AVK ET AUTRES ANTICOAGULANTS ORAUX - Le Moniteur des Pharmacies n° 2929 du 14/04/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2929 du 14/04/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 — EFFETS INDÉSIRABLES

Monsieur F. a des « bleus »

Monsieur F., 55 ans, est traité depuis deux mois par Coumadine (warfarine) 4 mg/j, suite à une thrombose veineuse profonde. Il est inquiet car depuis quelques jours il constate que des « bleus » apparaissent au moindre choc. Pourtant, l’INR qu’il a réalisé hier est tout à fait normal (2,5 pour un objectif de 2-3). M. F. n’a pas pris d’autres médicaments. Il vient se renseigner auprès de son pharmacien à qui il demande si ces hématomes peuvent être dus à l’AVK.

Ces hématomes peuvent-ils être dus à l’antivitamine K ?

Oui, les événements indésirables hémorragiques sont les principaux effets indésirables des AVK même lorsque le traitement est équilibré.

ANALYSE DU CAS

Les AVK sont souvent responsables d’événements indésirables hémorragiques. Les hématomes sous-cutanés sont des événements fréquents.

Toutefois, ces phénomènes sont parfois le reflet d’un surdosage en AVK, pouvant aboutir à des événements graves voire mortels.

ATTITUDE À ADOPTER

Il importe de rester extrêmement vigilant. Tout symptôme traduisant un saignement sous AVK nécessite de contrôler l’INR (international normalized ratio) afin de s’assurer de l’absence de surdosage. Une numération-formule sanguine permet en outre d’éliminer d’autres causes d’ecchymoses. Dans le cas présent l’INR est normal, le risque d’événement hémorragique grave est donc modéré. Il serait préférable de contacter le prescripteur et de recontrôler l’INR régulièrement dans les jours à venir. Il importe également de prévenir le patient des signes hémorragiques qui doivent l’inciter à consulter rapidement : saignement de nez ou gingival, fatigue importante (pouvant traduire un saignement occulte), sang dans les urines ou les selles.

CAS N° 2 — EFFETS INDÉSIRABLES

Grosse fatigue

Mme P., 49 ans, est traitée depuis 1 an par Previscan (fluindione), 1 comprimé par jour, en prévention des accidents thromboemboliques liés à une fibrillation auriculaire. Elle est observante et son traitement est équilibré. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie car elle se sent très fatiguée et est très pâle. Elle sort d’une période de travail intense et elle demande au pharmacien de la vitamine C pour se remettre sur pied.

La prise de vitamine C est-elle adaptée dans le cas de madame P. ?

Non. D’une part, la vitamine C n’a pas prouvé son efficacité pour traiter les épisodes de fatigue et, d’autre part, cette fatigue et cette pâleur chez un patient traité par un AVK doivent attirer l’attention car il pourrait s’agir d’un signe clinique associé à de petites lésions digestives.

ANALYSE DU CAS

Les événements hémorragiques sous AVK peuvent être bénins et visibles (épistaxis, saignements gingivaux, hématomes), plus sévères et visibles (rectorragies, hémoptysie, hémorragies externes importantes) ou encore sévères et invisibles (hémorragies digestives sans vomissement, cérébrales ou intra-articulaires…). Une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut être le reflet d’une hémorragie digestive distillante non extériorisée.

ATTITUDE À ADOPTER

Il est important de ne pas inquiéter la patiente, car sa fatigue peut être liée à une cause extérieure au traitement (travail, saison, stress…). Néanmoins, il est primordial qu’elle comprenne l’éventualité d’une situation d’urgence. Le pharmacien propose donc d’appeler le médecin pour l’informer de la situation. Celui-ci propose de recevoir madame P. en fin d’après-midi et lui demande de réaliser une NFS au laboratoire d’analyses médicales. En règle générale, tout nouveau symptôme sous AVK doit amener à s’interroger sur un éventuel effet indésirable.

CAS N° 3 — EFFETS INDÉSIRABLES

Un simple « bleu » ?

Madame B., 32 ans, a été victime d’une thrombose veineuse profonde. Elle a commencé son relais héparine-AVK il y a 4 jours avec Coumadine (warfarine) 5 mg par jour. Ses premiers résultats biologiques sont bons. Son médecin lui a expliqué comment va se passer le traitement et quels sont les effets indésirables possibles. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie car une lésion bordée de petites taches rouges est apparue au niveau de son bras. Madame B. a appelé son généraliste ce matin en lui expliquant qu’elle avait un « bleu » très foncé de quelques centimètres. Ce dernier lui a conseillé d’attendre l’INR du surlendemain et de revenir le voir. En attendant, elle vient montrer son « bleu » à la pharmacie et acheter une pommade pour limiter les symptômes.

Peut-on délivrer ?

Non. La lésion montrée par la patiente ne ressemble pas à un hématome classique. Le médecin, n’ayant été consulté que par téléphone, a probablement été mal renseigné par Mme B. et il ne serait pas prudent de la laisser ainsi.

ANALYSE DU CAS

Les effets indésirables de type hématomes sous-cutanés sont fréquents avec les AVK. Néanmoins, dans le cas de Madame B., il ne s’agit pas de ce cas classique. La lésion est très délimitée et présente une couleur noire et est apparue dans les touts premiers jours du traitement. L’ensemble de ces symptômes peut faire penser à un début de nécrose cutanée induite par les AVK ou une thrombose induite par l’héparine (TIH). Si la lésion était située au niveau d’un point d’injection de l’héparine, on aurait pu également suspecter une nécrose cutanée induite par l’héparine.

Les nécroses dues aux AVK pourraient être provoquées par un état d’hypercoagulabilité paradoxale dû à la diminution rapide du taux de protéine C en début de traitement ou à un déficit congénital en protéine C ou en son cofacteur, la protéine ? S. Ce phénomène semble favoriser l’apparition de microthrombi dans divers vaisseaux sanguins cutanés.

Le risque de nécrose cutanée est commun à tous les AVK. Les cas rapportés sont relativement rares (de 1 pour 1 000 à 1 pour 10 000) mais entraînent des conséquences parfois graves, principalement des escarres évolutives. Il est nécessaire d’interrompre l’AVK et de le substituer par une héparine.

Chez près de la moitié des patients, une intervention chirurgicale (greffe, débridement, amputation) est nécessaire pour limiter l’étendue du phénomène.

Certains médecins proposent également une supplémentation en vitamine K et en protéine C, ou encore l’usage d’un anti-TNF-alpha.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit donc appeler le prescripteur pour lui décrire de façon plus précise la lésion. Face au risque de nécrose cutanée induite par les AVK ou au risque de TIH, le médecin n’attendra pas les résultats du surlendemain et devra voir la patiente rapidement pour limiter les complications.

CAS N° 4 — EFFETS INDÉSIRABLES

J’ai une baisse de tension !

