténuer ces signes mais peut ne pas les supprimer complètement.

Concernant le traitement anti-thyroïdien

Il s’agit d’un renouvellement du thiamazol et du traitement symptomatique de l’hyperthyroïdie.

Effets indésirables

• Thyrozol peut induire des arthralgies, plus rarement des troubles du goût et une agranulocytose justifiant une surveillance étroite de la NFS (hebdomadaire en début de traitement).

• Avlocardyl peut provoquer un refroidissement des extrémités et des cauchemars (justifiant une administration de préférence le matin ou à midi).

• Lexomil peut entraîner une somnolence diurne, des troubles mnésiques et une faiblesse musculaire.

Observance

Le passage en hypothyroïdie biologique prouve que Mme T. est bien observante de son traitement antithyroïdien.

Modalités de prise

• Thyrozol : le matin, pendant ou après le petit-déjeuner.

• Bêtabloquant et anxiolytique : les posologies sont désormais progressivement diminuées (à la demande pour l’anxiolytique).

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• La récupération du poids perdu (du fait de l’hyperthyroïdie) peut être difficile : recommander une alimentation suffisamment calorique et riche en protéines pour combattre la fonte musculaire (poisson, viande au déjeuner et au dîner et petit– déjeuner de type anglais avec œufs, jambon ou fromage).

• Pour limiter les troubles du sommeil, éviter la consommation de thé et de café, surtout le soir. Si besoin, prendre Avlocardyl le midi et non le soir.

• Eviter l’automédication (pansements gastriques…).

INTERVENTION PHARMACEUTIQUE

Quinze jours plus tard, Mme T. revient à l’officine : elle est fébrile et a mal à la gorge. Elle souhaite des pastilles pour la gorge et de l’ibuprofène.

Les symptômes dont se plaint Mme T. (fièvre, pharyngite) peuvent être le signe d’une agranulocytose liée au thiamazole. Celle-ci peut survenir en début de traitement ou plusieurs semaines, voire plusieurs mois après son initiation. La survenue d’une fièvre, d’une stomatite ou d’une pharyngite nécessite de contacter immédiatement le médecin, pour pratiquer une NFS en urgence (réponse 3). Si une agranulocytose est confirmée, il sera nécessaire d’arrêter la prise de l’antithyroïdien.

PATHOLOGIE

Les dysthyroïdies en 4 questions

L’hyper et l’hypothyroïdie correspondent à toutes les manifestations consécutives à un excès ou une carence en hormones thyroïdiennes, en rapport avec un dysfonctionnement de la glande thyroïde ou des structures centrales qui la contrôlent.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

Hyperthyroïdie

• Le terme de thyrotoxicose désigne l’intoxication par les hormones thyroïdiennes. Le syndrome complet se caractérise par un état d’hypermétabolisme : amaigrissement (souvent présent malgré la conservation de l’appétit), asthénie, signes cardiaques (tachycardie, palpitations, fibrillation auriculaire, dyspnée d’effort), nervosité, troubles du sommeil, tremblement des extrémités, parfois diarrhée. La thermorégulation est perturbée : hypersudation, soif, fièvre modérée, mains chaudes et moites. On note aussi une diminution de la force musculaire, surtout au niveau des racines des membres, une exophtalmie, une gynécomastie, une ostéoporose, une aménorrhée.

• On parle d’hyperthyroïdie clinique (ou patente ou avérée) lorsque coexistent des signes cliniques francs et une hyperhormonémie thyroïdienne, et d’hyperthyroïdie infraclinique (fruste ou asymptomatique) lorsque les signes cliniques sont discrets ou absents et que seule la TSH est abaissée.

Hypothyroïdie

• Il existe des signes d’hypométabolisme « en miroir » par rapport à la thyrotoxicose : frilosité, tendance à l’hypothermie, diminution de la sudation, prise de poids contrastant avec une réduction de l’appétit, asthénie, constipation, bradycardie sinusale, ralentissement psychomoteur, crampes, douleurs musculaires, troubles du cycle menstruel, de la libido, dysfonction érectile.

• En cas d’hypothyroïdie sévère et prolongée, le myxœdème donne un aspect de faux œdème : paupières bouffies, traits épaissis, macroglossie, voix rauque, doigts boudinés, jambes « en poteau » ; dépilation des sourcils, aisselles, pubis ; cheveux cassants et secs ; ongles fragiles ; peau sèche et froide.

• Dans la forme fruste, les signes cliniques sont absents ou minimes, et seule la TSH est augmentée.

Goitre et nodules

Des anomalies morphologiques peuvent être observées au niveau de la thyroïde : goitre (augmentation du volume de la glande), nodule(s) isolé(s).

2 QUELLES SONT LES ÉTIOLOGIES ?

Causes d’hyperthyroïdies

• Maladie de Basedow : goitre, signes cliniques d’hyperthyroïdie, signes oculaires. A caractère familial. Liée à la présence d’un auto-anticorps stimulant le récepteur de la TSH.

• Nodule thyroïdien toxique : souvent lié à une mutation activatrice du récepteur de la TSH au niveau de la thyroïde. Nodule unique, hyperfonctionnel.

• Goitre multinodulaire hétérogène secondairement toxique : nodules multiples au sein du goitre, certains étant fonctionnels.

Survient surtout dans les zones de carence iodée et chez les patients de plus de 60 ans.

• Thyrotoxicoses iatrogènes : surdosage en hormones thyroïdiennes (parfois prises clandestinement pour maigrir) ; surcharge iodée iatrogène (produit de contraste iodé, antiseptiques iodés, amiodarone) pouvant révéler une pathologie thyroïdienne pré-existante ; radiothérapie externe cervicale ; interféron.

