TRAITEMENTS DES TROUBLES BIPOLAIRES - Le Moniteur des Pharmacies n° 2871 du 05/03/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2871 du 05/03/2011
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Etranges, ces plaques sur les épaules !

Madame F., 38 ans, commerçante, est suivie pour une maladie bipolaire de type I. Elle a souffert d’épisodes dépressifs récurrents, traités par antidépresseurs et anxiolytiques, et de brefs épisodes maniaques avant qu’un diagnostic correct soit finalement posé, permettant de prescrire un normothymique, la lamotrigine (Lamictal 100 mg, un comprimé matin et soir). Deux mois environ après l’instauration du traitement, madame F. a observé des lésions rouges sur son dos et ses épaules. Ces taches sont apparues en un ou deux jours. Elle se présente à l’officine et demande une crème pour les faire disparaître.

Le pharmacien doit-il s’inquiéter de ces signes cutanés ?

Oui. Après avoir consulté le dossier patient de madame F., il constate qu’elle est traitée par lamotrigine, connue pour induire des réactions cutanées parfois sévères.

ANALYSE DU CAS

La lamotrigine (Lamictal), prescrite ici pour prévenir la récurrence d’épisodes dépressifs, induit fréquemment (chez environ 10 % des patients) des signes secondaires cutanés généralement bénins et transitoires, à type de lésions maculopapuleuses, mais parfois bien plus graves allant jusqu’au syndrome de Lyell. Les lésions se manifestent essentiellement par des petites taches rouges planes, certaines ayant un peu de relief (papules). Ce type d’exanthème est la plupart du temps d’origine infectieuse (rougeole, scarlatine, lichen plan) mais peut également être d’origine iatrogène. Il guérit en général spontanément quelques jours après l’arrêt du médicament.

ATTITUDE À ADOPTER

Le traitement par lamotrigine a été initié il y a deux mois à la dose de 200 mg/jour d’emblée. Or, il aurait dû être introduit avec une posologie lentement progressive : la dose de 100 mg/jour n’aurait ainsi due être atteinte qu’au terme de 5 semaines de traitement (RCP de Lamictal).

Le pharmacien contacte le médecin traitant et lui décrit les lésions cutanées. Ce dernier est étonné car il a souvent prescrit ce médicament, apparemment sans problème. Madame F. sortant d’un épisode dépressif, il a souhaité mettre en œuvre rapidement un traitement permettant de s’affranchir des antidépresseurs pour éviter la survenue d’un virage maniaque ou même hypomaniaque.

Cette éruption semblant bénigne, le médecin veut tenter une réintroduction progressive du traitement après une période de wash-out sous surveillance clinique étroite. La demi-vie moyenne de la lamotrigine étant de 33 heures, le traitement sera arrêté pendant une semaine. Le médecin souhaite que la patiente revienne au cabinet pour lui prescrire une posologie progressive : 25 mg/j pendant deux semaines puis 50 mg/j pendant deux autres semaines avant de passer à 100 mg/j voire 200 mg/j ou plus.

CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un vertige inattendu

Monsieur C., 65 ans, est préoccupé en entrant dans la pharmacie. Ce matin, il a été pris de sensations vertigineuses soudaines alors qu’il conduisait un chariot élévateur dans sa ferme. Etant descendu rapidement de l’engin pour répondre au téléphone, il a dû s’allonger sur le sol. C’est la première fois que cela lui arrive. Conscient du danger potentiel que peut induire un tel malaise survenant au volant, monsieur C. demande conseil au pharmacien.

Ce vertige peut-il avoir une cause iatrogène ?

Oui. Le pharmacien se souvient de monsieur C., venu il y a trois ou quatre jours chercher des médicaments prescrits par un psychiatre hospitalier.

ANALYSE DU CAS

Le pharmacien connaît ce patient atteint de troubles bipolaires et traité depuis peu par Zyprexa 10 mg et Dépakote 250 mg. Cet étourdissement lié à son traitement pourrait être un épisode d’hypotension orthostatique, un effet secondaire fréquemment observé lors de l’instauration de traitements par des médicaments possédant des propriétés alpha-1-adrénolytiques, ici l’olanzapine.

Cet effet, comme la survenue de vertiges, est fréquent avec l’olanzapine (Zyprexa).

ATTITUDE À ADOPTER

Monsieur C. doit parler de ses vertiges à son médecin lors de sa prochaine visite.

Le pharmacien rassure le patient et l’invite à être prudent au volant ou lors de la conduite d’engins agricoles, à veiller à ne pas changer de position brutalement, notamment au réveil, et à s’hydrater correctement.

Si les vertiges sont effectivement dus au traitement normothymique, ils nécessiteront éventuellement un traitement correcteur.

Les médicaments correcteurs habituels (Hept-A-Myl, Praxinor, Séglor ou Gutron) pourront être utilisés.

CAS N° 3 – EFFETS INDÉSIRABLES

Une prise de poids sous Zyprexa

Mademoiselle V., 26 ans, est traitée par Zyprexa 10 mg (1 cp orodispersible matin et soir) et Téralithe LP 400 (1 cp le soir). Depuis l’instauration de ce traitement il y a un an, elle constate qu’elle a pris 9 kg. Lors du renouvellement, elle demande au pharmacien de ne pas lui délivrer le médicament qui la fait grossir.

Sa prise de poids est-elle d’origine iatrogène ?

Très probablement. Une prise de poids sous Zyprexa est fréquente et parfois importante.

ANALYSE DU CAS

L’apparition d’une surcharge pondérale et d’anomalies du profil lipidique chez les patients traités par antipsychotique est fréquente avec certaines molécules (clozapine et olanzapine notamment). L’origine est multiple : génotypique, phénotypique, âge, inactivité, environnement socio-économique défavorable… La participation pharmacologique des antipsychotiques reste évidente : action sur les récepteurs 5-HT2C de l’hypothalamus, antagonisme histaminergique sur l’hypothalamus, action sur la prolactinémie.

Cette prise de poids constitue un problème préoccupant car, au-delà de la question esthétique (influant l’observance), elle s’associe à diverses pathologies chroniques graves : hypertension, diabète…

ATTITUDE À ADOPTER

La pratique régulière d’un exercice physique adapté et un régime diététique peuvent contribuer à réduire la masse pondérale. Le médecin peut aussi modifier le traitement : supprimer le médicament antipsychotique ou opter pour une molécule modifiant moins le poids (aripiprazole ou rispéridone par exemple). Le pharmacien insiste sur l’importance de l’observance du traitement et conseille à la patiente d’en parler avec son médecin.