Madame T., 65 ans, vient de subir une intervention pour la pose d’une prothèse de hanche. Pour limiter les risques d’accidents thromboemboliques, un traitement par Xarelto (rivaroxaban) à 10 mg par jour a été instauré il y a 3 semaines. Madame T est sortie de l’hôpital il y a 2 jours et vient aujourd’hui à la pharmacie pour prendre sa tension car elle se sent très fatiguée. Le pharmacien trouve une tension à 105/65.

Quel est le risque encouru ?

Cette baisse de pression artérielle peut être due à un saignement pathologique.

ANALYSE DU CAS

Suite à une intervention chirurgicale de la hanche, madame T. s’est vu prescrire du rivaroxaban, un anticoagulant par voie orale inhibiteur direct du facteur Xa destiné à limiter les risques de survenue d’effets indésirables thromboemboliques. Tout comme les antivitamines K, le rivaroxaban peut entraîner des saignements visibles ou occultes. La baisse de tension constatée peut avoir deux origines. Il peut s’agir de simples suites de la chirurgie (hématome dans la zone chirurgicale) ou du reflet d’un saignement interne dû à la prise de l’anticoagulant.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit appeler le médecin de Mme T. ou, si c’est possible, son chirurgien pour l’informer de la situation. L’un ou l’autre pourra évaluer si cette baisse de pression artérielle peut être liée à un effet indésirable du médicament. Si c’est le cas, son arrêt sera immédiat. Il est important de ne pas attendre pour réagir, notamment car il n’existe aucun antidote au rivoxaban en cas d’effet trop important ou de surdosage.

CAS N° 5 — EFFETS INDÉSIRABLES

Problème de déglutition

Monsieur R., 55 ans, vient d’être opéré pour la pose d’une prothèse totale de genou. Il est traité par Pradaxa 110 mg (dabigatran etexilate) 2 gélules par jour depuis 8 jours pour la prévention des événements thromboemboliques liés à la chirurgie. Aujourd’hui, sa femme vient à la pharmacie car monsieur R. saigne du nez. Lors de l’entretien, le pharmacien apprend que ce dernier a mal à la gorge et qu’il a ouvert les gélules de Pradaxa pour en faciliter la prise.

Y a-t-il lieu de s’inquiéter ?

Oui. Le fait d’ouvrir les gélules de ce médicament peut augmenter l’effet anticoagulant du traitement. Le risque d’un événement hémorragique sévère n’est donc pas à écarter.

ANALYSE DU CAS

Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine exerçant un effet antithrombotique. Dans le cas de monsieur R, on peut supposer que le saignement constaté est lié à l’usage du médicament et à son effet anticoagulant. Le problème dans ce cas ne vient probablement pas du dosage du médicament mais plutôt de son mode d’utilisation. En effet, les études pharmacocinétiques de mise sur le marché montrent une augmentation de la biodisponibilité du produit d’environ 75 % lorsque l’enveloppe de la gélule est ouverte. Cette pratique augmente donc les risques de saignement.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit expliquer à madame R. que le saignement nasal de son mari peut être dû au fait qu’il a ouvert les gélules de Pradaxa. Il devra également prévenir le prescripteur pour qu’il adapte le traitement au risque hémorragique du patient. De plus, il faut rappeler à monsieur R. qu’il ne doit plus ouvrir les gélules de Pradaxa, mais les avaler telles quelles.

CAS N° 6 — INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Une mycose gênante

Monsieur A., 67 ans, est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique. Il est traité par Sintrom (acénocoumarol) en prévention des événements thromboemboliques que peut provoquer le port de cette prothèse. Depuis quelques jours, ayant un goût bizarre dans la bouche, il a utilisé un bain de bouche antiseptique. Son inefficacité l’a conduit à consulter un médecin de garde qui, pensant qu’il s’agissait d’une mycose, a initié un traitement par Daktarin gel buccal 8 cuillères par jour. M. A. n’est pas allé dans sa pharmacie habituelle et a commencé son traitement depuis 2 jours. Il y revient aujourd’hui pour acheter un bain de bouche à cause de saignements gingivaux.

Les saignements gingivaux sont-ils un signe d’alerte ?

Oui, tout saignement chez un patient sous AVK doit alerter. Dans le cas de monsieur A., le problème semble provenir de l’interaction Daktarin/Sintrom, source de surdosage en AVK.

ANALYSE DU CAS

Lors de la pose d’une prothèse valvulaire mécanique, le traitement anticoagulant est nécessaire pour éviter les complications thromboemboliques. Par ailleurs, monsieur A. a contracté une mycose buccale. Le médecin a jugé nécessaire de la traiter et a choisi le miconazole en traitement local, qui est une option bien évaluée dans cette situation. Le miconazole est un inhibiteur enzymatique du CYP450. Les AVK sont peu sensibles aux enzymes hépatiques CYP450, néanmoins, l’effet inhibiteur du miconazole est suffisamment important pour avoir une conséquence clinique sur leur élimination. Une fois dans la circulation générale, le miconazole augmente les concentrations plasmatiques de acénocoumarol et donc son effet anticoagulant. C’est ce qui peut expliquer les saignements dont souffre le patient. La forme locale du gel de miconazole (Daktarin) fait oublier parfois son potentiel d’interaction. Pourtant, l’absorption systémique reste importante. La voie d’administration « buccale ». présente une biodisponibilité analogue à dose équivalente à celle de la forme orale.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut arrêter Daktarin immédiatement et gérer le risque hémorragique. Le pharmacien doit rappeler le prescripteur pour lui expliquer la situation. Ce dernier demandera de réaliser une réévaluation ponctuelle de la posologie de l’AVK et un dosage rapide de l’INR pour connaître plus précisément le risque encouru.

Lorsqu’un événement hémorragique est visible, l’adaptation de la posologie de l’AVK est recommandée avant même les résultats de l’INR. Lorsque le médecin reverra le patient, il pourra proposer un autre traitement pour la mycose, Fungizone (amphotéricine B) par exemple.

CAS N° 7 — INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

M. V. est sous antibiotique

Monsieur V., 36 ans, a fait une thrombose veineuse profonde (TVP) suite à un voyage en avion. Il est depuis sous Previscan (fluindione) et son traitement est bien équilibré depuis 6 mois (3/4 cp/j). M. V. est passé à la pharmacie il y a trois jours chercher une ordonnance pour une angine : Clamoxyl 1 g (amoxicilline) matin et soir durant 6 jours. Aujourd’hui, il revient car son INR est passé à 4,9. De plus, il a saigné du nez ce matin et il se demande si l’antibiotique n’en est pas responsable, d’autant que le pharmacien l’avait mis en garde.

L’amoxicilline peut-elle être responsable ?

Oui, tous les antibiotiques sont susceptibles d’augmenter l’INR d’un patient sous AVK.

