LE SEVRAGE TABAGIQUE - Le Moniteur des Pharmacies n° 2899 du 01/10/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2899 du 01/10/2011
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

Du Champix pour un patient hypertendu

RECEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

M. Raoul S., 45 ans.

Par quel médecin ?

Le médecin généraliste traitant de M. S.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui, il n’y a pas de médicament à délivrance particulière.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

• M. S. est un patient bien connu de la pharmacie. Il est traité depuis 3 ans pour une hypertension artérielle par Fozitec (fosinopril) 10 mg/j. Ce traitement IEC a permis de stabiliser sa tension artérielle aux alentours de 135/85 mmHg.

• M. S. fume un paquet par jour depuis 25 ans. Durant ces 3 dernières années, il a tenté plusieurs fois de se sevrer à l’aide de substituts nicotiniques mais a rechuté à chaque fois. Il y a une semaine, son beau-père, gros fumeur, a fait un infarctus, ce qui semble avoir renforcé sa motivation. Sa femme, non fumeuse, l’encourage également dans cette entreprise.

Quel était le motif de la consultation ?

M. S. a consulté son médecin traitant pour avoir une aide au sevrage tabagique.

Que lui a dit le médecin ?

• Le médecin a insisté sur l’importance du sevrage tabagique pour réduire le risque cardiovasculaire chez ce patient hypertendu. Il a mesuré son souffle et lui a fait passer un test pour évaluer sa dépendance au tabac. « Le questionnaire a conclu a une forte dépendance », rapporte M. S. au pharmacien.

• Etant donné les échecs des sevrages précédents, le médecin a proposé à M. S. d’utiliser Champix, en l’avertissant des éventuelles difficultés liées à l’arrêt du tabac mais aussi des possibles effets indésirables Champix. Il a chargé Mme S., qui était présente lors de la consultation, de lui signaler tout signe anxiodépressif.

• Le médecin a également insisté sur l’importance du bon respect des posologies et du calendrier des consultations.

• Il a aussi conseillé un soutien psychologique.

• Par ailleurs, il a contrôlé la tension artérielle de M. S., qui est toujours bien équilibrée sous Fozitec.

Vérification de l’historique du patient

Hormis Fozitec, M. S. n’a pas d’autres traitements chroniques délivrés à la pharmacie.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

Un traitement médicamenteux d’aide au sevrage tabagique : Champix (varénicline). Il est prescrit après échec des traitements substitutifs nicotiniques. Il permet un soulagement des symptômes de besoin impérieux et de manque, et une réduction des effets de récompense du tabagisme.

Est-elle conforme aux référentiels ?

Oui. La prise en charge de ce patient fortement dépendant (7 au test de Fagerström) est conforme aux recommandations. Champix est prescrit en deuxième intention et est associé à une approche globale d’aide au maintien de la motivation et à l’arrêt du tabac. Un accompagnement psychologique et une TTC (thérapie cognitivocomportementale) contribuent au succès thérapeutique, et sont généralement nécessaires pendant au moins 9 mois.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non. Champix étant prescrit pour la première fois à M. S., ce dernier n’a donc pas d’antécédent d’hypersensibilité à la varénicline. Par ailleurs, il n’a pas de codépendance (alcool, cannabis, médicaments…) et ne souffre pas de pathologies psychiatriques (qui justifieraient une utilisation prudente Champix).

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Les posologies sont conformes à l’AMM pour un patient normorénal et respectent l’instauration progressive des doses : 0,5 mg/j pendant 3 jours, puis 1 mg/j pendant 4 jours, puis 2 mg/j. Il existe 3 présentations de Champix : des flacons de comprimés dosés à 0,5 mg, des étuis de comprimés à 1 mg et des boîtes contenant 11 comprimés à 0,5 mg et 14 comprimés à 1 mg. Cette dernière présentation est adaptée aux initiations de traitement, comme c’est le cas pour M. S.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

Non, il n’y a pas d’interactions entre Champix et le traitement antihypertenseur de M. S.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui. Elle est surtout d’ordre clinique, pour évaluer l’efficacité et la tolérance (anticipation des difficultés que le patient peut rencontrer lors du sevrage, recherche d’effets indésirables).

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Utilisation de Champix

• Les comprimés doivent être avalés entiers avec de l’eau, au cours ou en dehors des repas. Toutefois, la prise au cours d’un repas limite l’apparition de nausées.

• La boîte contient deux dosages différents : il convient de bien réexpliquer à M. S. le schéma posologique et de lui indiquer qu’il doit commencer le traitement par les comprimés blancs (dosés à 0,5 mg) ; il passera aux comprimés bleus (dosés à 1 mg) quand la série de blancs sera terminée.

Quand commencer le traitement ?

Selon les RCP, l’administration de Champix doit débuter 1 à 2 semaines avant la date fixée par le patient pour arrêter de fumer (réponse 2). Interrogé par le pharmacien, M. S. déclare avoir fixé avec son médecin la date pour stopper la cigarette au 14 octobre prochain, date de l’anniversaire de sa femme. Il ira en consultation ce jour-là. Le traitement sera réévalué en fonction de sa tolérance et reconduit.

La durée totale d’un traitement par Champix est de 12 semaines.

Que faire en cas d’oubli ?

En cas d’oubli, il est préférable de sauter la prise et de continuer le traitement sans doubler la dose de la prise suivante.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité Champix ?

Le patient pourra juger de l’efficacité en observant une baisse de l’envie de fumer.

L’efficacité du traitement sera évaluée par l’abstinence totale à long terme.

Si M. S. réussit à arrêter de fumer, pour éviter la rechute, une cure supplémentaire de 12 semaines peut être envisagée.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• L’effet indésirable le plus fréquemment rapporté est la survenue de nausées (28,6 % des cas, majoritairement en début de traitement après l’augmentation de la posologie, et important facteur d’abandon du traitement). Sont également rapportés de très fréquentes céphalées, des rêves anormaux et une insomnie, de fréquentes sensations vertigineuses et une somnolence qui peuvent influencer l’aptitude à la conduite automobile. Quoique plus rares, des troubles de l’humeur avec des pensées anormales et des idées suicidaires peuvent également survenir sous varénicline, mais ils peuvent être également liés à un manque de nicotine. (réponses 1, 2 et 3).