CAS N° 4 – EFFETS INDÉSIRABLES

La nervosité de monsieur I.

A Noël, Jérôme I., 28 ans, a été brièvement hospitalisé à la suite d’un accès maniaque. Il a quitté le réveillon familial, déguisé en Père Noël, pour faire irruption dans l’église pendant la messe de minuit, et s’y est mis à chanter des chansons paillardes. Interpellé par la gendarmerie, il s’est montré agressif et très agité. Monsieur I. est depuis traité par de l’aripiprazole (Abilify 15 mg, 1 cp matin et soir) et doit suivre ce traitement deux mois, puis l’arrêter progressivement. Un mois plus tard, la mère de Jérôme vient à la pharmacie. Son fils se sent nerveux et mal à l’aise. Lorsqu’il est debout, il « piétine » sans arrêt ou ressent le besoin irrépressible de bouger. Allongé sur le canapé pour regarder la télévision, il ne parvient pas à contrôler des mouvements des doigts de sa main gauche. Face à ces signes de nervosité, son fils ne devrait-il pas augmenter la dose du « calmant » qui lui a été prescrit ?

Faut-il augmenter la posologie d’Abilify ?

Non. Ces signes sont évocateurs d’une iatrogénie neurologique, probablement liée à une posologie trop importante d’aripiprazole.

ANALYSE DU CAS

La survenue d’effets indésirables neurologiques peut s’observer sous traitement par aripiprazole (comme avec les autres antipsychotiques), notamment lorsqu’il est instauré à forte posologie, ce qui est le cas ici. Le médecin hospitalier, peu habitué et impressionné par la symptomatologie maniaque de Monsieur I., a prescrit 30 mg/j d’aripiprazole, là où la dose initiale recommandée est deux fois moindre.

Monsieur I. présente visiblement des signes d’akathisie, associant des mouvements stéréotypés et inlassablement répétitifs, accompagnés d’une sensation de contracture parfois douloureuse : mouvements des mains, piétinement sur place, impossibilité de rester assis… Ces signes neurologiques, observés de façon banale avec les neuroleptiques « conventionnels », et parfois sévères au point de faire suspendre le traitement, sont dus à l’interruption de la transmission dopaminergique nigrostriatale par les médicaments.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure madame I. et lui explique que les signes n’ont rien à voir avec une quelconque nervosité qui prolongerait la « crise » de Noël.

Il invite Jérôme I. à consulter très rapidement son médecin, d’autant que le traitement par aripiprazole – qui a permis une résolution rapide et totale des signes dysthymiques – devra certainement être prolongé plus de deux mois. Deux semaines plus tard, le patient explique au pharmacien que le psychiatre lui a demandé de suspendre deux semaines son traitement, avant de reprendre Abilify, mais à la posologie de 10 mg en une prise.

CAS N° 5 – EFFETS INDÉSIRABLES

Des cheveux plein la brosse

Madame Françoise R., 46 ans, perd ses cheveux « par poignées ». Le pharmacien observe un crâne effectivement éclairci de façon diffuse. Le traitement de cette femme suivie pour une maladie bipolaire à tendance dépressive et un diabète associe Dépamide (3 comprimés matin et soir), Effexor LP 75 mg (1 comprimé le matin), Glucophage 850 mg (1 comprimé au petit-déjeuner et au dîner) et NovoNorm 1 mg (1 comprimé avant le déjeuner et le dîner).

Cette perte de cheveux est-elle liée au traitement ?

C’est probable. Le valpromide est un médicament connu comme susceptible d’entraîner une chute des cheveux.

ANALYSE DU CAS

La chute des cheveux sous valpromide relève, comme pour de nombreux médicaments, d’un phénomène d’effluvium télogène : une quantité de cheveux plus importante qu’à l’ordinaire entre en phase de renouvellement, ce qui abrège leur durée de vie.

La perte des cheveux s’accroît dans les 2 à 4 mois suivant le début de la prise du médicament, entraînant une alopécie diffuse sur l’ensemble du cuir chevelu. Elle est dose-dépendante et réversible à l’arrêt du traitement, d’autant plus que la patiente est jeune, mais récidive lorsqu’il est repris. La posologie maximale, soit 1 800 mg/jour, est ici atteinte.

La venlafaxine peut aussi, de façon peu fréquente, être à l’origine d’une alopécie.

ATTITUDE À ADOPTER

Le traitement de madame R. étant bien équilibré, il est peu probable que le médecin le modifie. Toutefois, l’inconfort psychologique de cette patiente mérite de prendre en compte le problème. Le pharmacien préconise des vitamines et des acides aminés entrant dans la composition de la kératine : vitamine H (Biotine Bayer), vitamine B5 ou dexpanthénol (Bépanthène), vitamine B6 (Cystine B6), acides aminés soufrés (cystéine + méthionine, Lobamine-Cystéine) ou cystine (Cystine B6). L’effet de ce type de traitement reste toutefois très limité.

Cas N° 6 – Effets indésirables

Une réaction de photosensibilisation

Lors de son premier jour de vacances en Dordogne, début juin, Patrick F., 29 ans, découvre en fin de journée que son dos, son torse et surtout ses épaules sont devenus rouge écarlate. De plus, sa peau semble échauffée et le démange. Patrick, étonné d’une telle réaction alors qu’il ne s’est pas spécialement exposé, s’empresse d’aller voir le pharmacien pour acheter un lait après-soleil.

Que penser de cette réaction cutanée ?

Le pharmacien est étonné de voir cette réaction vive au terme d’une exposition modérée.

ANALYSE DU CAS

Interrogeant monsieur F., le pharmacien finit par suspecter l’étiologie de cette réaction inflammatoire. Son client l’informe qu’il reviendra le lendemain, car il va manquer de médicaments. Il prend du Zyprexa 10 mg et du Tégrétol LP 200 mg, car on l’a trouvé un peu « excité » il y a un mois, après qu’il ait fait beaucoup d’achats « inutiles »… Il a même été hospitalisé pour cela. Le pharmacien pense évidemment à une réaction de photosensibilisation. L’olanzapine comme la carbamazépine peuvent induire, même de façon très peu fréquente et avec une intensité variable, ce type d’iatrogénie.

ATTITUDE À ADOPTER

La réaction ne semblant pas spécialement alarmante, il n’y a pas d’urgence à voir un médecin.

Il importe de protéger la peau avec une crème de très haute protection et d’appliquer sur les lésions déjà existantes un soin apaisant. Surtout, monsieur F. doit veiller à ne pas s’exposer au soleil. En particulier, il ne devra pas se découvrir lorsqu’il est dehors et il devra porter des vêtements couvrants et un chapeau à bords larges.