ANALYSE DU CAS

On a longtemps dit que les antibiotiques, responsables d’une diminution de la flore intestinale (productrice de vitamine K), étaient susceptibles d’entraîner une augmentation des effets des antivitamines K, et donc une augmentation de l’INR. Or, ce n’est pas la principale cause engendrant cette augmentation lors de l’association antibiotique/AVK.

En effet, le mécanisme principalement responsable est la diminution de la métabolisation des AVK par les antibiotiques, en particulier une diminution de la voie métabolique des CYP2C9.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit appeler le prescripteur afin d’adapter ponctuellement la posologie du traitement anticoagulant. Monsieur V. a terminé son antibiotique hier soir. Il faudra simplement surveiller l’INR de façon rapprochée et modifier la posologie de l’AVK. D’une façon générale, l’INR doit être vérifié 2 à 3 jours après toute introduction ou arrêt d’un traitement concomitant, quel qu’il soit. Le pharmacien rappelle cette règle élémentaire à monsieur V.

CAS N° 8 — INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Prise de médicament par erreur

Monsieur A., 67 ans, est traité par Previscan depuis 5 ans. Aujourd’hui, il s’empresse d’aller voir le pharmacien dès l’ouverture pour lui dire qu’il a pris pendant une semaine le Biprofenid (kétoprofène) de sa femme au lieu de son Bitildiem (diltiazem). Il s’est aperçu de son erreur hier soir et s’inquiète d’autant plus que ce matin il a vomi du sang. Pourtant il est allé faire un INR hier et ses résultats étaient compris dans la fourchette thérapeutique.

Cette situation présente-t-elle un risque ?

Oui, une hématémèse représente toujours une situation urgente et à risque et l’INR correct n’est pas suffisant pour rassurer le patient.

ANALYSE DU CAS

M. A. a pris par inadvertance deux médicaments (Biprofenid et Previscan) dont l’association est déconseillée. Ce type de confusions est malheureusement fréquent avec des spécialités dont les noms sont proches (Biprofénid et Bitildiem par exemple). Plusieurs mécanismes d’action distincts peuvent expliquer l’interaction. Tout d’abord, les AINS présentent une toxicité gastrique susceptible de provoquer une hémorragie digestive qui sera majorée par la prise de l’AVK. De plus, les AVK présentent une très forte liaison aux protéines plasmatiques (≈ 97 %). La plupart des AINS sont susceptibles de déplacer les AVK de leurs sites de liaison protéique et donc d’augmenter la fraction libre de l’anticoagulant. Il peut en résulter une augmentation du risque hémorragique, généralement accompagnée d’une augmentation de l’INR. Enfin, les AINS présentent un effet antiagrégant plaquettaire propre qui majore l’effet des AVK.

ATTITUDE À ADOPTER

L’hématémèse est une urgence médicale. Le patient doit aller aux Urgences. Le pharmacien appelle le médecin traitant de M. A. pour l’informer.

PHARMACOLOGIE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

• Les antivitamines K sont indiqués dans la prévention des événements thromboemboliques artériels ou veineux dans diverses situations :

– prévention secondaire des récidives après un accident thromboembolique avéré,

– prévention primaire des événements thromboemboliques dans certaines situations : troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire, flutter), prothèses valvulaires, chirurgie orthopédique…

• Les AVK étaient jusqu’à présent les seuls anticoagulants utilisables en traitement curatif par voie orale. Ils sont utilisés en relais d’une anticoagulation injectable (HBPM, fondaparinux…) lors d’un accident thromboembolique avéré. Ces substances ne sont en aucun cas des traitements d’urgence en raison d’un délai d’action relativement long.

En pratique, l’efficacité complète ne peut être attendue qu’après 5 jours environ.

• Les « nouveaux anticoagulants oraux » (rivaroxaban, dabigatran) ont pour l’instant des indications plus limitées. Ils sont tous deux indiqués en prévention des accidents thromboemboliques chez les patients ayant une chirurgie programmée de la hanche ou du genou ainsi que dans la prévention des accidents thromboemboliques chez les patients ayant une fibrillation auriculaire ou atriale.

De plus, l’Agence européenne du médicament (EMA) vient récemment d’octroyer deux nouvelles indications au rivaroxaban : dans le traitement curatif de la thrombose veineuse profonde (TVP) et la prévention secondaire des embolies pulmonaires ou des thromboses veineuses profondes.

Traitement de la TVP ou de l’embolie pulmonaire

• Le traitement d’attaque repose sur l’utilisation d’une HBPM ou de fondaparinux ou, en cas de contre-indication, d’une héparine non fractionnée. Un relais par AVK est recommandé et il peut être initié dès le premier jour de traitement. Il n’est jamais initié en dose de charge.

Prévention des récidives de la TVP ou de l’embolie pulmonaire

• Lorsqu’une TVP (thrombose veineuse profonde) ou une embolie pulmonaire a été traitée à la phase aiguë (lorsque le thrombus est présent), le traitement par AVK peut être prolongé durant une période plus ou moins longue pour limiter les récidives.

• Les durées de traitement dépendent de divers facteurs : condiv favorisant et topographie de la thrombose (par exemple 6 à 12 mois de traitement pour les embolies pulmonaires ou pour les TVP proximales dans un condiv favorisant ou traitement prolongé en cas de récidives multiples). Il faut réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/risque du traitement.

Prévention des accidents thromboemboliques liés à une fibrillation auriculaire

• La fibrillation auriculaire augmente le risque d’accident thromboembolique artériel, vasculaire cérébral ou périphérique.

• Lorsque les facteurs de risque sont plus importants (port d’une prothèse valvulaire, antécédent de thrombose ou d’embolie pulmonaire, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque…), un AVK ou un « nouvel anticoagulant » est indispensable.

Prévention des accidents thromboemboliques liés à une chirurgie

• Les héparines de bas poids moléculaire sont le traitement de référence.

• Les AVK ne sont pas utilisés.

• Le fondaparinux, le dabigatran et le rivaroxaban sont des alternatives en cas de chirurgie de la hanche ou du genou. Le fondaparinux est également indiqué en cas de fracture de hanche.

PRINCIPAUX ANTICOAGULANTS ORAUX

Comparaison entre AVK et « nouveaux anticoagulants oraux »

• Les « nouveaux anticoagulants » (rivaroxaban, dabigatran) sont des molécules relativement récentes dont les risques sont similaires à ceux des antivitamines K :

– risque d’hémorragies en cas de posologie trop élevée,

– risque de thrombose en cas de concentrations trop faibles.

Ces « nouveaux anticoagulants » interviennent directement sur un des facteurs de la coagulation (voir schéma page 7), contrairement aux antivitamines K qui inhibent indirectement 4 facteurs.

• Ces nouveaux anticoagulants présentent certains avantages par rapport aux AVK :

– une fourchette thérapeutique large, qui permet d’avoir une posologie fixe pour une pathologie donnée,

– la non-nécessité d’adapter la dose par un test,

– une absence d’interaction avec l’alimentation.