• En effet, à ces effets indésirables propres à la varénicline il faut ajouter ceux liés au sevrage : nervosité, irritabilité, anxiété, difficulté de concentration, troubles de l’humeur, prise de poids, constipation…

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• Rassurer le patient : Champix est généralement bien toléré, les effets indésirables les plus fréquents sont transitoires.

• Conseiller la prise au milieu ou à la fin du repas pour diminuer l’intolérance digestive ; la prise d’antinauséeux n’est pas nécessaire.

• La constipation est fréquente en cours de sevrage car la nicotine augmente le péristaltisme intestinal. Conseiller un apport hydrique suffisant (1,5 l/jour) et une alimentation riche en fibres.

• Conseiller du paracétamol en cas de survenue de céphalées.

• La pratique d’un sport permet de prévenir la nervosité et l’anxiété. Du magnésium peut aider à diminuer l’excitabilité neuronale (et est aussi utile pour lutter contre la constipation).

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Le médecin sera contacté si, en dépit des conseils prodigués, le traitement est mal toléré et les effets indésirables sont gênants pour le patient.

• Il sera aussi contacté en cas de signes d’hypersensibilité (possible survenue d’érythème généralisé et d’œdème de Quincke).

• La survenue de troubles du comportement (humeur dépressive, agitation) nécessite d’interrompre immédiatement le traitement.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Avoir un discours positif : féliciter M. S. pour sa décision et l’encourager pour renforcer sa motivation.

• Une fiche d’aide à l’arrêt du tabac téléchargeable sur le site du Cespharm permet d’assurer à l’officine le suivi du patient.

• Remettre au patient des adresses de site d’aide au sevrage.

• Conseiller de se défaire de tout ce qui rappelle le tabac (cendrier, briquet, allumettes…), supprimer les odeurs de tabac dans les vêtements…

• Quand l’envie de fumer arrive : inspirer profondément, boire de l’eau, s’occuper les mains, en parler avec son entourage…

• Prévenir la prise de poids : faire de l’exercice physique, ne pas sauter de repas et éviter le grignotage, prendre au contraire des repas équilibrés et à heures fixes, éviter charcuteries, viennoiseries, fromages, sucreries, sodas et alcool, favoriser la consommation de fruits et de légumes.

• Un arrêt progressif de Champix pourra être envisagé à la fin du traitement.

• Surveiller régulièrement la tension artérielle.

• Eviter l’automédication.

DIX JOURS PLUS TARD

Mme S. revient à la pharmacie. Très préoccupée, elle signale que son époux souffre d’importantes nausées et de maux de tête depuis qu’il est passé à 2 mg de varénicline par jour :

– Cela ne va plus du tout, en plus il dort très mal et fait beaucoup de cauchemars, ce qui le fatigue. Et puis, une collègue de travail m’a dit que Champix était sur la liste des médicaments surveillés, je suis vraiment inquiète, surtout après l’affaire du Mediator !

Le pharmacien décide de contacter le médecin :

– Bonjour, je suis le pharmacien de M.S. Il a débuté son sevrage par Champix il y a 10 jours et, aujourd’hui, sa femme me signale qu’il ne va pas bien : malgré une prise au cours du repas, il a des nausées et souffre de céphalées et d’insomnie. Elle est très inquiète.

– Merci de me tenir au courant. Rassurez Mme S.: il faut bien lui expliquer que le risque d’effets graves est potentiel et non systématique et que son époux est bien suivi avec un planning de consultations régulières. Pour diminuer les effets secondaires, il faut que M. S. repasse aux comprimés à 0,5 mg 2 fois par jour. Dites à sa femme que je l’attends aujourd’hui à mon cabinet.

PATHOLOGIE

Le tabagisme en 4 questions

Le tabagisme est une maladie addictive qui augmente le risque de mortalité et expose à de nombreuses pathologies respiratoires, cardiovasculaires et néoplasiques.

1 COMMENT S’EXPLIQUE LA DÉPENDANCE ?

• La principale substance active du tabac est la nicotine. Celle-ci passe facilement la barrière hématoencéphalique : les bolus de nicotine pénètrent le SNC moins de 10 secondes après l’inhalation et se fixent sur les récepteurs cholinergiques nicotiniques alpha-4-bêta-2. L’occupation de ces récepteurs déclenche une série de réactions aboutissant à la libération de dopamine dans le noyau accumbens.

• La fumée de tabac contient également des substances inhibant la monoamine-oxydase, ce qui bloque la dégradation de la dopamine.

• Ainsi le tabac augmente les concentrations de dopamine au niveau cérébral. Ce neuromédiateur a la propriété d’activer le « circuit de la récompense », déclenchant une sensation de plaisir. L’insuffisance en dopamine induit une sensation de besoin qui pousse à consommer, ce qui fait du tabagisme une conduite addictive.

• Certains effets ressentis comme positifs par le fumeur (sensation de plaisir et de détente, atténuation d’une éventuelle anxiété, stimulation intellectuelle et amélioration de la capacité de concentration, réduction de l’appétit) sont à l’origine de la dépendance psychologique.

• La dépendance physique se traduit par un syndrome de sevrage lorsque le taux de nicotine dans l’organisme s’abaisse en deçà d’un certain seuil. Le sujet ressent alors une forte envie de fumer et l’on peut observer une irritabilité ou une agressivité, des troubles du sommeil, des tremblements, une humeur dépressive, une constipation, des troubles de la concentration, des sueurs.

• Plusieurs facteurs influencent la dépendance : profil psychologique, facteurs sociaux et environnementaux, facteurs génétiques, âge (les 12-17 ans étant plus réceptifs à l’installation de la dépendance).

2 QUELS SONT LES EFFETS SUR LA SANTÉ ?

De nombreuses pathologies sont à mettre au compte du tabagisme, même passif.

Les cancers

Le tabac constitue la principale cause de décès liés au cancer dans le monde et en France.