CAS N° 7 – EFFETS INDÉSIRABLES

Noémie n’a plus de travail

Noémie Y., 31 ans, est traitée pour une maladie bipolaire de type I à prédominance dépressive depuis dix ans. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide. Renouvelant une dernière fois une ordonnance valable trois mois, elle questionne le pharmacien sur la toxicité de la prescription (Lamictal 50 mg 1, comprimé matin et soir ; Imovane 1 comprimé au coucher) et lui fait part de son désespoir : elle a appris que son CDD de magasinière n’était pas prolongé.

Le pharmacien doit-il s’inquiéter face à ce comportement ?

Oui. Noémie présente des signes de rechute dépressive. Le risque suicidaire est important chez le patient bipolaire. Le condiv est ici préoccupant (perte d’estime de soi, anxiété, solitude, questionnement sur la toxicité des médicaments).

ANALYSE DU CAS

La corrélation entre trouble bipolaire et suicide tenté ou accompli est étroite : on estime à 19 % le nombre de sujets bipolaires décédant par suicide, lequel constitue la complication majeure des troubles bipolaires.

Le passage à l’acte est plus fréquent chez les patients non traités, peu observants, ayant des antécédents personnels ou familiaux de suicide ou une comorbidité addictive, connaissant des événements de vie stressants. Ce risque concerne particulièrement l’adolescent ou le jeune adulte bipolaire.

Par ailleurs, le risque suicidaire iatrogène est mentionné dans le RCP de Lamictal (comme pour d’autres anticomitiaux). Le pharmacien connaît cette patiente : chaque moment difficile lui fait consommer plus d’anxiolytiques et elle est souvent traitée par antidépresseurs.

ATTITUDE À ADOPTER

Alerté par l’état de mademoiselle Y., le pharmacien décide d’appeler le médecin et lui fait part de ses préoccupations. Celui-ci propose de recevoir la jeune femme en fin d’après-midi. Le lendemain, Noémie revient avec un nouveau traitement reposant sur l’administration de lithium et de venlafaxine.

CAS N° 8 – EFFETS INDÉSIRABLES

Des nausées de survenue brutale

Thomas G., 51 ans, suivi pour hypertension artérielle (Nisisco 80/12,5 mg, 1 cp le matin), alcoolodépendance (Aotal, 2 cp matin, midi et soir) et trouble bipolaire (Abilify 5 mg, 1 cp le matin et Abilify 10 mg, 1 cp le soir, Dépakote 250 mg, 1 cp matin, midi et soir), souhaite un médicament contre des nausées et une « pesanteur digestive » survenues l’avant-veille. Le pharmacien se souvient lui avoir délivré quatre jours auparavant, pour la première fois, Dépakote.

Que penser de ces troubles digestifs ?

Des signes digestifs chez un patient sous divalproate doivent toujours retenir l’attention.

ANALYSE DU CAS

Constatant que l’humeur de M. G. n’est pas stabilisée, le médecin a associé au traitement prophylactique par aripiprazole (Abilify) un anticomitial normothymique : le divalproate (Dépakote). Ce médicament peut induire, en début de traitement, des troubles digestifs. Il peut aussi, exceptionnellement, induire une hépatopathie dont les signes prodromiques, d’apparition brutale, peuvent être aspécifiques (fatigue, asthénie, anorexie, somnolence diurne) ou plus spécifiques (douleurs abdominales, nausées voire vomissements). De même, Dépakote peut être à l’origine d’une pancréatite, annoncée par les mêmes signes (nausées et troubles digestifs) mais accompagnée de douleurs irradiant dans le dos.

ATTITUDE À ADOPTER

Cette symptomatologie ne devant pas être négligée, le pharmacien questionne son patient : les nausées sont inconstantes, légères, avec un malaise digestif général, sans douleur, vomissements, troubles du transit ou fièvre. L’appétit est conservé.

Le pharmacien contacte le médecin qui ne semble pas alarmé : les nausées, probablement dues à l’introduction du divalproate, devront céder en quelques jours. Il demande au pharmacien de délivrer une boîte de Motilium pour le soulager ; le patient en prendra 3 comprimés par jour. Celui-ci invite le patient à consulter son médecin si les symptômes persistent en vue d’un examen clinique et d’un bilan hépatopancréatique, d’autant que l’alcoolodépendance constitue un facteur susceptible d’aggraver une éventuelle atteinte hépatique.

CAS N° 9 – EFFETS INDÉSIRABLES

Des mains qui tremblent

Un diagnostic de maladie bipolaire de type I ayant été posé à la suite de deux hospitalisations pour accès maniaque, monsieur T., 45 ans, suit désormais une prescription normothymique associant du lithium (Téralithe 250, 3 comprimés) et de l’olanzapine (Zyprexa Velotab, 5 mg le matin). Alors qu’il vient de commencer ce traitement, il présente depuis trois jours un signe inhabituel qui l’inquiète fortement : il a constaté que ses doigts tremblent lorsque ses mains sont posées sur une table. Ses collègues ne contribuant pas à le rassurer, monsieur T. est obnubilé par ce signe évoquant à ses yeux une maladie de Parkinson débutante.

Le pharmacien est-il surpris en voyant les mains de monsieur T. ?

Non. La survenue de tremblements est très fréquente lors de l’initiation d’un traitement par lithium.

ANALYSE DU CAS

La survenue d’un tremblement est un effet indésirable fréquemment décrit sous lithium : 25 % à 50 % des patients sous lithiothérapie s’en plaignent en début de traitement. Ces tremblements affectent les extrémités et s’observent facilement lorsque le patient tend les mains à l’horizontale. Exacerbation du tremblement fin physiologique, cet effet secondaire est bénin. Pourtant, cette iatrogénie est à l’origine d’une mauvaise observance du traitement comme la prise de poids ou les troubles cognitifs.

Lorsque la lithiémie se rapproche de la zone de toxicité (notamment s’il y a un pic plasmatique important), le tremblement peut devenir grossier et s’accompagner de contractions musculaires, de fasciculations voire d’ataxie. Le tremblement induit par le lithium peut disparaître avec le temps, mais il peut aussi persister (souvent le patient finit par s’y habituer).