Dans l’ensemble, ils semblent donc moins contraignants à prendre pour les patients.

• En contrepartie, ils présentent également certains désavantages :

– prudence chez la personne âgée, le patient à fonction rénale altérée ou de petits poids (< 40 kg),

– pas d’antidote connu en cas de surdosage,

– moins de recul d’utilisation et méconnaissance des effets indésirables à long terme,

– un panel d’indications restreint,

– un coût journalier de traitement environ 30 fois plus élevé que celui d’un AVK,

– une difficulté à évaluer le niveau de coagulation.

Antivitamines K (Préviscan, Sintrom, Mini-Sintrom, Coumadine)

Les dernières études de grande envergure publiées en France sur les effets indésirables liés aux soins (en 2008 et 2009) ont montré que les AVK étaient responsables de près de 1 événement indésirable grave médicamenteux sur 6 et d’environ 13 % des hospitalisations pour effet indésirable.

Caractéristiques pharmacologiques

• De par leur mécanisme d’action indirect, les antivitamines K présentent un délai d’efficacité de 24 à 48 heures.

• Ils sont très fortement liés aux protéines plasmatiques (97 %) et peuvent en être déplacés. Cela les expose à des interactions médicamenteuses lors de l’association à d’autres substances se liant à ces mêmes protéines (AINS, sulfamides antibactériens…).

• Ils présentent un métabolisme hépatique faiblement dépendant des isoenzymes du cytochrome P450. Néanmoins, les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques forts sont susceptibles de modifier leur cinétique d’élimination.

• Tous les AVK passent la barrière placentaire et la fluindione passe probablement dans le lait maternel.

Principaux effets indésirables

• Les principaux effets indésirables des AVK sont des événements hémorragiques (gingivorragies, saignements des petites plaies et épistaxis pour les plus fréquents, ecchymoses, hématuries, ménorragies…). Ce sont des effets indésirables très fréquents qui nécessitent une surveillance constante.

• A ces effets indésirables fréquents s’ajoutent d’autres beaucoup plus rares : diarrhées, nécroses cutanées, atteintes hépatiques ou vascularites. On retrouve également des événements immunoallergiques aigus touchant divers organes et notamment les reins (néphrite interstitielle) : ce dernier effet indésirable est plus fréquent avec la fluindione qu’avec les autres AVK.

Principales interactions

Les interactions notables sont extrêmement nombreuses avec cette classe.

Associations contre-indiquées

– Acide acétylsalicylique à dose anti-inflammatoire (≥ 1 g/prise ou 3 g/j) : majoration importante du risque de saignement.

– Miconazole (augmentation des concentrations de l’AVK).

– Millepertuis (diminution des concentrations de l’AVK).

Associations déconseillées

– 5FU, tégafur, capécitabine (augmentation du risque hémorragique).

– AINS et acide acétylsalicylique à dose antalgique (≥ 500 mg/prise).

Autres

– De nombreux autres médicaments peuvent augmenter l’effet des AVK et majorer le risque hémorragique : alcool, allopurinol, amiodarone, amitriptyline, bicalutamide, danazol, disopyramide, entacapone, ézétimibe, glucosamine, orlistat, pentoxifylline, propafénone, quinidine, raloxifène, tamoxifène, tramadol, venlafaxine, antifongiques azolés la majorité des antibiotiques à large spectre et des cytotoxiques…

– Dans tous les cas, l’introduction d’un nouveau traitement chez un patient sous AVK doit systématiquement amener à renforcer la surveillance. Un contrôle systématique de l’INR est recommandé 2 à 3 jours après l’introduction de tout nouveau traitement.

Principales contre-indications

– Grossesse, insuffisance hépatique sévère.

– Allaitement pour la fluindione.

Surveillance

• L’INR est un résultat biologique qui explore la voie extrinsèque de la coagulation. Il est utilisé pour le suivi des patients traités par AVK.

• Il est apparu au cours des années 1980 afin de standardiser les résultats du temps de Quick qui était jusqu’alors exprimé par la mesure du taux de prothrombine. Cette mesure posait de nombreux problèmes car sa valeur était fortement dépendante du réactif utilisé pour l’obtenir.

• La valeur de l’INR ne dépend pas du réactif utilisé et les résultats de ce test sont donc sensiblement identiques d’un laboratoire à un autre.

• Lors de l’introduction d’un AVK, le premier contrôle doit avoir lieu à 48 h (ce délai peut être raccourci pour les AVK à demi-vie courte) afin de dépister les patients hypersensibles (cf. encadré page 3).

• Les contrôles suivants ont généralement lieu tous les 2 à 4 jours jusqu’à stabilisation de l’INR (2 INR de suite dans la fourchette thérapeutique). Par la suite, les contrôles sont progressivement espacés jusqu’à un contrôle par mois, qui correspond au délai maximal recommandé entre deux INR.

• Lors d’un changement de dose, il faut attendre 4 jours (période d’équilibre) pour contrôler l’INR.

Dabigatran (Pradaxa)

Principaux effets indésirables

Evénements hémorragiques, diarrhées, dyspepsie, douleurs abdominales ou nausées.

Principales interactions médicamenteuses

Associations contre-indiquées

Ciclosporine, itraconazole, kétoconazole, tacrolimus (augmentation des concentrations du dabigatran et majoration du risque de saignement).

A prendre en compte

Tous les inhibiteurs de la glycoprotéine P sont susceptibles d’augmenter les concentrations plasmatiques du dabigatran.

Principales contre-indications

Grossesse et allaitement, insuffisance rénale ou hépatique sévère.

Rivaroxaban (Xarelto)

Principaux effets indésirables

Evénements hémorragiques.

Principales interactions médicamenteuses

• Du fait du peu de recul sur l’utilisation de cette molécule, les interactions qui la concernent ne sont pas hiérarchisées comme cela se fait habituellement.

• Le rivaroxaban étant un substrat du CYP3A4 et de la glycoprotéine P, on peut s’attendre à des interactions significatives avec les inhibiteurs forts de ces deux voies. C’est notamment le cas du ritonavir et de la clarithromycine qui augmentent fortement les concentrations de rivaroxaban.

• L’association de rivaroxaban avec les AINS ou l’aspirine est susceptible d’augmenter les risques de saignements.

Principales contre-indications

Grossesse, allaitement et insuffisance rénale sévère.

Apixaban (Eliquis)

Ce nouvel inhibiteur direct du facteur ? Xa devrait être commercialisé d’ici quelques mois. Il est indiqué dans la prévention des événements thromboemboliques veineux chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie orthopédique programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou.