• Thyroïdites : thyroïdite subaiguë de De Quervain (inflammation de la glande réactionnelle à une infection virale avec syndrome pseudo grippal, douleurs cervicales antérieures avec difficultés à avaler) ; thyroïdite silencieuse auto-immune du post-partum (phase initiale) ; thyroïdite de Hashimoto, notamment phase initiale.

• Autres causes : métastases fonctionnelles d’un cancer thyroïdien, adénome hypophysaire thyréotrope ou état de résistance aux hormones thyroïdiennes (hyperthyroïdie d’origine centrale).

Causes d’hypothyroïdies

• Hypothyroïdies d’origine auto-immune : thyroïdite atrophiante auto-immune (involution thyroïdienne spontanée, post-ménopausique le plus souvent, parfois associée à d’autres pathologies auto-immunes) ; thyroïdite de Hashimoto (prédomine chez la femme entre 30 et 45 ans) ; thyroïdite silencieuse du post-partum (au décours de la phase thyrotoxique, vers le 4e-5e mois du post-partum).

• Hypothyroïdies iatrogènes : sans goitre (après thyroïdectomie, traitement par iode radioactif ou radiothérapie cervicale, traitement par inhibiteurs des tyrosines-kinases), avec goitre (antithyroïdiens de synthèse, amiodarone, lithium, produits de contraste iodés, interféron).

• Autres hypothyroïdies : hypothyroïdie congénitale (un nouveau-né sur 3 200, repérée par le dépistage néonatal), carence en iode (crétinisme endémique), suites d’une thyroïdite subaiguë de De Quervain, infiltration néoplasique, déficit hypophysaire en TSH (hypothyroïdie centrale).

3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• Hyperthyroïdie : la TSH plasmatique est le dosage recommandé en première intention. Si sa valeur est basse, la T4 libre est dosée (forme active de la T4 non liée aux protéines plasmatiques) et éventuellement la T3 libre afin d’apprécier l’importance de la thyrotoxicose. Hyperthyroïdie clinique : TSH effondrée, T4 et/ou T3 élevées. Hyperthyroïdie infraclinique : TSH basse, T4 et T3 normales.

Autres dosages : anticorps antirécepteurs de la TSH (maladie de Basedow), thyroglobuline (hyperthyroïdie factice par prise d’hormones thyroïdiennes), iodémie, iodurie (non remboursés, suspicion d’une hyperthyroïdie liée à une surcharge iodée actuelle, en l’absence de condiv médicamenteux évident), VS, CRP (thyroïdite de De Quervain).

• Hypothyroïdie : TSH plasmatique augmentée en cas d’hypothyroïdie d’origine thyroïdienne, T4 libre abaissée (hypothyroïdie patente) ou normale (hypothyroïdie fruste). Le diagnostic d’hypothyroïdie fruste nécessite un 2e dosage dans un délai d’un mois. En cas d’hypothyroïdie centrale, la TSH est le plus souvent normale, la T4 libre est basse.

• Autres examens : bilan lipidique (hypercholestérolémie), ionogramme sanguin (hyponatrémie), CPK (augmentée), anticorps anti-thyroperoxydase (anti-TPO) et anti-thyroglobuline (thyroïdite auto-immune atrophiante, thyroïdite de Hashimoto, thyroïdite du post-partum), dosage de la thyroglobuline en cas d’hypothyroïdie congénitale.

• Imagerie : échographie cervicale et selon le cas scintigraphie thyroïdienne.

4 QUELLES COMPLICATIONS ?

• En cas d’hyperthyroïdie : complications cardiaques (troubles du rythme, insuffisance cardiaque, insuffisance coronaire, embolies artérielles) ; crise aiguë thyrotoxique ; exophtalmie maligne avec inflammation majeure des éléments constitutifs du contenu orbitaire et des paupières (engage le pronostic visuel) ; myopathie ; bouffées délirantes ; accès maniaques, syndrome confusionnel, ostéoporose.

• En cas d’hypothyroïdie : atteinte cardiovasculaire (athéromatose coronarienne se révélant souvent lors de l’introduction du traitement substitutif : angor, infarctus, troubles du rythme ; HTA ; péricardite) ; syndrome occlusif par ralentissement du transit intestinal ; syndrome dépressif ; confusion ou état délirant ; anémie ; coma myxœdémateux (rare) si hypothyroïdie profonde négligée.

• Au cours de la grossesse, l’hyper ou l’hypothyroïdie peuvent avoir de graves conséquences chez la mère (fausses couches…) et chez l’enfant à naître.

En cas d’hyperthyroïdie : retard de croissance intra-utérin, défaillance cardiaque, malformations congénitales…

En cas d’hypothyroïdies : faible poids de naissance, déficit intellectuel…

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les dysthyroïdies ?

La prise en charge des hypothyroïdies consiste en un traitement substitutif par hormones thyroïdiennes. En cas d’hyperthyroïdie, trois alternatives thérapeutiques existent pour stopper la synthèse hormonale : les antithyroïdiens de synthèse, le traitement par iode radioactif et la chirurgie.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Hypothyroïdies

• Le traitement hormonal substitutif est théoriquement prescrit à vie (une rémission spontanée peut survenir dans certains cas de thyroïdites auto-immunes). La molécule de choix est la lévothyroxine.

• L’objectif est d’obtenir une correction des symptômes et une normalisation de la TSH qui reflète l’imprégnation tissulaire en hormones thyroïdiennes.