• Le cancer du poumon est lié au tabac dans 90 % des cas. La durée de l’intoxication et la consommation cumulée conjuguent leurs effets, et il n’y a pas de seuil en dessous duquel le tabac ne soit pas cancérogène. Longtemps exceptionnels chez les femmes, les cancers bronchiques ont quadruplé ces dernières années chez les jeunes femmes alors qu’ils diminuent chez les hommes (régression du tabagisme masculin).

• Les cancers du larynx, du pharynx et de la bouche sont également en lien direct avec la fumée de tabac, ainsi que des cancers de l’œsophage, surtout si le sujet cumule tabac et alcool.

• Certains cancers concernent des organes non directement exposés à la fumée de tabac : le rein et la vessie (celle-ci stockant les substances cancérogènes entre deux mictions).

• On observe aussi des cancers du pancréas, de l’estomac, du foie, du côlon, du col utérin, du sein, ainsi que des cas de leucémie myéloïde chronique.

Les maladies cardiovasculaires

• Les fumeurs ont un risque plus que doublé d’infarctus du myocarde, surtout avant 45 ans.

• Le tabagisme augmente également le risque d’AVC, d’anévrysme de l’aorte et d’artérite des membres inférieurs.

• A noter également le risque de dysfonction érectile.

Les maladies respiratoires

En dehors du cancer bronchique, la BPCO est la principale pathologie respiratoire liée au tabac. La fumée du tabac peut aussi aggraver un asthme préexistant et favoriser les infections pulmonaires.

Effets du tabac sur la grossesse

Le tabac diminue la fertilité chez la femme, augmente le risque de grossesse extra-utérine, d’anomalies de l’insertion placentaire, de fausses couches. La croissance du fœtus est ralentie, le poids de naissance de l’enfant est diminué et le risque de mort subite du nourrisson est augmenté.

Effets du tabagisme passif en pédiatrie

• Les infections respiratoires, les otites et l’asthme sont plus fréquents.

• En outre, selon l’étude américaine NHANES (2011), le tabagisme passif pourrait augmenter le risque de dépression, d’anxiété généralisée et de troubles déficitaires de l’attention chez les enfants exposés.

3 EN QUOI CONSISTE LE BILAN TABAGIQUE ?

• Le bilan tabagique repose sur l’estimation de l’ancienneté de la consommation journalière, exprimée en paquets-année : 40 paquets-année correspondent à 1 paquet/j pendant 40 ans ou 2 paquets/j pendant 20 ans.

• La dépendance au tabac est évaluée par le test de Fagerström, basé sur 6 questions : combien de temps après le réveil la première cigarette est-elle fumée ? Est-il difficile de s’abstenir dans les endroits où fumer est interdit ? A quelle cigarette est-il le plus difficile de renoncer ? Combien de cigarettes sont fumées par jour ? La consommation est-elle plus importante le matin que l’après-midi ? Le patient fume-t-il lorsqu’il est malade et alité ?

• L’interrogatoire évalue aussi la motivation du patient et recherche la présence de troubles psychiatriques associés ainsi que la consommation d’autres substances addictives.

• L’examen clinique recherche la présence d’une ou plusieurs pathologies liées au tabac. Les mesures de la pression artérielle et du débit expiratoire de pointe doivent être systématiques.

• Le dosage urinaire et plasmatique de la cotinine (principal métabolite de la nicotine) reflétant les apports de nicotine des 2-3 jours précédents permet de vérifier l’abstinence du sujet.

• La mesure du monoxyde de carbone dans l’air expiré n’est pas obligatoire, mais elle est simple et très explicite pour les patients et peut être utilisée pour motiver le patient car sa valeur se normalise après un jour d’abstinence.

4 QUELS SONT LES BÉNÉFICES À L’ARRET DU TABAC ?

Il y a toujours un bénéfice à cesser de fumer, d’autant plus important que l’arrêt est précoce – et même après l’apparition de pathologie(s) liée(s) au tabac. Un bénéfice est enregistré dans toutes les pathologies aggravées par le tabagisme.

• Au plan cardiovasculaire, les phénomènes de spasmes et de thrombose disparaissent complètement et rapidement. Le surrisque risque disparaît presque totalement en deux à trois ans, même si l’arrêt de l’intoxication tabagique ne fait pas régresser la taille des plaques d’athérome déjà constituées.

• Le surrisque de cancer diminue presque de moitié 5 ans après la dernière cigarette.

Mais il faut compter 10 à 15 ans pour que l’espérance de vie reprenne une courbe parallèle à celle des personnes n’ayant jamais fumé.

• La vitesse de déclin de la fonction respiratoire à l’arrêt redevient comparable à celle du non-fumeur, et seule persiste la composante physiologique du déclin avec l’âge, même si l’amputation respiratoire constituée reste en grande partie irréversible.

• Les sensations gustatives et olfactives et le teint de la peau s’améliorent.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la dépendance au tabac ?

Les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans le sevrage tabagique, tant en matière de sensibilisation et de suivi des fumeurs que de préventions des rechutes.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Objectif thérapeutique

L’objectif du sevrage tabagique est l’abstinence totale et à long terme, pour réduire la morbidité et la surmortalité liées au tabac, et ce, en anticipant les difficultés liées au sevrage, causes de rechutes. Actuellement, il est admis que l’on peut proposer soit un sevrage total immédiat, soit un sevrage progressif comme étape vers un sevrage total chez les fumeurs ne se sentant pas tout à fait prêts à un arrêt immédiat, sans différence dans les résultats à long terme.

Les différentes étapes du sevrage

L’aide à l’arrêt du tabac comprend plusieurs étapes :

• une première étape de préparation, au cours de laquelle le patient va prendre la décision de l’arrêt. Il convient de renforcer la motivation de ce dernier, car c’est une condition indispensable à la bonne réussite du sevrage. Le conseil minimal, qui consiste pour un professionnel de santé à indiquer à un fumeur qu’il est bénéfique de s’arrêter de fumer, augmente de façon significative le nombre de fumeurs qui s’arrêtent pour une durée d’au moins 6 mois ;

• une deuxième étape de sevrage à proprement parler, qui nécessite au préalable une évaluation du profil du patient : motivation, présence d’éventuelles comorbidités pouvant compliquer le sevrage, recherche de troubles psychiatriques et d’addictions, et quantification du degré de dépendance tabagique à l’aide du test de Fagerström ;

• La dernière étape consiste à accompagner le patient pour prévenir les rechutes.