De nombreux facteurs augmentent le risque : lithiémie élevée, âge, association à un antidépresseur ou à un antipsychotique, consommation excessive de café ou de boissons contenant de la caféine, antécédents familiaux et personnels de tremblement, alcoolodépendance ou sevrage alcoolique, anxiété, fatigue, hypoglycémie, hypothermie…

ATTITUDE À ADOPTER

Un tremblement iatrogène peut être à l’origine d’un inconfort social car il est ressenti comme stigmatisant, notamment lorsqu’il s’agit, comme ici, d’un patient encore jeune. Il importe donc de ne pas négliger ce signe, d’autant qu’un surdosage en lithium, même léger, peut induire un tremblement (souvent accompagné de nausées, d’une sensation de soif et de troubles de l’équilibre) : ce signe impose de contrôler la lithiémie et, si nécessaire, d’adapter la posologie.

Le pharmacien appelle le médecin pour l’en informer et invite monsieur T. à aller le voir rapidement. Par ailleurs, le pharmacien s’assure que monsieur T. n’abuse pas de café ou de boissons caféinées.

Le tremblement pourra probablement être limité en réduisant la posologie de lithium ou par l’administration sur prescription médicale de propranolol (Avlocardyl 40 mg, 40-120 mg/j en prises fractionnées, ce médicament bénéficiant d’une AMM dans les « tremblements, en particulier essentiels »).

PHARMACOLOGIE

LA MALADIE BIPOLAIRE

La maladie bipolaire est caractérisée par une succession d’accès dépressifs ou maniaques séparés par des intervalles libres.

Traitement des accès dépressifs

• Les antidépresseurs (ISRS surtout) constituent le traitement de première intention de l’épisode dépressif sévère chez le patient bipolaire.

• Le recours aux tricycliques ou aux IMAO est évité en première intention (risque de virage maniaque).

• L’antidépresseur doit être associé à un antipsychotique ou à un normothymique pour limiter le risque de virage maniaque.

• Le traitement est poursuivi jusqu’à disparition de la symptomatologie dépressive sans être ensuite prolongé, afin d’éviter un éventuel virage maniaque.

• Une monothérapie normothymique (lithium, divalproate ou lamotrigine) peut se justifier dans les épisodes légers à modérés.

Traitement des accès maniaques

• Le traitement de référence est le lithium.

• Le divalproate constitue également une réponse thérapeutique, plus maniable que le lithium.

• Les antipsychotiques atypiques (aripiprazole, olanzapine, rispéridone) sont actifs notamment en cas d’agressivité, d’agitation ou d’accès délirants.

• La carbamazépine (Tégrétol) est souvent prescrite en deuxième intention compte tenu de sa faible maniabilité.

• Les associations entre normothymiques se justifient en première ligne face à un épisode maniaque sévère (lithium ou divalproate + antipsychotique atypique) ou en cas de résistance à une monothérapie.

• L’emploi de la clozapine (Leponex) hors AMM se justifie en cas de résistance à trois thymorégulateurs associés. Elle ne doit pas être associée à la carbamazépine. Une surveillance hématologique rigoureuse s’impose.

• Prévoir un traitement de consolidation sur une période de 6 mois (lithium ou antipsychotique en monothérapie).

Prévention des rechutes

• Le traitement de référence est également le lithium.

• Le divalproate, le valpromide et la carbamazépine constituent des alternatives au lithium, notamment en cas de résistance ou d’intolérance.

• La lamotrigine est indiquée dans la prévention des rechutes dépressives.

• L’olanzapine et l’aripiprazole sont indiqués dans la prévention des épisodes maniaques et des récidives dépressives.

• Il peut être pertinent d’associer de façon épisodique un antidépresseur à ces prescriptions.

PRINCIPAUX THYMORÉGULATEURS

Lithium (Téralithe)

Principaux effets indésirables

• Digestifs : nausées, vomissements, diarrhées.

• Neuropsychiques : sédation, tremblement des mains, syndrome sérotoninergique, troubles de l’équilibre.

• Endocriniens et métaboliques : hypo-/hyperthyroïdie, prise de poids, diabète insipide.

• Cutanés : acné.

• En cas d’apparition de ces signes, il est nécessaire de surveiller la lithiémie et d’adapter le traitement.

Principale contre-indication

Insuffisance rénale s’il est impossible de surveiller étroitement la lithiémie.

Principales interactions

• Associations déconseillées : IEC, ARA II, aliskiren, AINS (sauf salicylés), diurétiques (augmentation de la lithiémie) ; carbamazépine (troubles cérébelleux) ; antipsychotiques conventionnels (syndrome confusionnel).

Divalproate (Dépakote)

Principaux effets indésirables

• Digestifs : nausées, vomissements, gastralgies, diarrhées.

• Neurologiques : céphalées.

• Hématologiques : thrombopénie, allongement du temps de saignement.

• Hépatiques et pancréatiques : exceptionnelles hépatopathies ou pancréatites (parfois mortelles).

Principales contre-indications

Hépatite aiguë ou chronique, antécédents d’hépatite.

Principales interactions

• Association contre-indiquée : méfloquine et millepertuis.

• Association déconseillée : lamotrigine (risque majoré de réaction cutanée).

• Précautions d’emploi : augmentation des taux du métabolite de la carbamazépine (risque de surdosage).

Valpromide (Dépamide)

Principaux effets indésirables

• Digestifs : vomissements, troubles du transit intestinal (effet transitoire et bénin); exceptionnelle survenue d’atteintes hépatiques ou pancréatiques d’évolution sévère, parfois fatale.

• Métaboliques : hyperammoniémie isolée.

• Neurologiques : céphalées, tremblement fin, somnolence.

• Hématologique : thrombopénie dose-dépendante, sans signe clinique.

• Divers : chute de cheveux.

Principales contre-indications

• Hépatite aiguë ou chronique.

Principales interactions

• Associations contre-indiquées : méfloquine et millepertuis.

• Association déconseillée : lamotrigine (syndrome de Lyell).

• Précautions d’emploi : carbamazépine, augmentation des taux du métabolite de la carbamazépine (risque de surdosage).

Carbamazépine (Tégrétol)

Principaux effets indésirables

• Neurologiques : somnolence, vertiges, diplopie.

• Cutanés : urticaire, photosensibilisation.

• Hématologiques : leucopénie.

• Hépatiques : augmentation des transaminases et des phosphatases alcalines (sans signification clinique).

• Digestifs : vomissements, sécheresse buccale, anorexie.

• Métaboliques : prise de poids, hyponatrémie.

• Psychiques : risque de survenue d’idées suicidaires.

Principales contre-indication

• Antécédents d’hypoplasie médullaire.

Principales interaction

• Associations déconseillées : contraceptifs oraux (diminution de l’efficacité, recourir à une contraception mécanique) ; millepertuis et tramadol (risque de diminution de l’efficacité de la carbamazépine) ; lithium (risque de neurotoxicité avec troubles cérébelleux).