Chez l’adulte

• Posologie : elle dépend essentiellement du poids du patient et non de l’étiologie ni de la profondeur initiale de l’hypothyroïdie. La posologie cible est proche de 1,6 à 1,7 µg/kg/jour chez l’adulte. Elle est réduite chez le sujet âgé (1,3 µg/kg/jour). Au décours d’une thyroïdectomie totale, la lévothyroxine est prescrite d’emblée à la posologie cible. Dans les autres situations, l’initiation du traitement est d’autant plus progressive que le sujet est âgé et que l’hypothyroïdie est profonde. Les ajustements se font par paliers (de 12,5 à 25 µg par jour) tous les 7 à 15 jours jusqu’à la dose donnant une euthyroïdie tant clinique que biologique.

• Chez les patients à risque cardiaque (antécédents coronariens, troubles du rythme ou insuffisance cardiaque), quel que soit leur âge, et chez les patients de plus de 70 ans, la mise en route du traitement, en milieu hospitalier, se fait sous surveillance clinique et électrocardiographique régulière. La dose initiale (12,5 µg/jour) est progressivement augmentée de 12,5 µg/jour toutes les 2 à 3 semaines. En l’absence de contre-indication, une prémédication à l’acébutolol (Sectral) peut être instaurée.

• Le coma myxœdémateux est une urgence thérapeutique. Son traitement consiste en l’administration de doses élevées de T4 par voie IV (à l’hôpital) avant relais oral (la thyroglobuline doit être saturée pour que l’hormone libre puisse agir). Un traitement symptomatique (réchauffement, prise en charge des troubles de la ventilation) est aussi instauré.

En cas de grossesse

Les besoins en hormones thyroïdiennes sont augmentés de 30 à 50 %. En raison du risque de complications au cours de la grossesse et de retard psychomoteur pour l’enfant, une surveillance clinique et hormonale est effectuée.

Chez l’enfant

• Hypothyroïdie néonatale : le traitement par lévothyroxine en goutte doit être instauré dans les 2 premières semaines de vie (en pratique 10 à 15 µg/kg/jour) pour pouvoir prévenir ou diminuer notablement les défauts du développement mental.

• Chez le nourrisson et l’enfant plus grand, la dose journalière appropriée d’hormones thyroïdiennes diminue (environ 3 à 6 µg/kg/jour selon l’âge).

Hypothyroïdie d’origine centrale

Une insuffisance surrénalienne doit être recherchée et traitée avant de débuter le traitement substitutif (supplémentation en hydrocortisone). Le traitement est ensuite mené comme pour une hypothyroïdie périphérique.

Hypothyroïdie fruste

La décision de traiter dépend notamment de la valeur de la TSH mais aussi du condiv clinique : les experts recommandent généralement la mise en route d’un traitement substitutif en cas de grossesse, d’infertilité, en présence d’un goitre ou d’anticorps anti-thyroïdiens à titre élevé (risque de conversion vers une hypothyroïdie avérée) ou encore en cas d’hypercholestérolémie.

Suivi thérapeutique

• L’état d’équilibre en lévothyroxine est généralement atteint entre 4 et 6 semaines. Le suivi est clinique, avec la recherche des signes de surdosage (nervosité, palpitation, insomnie), et biologique. Le dosage de la TSH est utilisé pour la surveillance du traitement sauf en cas d’hypothyroïdie centrale où la surveillance biologique est réalisée par le dosage de la T4 (ou T3) libre.

• Le dosage de la TSH est réalisé environ 8 semaines après atteinte de la posologie cible de lévothyroxine ou de toute adaptation posologique de lévothyroxine. Une fois la dose quotidienne déterminée, un contrôle de la TSH est réalisé tous les 6 à 12 mois.

• Dans certains cas (doute sur l’observance, traitement par amiodarone, instabilité inexpliquée de l’hypothyroïdie), un dosage complémentaire de T4 libre ou de T3 libre peut être nécessaire.

Hyperthyroïdies

L’objectif thérapeutique est la disparition des symptômes et la prévention des troubles du rythme.

Maladie de Basedow

Traitement spécifique

• Le repos est recommandé en début de traitement.

• Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) sont proposés en première intention en France (carbimazole, thiamazole, benzylthiouracile ou propylthiouracile), sauf pathologie cardiaque grave justifiant d’emblée un traitement radical (chirurgie ou iode radioactif). Le traitement se mène en 2 étapes :

1ère phase : la dose d’attaque est maintenue durant 3 à 5 semaines environ jusqu’à réduction de l’hyperhormonémie thyroïdienne. En l’absence de contre-indications, un bêtabloquant non cardiosélectif peut être associé, ainsi qu’un anxiolytique si nécessaire. Un dosage des hormones T4 et T3 libres est réalisé vers la 3ème ou 4ème semaine.

2ème phase : soit la posologie de l’ATS est réduite de manière à obtenir l’euthyroïdie soit un traitement substitutif par lévothyroxine (posologie initiale de 50 à 100 µg/jour) est mis en place pour compenser l’hypothyroïdie iatrogène induite par l’ATS à dose fixe.

• La surveillance biologique repose sur le dosage de la TSH et de la T4 libre (ou T3 libre) tous les 3 à 4 mois. La durée totale du traitement par ATS est d’au moins 18 mois, ce dernier étant diminué progressivement vers le 12ème mois en poursuivant la lévothyroxine.

• En raison du risque de récidive, une surveillance annuelle est mise en place pendant 2 à 3 ans. En cas de rechute, un traitement chirurgical ou par iode radioactif est proposé.

Traitement des ophtalmopathies

• Dans les formes modérées : traitements locaux permettant de protéger la cornée (larmes artificielles, collyres lubrifiants…) ; port de lunettes solaires ; en cas de lagophtalmie (patients ne pouvant pas fermer les yeux la nuit), l’occlusion palpébrale (port de masques) limite les ulcérations cornéennes.