Recommandations de l’Afssaps

• Les thérapies cognitivocomportementales (TCC) peuvent être conseillées en première intention à tous les patients ayant décidé d’arrêter de fumer, ou peuvent être complémentaires à une prise en charge médicamenteuse.

• Certains fumeurs seront directement orientés vers une consultation médicale spécialisée : forte dépendance, dépression ou antécédents de maladie dépressive, autre dépendance associée, femmes enceintes ou allaitantes ne pouvant pas s’arrêter de fumer seules ou encore adolescents (certains substituts nécessitant un avis médical chez les moins de 18 ans). Dans les cas de forte ou très forte dépendance, les différents moyens médicamenteux pourront être utilisés : substituts nicotiniques en priorité, varénicline ou bupropion en 2e intention (excepté en cas de grossesse, allaitement ou troubles psychiatriques).

• Pour les cas moins difficiles (test de Fagerström ≤ 6), un sevrage à l’officine pourra être envisagé avec des substituts nicotiniques. Les choix de la stratégie (arrêt total immédiat ou sevrage progressif) et de la forme galénique seront discutés avec le patient. Puis les modalités pratiques (mode d’emploi, posologie, durée de traitement) et des conseils d’accompagnement lui seront exposés. Le fumeur devra être revu au cours de la première semaine pour vérifier la bonne adaptation posologique, puis toutes les 2 à 3 semaines afin d’adapter le traitement et de prévenir son abandon et les rechutes. A l’officine, il est intéressant de pouvoir consigner l’évolution du sevrage du patient sur un document (type fiche de suivi Cespharm).

Profils particuliers

Bien que la substitution nicotinique ne présente aucune contre-indication, il est préférable d’orienter certains fumeurs vers une consultation spécialisée pour optimiser les chances de réussite du sevrage tabagique.

Femmes enceintes

L’objectif est l’arrêt le plus tôt possible au cours de la grossesse. Toutefois, un arrêt est bénéfique quel que soit le stade de la grossesse. La TCC ou un soutien psychologique sont proposés en première intention ; en cas d’échec, un traitement par substituts nicotiniques peut être proposé. En cas de substitution par patch, préférer un patch 16 h pour éviter une accumulation de nicotine dans le liquide amniotique.

L’innocuité du bupropion au cours de la grossesse n’est pas établie et la varénicline est toxique sur la reproduction chez l’animal ; de ce fait, ces médicaments ne doivent pas être utilisés pendant la grossesse.

Femmes allaitantes

TCC en première intention et éventuellement subsituts nicotiniques en cas d’échec : préférer les formes orales (les patchs étant déconseillés du fait de la constance des concentrations plasmatiques en nicotine) juste après une tétée et au moins 2 heures avant la suivante. Le bupropion est déconseillé (passage dans le lait maternel) ainsi que la varénicline (donnée inconnue).

Lorsque la dépendance tabagique est sévère, il est préférable d’envisager un allaitement artificiel en raison de l’important passage de la nicotine dans le lait maternel.

Patients souffrant de troubles psychiatriques

N’envisager le sevrage que lorsque l’état neuropsychique est stabilisé. Le bupropion et la varénicline ne sont pas recommandés.

TRAITEMENTS

Les substituts nicotiniques restent la référence et sont utilisables dans le cadre d’un sevrage à l’officine ; la varénicline et le bupropion sont des traitements de deuxième intention et font l’objet d’un suivi de pharmacovigilance (respectivement renforcé et simple) par l’Afssaps (2011). Parmi les thérapies non médicamenteuses, peu ont une efficacité démontrée. En revanche, la TCC permet de multiplier par deux le taux d’abstinence à 6 mois.

La substitution nicotinique

Principe

• Le traitement substitutif est le traitement pharmacologique le mieux évalué et doit être privilégié. Il consiste en un apport de nicotine sous différentes formes galéniques pour remplacer la nicotine inhalée par le fumeur et éviter l’état de manque. Le risque de transfert de dépendance de la cigarette au traitement de substitution est très mince car il ne provoque pas d’effet de «  shoot ».

• La substitution nicotinique est indiquée en vue d’un arrêt total, d’une réduction du tabagisme ou d’une abstinence temporaire (lieux publics ou de travail, avion…).

Posologie

Les doses sont adaptées selon la dépendance et le nombre de cigarettes consommées par jour, puis réajustées si nécessaire en cas de signes de sous-dosage ou de surdosage. Les taux de succès sont améliorés si les substituts nicotiniques apportent une quantité de nicotine proche de celle consommée avec les cigarettes. En général, 1 cigarette équivaut à 1 mg de nicotine de substitution. La durée d’administration varie selon les patients de 6 semaines à 6 mois.

Surveillance du traitement

A l’officine, les sous-dosages sont responsables de nombreux échecs du sevrage tabagique. Le choix du dosage initial est important avec un suivi rapproché du patient (dès les premiers jours et au plus tard après une semaine) pour adapter la posologie : en cas de persistance du besoin de fumer, il est possible d’associer deux substituts (patchs + formes orales 1,5 ou 2 mg ou inhaleur). Ensuite, un suivi régulier (tous les 15 jours ou 3 semaines) est conseillé.

Effets indésirables

• Sous-dosage

Il se manifeste par la persistance de l’envie de fumer, une irritabilité, nervosité, ou des difficultés de concentration.

• Surdosage

Bien que rare, il se manifeste par des palpitations, vertiges, céphalées, troubles digestifs (bouche pâteuse, nausées, diarrhées), insomnie sévère et cauchemars. Il justifie une diminution de la posologie. Garder en mémoire que la nicotine est très toxique en prise massive : la dose létale chez l’adulte se situe entre 40 et 60 mg per os. Informer les fumeurs de ne pas laisser les substituts nicotiniques même usagés à portée des enfants.