• Précautions d’emploi : acide valproïque, valpromide, lamotrigine, antidépresseurs ISRS (augmentation des taux sériques du métabolite de la carbamazépine avec risque de surdosage) ; olanzapine, rispéridone (augmentation du métabolisme de l’antipsychotique et réduction possible de son efficacité clinique).

Lamotrigine (Lamictal)

Principaux effets indésirables

• Cutanés : syndrome de Stevens-Johnson ou de Lyell.

• Psychiques : risque de survenue d’idée suicidaire ; modification psychique, avec irritabilité voire agressivité.

• Neurologiques : céphalées, somnolence, sensations vertigineuses, vision floue, diplopie, sécheresse buccale.

• Digestifs : nausées, vomissements, troubles du transit.

• Rhumatologiques : lombalgies et dorsalgies, arthralgies.

Pas de contre-indications absolues

Principales interactions

• Valproate, valpromide et divalproate : diviser par deux la dose de lamotrigine (risque de réactions cutanées).

• Autres anticomitiaux normothymiques : adapter la posologie selon le RCP.

• Contraceptifs hormonaux : risque de diminution d’efficacité du contraceptif.

CAS N° 1 – INTERACTIONS

Des diarrhées suspectes

Madame V. souhaite du Smecta. Cette patiente de 51 ans est suivie pour un trouble bipolaire de type I depuis des années. Bien équilibrée, elle est traitée par Téralithe LP 400 mg (2 cp au coucher), Dépakote 500 mg (1 cp matin, midi et soir, au cours des repas) et Cotareg 160/12,5 mg (1 cp le matin) pour une hypertension artérielle également contrôlée. Elle est victime d’un léger trouble du transit depuis deux jours, avec trois ou quatre diarrhées quotidiennes, et se sent « barbouillée ». « La même gastro que sa collègue » dit-elle.

Le pharmacien doit-il s’interroger sur cette demande ?

Les diarrhées chez un patient traité par lithium doivent faire suspecter une possible hyperlithiémie potentiellement grave.

ANALYSE DU CAS

Le surdosage en lithium se manifeste par des tremblements, des douleurs abdominales, des diarrhées, des vomissements, une confusion, une raideur de la mâchoire entraînant des difficultés pour parler. En cas de suspicion d’intoxication, même légère, un contrôle de la lithiémie s’impose. Ici, le pharmacien est intrigué car le traitement de madame V. est équilibré depuis des années. L’interrogatoire révèle rapidement que la cliente, ayant une douleur à l’épaule, utilise hors avis médical, depuis une semaine environ, 3 cp/jour d’un AINS que lui a donné sa fille (ibuprofène 400 mg). Les AINS, exception faite des salicylés, diminuent l’excrétion rénale du lithium, ce qui augmente le taux plasmatique au point d’atteindre le seuil toxique. De plus, Cotareg, association d’un antagoniste de l’angiotensine II et d’un diurétique, réduit également l’excrétion du lithium. La lithiémie de madame V. étant d’environ 1,1 mEq/l en général, il ne serait pas surprenant qu’elle ait franchi la limite toxique. La lithiémie minimale efficace se situe entre 0,5 et 0,8 mEq/l, mais des taux plus élevés (1 à 1,2 mEq/l) sont nécessaires au traitement curatif des accès maniaques.

ATTITUDE À ADOPTER

Il existe un risque pour que la diarrhée soit induite par une lithiémie limite, en l’absence d’autre étiologie. Un contrôle de la lithiémie doit être pratiqué en urgence et l’AINS doit être stoppé. La patiente doit se limiter à la seule dose prescrite, en évitant toute prise de médicament hors avis médical.

Lorsque le recours à un AINS est indispensable, la lithiémie doit être surveillée étroitement et la posologie du lithium adaptée pendant toute la durée de l’association, puis après l’arrêt du traitement anti-inflammatoire. Le pharmacien peut préconiser un traitement topique local ou le recours au paracétamol.

CAS N° 2 – INTERACTIONS

Tégrétol et contraception

Valérie L., 40 ans, a pris 11 kg sous lithium. Le psychiatre a décidé de remplacer le lithium par de la carbamazépine (Tégrétol 200 mg matin, midi et soir). Il lui demande donc d’arrêter sa contraception orale (en l’occurrence Minesse) et de consulter son gynécologue. C’est avec deux ordonnances, l’une du psychiatre et l’autre du gynécologue, pour un dispositif intra-utérin (Mirena), que Madame L. s’adresse à un stagiaire en pharmacie. L’étudiant, ayant consulté le Vidal, alerte le pharmacien : ce dispositif ne sera pas efficace !

Le pharmacien partage-t-il l’avis de son stagiaire ?

Non. L’étudiant s’alarme car Mirena est un dispositif contraceptif à base de lévonorgestrel. Or, la carbamazépine interagit avec les progestatifs. Pour autant, ce DIU sera bien actif ici.

ANALYSE DU CAS

Une contraception efficace s’impose lors d’un traitement par carbamazépine. Ce puissant inducteur enzymatique diminue l’efficacité de la contraception orale en augmentant le métabolisme hépatique des estroprogestatifs et des progestatifs. La patiente doit envisager le recours à une autre forme de contraception, notamment mécanique (stérilet au cuivre). Mirena est un dispositif hormonal d’action locale : les taux utérins de lévonorgestrel ne sont pas modifiés par la carbamazépine. Ils sont suffisants pour que le système soit efficace même chez des patientes utilisant des inducteurs enzymatiques.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure la cliente, inquiète de la réaction du stagiaire. Il lui explique le mode d’action du dispositif et lui garantit son efficacité.

CAS N° 1 – PROFILS PARTICULIERS

« Aspartam-phobia »

Rachel A., 33 ans, est traitée pour une maladie bipolaire depuis 8 ans. Le psychiatre qui la suit a prescrit un traitement par Dépakote 500 mg (1 cp matin et soir) et Abilify (15 mg/j). Le médecin traitant renouvelant ce traitement a opté pour Abilify orodispersible. La patiente a découvert sur Internet que cette forme contient de l’aspartam. Ceci la tracasse car elle évite cet édulcorant à propos duquel « courent de nombreuses rumeurs ».

Ce changement de galénique pose-t-il réellement un problème ?

Non. Toutefois, présentant de nombreux traits anxieux et obsessionnels, mademoiselle A. se pose des questions. Le pharmacien doit la rassurer.