• Dans les formes sévères : de fortes doses de corticoïdes peuvent être bénéfiques.

En cas de grossesse

• L’indication de l’ATS est fonction de la gravité de la thyrotoxicose et des menaces maternelles et fœtales, le passage transplacentaire des ATS exposant au risque d’hypothyroïdie et de goitre fœtal.

• La prescription de l’ATS se fait à dose minimale de manière à maintenir des taux de T4 libre à la limite supérieure de la normale (pour éviter tout risque d’hypothyroïdie). Le propylthiouracile est préféré, des cas de malformations et d’aplasies du cuir chevelu ayant été rapportés chez des enfants de patientes exposées au thiamazole ou au carbimazole.

• L’allaitement est à éviter en raison du passage de l’ATS dans le lait maternel.

Certains experts estiment qu’avec de faibles doses (20 mg de carbimazole, 300 mg de propylthiouracil ou PTU) et la prise du médicament à distance de la tétée, il est possible d’autoriser l’allaitement. Là encore, l’utilisation du propylthiouracile est préféré (passage faible dans le lait maternel), avec une surveillance régulière de l’enfant incluant le dosage de la TSH.

Thyroïdite subaiguë de De Quervain

Le traitement symptomatique (bêtabloquant) peut être indiqué durant la phase thyrotoxique. Le recours à l’aspirine ou aux AINS voire aux corticoïdes est habituel dans les formes algiques.

Hyperthyroïdies frustes

L’attitude thérapeutique dépend de l’âge, de l’association à un goitre, de la valeur de la TSH : surveillance clinique et biologique, traitement par bêtabloquants, ATS à faible dose, voire iode radioactif.

TRAITEMENTS

Hormones thyroïdiennes

L’hormone active est la tri-iodothyronine (L-T3). La lévothyroxine (L-T4), convertie en L-T3, constitue toutefois la molécule de choix car elle possède une demi-vie longue (6 à 8 jours) et présente des taux plasmatiques stables sur tout le nycthémère, permettant une prise unique quotidienne.

Molécules

• La lévothyroxine sodique est disponible par voie orale sous la forme de comprimés (Levothyrox) et de gouttes (L-Thyroxine). La posologie moyenne pour traiter une hypothyroïdie symptomatique est proche de 1,6 à 1,7 µg/kg/jour chez l’adulte, soit une dose d’environ 75 à 100 µg/jour pour une femme et de 100 à 150 µg/jour pour un homme, quelque soit l’origine de l’hypothyroïdie. Les besoins diminuent avec l’âge mais s’élèvent durant la grossesse. La prise du médicament se fait classiquement le matin, 20 à 30 minutes avant le petit-déjeuner, mais une prise le soir avant le coucher est aussi possible (voir Point de vue page 12).

La forme goutte, adaptée aux nourrissons et aux jeunes enfants, s’administre le matin à jeun, à la petite cuillère avec un peu d’eau et non dans le biberon (risque de sous-dosage si l’enfant ne le finit pas).

• La liothyronine sodique (Cynomel) a pour seules indications les situations exceptionnelles où une correction plus rapide de l’hypothyroïdie est indispensable (pronostic vital menacé par exemple). La dose de substitution optimale de 75 µg par jour est répartie généralement en 2 à 3 prises.

• Association L-T3 + L-T4 : la spécialité Euthyral est utilisée en seconde intention, chez les patients non équilibrés par la lévothyroxine seule. Son utilisation dans la prise en charge de l’hypothyroïdie ne fait pas l’objet d’un consensus.

• Le tiratricol (Teatrois), métabolite de la T3, n’est pas indiqué dans la prise en charge thérapeutique de l’hypothyroïdie mais dans les situations nécessitant de freiner la TSH (syndromes de résistance aux hormones thyroïdiennes, cancers thyroïdiens).

Effets indésirables

Ce sont ceux qui traduisent une hyperthyroïdie (tachycardie, insomnie, excitabilité, céphalées, sueurs, amaigrissement, diarrhée). Ils doivent faire interrompre le traitement pendant quelques jours avant de le reprendre à doses plus faibles.

Interactions

• Les sels de fer, de calcium, de magnésium, la colestyramine, les topiques gastro-intestinaux, le sucralfate doivent être pris à au moins 2 heures de distance de la lévothyroxine.

• Les inducteurs enzymatiques (carbamazépine, phénytoïne, rifampicine…), les inhibiteurs de la pompe à protons, le traitement estrogénique de la ménopause, la chloroquine, le proguanil, le soja (compléments alimentaires, laits) peuvent interférer et nécessiter une surveillance biologique plus étroite.

Antithyroïdiens de synthèse

Les antithyroïdiens de synthèse (ATS) n’empêchent pas la sécrétion des hormones thyroïdiennes déjà synthétisées. La normalisation de l’hyperhormonémie n’est donc obtenue qu’après plusieurs semaines.

Molécules

• Le carbimazole, le thiamazole (ou méthimazole) métabolite actif du carbimazole, le propylthiouracile (PTU) et le benzylthiouracile sont indiqués dans la prise en charge de l’hyperthyroïdie. Le thiamazole possède d’autres indications dans le cadre de l’hyperthyroïdie : préparation à la chirurgie, au traitement par l’iode radioactif…

• La durée d’action longue du carbimazole et du thiamazole permet une prise par jour, alors que le PTU et le benzylthiouracile nécessitent 2 à 3 prises quotidiennes, au moins en début de traitement.