CAS N° 9 — INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Constipation passagère

Monsieur C., 74 ans, souffre d’arthrose depuis plusieurs années et a tendance à rester sédentaire et à limiter ses sorties. Il a été victime d’une embolie pulmonaire il y a 1 an et est traité depuis par Préviscan (fluindione), 3/4 de comprimé par jour. Son traitement est bien équilibré. M. C. vient à la pharmacie aujourd’hui car il est constipé depuis 2 jours et parce qu’il a mal à la tête. Il demande au pharmacien une boîte de Doliprane et une boîte de Lansoÿl.

Pouvez-vous délivrer ?

Doliprane (paracétamol) ne pose pas de problème si la consommation est modérée. L’usage de Lansoÿl n’est pas recommandé avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

• Dans le cas de monsieur V., l’usage de paracétamol ne pose pas de problème. Il reste l’antalgique de référence pour les patients sous AVK. Cependant, quelques cas de déséquilibre modéré de l’INR ont été rapportés lors d’un usage répété de doses de paracétamol supérieures à 2 g/j. Cette interaction pourrait s’expliquer par une inhibition de plusieurs enzymes cibles des AVK par un métabolite du paracétamol, potentialisant les effets anticoagulants de ces médicaments. Cela ne concernerait néanmoins que quelques patients particuliers (usage des doses maximales sur de longues durées, déplétion en glutathion, sujet âgé…). Une intervention pharmaceutique n’est donc pas justifiée chez un patient traité ponctuellement par cet antalgique.

• La paraffine contenue dans Lansoÿl interagit avec les AVK. Elle limite l’absorption des vitamines liposolubles (notamment la vitamine K), ce qui pourrait augmenter l’effet de l’anticoagulant. Par ailleurs, l’AVK est également liposoluble : son absorption pourrait être diminuée. D’autre part, comme tous les laxatifs, la paraffine accélère le transit intestinal et peut perturber l’absorption de l’AVK. w Finalement, l’usage de cette substance peut avoir des conséquences imprévisibles sur l’équilibre du traitement.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien peut accéder à la demande du patient pour le Doliprane.

• En ce qui concerne la constipation, le pharmacien donne des conseils hygiénodiététiques : hydratation importante et augmentation des apports en fibre. Si cela ne suffit pas à soulager Monsieur C., une consultation médicale et une surveillance biologique seront obligatoires pour une utilisation sécurisée d’un laxatif.

• En règle générale, lorsqu’un médicament est nécessaire, ce sont les laxatifs de lest (ispaghul, psyllium, sterculia) qui présentent la meilleure balance bénéfice/risque pour les patients présentant une constipation passagère. Ils peuvent limiter l’absorption des AVK mais ne posent pas le problème de la diminution de l’absorption des vitamines liposolubles, au contraire des laxatifs lubrifiants.

CAS N° 10 — INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Les plantes ne font pas de mal »

Madame H., 60 ans, porte une prothèse valvulaire mécanique cardiaque. Elle est traitée depuis trois ans par Coumadine (warfarine) 6 mg par jour en prévention des accidents thromboemboliques. Elle vient à la pharmacie aujourd’hui pour racheter du Mildac 600 mg, qui lui avait été conseillé le mois dernier par une officine du lieu de vacances où elle séjournait.

Peut-on délivrer ?

Non, car Mildac contient du millepertuis qui est une plante contre-indiquée en association avec les AVK.

ANALYSE DU CAS

Le millepertuis est une plante ayant un fort pouvoir inducteur enzymatique. L’induction enzymatique est un phénomène peu spécifique qui touche la majorité des enzymes hépatiques du CYP450. Ainsi, les AVK, qui sont en partie métabolisés par le CYP2C9, voient leur élimination accélérée lors d’une prise concomitante d’un inducteur.

Dans le cas de madame H., il faut donc craindre une baisse de la concentration plasmatique de son anticoagulant. Le risque est donc l’accident thromboembolique.

L’induction enzymatique est un phénomène lent qui se met en place sur 2 ou 3 semaines. Dans la mesure où madame H. semble avoir commencé ce traitement il y a un mois, l’effet inducteur est possible.

ATTITUDE À ADOPTER

Un contrôle de l’INR doit être réalisé dans la journée. Le pharmacien appelle le prescripteur afin de gérer la surveillance de la patiente.

L’effet inducteur perdurera entre 2 et 3 semaines, au cours desquelles une surveillance accrue de l’INR devrait être proposée. Le médecin proposera un antidépresseur plus compatible avec son traitement AVK. A noter que l’interaction médicamenteuse AVK/ISRS engendre la majorité des accidents iatrogènes liés aux AVK (en nombre). Les ISRS sont hémorragipares.

CAS N° 11 — PROFILS PARTICULIERS

Médicament non identifié

Monsieur A., 57 ans, est traité par Préviscan (fluindione) depuis 10 ans pour une fibrillation auriculaire. Son traitement est bien équilibré. Il envisage de partir en voyage en Inde l’année prochaine et son médecin lui a prescrit dès à présent un vaccin contre l’hépatite A. Il vient donc à la pharmacie pour obtenir Havrix. C’est le médecin du travail qui fera l’injection.

M. A peut-il se faire vacciner par Havrix ?

Oui, cependant, tout acte invasif, dont la vaccination, est susceptible de provoquer un saignement majoré chez les patients sous AVK.

ANALYSE DU CAS

Le vaccin contre l’hépatite A s’administre selon un schéma en deux injections à 6 mois d’intervalle. Le mode d’administration recommandé est l’injection par voie intramusculaire dans le deltoïde, mais celle-ci est déconseillée chez les patients sous AVK en raison du risque hémorragique induit. Lorsqu’aucune autre voie n’est possible, la balance bénéfice/risque du traitement doit être réévaluée avec le prescripteur.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit expliquer à monsieur A. que, en raison des AVK, la voie intramusculaire risque de provoquer des saignements. L’injection devra donc être réalisée par voie sous-cutanée, comme le préconise le RCP d’Havrix lorsque la voie habituelle d’administration est contre-indiquée. Il faudra que monsieur A. précise au médecin du travail qu’il est sous anticoagulant et que le vaccin doit être réalisé en sous-cutané.

CAS N° 12 — PROFILS PARTICULIERS

Changement d’AVK

Mme O., 30 ans, vient d’accoucher de son premier enfant. Avant sa grossesse, elle était traitée par Préviscan (fluindione) 20 mg pour la prévention des récidives d’une embolie pulmonaire dont elle a souffert il y a 6 mois. Son médecin avait arrêté l’AVK pendant la grossesse pour le remplacer par Lovenox (énoxaparine). Maintenant que Mme O. a accouché, il vient de réintroduire un AVK. Elle est donc désormais traitée par Coumadine (warfarine) 7 mg une fois par jour, à adapter selon l’INR. Mme O. a du mal à équilibrer ce nouveau traitement et elle passe à la pharmacie demander pourquoi le médecin ne lui a pas represcrit Préviscan, qui lui semblait bien plus facile à gérer.