Choix de la forme galénique

A posologie égale, les différentes formes galéniques ont une efficacité comparable. Le choix dépendra donc du patient : le patch est facile à utiliser et discret, les formes orales permettent une adaptation aux besoins du patient, l’inhaleur conserve le geste du fumeur.

Les patchs nicotiniques

• Ils ont une AMM à partir de 15 ans.

• Ils délivrent un taux régulier de nicotine, avec un plateau atteint 1 heure après l’application.

• Ils se posent le matin au réveil sur une peau sèche, saine et glabre. Oter le patch au coucher (patchs 16 h) ou le lendemain matin (patchs 24 h, conseillés aux fumeurs susceptibles d’être réveillés la nuit par l’envie de fumer). Varier les sites d’application pour diminuer le risque de réaction cutanée. En cas d’allergie, il est possible de changer de spécialité.

• Le fumeur ne doit pas ressentir le besoin de fumer ni de symptômes de sevrage. La détermination du dosage adéquat peut nécessiter 1 à 2 semaines. Pour des dépendances fortes, l’utilisation de 2 patchs peut être nécessaire, allant parfois jusqu’à 40 mg/24 h ; de tels dosages ne sont réalisés que sur prescription médicale (Afssaps 2003).

• La durée de substitution est de 2 à 4 mois, avec une diminution de la posologie de un tiers toutes les 4 semaines.

Les substituts oraux

• L’absorption de la nicotine par la muqueuse buccale diminue avec le pH : aussi faut-il éviter l’ingestion de boissons acides avant l’administration des formes orales.

• Pour un sevrage total immédiat avec des formes orales, utiliser de 8 à 12 prises par jour au début (plus si forte dépendance) et très régulièrement au cours de la journée. Ne pas attendre que l’envie de fumer soit trop forte avant de réitérer la prise. Diminuer la posologie très progressivement pour arriver à 2 ou 3 prises par jour au bout de quelques mois. En principe, le traitement ne doit pas dépasser 6 mois, sauf en cas d’échec relatif, auquel cas il peut être poursuivi 12 mois.

• Pour un sevrage progressif, les formes orales sont utilisées soit en alternance avec une cigarette, soit à chaque envie de fumer pour une période donnée de la journée (le matin par exemple). L’objectif étant, dans un premier temps, de réduire de 50 % la consommation tabagique. Pour aller vers le sevrage total, augmenter le nombre de prises orales ou utiliser un patch.

• Gommes à mâcher

– Le dosage (2 ou 4 mg) représente la quantité de nicotine contenue dans la gomme. Mais du fait de la forme galénique matricielle, une partie de la nicotine contenue dans la gomme est retenue et le rendement de libération n’est que de 40 %. Les gommes de 2 mg sont conseillées pour les fumeurs faiblement ou moyennement dépendants ou en association aux patchs ; les gommes à 4 mg pour les dépendances plus fortes ou des fumeurs de pipe ou cigares.

– Il faut mâcher la gomme jusqu’à ce que le goût devienne fort, puis placer la gomme entre la gencive et la joue et mâcher de nouveau quand le goût s’atténue. Alterner mastications et pauses pendant 30 minutes. Ne pas avaler la salive trop rapidement sous peine d’avoir des hoquets ou des brûlures d’estomac et une perte d’efficacité suite au premier passage hépatique de la nicotine absorbée par voie orale et non sublinguale.

• Comprimés sublinguaux et pastilles à sucer

– Contrairement aux gommes, ces formes libèrent toute la nicotine qu’elles contiennent.

– Elles se délitent en 30 minutes et ne doivent être ni croquées ni avalées.

L’inhaleur

• C’est un fume-cigarette avec une cartouche poreuse imprégnée de 10 mg de nicotine. L’air aspiré se charge en nicotine qui sera absorbée par la muqueuse buccale.

• Il faut aspirer à travers l’embout buccal jusqu’à ne plus ressentir le picotement de la nicotine sur la muqueuse buccale. Une cartouche permet 200 à 300 aspirations 3 à 4 cartouches sont utilisées par jour en cas de dépendance moyenne. La durée d’utilisation recommandée est inférieure à 12 mois.

• L’inhaleur peut être utilisé en association avec les patchs.

• Une trop forte aspiration peut provoquer une toux.

La varénicline (Champix)

Indication

La varénicline a une efficacité comparable à celle des substituts nicotiniques, mais avec des effets indésirables potentiellement sévères.

Elle est donc indiquée, sur prescription, dans le sevrage tabagique chez l’adulte, en 2e intention, après échec des substituts.

Mode d’action

C’est un antagoniste-agoniste partiel des récepteurs nicotiniques alpha-4-bêta-2. La varénicline, par son action agoniste, contribue à diminuer l’envie de fumer et la survenue de symptômes de sevrage. Par son action antagoniste, elle diminue l’effet de la nicotine inhalée.

Posologie

Il faut programmer l’arrêt du tabac 1 à 2 semaines après le début du traitement et respecter l’instauration progressive des posologies : 0,5 mg/j pendant 3 jours, puis 1 mg/j pendant 4 jours, puis 2 mg/j. Le traitement doit être poursuivi pendant 12 semaines. Pour les patients à haut risque de rechute, un arrêt progressif peut être envisagé.

Effets indésirables

• Dans plus de 1 cas sur 10, la varénicline peut induire des nausées, une insomnie avec rêves anormaux, des céphalées, fréquemment des sensations vertigineuses et, plus rarement, des troubles psychiatriques (idées suicidaires) et du rythme cardiaque. Selon le RCP, une étude suggère que les vertiges et les troubles digestifs seraient majorés par l’association aux substituts nicotiniques transdermiques.

• En raison du risque suicidaire, la varénicline doit être interrompue en cas de survenue d’agitation, d’humeur dépressive et de troubles du comportement.

• Bien que la varénicline ait été impliquée dans 16 décès en 2 ans, par suicides ou accident cardiovasculaire, la HAS a noté un SMR important malgré un rapport efficacité/effets indésirables moyen.

Le bupropion (Zyban)

Indication

Le bupropion est également indiqué en 2e intention et doit faire l’objet d’une prescription.