Effets indésirables

• Risque d’hypothyroïdie.

• Des réactions cutanées, une arthralgie peuvent survenir. L’agueusie est un effet indésirable rare mais spécifique du carbimazole et du thiamazole.

• L’effet indésirable le plus sévère est le risque d’agranulocytose (0,3 à 0,7 % des cas) apparaissant dans les semaines ou mois suivant l’instauration du traitement. Un contrôle de la NFS doit être effectué avant le traitement, de manière hebdomadaire durant les premières semaines, puis de façon régulière. La survenue d’une fièvre, d’une angine ou d’une infection doit être signalée au médecin (contrôle NFS).

Bêtabloquants

Les bêta-bloquants non cardiosélectifs, en l’absence de contre-indications, sont utiles pour lutter contre les effets périphériques des hormones thyroïdiennes en excès. Le nadolol, l’oxprénolol, le pindolol et le propranolol sont indiqués dans le traitement des manifestations cardiovasculaires des hyperthyroïdies.

Traitement radio-isotopique

L’iode 131 (I131), administré par voie orale, s’utilise seul ou en complément d’un traitement par ATS ou d’une intervention chirurgicale. Outre la maladie de Basedow, il est indiqué en cas de nodules toxiques ou de goitres plurinodulaires notamment lorsque la chirurgie est contre-indiquée. Son utilisation se fait en milieu hospitalier selon un protocole de radioprotection précis.

• Le traitement est contre-indiqué au cours de la grossesse et de l’allaitement. Une contraception efficace est indispensable chez la femme en âge de procréer durant les 6 mois qui suivent le traitement.

• Selon la dose administrée, une hypothyroïdie peut survenir (parfois définitive). À des doses inférieures, l’hyperthyroïdie peut persister nécessitant de réaliser un deuxième traitement par I131.

Iode stable

• A forte dose, l’iode bloque la libération des hormones thyroïdiennes par la thyroïde. Cet effet est temporaire, un échappement se produisant au bout de 4 à 10 semaines. L’iode stable n’est pas utilisé pour traiter l’hyperthyroïdie mais dans des situations particulières comme la préparation à la chirurgie, afin de réduire la vascularisation de la glande, ou le traitement d’urgence de la crise thyrotoxique ou encore après traitement par iode 131.

• La solution de Lugol fort à 5 % (iode métalloïdique : 5 g ; iodure de potassium : 10 g ; eau qsp 100 ml) est utilisée à raison de 45 à 60 gouttes en 3 prises. Elle est contre-indiquée en cas de grossesse.

Chirurgie

Avant un traitement chirurgical, il est indispensable d’obtenir l’euthyroïdie afin d’éviter une crise thyrotoxique postopératoire (liée à la manipulation du goitre et à la libération hormonale). La thyroïdectomie totale est suivie d’une hypothyroïdie définitive nécessitant une substitution à vie par lévothyroxine. Parmi les complications de la chirurgie figurent une atteinte des glandes parathyroïdes (d’où une baisse de la calcémie) et des lésions des nerfs pouvant aboutir à une paralysie des cordes vocales.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Marie-Françoise, 38 ans, enseignante

« On m’a découvert une maladie de Basedow alors que j’avais 36 ans. Je me rappelle que je faisais tout très vite. Je trouvais que mes enfants mettaient du temps à s’habiller… Les étudiants me disaient que je parlais plus vite que d’habitude et qu’ils avaient du mal à prendre des notes. On me faisait remarquer que je maigrissais, mon mari trouvait que je parlais tout le temps et que je m’énervais facilement. A l’époque, je prenais 7 à 8 cafés dans la journée et 1 g de vitamine C le matin tellement je me sentais fatiguée ! J’ai tardé à consulter car je mettais cette nervosité sur le compte d’un excès de café. Puis n’en pouvant plus, je me suis décidée à voir un médecin. L’endocrinologue qui a établi le diagnostic m’a dit (au vu de mes symptômes et de mes résultats biologiques) que je devais être en hyperthyroïdie depuis au moins un an. J’ai débuté un traitement par Néo-Mercazole mais au bout de 3 à 4 mois, mes globules blancs ont chuté à tel point que j’ai eu des injections de facteur de croissance leucocytaire. Finalement, j’ai eu une thyroïdectomie totale, ce qu’en fait, je souhaitais dès le départ. Maintenant je prends du Levothyrox mais cela a été difficile de trouver le bon dosage. »

LES DYSTHYROÏDIES VUES PAR LES PATIENTS

Impact sur la vie quotidienne

• Les dysthyroïdies s’accompagnent d’une grande sensation de fatigue. Les hyperthyroïdiens, après une phase initiale d’hyperactivité (avec impression de réfléchir très vite) se sentent épuisés, au plan physique (du fait d’une fonte musculaire avec difficulté à courir, à s’accroupir) et intellectuel. Cette fatigue est majorée chez l’hyperthyroïdien par des troubles du sommeil. Les hypothyroïdiens se plaignent de trous de mémoire et d’un ralentissement psycho-moteur.

• Chez les hyperthyroïdiens, il existe une hypersudation pouvant expliquer une soif anormale. Les hypothyroïdiens décrivent une sensation de froid intense, avec difficulté à se réchauffer, même en été.

Impact esthétique

• Amaigrissement non souhaité, parfois important en dépit d’un appétit augmenté, en hyperthyroïdie ; prise de poids en hypothyroïdie avec un faciès bouffi.

• Les cheveux sont ternes, les ongles cassants en hyperthyroïdie ; la peau est sèche et écailleuse chez l’hypothyroïdien.

Impact sur les proches

• L’humeur et le caractère sont modifiés.