Pourquoi le médecin n’a pas réintroduit Préviscan ?

La fluindione a un passage dans le lait maternel probable, alors que celui de la warfarine est extrêmement faible. On peut supposer que madame O. allaite son nouveau-né, ce qui expliquerait le choix du médecin.

ANALYSE DU CAS

Lors de sa grossesse, le médecin de madame O. a arrêté l’antivitamine K car cette classe médicamenteuse présente un risque important d’accident thromboembolique, de fausse couche ainsi qu’un risque malformatif, principalement au cours du premier trimestre. L’énoxaparine qui a remplacé cet AVK est une bonne solution car le grand encombrement de cette molécule ne lui permet pas de passer le placenta, ce qui le rend utilisable durant la grossesse. Cela est vrai également pour toutes les héparines, fractionnées ou non.

Suite à son accouchement, madame O. a souhaité allaiter son enfant. Lorsque la réintroduction de l’AVK a été envisagée, le médecin a pris cette information en compte. La fluindione qu’elle prenait précédemment appartient à la même famille que la phénindione (un AVK retiré du marché en 2004), qui était connu pour passer dans le lait maternel. La fluindione est suspectée de présenter cette même caractéristique. Cela se traduit par une contre-indication à l’allaitement décrite dans le résumé des caractéristiques du produit.

Dans la mesure où la warfarine et l’acénocoumarol ne passent pas dans le lait maternel, le choix s’est logiquement porté sur l’un d’entre eux.

ATTITUDE À ADOPTER

Dans cette situation, il faut s’assurer que madame O. a bien compris les raisons du changement de traitement.

Il faut lui confirmer l’impossibilité de reprendre le Préviscan tant qu’elle allaitera. Le pharmacien doit la rassurer sur l’absence de danger à allaiter durant la prise de Coumadine.

Il est également important de rappeler que toute initiation de traitement par un AVK est délicate. Dans le cas de cette patiente, il est probable qu’une période d’adaptation ait également été nécessaire avec Préviscan pour obtenir une stabilité de l’INR.

Avant sa grossesse, madame O. devait avoir l’habitude d’un délai important entre deux contrôles (délai maximum d’un mois entre deux INR). Le pharmacien devra donc bien lui rappeler qu’en début de traitement, le suivi rapproché de l’INR est nécessaire jusqu’à stabilisation de celui-ci dans la fourchette thérapeutique.

CAS N° 13 — PROFILS PARTICULIERS

INR en baisse

Madame G., 55 ans, est traitée depuis de nombreuses années par Sintrom (acénocoumarol) pour la prévention des complications thromboemboliques liées à la pose d’une prothèse valvulaire. Son traitement est parfaitement équilibré par un demi-comprimé par jour. Aujourd’hui, elle vient vous voir, très inquiète, car son dernier INR est très bas (1,9 au lieu de 3,5 habituellement). Cela ne lui est pas arrivé depuis plusieurs années. Après avoir discuté des conditions de survenue, le pharmacien apprend que madame G. a récemment commencé un régime strict pour perdre du poids. Ce régime consiste en un apport faible en graisses et protéines animales et en un apport important en légumes verts.

A quoi peut être due cette baisse de l’INR ?

Une modification importante de l’alimentation chez les patients sous AVK peut être responsable d’un déséquilibre du traitement anticoagulant.

ANALYSE DU CAS

Les antivitamines K inhibent la synthèse hépatique des facteurs de la coagulation vitamino-K-dépendants (facteurs II, VII, IX, X et protéines C et S). Ces derniers sont habituellement métabolisés par le foie au cours d’une réaction de carboxylation nécessitant la présence de vitamine K. Ils ont donc un pouvoir anticoagulant indirect par inhibition de facteurs indispensables à la cascade de coagulation. De fait, tout apport de vitamine K augmente les ressources nécessaires à la réaction de carboxylation et diminue donc l’effet de ces thérapeutiques.

Une des principales sources de vitamine K reste l’alimentation, notamment certains légumes verts et huiles végétales (voir encadré ci-contre). Dans le cas de cette patiente, le déséquilibre semble être dû à une consommation importante de légumes verts qu’elle ne consomme pas habituellement. Ces aliments sont une source importante de vitamine K, ce qui a entraîné une diminution de l’efficacité des AVK et donc une diminution de l’INR.

ATTITUDE À ADOPTER

Dans cette situation, plusieurs points importants sont à respecter. D’une part, le pharmacien doit expliquer à madame G. la cause du problème, à savoir la consommation inhabituelle d’une grande quantité d’aliments riches en vitamine K.

Cette consommation n’est pas interdite, mais elle doit se faire de façon régulière et sans apports massifs ponctuels. Le traitement AVK est équilibré lors de son régime alimentaire habituel. Elle ne doit pas changer brusquement d’alimentation. D’autre part, le pharmacien doit gérer le risque thrombogène lié à l’INR bas.

Il faut rappeler le prescripteur pour qu’il adapte la posologie du médicament, voire qu’il y ajoute temporairement une héparine jusqu’au retour à un INR correct. Cette adaptation se fera plus ou moins ponctuellement selon que madame G. souhaite continuer son régime ou non. Même si elle a l’habitude de ne faire qu’un contrôle par mois, cette situation va la contraindre à un suivi beaucoup plus rapproché de l’INR durant quelques jours. L’INR peut également être fortement modifié en cas de modification alimentaire longue (Ramadan, Carême…) ou de jeûne involontaire (gastro-entérite, nausées…).

CAS N° 14 — PROFILS PARTICULIERS

Madame T. passe une cœlioscopie

Mme T., 40 ans, est traitée depuis plusieurs années par Préviscan (fluindione) pour une fibrillation auriculaire. Son traitement est bien équilibré. Elle présente un kyste ovarien bénin qui entraîne des douleurs régulières. Une opération par cœlioscopie est prévue depuis 3 mois et doit avoir lieu le lendemain. Mme T. vient à la pharmacie aujourd’hui car le chirurgien lui avait demandé d’arrêter son AVK 5 jours avant l’opération et de commencer un traitement par Fragmine (daltéparine). Mais Mme T. a oublié et a continué l’AVK sans commencer l’héparine.

Le délai restant est-il suffisant ?

Non, lorsque l’arrêt d’un AVK est nécessaire avant un acte chirurgical, un délai de 24 heures n’est pas suffisant pour que le patient ne présente pas de risque de saignement.

ANALYSE DU CAS

Madame T. doit arrêter son traitement anticoagulant en prévision d’une intervention chirurgicale. Cette précaution est nécessaire pour tout acte invasif susceptible de provoquer des saignements non facilement contrôlables. Dans le cas d’un arrêt des antivitamines K préopératoire, deux options sont envisageables. Soit le patient présente un risque thromboembolique modéré et aucun relais par héparine n’est proposé, soit il présente un risque élevé et un relais par héparine à dose curative à 2 injections par jour est nécessaire. Madame T. étant porteuse d’une prothèse mécanique, le choix d’un relais par héparine est justifié.