Mécanisme d’action

Le bupropion augmente les concentrations endogènes en dopamine et noradrénaline par inhibition de leur recapture présynaptique.

Posologie

• Le traitement commence avant l’arrêt du tabac programmé au cours ou à la fin de la deuxième semaine : 1 cp à 150 mg le matin pendant 6 jours, puis 1 cp matin et soir ensuite. Respecter impérativement un intervalle de 8 h entre 2 prises et ne jamais prendre 2 cp à la fois.

• Chez le patient âgé, la posologie recommandée est de 150 mg/j.

• La durée de traitement est de 7 à 9 semaines.

Effets indésirables

L’effet indésirable du bupropion le plus redouté est un risque de convulsions (0,1 % des cas), et le plus fréquemment rencontré est l’insomnie. On note aussi fréquemment des troubles digestifs, une sécheresse buccale avec dysgueusies et des vertiges. Des cas peu fréquents d’HTA sévère sont également rapportés, surtout quand le bupropion est associé à un substitut nicotinique, justifiant dans ce cas une surveillance hebdomadaire de la tension.

Perspectives d’avenir

Nic Vax (association injectable de nicotine et d’une fraction virale inactivée, en demande d’une AMM européenne) stimule la formation d’anticorps neutralisant la nicotine et l’empêche d’atteindre ses sites cérébraux.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Isabelle, 37 ans, chef de projet

«  En environ quinze ans de tabagisme, j’avais déjà essayé plusieurs fois d’arrêter. Cette fois-ci, une pneumonie m’a contrainte à le faire. Durant les sevrages précédents, mon mari arrêtait avec moi mais, là, il n’était pas motivé. C’était très difficile au début : il m’a fallu résister à l’envie de reprendre la cigarette. Aujourd’hui, cela me pèse beaucoup moins. Et j’ai la chance d’avoir des enfants qui m’encouragent énormément. Pour mes six mois de sevrage, mon fils Noé m’a préparé une surprise : des scoubidous et un livre ! Cela m’a énormément touchée et ôté toute envie de me remettre à fumer ! Mes sevrages précédents m’ont appris que le sevrage est un combat de tous les jours qui ne doit jamais être considéré comme acquis. Mais, cette fois, je pense vraiment que c’est la bonne.»

LE SEVRAGE TABAGIQUE VU PAR LES PATIENTS

Si les patients ont de plus en plus conscience des méfaits du tabac, il n’en demeure pas moins que le pas est difficile à franchir pour tenter d’arrêter de fumer. Plusieurs tentatives sont souvent nécessaires pour parvenir à un sevrage définitif.

Impact immédiat sur la santé

• L’arrêt du tabac réduit l’essoufflement en quelques semaines et permet de retrouver une meilleure condition physique grâce à une récupération du souffle. Une toux peut toutefois s’observer au moment du sevrage : elle est transitoire et s’explique par la reprise de l’activité ciliaire au niveau des bronches et l’évacuation du mucus.

• La fréquence des surinfections bronchiques diminue rapidement.

Impact sur la vie quotidienne

• Le patient, à l’arrêt du tabac, a une meilleure haleine et n’est plus imprégné par l’odeur de tabac froid : ses vêtements, ses cheveux, les tissus dans l’habitation…

• Le goût et l’odorat, altérés par l’effet du tabac sur les terminaisons nerveuses gustatives, retrouvent généralement leurs qualités initiales en 48 heures.

• La peau, devenue terne à cause de la fumée de cigarette, retrouve un certain éclat.

• Le sevrage permet également de réaliser des économies importantes : le patient ayant arrêté de fumer peut mettre dans une tirelire l’équivalent de ce qu’il dépensait en tabac. Cela permet de prendre conscience du coût du tabac et de la liberté retrouvée grâce au sevrage.

Impact sur le poids

La crainte de la prise de poids est parfois un frein, sinon un obstacle au sevrage tabagique. Un fumeur peut en effet être en sous-poids : jusqu’à 2,8 kg pour un homme et 3,8 kg pour une femme. Ce sous-poids est dû à l’effet anorexigène du tabac et à l’augmentation du métabolisme basal (par libération de catécholamines mobilisant les stocks de graisse) chez le fumeur. Ainsi, une prise de poids de 2 à 4 kg peut s’observer à l’arrêt du tabac, mais n’est pas pour autant systématique (30 % des patients en sevrage ne prennent pas de poids). Une prise de poids supérieure, liée aux grignotages visant à compenser les envies de fumer, peut être prévenue par des conseils hygiénodiététiques appropriés.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos du sevrage tabagique

• Dispensation de médicaments à visée cardiovasculaire ou de pilule, achat d’un test de grossesse, intervention chirurgicale planifiée dont le patient fait part au pharmacien : à l’officine, les occasions sont multiples d’informer les patients sur les risques liés au tabac. Le conseil minimal consistant à indiquer que l’arrêt du tabac est bénéfique pour la santé augmente le nombre de fumeurs qui s’arrêtent pour une durée d’au moins six mois.

• L’arrêt du tabac est toujours nécessaire, même si le patient ne fume que quelques cigarettes par jour.

• Il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer, car l’arrêt est toujours bénéfique, même après l’apparition de pathologies liées au tabac.

• Il ne faut pas se décourager si ce n’est pas le premier essai : plusieurs tentatives sont souvent nécessaires pour parvenir à un sevrage définitif.

• La motivation est essentielle à la réussite du sevrage tabagique : les traitements ne sont qu’une aide au sevrage et permettent de limiter ou de supprimer le syndrome de manque.

• Un suivi du sevrage peut être mis en place à l’officine en demandant au patient de venir régulièrement à la pharmacie. Ces rencontres permettent au patient de confier les difficultés éprouvées. Elles sont également l’occasion d’encourager et de féliciter le patient, de lui rappeler les bénéfices du sevrage et de lui faire prendre conscience des bienfaits immédiats.

• Les fumeurs qui ne parviennent pas à s’arrêter seuls doivent être orientés vers un médecin, voire au besoin vers un tabacologue ou un centre spécialisé dans les addictions.

• Un soutien psychologique est indispensable, il augmente le taux de réussite du sevrage et diminue le risque de rechute.