Si l’hypothyroïdien est plutôt dépressif, l’hyperthyroïdien est nerveux (avec un tremblement notable des doigts) voire agressif.

• Dans les deux cas, le désir sexuel est souvent diminué.

A DIRE AUX PATIENTS

À propos de la maladie

• Patient en hyperthyroïdie : le repos est essentiel. Eviter la consommation d’excitants (thé, café), en particulier en fin de journée, et celle d’aliments riches en iode (fruits de mer, desserts gélifiés à base de dérivés d’algue, sushis). Consommer des protéines à chaque repas, y compris le matin. L’arrêt du tabac est recommandé au cours de la maladie de Basedow (le tabac pourrait augmenter le risque d’exophtalmie et de rechute de la maladie).

• Patient en hypothyroïdie : encourager une alimentation équilibrée et pauvre en cholestérol. Pour lutter contre la constipation, enrichir l’alimentation en fruits et en légumes verts, en céréales complètes et boire suffisamment.

• Grossesse : le dosage de lévothyroxine est souvent réévalué à la hausse pour assurer un bon développement embryonnaire. La surveillance biologique est renforcée les premiers mois. En cas d’hyperthyroïdie, le propylthiouracile est préféré au carbimazole et au thiamazole, ces deux médicaments pouvant être à l’origine de malformation fœtale. Le traitement est adapté de façon à ce que la mère soit en euthyroïdie, voire en légère hyperthyroïdie afin d’éviter toute hypothyroïdie fœtale (liée au passage transplacentaire de l’antithyroïdien de synthèse).

• Découverte d’un cancer de la thyroïde : rassurer les patients, le pronostic de ce type de cancer est excellent.

À propos des traitements

Leur action est progressive et s’observe après plusieurs semaines de traitement. L’observance est essentielle même si le patient se sent mieux.

• Antithyroïdiens de synthèse : insister sur l’importance du respect du calendrier de NFS. Consulter en cas de fièvre ou d’angine et faire une NFS sans tarder.

• Hormones thyroïdiennes : éviter de conserver les anciens dosages, pour limiter le risque d’erreur. L’administration s’effectue classiquement 20 à 30 minutes avant le petit-déjeuner. Surtout, recommander de respecter toujours les mêmes modalités de prise (voir « Point de vue » page 12 : certains spécialistes recommandent une prise le soir au coucher). Un oubli ponctuel est sans conséquence : ne pas doubler la dose suivante (risque de tachycardie). Si le dosage est différent un jour sur deux, dire au patient de se baser sur les jours pairs et impairs.

Décaler les prises d’au moins 2 heures avec les topiques gastro-intestinaux, les sels de fer, de calcium, de magnésium. Le soja diminue l’absorption de la lévothyroxine.

• Thyroïdectomie : rassurer les patients sur les risques de complications. Les troubles de la voix sont généralement transitoires et peuvent être améliorés par des séances de rééducation. Les troubles vocaux définitifs sont rares. Des fourmillements autour de la bouche ou au niveau des extrémités peuvent survenir : ils sont dus à une hypocalcémie consécutive à une atteinte des glandes parathyroïdes. Ils justifient une supplémentation calcique. La cicatrice ne prend son aspect définitif qu’au bout de plusieurs mois, mais sera quasi-invisible. La protéger du soleil (crème solaire très haute protection, port d’un foulard les premiers mois).

• Produits de contraste iodé : en cas d’antécédent de maladie de Basedow, de thyroïdite auto-immune, signaler la maladie au médecin réalisant l’examen médical et en avertir l’endocrinologue.

• Lithium, amiodarone, antiseptique iodé : à éviter chez les patients porteurs de goitres nodulaires.

PRÉVENTION

Il n’existe pas de moyen de prévenir l’hypo ou l’hyperthyroïdie mais le diagnostic précoce (y compris d’une forme fruste), puis la surveillance et si nécessaire le traitement, évitent une aggravation et l’apparition de complications.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI, le calcium est prescrit ici pour corriger une hypocalcémie consécutive à l’opération. Il faut toutefois aménager un plan de prise cohérent : les sels de calcium administrés par voie orale diminuent l’absorption intestinale des hormones thyroïdiennes, aussi convient-il de respecter un intervalle d’au moins deux heures entre les deux administrations. Levothyrox devant être administré le matin à jeun, il est préférable de prendre les sachets de calcium à midi et le soir.

ORDONNANCE 2 : OUI, mais à la différence du Levothyrox qui se prend en une seule prise journalière, il faut expliquer au patient que la dose quotidienne de 50 et 75 µg de Cynomel se prend en deux ou trois prises. En effet, le médicament renferme de la liothyronine dont la demi-vie est beaucoup plus courte que celle de la lévothyroxine. Le fractionnement de la dose permet aussi d’éviter des effets indésirables cardiovasculaires susceptibles de se manifester en cas de prise unique.­ À savoir : Cynomel est utilisé ici en traitement substitutif de courte durée avant administration d’iode radioactif.

MÉMO-DÉLIVRANCE

CONCERNANT LA LÉVOTHYROXINE

Le patient ressent-il des signes de surdosage ?

Nervosité, palpitations, insomnie. Les dosages (TSH, voire T4 libre) sont réalisés 8 semaines après atteinte de la posologie cible ou après une modification de posologie.

Connaît-il les modalités de prise ?

• Toujours dans les mêmes conditions (heure, distance par rapport au repas) pour limiter les interférences avec l’alimentation. Classiquement, le matin 20 à 30 minutes avant le petit-déjeuner mais une prise au coucher est possible.