ANALYSE DU CAS

Le médecin traitant a jugé la forme orodispersible pratique : elle peut s’utiliser discrètement. Toutefois, la composition en excipients des deux présentations diffère : le comprimé contient du lactose tandis que le lyoc contient de l’aspartam (3 mg pour le lyoc à 15 mg), un dipeptide au pouvoir sucrant supérieur à celui du saccharose. L’aspartam entraînerait, d’après certaines études, des symptômes divers : fatigue, nausées, prise de poids, céphalées, réactions cutanées, prématurité, voire des cancers du foie ou du poumon. L’imputabilité de cet édulcorant dans la survenue de ces signes n’a jamais été formellement démontrée.

ATTITUDE À ADOPTER

Il n’y a pas lieu ici d’opter pour le comprimé orodispersible, destiné à traiter les patients ayant des difficultés à avaler ou « opposants » (il est impossible de le retirer de la bouche ou de le recracher).

La seule contre-indication reconnue à l’aspartam est l’intolérance à la phénylalanine.

Mademoiselle A. ne souffre pas de phénylcétonurie, mais comme elle ne souhaite pas ingérer d’aspartam, surtout dans le condiv actuel, le pharmacien lui délivre des comprimés d’Abilify traditionnels.

CAS N° 2 – PROFILS PARTICULIERS

Un bébé pour Béatrice

Béatrice G., 31 ans, souffre d’une maladie bipolaire à prédominance dépressive. C’est d’ailleurs sa seconde tentative de suicide qui a conduit le psychiatre à lui proposer un traitement thymorégulateur, il y a deux ans : Lamictal 100 mg (1 cp matin et soir) et Abilify 15 mg (1 cp le soir), Lexomil (1/4, 1/4 et 1/2 cp). Béatrice souhaite avoir un enfant et aimerait arrêter sa pilule. Elle demande conseil à son pharmacien.

Le pharmacien peut-il conseiller l’arrêt de la contraception ?

Non. Le traitement normothymique est indispensable chez cette jeune femme. Or, il peut être contre-indiqué lors d’une grossesse. Béatrice doit en discuter avec son spécialiste qui adaptera son traitement.

ANALYSE DU CAS

• L’innocuité de l’aripiprazole (Abilify) pendant la grossesse n’est pas démontrée et ce médicament doit être, en principe, supprimé à cette occasion.

• La lamotrigine (Lamictal) est une molécule tenue comme maniable pendant la grossesse.

• Le bromazépam (Lexomil) n’induit pas de risque malformatif mais un risque d’imprégnation fœtale.

Il y a donc un risque potentiel à ce que Béatrice poursuive le traitement actuel pendant sa grossesse. Toutefois, la grossesse s’associe à un taux accru (doublé dans certaines études) de rechutes (principalement des rechutes dépressives) chez la patiente bipolaire, notamment au cours du premier trimestre de grossesse. Il importe donc, souvent, de trouver le compromis le moins défavorable à la future maman et au nouveau-né.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique le problème à Béatrice, soulignant qu’il comprend son désir de grossesse mais que son traitement doit auparavant être adapté. La jeune femme doit consulter son médecin.

Un mois plus tard, mademoiselle G. passe à l’officine chercher son nouveau traitement. Le psychiatre a adapté la prescription normothymique, sans pouvoir la supprimer totalement. Il arrête le traitement par Lexomil, suspend progressivement le traitement par aripiprazole (sur deux semaines, avec des paliers à 10 mg et 5 mg) et associe au Lamictal de l’acide folique (Speciafoldine 5 mg, 1 cp/jour), qui limite les préjudices embryofœtaux éventuels susceptibles de résulter de l’action inhibitrice de la lamotrigine sur la dihydrofolate-réductase. Béatrice pourra arrêter sa contraception dans environ un mois. Elle sera traitée par l’association Lamictal-Speciafoldine pendant trois mois après la fécondation, puis uniquement par Lamictal.

CAS N° 1 – OBSERVANCE

Un bipolaire récalcitrant

Monsieur T., 39 ans, patient souffrant d’un trouble bipolaire de type II, est traité par Risperdaloro 4 mg, 1 cp au dîner. Désormais triste, peu motivé, il refuse souvent de prendre son traitement ou ne le prend que partiellement. Son épouse, inquiète de ce manque d’observance, demande au pharmacien : « Ce ne serait pas mieux de lui injecter un traitement d’action prolongée en piqûre ? J’ai vu sur un forum qu’il existait Risperdalconsta. »

L’utilisation de Risperdalconsta est-elle une bonne idée ?

Non. Risperdalconsta ne bénéficie pas en France d’une AMM dans le traitement de la maladie bipolaire.

ANALYSE DU CAS

Environ 32 à 45 % des patients bipolaires traités ne suivent pas leur prescriptio normothymique. Cette mauvaise adhésion limite l’efficacité des médicaments sans qu’il soit possible, en France, de proposer aux patients des traitements à libération prolongée adaptés comme ceux prescrits chez le schizophrène. La situation est différente par exemple au Canada où Risperdalconsta est indiqué en monothérapie comme traitement d’entretien chez les patients bipolaires de type I.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien, conscient du problème, invite madame T. à en parler au médecin, et à se rapprocher d’une association : certaines organisent des sessions d’éducation thérapeutique pour les patients et leurs familles.

De plus, différentes approches psychothérapeutiques peuvent être envisagées dans ce condiv : thérapie cognitivo-comportementale, thérapie familiale, thérapie de groupe.

CAS N° 1 – CONFUSION

Dépakine, Dépakote : confusion !

Madame F., 43 ans, revient précipitamment à l’officine. Coupant la file des patients, elle pose sur le comptoir deux boîtes de Dépakine 500 mg. La nouvelle préparatrice lui a délivré ce médicament à la place de Dépakote 500 mg qui lui est prescrit depuis deux ans. Cette cliente, ordonnance à la main, attend de pied ferme des explications.

Comment expliquer cette confusion ?

Dans la précipitation, la préparatrice a confondu Dépakine et Dépakote. Elle avait délivré de la Dépakine peu avant et devait sûrement encore avoir ce nom en tête.

ANALYSE DU CAS

La confusion n’est pas étonnante. Les deux dénominations commerciales sont proches. De plus, la confusion est possible car le médecin a rédigé l’ordonnance à la main, d’une écriture difficilement lisible.