• Certains traitements (théophylline, insuline…) peuvent nécessiter une adaptation posologique en cas de sevrage tabagique car leur métabolisme est influencé par le tabac.

A propos des traitements

Sous substituts nicotiniques

• Apprendre aux patients à reconnaître le syndrome de manque (besoin impérieux de fumer, nervosité, agitation ou agressivité, sommeil perturbé, humeur dépressive, troubles de la concentration et/ou sensation de faim) et les signes de surdosage en nicotine (diarrhées, nausées, sensation de bouche pâteuse, insomnie, céphalées, palpitations…). L’apparition de tels signes nécessite une modification de la posologie du traitement de substitution.

• Savoir expliquer aux patients que le but n’est pas de remplacer une dépendance par une autre : les substituts nicotiniques ne provoquent pas d’effet de «  shoot » car la nicotine qu’ils contiennent accède plus lentement au cerveau que la nicotine des cigarettes.

Sous bupropion et varénicline

• Rassurer les patients quant au fait que ces principes actifs figurent sur la liste des médicaments sous surveillance de l’Afssaps, et insister sur la bonne observance du traitement. En revanche, la survenue d’effets indésirables neuropsychiques comme des convulsions, des troubles de l’humeur ou du comportement et une insomnie doit conduire à une consultation médicale et à une réévaluation de la prescription.

• Préconiser la prudence lors de conduite ou chez les utilisateurs de machine en raison de la possibilité de survenue de sensations vertigineuses ou d’étourdissements.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. Interrogé, M. F. confie être fortement dépendant à la nicotine et fumer 20 cigarettes par jour. Le dosage des patchs est adapté à la dépendance de ce patient. Les formes orales à 2 mg peuvent être associées aux patchs. Dans ce cas, 5 à 6 gommes/jour sont généralement nécessaires. Le patient précise qu’il va retourner en consultation dans 7 jours. C’est donc une boîte de 7 patchs et deux boîtes de 30 gommes qui seront délivrées.

ORDONNANCE 2 : NON. Le bupropion doit être utilisé avec prudence chez un patient âgé, à une posologie réduite à 150 mg/j en une prise. Par ailleurs, il y a une interaction médicamenteuse à prendre en compte entre Ixprim et Zyban (risque d’augmentation des concentrations plasmatiques du tramadol et potentialisation du risque convulsif par addition d’effets indésirables).

MEMO-DÉLIVRANCE

SUBSTITUTS NICOTINIQUES

Le patient connaît-il les signes de sous-dosage ?

Irritabilité, nervosité, difficultés de concentration, envies de fumer.

Et de surdosage ?

Nausées, vomissements, diarrhées, céphalées, étourdissements, insomnie.

A-t-il compris les modalités d’administration ?

• Appliquer les patchs le matin sur une peau saine, propre, sèche et glabre. Les ôter au coucher (patch 16 h) ou le lendemain (24 h). Varier les sites.

• Les formes orales s’utilisent à la demande. Chez la femme allaitante, elles doivent être prises juste après une tétée et au moins 2 h avant la suivante.

• Gommes : mâcher doucement puis conserver 10 min contre la muqueuse jugale et reprendre lentement la mastication en alternant avec des pauses. A conserver en bouche 30 min.

• Comprimés à sucer et sublinguaux : ne pas croquer ni mâcher. Délitement complet en 30 min.

• Inhaleur : aspirer lentement. A utiliser dans les 12 h après ouverture.

• Ne pas laisser des substituts même usagés à la portée des enfants.

BUPROPION

Le patient a-t-il fixé une date pour arrêter de fumer ?

S’assurer que la date soit précisément fixée au cours de la deuxième semaine de traitement.

A-t-il compris le schéma posologique ?

150 mg/j pendant 6 jours, puis 300 mg en 2 prises espacées de 8 heures.

Quelles sont les principales contre-indications ?

Troubles convulsifs, sevrage alcoolique, sevrage de benzodiazépines, troubles bipolaires, anorexie ou boulimie.

Et les principaux effets indésirables ?

Insomnie, troubles digestifs, dysgueusies, vertiges (prudence au volant !).

Le patient sait-il quand contacter le médecin ?

En cas de convulsions.

VARÉNICLINE

Le patient a-t-il fixé une date pour arrêter de fumer ?

S’assurer qu’elle soit fixée : le traitement doit débuter 1 à 2 semaines avant l’arrêt du tabac.

A-t-il compris le schéma posologique ?

Respecter l’instauration progressive : 0,5 mg/j pendant 3 jours, 1 mg/j pendant 4 jours, puis 2 mg/j.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Nausées, insomnies, cauchemars, céphalées, vertiges (prudence au volant !).

Le patient sait-il quand contacter le médecin ?

En cas de troubles de l’humeur et/ou du comportement.

LE CAS : M. S., 45 ans, est un patient hypertendu qui fume depuis l’âge de 20 ans. Sur les conseils de son médecin généraliste et de son épouse, il a réduit sa consommation de tabac et a décidé d’arrêter totalement de fumer.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous :

ordonnance@wolters-kluwer.fr

Qu’en pensez-vous

Un traitement par Champix doit être débuté :

1) Le jour fixé par le patient pour arrêter de fumer

2) 1 à 2 semaines avant la date fixée par le patient pour arrêter de fumer

Qu’en pensez-vous

Outre des nausées, la prise de Champix peut induire ?:

1) Des vertiges en début de traitement

2) Des rêves anormaux

3) Des troubles anxiodépressifs pouvant nécessiter une prise en charge médicamenteuse

EN CHIFFRES

• 66 000 décès chaque année sont dus au tabac en France.

• La France compte 13,5 millions de fumeurs quotidiens, soit 27 % de la population adulte.

• La prévalence du tabagisme est plus élevée chez les hommes, mais elle augmente chez les femmes, surtout chez celles de 45 à 64 ans (22,5 % en 2010 contre 16 % en 2005).

• 24 % des femmes enceintes déclarent fumer quotidiennement.

• Le nombre moyen de cigarettes fumées par jour diminue (13,9 en 2010 contre 15,4 en 2005), en particulier chez les hommes.

CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE

Zone du cerveau constituée de différentes structures dont l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens (voir schéma p. 11).

Le tabagisme passif

• Une étude impute au tabagisme passif 603 000 décès annuels dans le monde, soit 1 % de la mortalité mondiale. Sur ces 603 000 décès, 379 000 sont en lien avec des cardiopathies ischémiques, 165 000 avec des infections respiratoires basses, 36 900 avec un asthme et 21 400 avec un cancer du poumon. 47 % de ces décès surviennent chez la femme, 28 % chez l’enfant et 26 % chez l’homme.

• Le tabagisme lié au conjoint augmente le risque de développer un cancer du poumon d’environ 20 % chez les femmes et 30 % chez les hommes.

• Enfin, il est à noter que la fumée de tabac secondaire, correspondant à la fumée se dégageant d’une cigarette se consumant librement, est plus toxique que celle inhalée et rejetée par le fumeur.

Physiopathologie des atteintes liées au tabac

• La fumée de tabac contient plus de 4 000 composés chimiques dont de nombreux agents toxiques ou irritants et 66 agents cancérogènes (hydrocarbures aromatiques polycycliques comme le benzopyrène, nitrosamines, arsenic…).

• Sur le plan cardiovasculaire, les toutes premières expositions à la fumée de tabac induisent une accélération du rythme cardiaque et une instabilité de la pression artérielle, phénomènes qui s’amendent lors des expositions ultérieures. En raison de l’activation des facteurs de l’inflammation, la consommation régulière de nicotine a une action nocive sur les parois vasculaires, contribuant à la formation de plaques d’athérome. Par ailleurs, la fumée du tabac, du fait d’une forte concentration en monoxyde de carbone, induit la formation de carboxyhémoglobine, d’où une hypoxie chronique et une polyglobulie qui rend le sang plus visqueux. Enfin, elle est aussi à l’origine de spasmes artériels et facilite la formation de thromboses.

• Au niveau respiratoire, la fumée de tabac agresse la muqueuse bronchique et ralentit l’activité des cils bronchiques. Le mucus devient plus visqueux et plus abondant, d’où un encombrement des voies aériennes obligeant le fumeur à tousser. A un stade avancé, une destruction du parenchyme pulmonaire conduit à un emphysème.

EMPHYSÈME

Distension permanente des petites bronches.

CE QUI A CHANGÉ

• Champix n’est plus remboursé dans le cadre du forfait de 50 € depuis le 29 juin 2011. L’examen de renouvellement de l’AMM est en cours.

• Sevrage progressif

– Il peut intéresser des fumeurs qui ne se sentent pas prêts pour supprimer totalement le tabac.

– Les formes orales de nicotine permettent une réduction effective du tabagisme, sans syndrome de sevrage ni compensation. Sans substitut, la réduction tabagique est souvent illusoire car elle s’accompagne d’une aspiration plus intense des cigarettes fumées pour maintenir une nicotinémie suffisante.

– L’arrêt total peut être proposé régulièrement à l’officine.

VIGILANCE !

Le bupropion est contre-indiqué en cas de : trouble convulsif évolutif ou antécédent de convulsions, patient en sevrage alcoolique ou en sevrage de benzodiazépines (sevrages susceptibles d’induire des convulsions), troubles bipolaires, boulimie ou anorexie.

POINT DE VUE Dr Christine Guelaud, pneumologue au centre cardiologique d’Evecquemont (Yvelines) et au centre hospitalier privé du Montgardé (Yvelines)

« Il faut donner au patient la possibilité d’être l’acteur de son sevrage »

Que pensez-vous de l’association de substituts nicotiniques au bupropion ou à la varénicline ?

En pratique, cela se fait. C’est vrai qu’il y a peu d’études sur le sujet. Mon opinion personnelle est qu’il y a parfois intérêt à passer à une étape supplémentaire quand une monothérapie ne suffit pas. De même que l’association de deux formes de substituts nicotiniques est de plus en plus pratiquée pour laisser le patient s’investir davantage dans son sevrage et en être le véritable acteur.

Les patients sont-ils inquiets quant au fait que le bupropion et la varénicline soient listés par l’Afssaps ?

Oui, mais ils ne sont pas pour autant plus réticents qu’avant l’affaire Mediator. Les refus de prescription sont rares, même s’il est vrai que les patients craignent moins les substituts nicotiniques parce qu’ils sont accessibles sans ordonnance. Il faut leur dire qu’on a tout de même du recul avec ces médicaments et que beaucoup d’autres sont sur la liste. C’est une procédure de transparence : la surveillance permet de maîtriser les effets rares, c’est une mesure de protection.

QUESTIONS DE PATIENTS «  J’ai l’impression que les cafés m’énervent encore plus qu’avant. Est-ce normal »

C’est un phénomène qui s’explique par le fait que les hydrocarbures aromatiques polycycliques contenus dans la fumée de cigarette sont des inducteurs de certains cytochromes, notamment de ceux catabolisant la caféine. C’est pourquoi, à l’arrêt du tabac, les effets de la caféine peuvent être renforcés. Il convient donc de limiter la consommation de café à 2 ou 3 tasses, prises avant 15 heures.

QUESTIONS DE PATIENTS «  Un ami m’a dit qu’il était dangereux de fumer une cigarette avec un patch, ce qui m’arrive de temps en temps. Est-ce vrai »

Contrairement aux idées reçues, fumer une cigarette avec un patch n’entraîne que des symptômes bénins de surdosage. De plus, le fait d’enlever le patch le temps de la cigarette ne sert à rien puisque la nicotine continue de diffuser pendant environ deux heures après le retrait. En revanche, si le besoin de fumer est trop fréquent, cela signe probablement un sous-dosage en substitut nicotinique.

TABAC-INFO-SERVICE

Tabac Info service possède un site s’adressant au grand public et aux professionnels de santé (Tabac-info-service.fr). Il rappelle les méfaits du tabac et les bienfaits du sevrage, propose des aides et vise à combattre les idées reçues. Au 39 89 (ligne de Tabac Info Service), des tabacologues répondent aux questions du lundi au samedi de 9 heures à 20 heures.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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