La dernière prise d’AVK doit avoir lieu à J-5 avant l’intervention chirurgicale et l’HBPM doit être commencée à J-3 une injection le soir puis poursuivie à J-2 une injection matin et soir puis J-1 une injection le matin pour limiter le risque hémorragique lors de l’intervention.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien doit informer la patiente du risque important de saignement si elle se présente à son intervention chirurgicale dans ces conditions. Il faut joindre le chirurgien pour l’informer. Etant donné la situation, il reportera probablement l’intervention.

CAS N° 15 — PROFILS PARTICULIERS

AVK et mauvaise observance

Monsieur R. est traité par Sintrom (acénocoumarol) depuis 3 mois. Il vient à la pharmacie ce matin à cause d’un saignement gingival qui l’inquiète. Le pharmacien apprend que monsieur R. a oublié son traitement en partant 2 jours en week-end et qu’il a rattrapé les prises « perdues » sur 2 jours dès son retour (1 prise matin et soir pendant 2 jours).

Le patient a-t-il eu raison de rattraper les prises oubliées ?

Non, une prise d’AVK oubliée depuis plus de 8 heures ne doit en aucun cas être rattrapée.

ANALYSE DU CAS

Monsieur R., est un nouveau patient sous antivitamine K. Il a rattrapé les deux prises oubliées pour limiter le risque d’événement thromboembolique. Cette pratique a probablement entraîné un surdosage ponctuel en anticoagulant qui est peut-être à l’origine du saignement gingival. Ce patient n’a pas reçu d’éducation thérapeutique. Or, ceci est un facteur de risque de mauvaise observance.

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut rappeler le médecin de monsieur R. pour gérer le risque hémorragique immédiat. Ce dernier demandera probablement un INR en urgence. Ensuite, il faudra rappeler les règles d’usage des AVK au patient et, si cela n’a pas déjà été fait, lui remettre le carnet de suivi (disponible sur le site www.cespharm.fr). Une séance d’éducation thérapeutique par un professionnel de santé formé reste indispensable.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la dispensation d’un anticoagulant oral

AVK

Education thérapeutique

• Le patient doit être capable d’expliquer le rôle de l’INR, de citer son INR cible, de définir ce qu’il doit faire en cas d’oubli, en cas d’INR hors fourchette thérapeutique, de citer les effets indésirables de ces traitements et de citer les risques associés à l’automédication.

• Le pharmacien doit interpeller son patient avec des questions ouvertes : « Que feriez-vous si vous aviez oublié votre prise hier ? », « Et si votre prochain INR est à 5 ? »… Cette démarche est stimulante pour le patient.

• Il faut connaître les signes cliniques pouvant évoquer une hémorragie interne : chute de la tension artérielle, pâleur importante, dyspnée et fatigue inexpliquées…

• Le patient doit détenir le carnet de suivi des AVK et savoir le remplir.

• Le patient doit contrôler son INR au minimum une fois par mois. Le pharmacien doit connaître la valeur du dernier INR du patient.

• Les AVK doivent être pris le soir (à l’exception de l’acénocoumarol qui peut être pris matin et soir).

Dans quels cas faut-il contacter le médecin ?

• Tout signe hémorragique : épistaxis, saignements gingivaux, hémorragie externe visible, hématome sous cutané important…

• Une hémoptysie ou hématémèse doit faire consulter un service d’urgence.

• Oubli de prise de plus de 8 heures ou prise double.

• Lors de tout INR hors fourchette thérapeutique, même en l’absence de signe hémorragique évident.

• Attention aux INR inférieurs à la fourchette thérapeutique : risque de thrombose !

Interactions médicamenteuses

• S’assurer de l’absence d’interaction contre-indiquée : acide acétylsalicylique à dose anti-inflammatoire, miconazole, millepertuis.

• De très nombreux autres médicaments nécessitent une précaution d’emploi lors de leur association aux AVK. Il faut être vigilant. La fréquence de la surveillance de l’INR doit être plus rapprochée lors de l’introduction et de l’arrêt d’un nouveau médicament.

Contre-indications

• Les AVK sont contre-indiqués en cas de grossesse (sauf cas très exceptionnels qui nécessitent toujours une confirmation médicale).

• La fluindione ne doit pas être délivrée à une patiente qui allaite.

Particularités

• En cas d’intervention chirurgicale programmée (sauf certains actes de dentisterie, fibroscopie…), l’AVK doit être arrêté par le médecin 5 jours auparavant et remplacé par une héparine en fonction du risque thrombotique du patient.

Pradaxa (dabigatran)

• La ciclosporine, l’itraconazole, le kétoconazole et le tacrolimus sont contre-indiqués.

• Il faut rappeler au patient de ne jamais ouvrir les gélules.

Xarelto (rivaroxaban)

• Les inhibiteurs du CYP3A4 et de la glycoprotéine P sont suscesptibles d’augmenter les concentrations de rivaroxaban. En cas d’association avec le kétoconazole, le ritonavir ou la clarithromycine, par exemple, il est préférable de contacter le prescripteur pour envisager une solution.

Pradaxa et Xarelto

• Respecter les conditions d’utilisation pour les patients de plus de 85 ans, ayant une fonction rénale altérée ou de poids < 40 kg.

• Prudence : les posologies sont différentes selon les indications.

• On ne dispose d’aucun antidote.? Tout signe hémorragique, même léger, doit amener à consulter un médecin en urgence.

À RETENIR

Chez les patients sous AVK, aucun événement hémorragique ne doit être banalisé, même si l’INR est normal.

À RETENIR

Chez les patients sous AVK, une fatigue soudaine associée à une pâleur importante peut signer une hémorragie interne.

À RETENIR

L’apparition de lésions cutanées atypiques en début de traitement chez un patient sous AVK doit amener à consulter un médecin en urgence.

Relais héparine/AVK

• Lors d’un événement thromboembolique ponctuel, le traitement initial repose généralement sur l’usage d’une héparine, dont l’action est immédiate. Lorsque aucune contre-indication n’existe et que le diagnostic est confirmé, un relais par un AVK est proposé systématiquement, permettant de se passer de la voie parentérale qui n’est généralement pas adaptée à un traitement long.

• L’Afssaps préconise une introduction de l’AVK entre le premier et le deuxième jour de traitement par héparine.

• L’AVK ayant un délai d’action de 2 à 3 jours, l’héparine est continuée pendant au minimum 5 jours et ne sera arrêtée que lorsque deux INR consécutifs seront supérieurs à 2 à 24 h d’intervalle, ce qui signe une efficacité anticoagulante suffisante de l’AVK. Le relais le plus court possible est recommandé car l’association AVK/HBPM provoque un cumul des effets indésirables hémorragiques.