Dépakine est composé de valproate, qui se transforme dans l’organisme en acide valproïque. Dépakote est composé de divalproate de sodium, lui-même formé d’une molécule de valproate de sodium et d’une molécule d’acide valproïque. Au final, le divalproate est totalement transformé en acide valproïque. Dépakine est indiqué en cas d’épilepsie et Dépakote dans les troubles bipolaires. Dépakote a été commercialisé pour distinguer l’usage du valproate en neurologie et en psychiatrie, car, longtemps, Dépakine fut prescrite hors AMM chez le patient bipolaire.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure Mme F. sans pour autant minimiser l’incident. S’il ne doit certes pas y avoir de semblable confusion (l’ordonnance porte l’entête d’un psychiatre), il lui explique néanmoins qu’il s’agit du même métabolite actif, que la prise de Dépakine n’aurait pas eu de conséquences péjoratives et aurait donné le même résultat thérapeutique. Le pharmacien s’excuse pour cette erreur et délivre Dépakote à la patiente. Il décide de mettre en place une démarche qualité.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un traitement thymorégulateur

Sous lithium

Le lithium est un médicament à marge thérapeutique étroite.

• Le patient a-t-il une surveillance régulière de sa lithiémie ? Au minimum tous les 2 mois une fois le traitement équilibré.

• Le patient présente-t-il des signes de surdosage ? Tremblements (fréquents en début de traitement mais pouvant être signes de surdosage), nausées, diarrhée, sensation de soif, troubles de l’équilibre : contrôle de lithiémie en urgence (menace vitale si lithiémie > 2 mEq/l).

• Attention aux interactions qui peuvent augmenter la lithiémie : AINS, certains traitements de l’HTA et de l’insuffisance cardiaque.

• Si c’est une femme jeune : a-t-elle une contraception efficace ? Risque de malformations cardiaques du fœtus.

Sous divalproate et valpromide

• Est-ce une initiation de traitement ? La posologie doit être augmentée sur une semaine.

• Le patient souffre-t-il d’effets indésirables ?

– Troubles digestifs fréquents en début de traitement (à surveiller car ils peuvent parfois être annonciateurs d’hépatotoxicité).

– Chute de cheveux fréquente (réversible à l’arrêt du traitement).

Sous carbamazépine

• Est-ce une initiation de traitement ? La posologie doit être augmentée progressivement sur deux semaines. Bilan hépatique toutes les semaines en début de traitement.

• Le patient souffre-t-il d’effets indésirables ?

– Cutanés : arrêt immédiat du traitement (risque de photosensibilisation).

– Fièvre, angine : contrôle de l’hémogramme en urgence.

– Hépatique.

• Le patient présente-t-il des pensées suicidaires ? Contacter le prescripteur.

• Si c’est une femme jeune : a-t-elle une contraception efficace (risque malformatif) et non orale ? La carbamazépine diminue l’efficacité des estroprogestatifs.

Sous lamotrigine

• Est-ce une initiation de traitement ? La posologie doit être augmentée progressivement sur cinq semaines.

• Le patient souffre-t-il de troubles cutanés ? Risque de nécrose épidermique grave (syndrome de Lyell…), en particulier pendant les 8 premières semaines. Arrêt du traitement et contact du prescripteur en urgence.

• Le patient présente-t-il des pensées suicidaires ? Le risque est majoré sous lamotrigine. Contacter le prescripteur

Sous antipsychotique atypique

• S’agit-il d’une initiation de traitement ? Celui-ci doit être introduit progressivement.

Risque d’iatrogénie neurologique en cas de posologie trop élevée.

• Le patient souffre-t-il de vertiges ? En général transitoires.

• Le patient a-t-il pris du poids ? Fréquent avec clozapine et olanzapine. S’accompagne d’anomalies du bilan lipidique. Conseils hygiénodiététiques ou modification de traitement à envisager.

Pour tous les thymorégulateurs

• L’arrêt du traitement doit être progressif sur 1 à 3 mois selon les molécules (sauf urgence vitale).

• Pour la lamotrigine : l’arrêt immédiat est possible.

MALADIE BIPOLAIRE DE TYPE I

Présence d’épisodes maniaques francs ou mixtes récurrents associés ou non à des épisodes dépressifs majeurs.

MALADIE BIPOLAIRE DE TYPE II

Présence d’épisodes dépressifs récurrents associés à des périodes hypomaniaques.

ATTENTION

La posologie de la lamotrigine doit être augmentée progressivement.

Syndromes : Stevens-Johnson et Lyell

• La nécrose aiguë de l’épiderme se traduit par un érythème avec décollement accompagné de lésions muqueuses, observé surtout chez des sujets immunodéprimés ou à la suite de la prise de certains médicaments (carbamazépine, lamotrigine, AINS, sulfamides, aminopénicillines, quinolones, allopurinol, phénobarbital…). Ce syndrome est dit de Stevens-Johnson s’il affecte moins de 10 % de la surface corporelle, et de Lyell s’il affecte plus de 30 %.

• Survenant brutalement, généralement dans les huit premières semaines, il se traduit par un syndrome pseudo-grippal puis apparaissent en 2 à 3 jours les signes cutanés : un érythème diffus et douloureux qu’accompagnent des macules rouge sombre s’étendant en 2 à 5 jours. Les décollements révèlent un derme rouge suintant. Les lésions peuvent concerner tout le corps.

• Les atteintes muqueuses sont fréquentes et sévères (oropharynx, yeux, anus, organes génitaux). Les lésions viscérales peuvent concerner tous les organes et mettre en jeu le pronostic vital. Les troubles hydroélectrolytiques sont aggravés par la difficulté à s’alimenter. La surinfection favorise une septicémie voire un choc septique.

• Le traitement médicamenteux doit être immédiatement arrêté. L’évolution est défavorable dans 30 % des cas (complications infectieuses et hydroélectrolytiques). Une cicatrisation peut s’observer en 2 à 3 semaines avec des séquelles pigmentaires, oculaires et/ou génitales lorsque l’atteinte a été sévère.

Le traitement du symdrome impose l’hospitalisation en soins intensifs.

ATTENTION

L’instauration d’un traitement normothymique peut s’accompagner de signes transitoires bénins tels que l’hypotension orthostatique.

À RETENIR

Tout comme le patient schizophrène, le patient bipolaire traité au long cours par antipsychotique peut prendre du poids de façon parfois importante.

ATTENTION

Les antipsychotiques atypiques doivent être introduits à dose progressive pour éviter le risque d’effet indésirable neurologique.

Nouveaux antipsychotiques

• Les antipsychotiques dits « atypiques » (aripiprazole, clozapine, olanzapine, rispéridone et, bientôt en France, asénapine, quétiapine) se substituent peu à peu aux antipsychotiques de première génération connus sous le nom de « neuroleptiques ».

• Au plan pharmacologique, ils se caractérisent notamment par une activité dopaminergique D2 plus sélective sur les aires mésolimbiques ou nigrostriatales, et un effet sur d’autres types de neuromédiateurs, notamment sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2.