• S’il doit alterner les dosages, en a t-il bien compris le principe ? Sait-il qu’il ne doit pas doubler la dose en cas d’oubli ?

Sait-il que de nombreux traitements interfèrent avec les hormones thyroïdiennes ?

• Sels de fer, de calcium, de magnésium, topiques gastro-intestinaux sont à prendre à au moins 2 heures de distance des hormones thyroïdiennes.

• Attention aux inducteurs enzymatiques (carbamazépine…), inhibiteurs de la pompe à protons, au traitement estrogénique de la ménopause, à la prise de soja (lait de soja, compléments alimentaires) qui peuvent nécessiter un ajustement de posologie.

A-t-il compris les modalités de surveillance ?

Les besoins en hormones thyroïdiennes étant fixes, une fois le bon dosage trouvé, un contrôle de la TSH 1 à 2 fois par an suffit. Si variation notable du taux de TSH, s’interroger sur le respect des modalités de prise, une interaction médicamenteuse…

CONCERNANT LES ANTITHYROÏDIENS DE SYNTHÈSE (ATS)

Le patient a-t-il compris la stratégie de traitement de la maladie de Basedow ?

• Phase d’attaque de 4 à 6 semaines : prescription de l’ATS à forte dose.

• Phase d’entretien : association de l’ATS à la lévothyroxine pour pallier l’hypothyroïdie iatrogène induite par l’ATS.

• Durée totale du traitement par ATS : au moins 18 mois. Surveillance par la suite durant 2 à 3 ans d’une éventuelle récidive.

Le patient sait-il qu’il doit consulter en cas de fièvre ou d’angine ?

Contrôles fréquents de la NFS en début de traitement (risque d’agranulocytose). Consultation en urgence en cas de fièvre ou d’angine.

POUR TOUS LES PATIENTS

• Tant que le patient est en hyperthyroïdie : repos, alimentation suffisamment calorique, riche en protéines. Stopper le tabac en cas de maladie de Basedow.

• Tant que le patient est en hypothyroïdie : alimentation équilibrée et pauvre en cholestérol, riches en fibres pour lutter contre la constipation.

• Observance primordiale même si le patient se sent mieux.

* Voir encadré « Point de vue » page 12

LE CAS : depuis quelques temps, Mme Marie T., 36 ans, se plaignait d’un amaigrissement, d’une fatigue intense, d’insomnies et de tachycardie. Une maladie de Basedow ayant été diagnostiquée, Mme T. est actuellement suivie par un endocrinologue et traitée depuis 1 mois par Thyrozol, avlocardyl et Lexomil. elle sort aujourd’hui d’une nouvelle consultation.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous :

ordonnance@wolters-kluwer.fr

Qu’en pensez-vous

Il y a une interaction entre :

1) Thyrozol et Tardyféron.

2) Tardyféron et Levothyrox.

3) Levothyrox et l’œstroprogestatif.

Qu’en pensez-vous

Mme T. doit prendre Levothyrox de préférence :

1) le matin à jeun, 20 à 30 minutes avant le petit-déjeuner ;

2) au cours du petit-déjeuner, car le bol alimentaire augmente la solubilité de la lévothyroxine ;

3) après le petit-déjeuner ou le déjeuner.

Qu’en pensez-vous

1) Vous lui délivrez les pastilles et l’ibuprofène.

2) Vous délivrez les pastilles mais pas l’ibuprofène.

3) Vous ne délivrez aucun de ces traitements car les symptômes décrits justifient impérativement une consultation médicale.

EN CHIFFRES

Hyperthyroïdie

• Prédomine dans le sexe féminin : 7 femmes pour 1 homme.

• Prévalence de l’hyperthyroïdie : 0,5 à 2 % ; de l’hyperthyroïdie infraclinique (ou frustre) : 1 à 4 %, et jusqu’à 6 % chez les plus de 60 ans.

• La maladie de Basedow constitue la plus fréquente des hyperthyroïdies : 40 à 60 % en Europe.

Hypothyroïdie

• Prédominance féminine.

• Les hypothyroïdies d’origine auto-immune sont les plus fréquentes (50 %).

• L’hypothyroïdie fruste concernait en France 1,9 % des hommes et 3,3 % des femmes (étude SUVIMAX). Sa prévalence atteint jusqu’à 16 % des femmes de plus de 60 ans.

• 1/3 des hypothyroïdies frustes évoluent vers l’hypothyroïdie avérée.

Exophtalmie : saillie ou protrusion du globe oculaire hors de l’orbite.

Myxœdème : infiltration de la peau et des tissus sous-cutanés par une substance riche en mucopoly-saccharides.

Crise aiguë thyrotoxique : urgence associant une atteinte cardiaque, une hyperthermie majeure, une déshydratation, une diarrhée, des vomissements et des troubles neuropsychiques.

TSH plasmatique : 0,4 à 4 mUI/L (populations témoins, valeurs de référence admises en Europe). Les valeurs usuelles de T3 et T4 libres sont données par les laboratoires.

Comment fonctionne la thyroïde ?

La thyroïde, glande endocrine, secrète les hormones thyroïdiennes, tri-iodothyronine (T3) et thyroxine (T4), stockées au sein d’une glycoprotéine, la thyroglobuline (voir infographie page 11).

• Synthèse : les ions iodures, apportés par l’iode alimentaire (poissons, crustacés, laitages, certains sels de cuisine) sont indispensables à cette synthèse. La thyroperoxydase est l’enzyme clé des différentes étapes de la biosynthèse hormonale. La concentration en T4 est un bon reflet de la production thyroïdienne. La T3, hormone la plus active, provient en grande partie de la désiodation de la T4 au niveau des tissus périphériques.