• Le premier contrôle de l’INR a lieu 48 heures après le début du traitement par AVK. Si le patient est hypersensible, l’INR sera dans la zone cible et la dose devra être diminuée. Les contrôles suivants ont lieu toutes les 24 ou 48 h jusqu’à ce que l’on obtienne un INR supérieur à 2. Ils seront ensuite espacés jusqu’à un contrôle par mois au minimum en traitement chronique.

À RETENIR

Une chute de tension chez un patient traité par anticoagulant doit interpeller car elle peut être le signe d’un saignement interne.

À RETENIR

Les gélules de Pradaxa ne doivent pas être ouvertes car cela augmente fortement son absorption et donc ses effets.

À RETENIR

L’association du miconazole à un AVK peut entraîner une accumulation de l’AVK. Il en découle un risque hémorragique.

L’association est contre-indiquée.

Autocontrôle de l’INR

• L’INR est un résultat biologique qui explore la voie extrinsèque de la coagulation. Cette mesure permet aux patients d’avoir un résultat relativement constant quel que soit le laboratoire. En cela, l’INR est plus facile à interpréter que le TP (qui ne doit plus être utilisé). La surveillance régulière de l’INR est une composante primordiale de l’efficacité et de la sécurité d’emploi d’un traitement par AVK. Dans cette optique, une mesure doit être réalisée au minimum tous les mois. L’INR d’un patient sans AVK est de 1 et augmente avec l’effet anticoagulant. Les HBPM n’ont que peu d’incidence sur ce paramètre, ce qui permet de l’utiliser pour vérifier l’efficacité du traitement par AVK.

• En France, ce dosage est généralement réalisé au sein d’un laboratoire d’analyse lors d’une prise de sang. Il existe néanmoins des dispositifs médicaux d’autocontrôle à domicile sur sang capillaire, très peu utilisés en France. Deux de ces appareils sont toutefois commercialisés : Coaguchek XS et INRatio, à des prix d’environ 1 000 €. Ils sont remboursables par la Sécurité sociale chez les patients de moins de 18 ans nécessitant un traitement au long cours par AVK. Ces dispositifs d’autocontrôle se sont montrés aussi sûrs que les mesures habituelles en laboratoire et semblent donner de meilleurs résultats : moins d’INR hors zone thérapeutique, moins d’effets indésirables, moins de décès… Ils nécessitent cependant une éducation du patient.

• En France, la HAS s’oppose pour l’instant au remboursement de ces dispositifs chez les adultes en raison d’un manque de formation des professionnels de santé à l’éducation thérapeutique des patients. De plus, la répartition territoriale des laboratoires d’analyses médicales est suffisamment bonne pour assurer un suivi via ces structures.

À RETENIR

L’initiation de tout traitement antibiotique à large spectre est susceptible d’augmenter l’effet anticoagulant des AVK.

À RETENIR

L’association d’un AVK et d’un AINS par voie orale est déconseillée car elle majore le risque hémorragique.

À RETENIR

Tous les laxatifs, et la paraffine en particulier, sont susceptibles de déséquilibrer un traitement anticoagulant par AVK.

Grille d’aide à la délivrance des AVK

La délivrance en toute sécurité d’un AVK nécessite de suivre un protocole précis pour minimiser le risque iatrogène. Une grille d’aide à la délivrance accompagnée d’explications sur son utilisation vous est proposée dans une version pdf à imprimer ou à remplir directement en ligne sur www.wk-pharma.fr. En la remplissant systématiquement à chaque délivrance, vous vous assurez de détecter les principales situations qui nécessiteraient de contacter le médecin. Cette grille comprend trois parties :

– les renseignements concernant le patient ;

– les renseignements concernant le traitement ;

– la détection des situations à risque : mauvais contrôle de l’INR, relais héparine/AVK, signes d’appel d’un surdosage, interaction médicamenteuse.

À RETENIR

Les inducteurs enzymatiques forts comme le millepertuis peuvent diminuer l’efficacité des AVK et augmenter le risque thrombogène.

À RETENIR

La voie intramusculaire est déconseillée chez les patients sous AVK. Il faut lui préférer une autre voie d’administration lorsque cela est possible.

À RETENIR

La fluindione est la seule AVK contre-indiquée durant l’allaitement.

Les antivitamines K au cours de la grossesse et de l’allaitement

Grossesse

Tous les antivitamines K sont tératogènes (en particulier malformations cardiaques et de l’oreille interne), responsables d’hémorragies du fœtus et augmentent le risque de fausse couche. L’alternative habituellement utilisée est une héparine de bas poids moléculaire (à dose curative 2 fois par jour) ou une héparine non fractionnée.

Allaitement

L’acénocoumarol (Sintrom) et la warfarine (Coumadine) peuvent être utilisés durant l’allaitement sans problème particulier. La prescription d’une supplémentation en vitamine K au nourisson est indispensable.

Fluindione (Préviscan) passe probablement dans le lait maternel. Quelques événements hémorragiques ont été rapportés chez des enfants allaités par un antivitamine K de la même famille et la fluindione est donc contre-indiquée par prudence.

À RETENIR

Dans quelques cas de consommation inhabituelle, les aliments peuvent entraîner une diminution de l’efficacité des AVK, notamment avec l’acénocoumarol (demi-vie courte).

Les aliments riches en vitamine K

100 à 1 000µg/100 g :

Brocoli, chou vert, laitue, cresson, persil, huile de colza et de soja, épinard, choux de Bruxelles, asperges. Attention, les aliments fermentés tels que la choucroute (chou fermenté), le nato (soja fermenté) ou le fromage frais fermenté (selon la souche de bactéries) sont très riches en vitamine K.

10 à 100 µg/100 g :

Haricot vert, fève, chou rouge, chou-fleur, concombre, reine-claude, poireau, margarine, huile d’olive, pois.

1 à 10 µg/100 g :

Crème, beurre, fromage, orge, avoine, pain complet, son de blé, bœuf haché, foie de génisse et d’agneau, pomme, aubergine, myrtille, carotte, céleri, huile de maïs, courgette, datte, figue, raisin, huile de palme, pêche, prune, rhubarbe, fraise, tomate, huile de tournesol.

Sources : AFSSA, « Aliments riches en vitamines K », tableau des aliments pouvant perturber l’action des anticoagulants s’ils sont consommés occasionnellement ; CIiqual. Liste non-exhaustive.

À RETENIR

Lors d’une intervention chirurgicale nécessitant l’arrêt d’un AVK un délai de 5 jours de carence est recommandé.

À RETENIR

En cas d’oubli de prise d’un AVK de plus de 8 h, il ne faut en aucun cas rattraper la prise oubliée.

Coordonnées utiles

• centre de référence et d’education des antithrombotiques d’ile de France, joignable 24h/24h au 01 42 81 12 13 ou à creatif.lrb@lrb.aphp.fr

• site internet d’information pour les patients : www.avkcontrol.com

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