• Au plan clinique, ils bénéficient :

– d’une efficacité aussi importante que celle des antipsychotiques de première génération sur les manifestations productives des psychoses (hallucinations, délire) ;

– d’une action thérapeutique incluant les symptômes déficitaires des psychoses (retrait social, pragmatisme) ;

– d’une action sur l’humeur (dépression nerveuse, troubles schizoaffectifs) ;

– d’une action sur les troubles cognitifs accompagnant la schizophrénie, troubles souvent fortement invalidants ;

– d’une meilleure tolérance neurologique, aux posologies usuelles, que les antipsychotiques conventionnels (moindre incidence des effets extrapyramidaux, des dystonies, de l’akathisie…), d’où une amélioration de l’observance du traitement.

• Les autres effets indésirables sont potentiellement retrouvés, à des degrés divers, avec tous les antipsychotiques atypiques : prise de poids, troubles du métabolisme glucidique ou lipidique, troubles endocriniens (hyperprolactinémie, allongement du QT…). Ils justifient un bilan cardiaque et biologique avant l’instauration du traitement, puis régulièrement par la suite. La clozapine (Leponex), parfois prescrite hors AMM, peut provoquer des agranulocytoses.

À RETENIR

Divers médicaments indiqués dans le trouble bipolaire peuvent induire une chute des cheveux : valpromide, valproate, lithium, et, moins fréquemment : carbamazépine et olanzapine.

ATTENTION

Plusieurs médicaments (olanzapine, zuclopenthixol, carbamazépine…) prescrits au patient bipolaire peuvent être photosensibilisants.

ATTENTION

Le risque suicidaire est toujours important chez un patient bipolaire. Il faut rester attentif au moindre signe suggérant des idées noires et a fortiori à un possible passage à l’acte.

À RETENIR

La survenue de signes digestifs n’est pas rare à l’instauration d’un traitement normothymique.

ATTENTION

Chez un patient traité par normothymique, la survenue d’un tremblement est fréquente et peut parfois annoncer un surdosage en lithium.

À RETENIR

Les signes d’intoxication lithiémique (tremblements, troubles digestifs, confusion…) peuvent rester longtemps discrets. Une grande vigilance s’impose, notamment chez le sujet âgé, car l’hyperlithiémie peut avoir des conséquences sévères et irréversibles.

Surveiller la lithiémie

• Le lithium est un médicament à marge thérapeutique étroite.

• Les dosages du lithium sérique, hebdomadaires en début de traitement, sont progressivement espacés pour se limiter à un contrôle tous les deux mois (RCP de Téralithe).

• Une hyperlithiémie (taux > 1,5 mEq/l, avec menace vitale dès 2 mEq/l) se traduit par des tremblements, des vertiges, des troubles de la vision, des nausées, des diarrhées, une confusion mentale. Pouvant laisser des séquelles neurologiques, elle est toujours alarmante chez un sujet âgé. Elle résulte notamment d’interactions médicamenteuses (diurétiques, IEC, ARA II, AINS), d’une insuffisance rénale, d’une pathologie cardiaque, d’une déshydratation, d’un régime désodé, d’un diabète, d’une hyperthermie, d’une rechute maniaque ou dépressive. Vérifier systématiquement tout traitement associé au lithium.

• L’intoxication implique de suspendre l’administration du médicament, d’effectuer en urgence un dosage du lithium sérique, d’alcaliniser des urines, d’induire une diurèse osmotique (mannitol), d’administrer du chlorure de sodium (pour diminuer la réabsorption tubulaire). Les myoclonies sont traitées par diazépam ou clonazépam. Des troubles neurologiques sévères imposent une hospitalisation en réanimation.

Il n’existe pas de corrélation satisfaisante entre les taux plasmatiques et la sévérité de l’intoxication. En conséquence, lorsqu’il existe une discordance entre la clinique et les dosages plasmatiques, il est nécessaire de mesurer les concentrations intra-érythrocytaires de lithium.

L’indication de la dialyse est portée devant la présence de troubles neurologiques graves, des taux plasmatiques et/ou intra-érythrocytaires élevés (rapport Li érythrocytaire/Li plasmatique > 0,4 ou lithiémie > 2,5 mEq/l).

À RETENIR

Il est possible de recourir à un DIU à la progestérone même avec un médicament inducteur telle la carbamazépine.

À RETENIR

Un patient bipolaire présente souvent des traits hypocondriaques et peut être facilement inquiet lors d’un changement de traitement : il faut en tenir compte dans son accompagnement.

À RETENIR

Le traitement normothymique est souvent adapté pendant une grossesse. Il constitue un compromis entre le nécessaire maintien d’une euthymie chez la future maman et la protection du fœtus.

Grossesse et thymorégulation

Toute grossesse doit être anticipée chez une patiente bipolaire car la plupart des traitements normothymiques exposent le fœtus à un risque faible d’anomalie congénitale.

• Le risque concerne essentiellement trois médicaments (incidence croissante) et le premier trimestre de la grossesse :

– Le lithium est responsable de malformations cardiaques (maladie de Ebstein), avec une fréquence dix à vingt fois supérieure à ce qu’elle est en population générale. Il faut éviter autant que possible son administration pendant la phase d’embryogenèse (4e à 12e semaine d’aménorrhée). Néanmoins, chez les patientes équilibrées, son utilisation est possible sous haute surveillance.

– Le divalproate est, comme le valpromide, à l’origine d’anomalies de fermeture du tube neural et d’anomalies craniofaciales.

– La carbamazépine expose aux mêmes risques que le divalproate.

• Les études restent insuffisantes pour l’aripiprazole et la rispéridone.

• Les antidépresseurs, l’olanzapine et la lamotrigine bénéficient d’une innocuité démontrée chez la femme enceinte.

Chez une femme enceinte ou désirant une grossesse, le psychiatre maintient, si cela est rendu indispensable par la clinique, le traitement normothymique par ces divers médicaments mais il organise une surveillance maternelle et fœtale étroite : échographie (notamment cardiaque), examens biologiques, amniocentèse.

Si l’état psychique de la patiente le permet, ce qui est généralement le cas, le spécialiste réalise une fenêtre thérapeutique pendant le premier trimestre de grossesse au moins. Dans tous les cas, la conduite reste dictée par l’état clinique.

À RETENIR

La prise en charge du patient bipolaire implique d’essayer d’améliorer l’observance de la prescription, notamment par une éducation adaptée au traitement.

ATTENTION

La vigilance s’impose lorsqu’il s’agit de délivrer des spécialités dont les dénominations sont voisines.

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