• Régulation : l’hypophyse secrète la TSH (Thyroid Stimulating Hormone ou thyréostimuline) qui stimule la thyroïde. L’hypothalamus régule l’activité hypophysaire par l’intermédiaire de la TRH (Thyrotropin Release Hormone). L’équilibre en hormones thyroïdiennes dans le sang est maintenu grâce à un système de rétrocontrôle. Un excès d’hormones thyroïdiennes diminue la production de TSH par l’hypophyse, donc celle des hormones thyroïdiennes par la thyroïde. Lorsque le taux d’hormones thyroïdiennes dans le sang baisse, la production de TSH augmente.

L’iode intervient aussi dans cette régulation.

• Lorsque la production d’hormones thyroïdiennes est insuffisante, on parle d’hypothyroïdie, lorsqu’elle est excessive, d’hyperthyroïdie.

CE QUI A CHANGÉ

– 2010 : l’Afssaps recommande la prudence en cas de substitution d’une spécialité à base de lévothyroxine. Une surveillance de la TSH, 6 à 8 semaines après la substitution est nécessaire chez les femmes enceintes, les enfants, les sujets âgés, en cas de troubles cardiovasculaires et lorsque l’équilibre thérapeutique a été difficile à obtenir.

– 2009 : commercialisation du thiamazole (Thyrozol), un antithyroïdien de synthèse.

– 2007 : publication des recommandations de la HAS sur le diagnostic et la prise en charge des hypothyroïdies frustes chez l’adulte.

VIGILANCE !!!

Les principales contre-indications des traitements sont à connaître.

– Hormones thyroïdiennes : états d’hyperthyroïdie (sauf si celle-ci est contrôlée par un traitement par antithyroïdien de synthèse par exemple).

– Carbimazole : cancer de la thyroïde TSH dépendant, allaitement, affections hématologiques graves préexistantes, insuffisance hépatique.

– Thiamazole : granulocytopénie, cholestase préexistante, antécédent de lésions de moelle osseuse sous thiamazole ou carbimazole.

– Benzylthiouracile et propylthiouracile : cancer de la thyroïde TSH dépendant, affections hématologiques graves préexistantes.

Ageusie : perte totale ou partielle du goût.

POINT DE VUE Pr Jean-Louis Wemeau, service d’Endocrinologie du CHRU de Lille

« L’important est de toujours prendre la lévothyroxine dans les mêmes conditions »

Les modalités de prise de la lévothyroxine peuvent paraître contraignantes. Que conseiller ?

L’alimentation interfère avec l’absorption du médicament ce qui a conduit à recommander sa prise une demi-heure avant le petit-déjeuner. En réalité, même le café influe l’absorption et le délai d’une demi-heure est insuffisant pour éviter l’interférence. En pratique, la lévothyroxine doit être prise tous les jours dans les mêmes conditions : au lever, à jeun, ou juste avant le petit-déjeuner. On a même établi qu’une prise le soir au coucher conduit à une réduction des besoins en hormone et à une meilleure stabilité des taux de TSH. Les besoins en hormones thyroïdiennes sont fixes. Si la TSH fluctue hors des valeurs usuelles, il n’y a pas lieu de modifier d’emblée la posologie, mais plutôt de s’interroger : mauvaise observance ? Substitution par un générique ou interactions médicamenteuses… ?

La TSH n’est pas un paramètre biologique fixe : de petites fluctuations sont sans conséquence. C’est au-delà de 10 ou 12 mU/l, ou en deçà de 0,1 mU/l de TSH, que les patients ressentent les effets des carences ou des excès d’imprégnation.

L’apport en iode est-il suffisant en France ?

Probablement, la France reste un pays de déficience relative en iode, ce qui contribue à la haute prévalence des goitres et des nodules, des dysfonctions induites par les surcharges médicamenteuses en iode. Au cours des grossesses, ceci n’est pas sans conséquence sur le volume thyroïdien de la mère et le développement cérébral de l’enfant. Il faut encourager la prise de compléments alimentaires apportant des doses adaptées d’iodure (150 µg), d’acide folique, de fer, de vitamine D… Et ce, idéalement avant la conception, durant la grossesse mais aussi pendant l’allaitement.

QUESTION DE PATIENTS « Je vais être traitée par iode radioactif. Quelles précautions faudra-t-il prendre ? »

« De retour au domicile, il est souvent recommandé d’éviter le contact avec les jeunes enfants et les femmes enceintes durant 5 jours. Il faut boire beaucoup (l’iode étant éliminé dans les urines) notamment de l’eau citronnée pour augmenter la salivation (l’iode se concentre essentiellement dans la thyroïde mais aussi un peu dans les glandes salivaires), se laver fréquemment les mains. L’activité professionnelle peut être reprise. La contraception est obligatoire durant au moins six mois ».

QUESTION DE PATIENTS « Pourquoi le médecin a-t-il écrit « non substituable » sur mon ordonnance de Levothyrox ? »

« Si vous êtes bien équilibré avec une marque d’hormones thyroïdiennes, il ne faut pas en changer. En effet, il peut y avoir des variations de réponse en cas de substitution du princeps par un générique (et inversement) ou entre deux génériques de marque différente ».

EN SAVOIR PLUS

Site de l’Endocrinologie Diabétologie et Maladie métabolique

www.sfendocrino.org

Onglet « Pathologies » / « Thyroïde » pour télécharger les divs des recommandations et consensus.

Vivre sans thyroïde

www.forum-thyroïde.net, Tél : 05 61 86 73 74.

L’association gère un forum de discussion destiné aux patients souffrant de maladies thyroïdiennes.

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