AINS 14 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2813 du 16/01/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2813 du 16/01/2010
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

1-effets indésirables

Une clairance anormale

Madame T., 53 ans, est chef de rayon dans un supermarché, ce qui l'oblige parfois à porter des cartons. Le mois dernier, elle a ressenti une forte douleur dans le dos, l'obligeant à consulter un médecin le jour même. Après divers examens, le diagnostic de hernie discale a été posé. Ses premières ordonnances mentionnaient des AINS qui ne la soulageaient pas totalement. Depuis 5 jours, une infirmière lui injecte quotidiennement du Feldène (piroxicam) à domicile. M. T. vient récupérer des médicaments commandés. Il en profite pour retirer les résultats d'analyses biologiques de son épouse, faxés par le laboratoire. Parmi les dosages, celui de la clairance à la créatinine indique pour la première fois une valeur anormalement basse (45 ml/min), ce qui inquiète monsieur T.

Que penser de ce paramètre sanguin ?

La clairance à la créatinine, visant à donner une évaluation de la fonction rénale, est calculée à partir de la créatininémie, de l'âge, du poids et du sexe d'un patient. Plus la fonction rénale est altérée, plus la clairance baisse. Chez un adulte en bonne santé, la valeur normale de la clairance à la créatinine est généralement supérieure à 90 ml/min et tend à diminuer avec l'âge.

Analyse du cas

Seul le médecin sera en mesure d'interpréter ce paramètre biologique, en fonction des antécédents médicaux et des autres examens de madame T. Il est cependant probable que la prise d'AINS, a fortiori par voie injectable, ait pu influer sur le pouvoir de filtration du rein. En effet, les AINS sont à l'origine d'environ un tiers des insuffisances rénales aiguës d'origine médicamenteuse. Parmi les atteintes rénales possibles, l'insuffisance rénale aiguë hémodynamique est due à l'inhibition de la synthèse des prostaglandines vasodilatatrices par les AINS. On assiste alors à une vasoconstriction de l'artère rénale qui empêche le rein de fonctionner normalement. Les symptômes cliniques peuvent être absents en cas de baisse modérée de la clairance à la créatinine (c'est le cas pour madame T.), mais peuvent aussi se manifester par une anurie, une prise de poids (rétention d'eau) et/ou une anorexie accompagnée de nausées et vomissements pouvant conduire au coma en cas d'insuffisance rénale grave.

Attitude à adopter

Une fois avisé, le médecin interrompra certainement le traitement anti-inflammatoire de madame T. afin de vérifier le retour à une fonction rénale normale. La réintroduction d'un AINS pourra se faire à faible dose, toujours sous surveillance biologique, en privilégiant la voie orale. Par ailleurs, la balance bénéfice-risque des oxicams est globalement défavorable. Le choix d'un autre AINS serait donc préférable.

2-effets indésirables

Virginie fait des cystites hémorragiques

Virginie, 17 ans, présente une ordonnance de son dentiste sur laquelle figure, notamment, Flanid 200 mg (acide tiaprofénique). Elle interroge le pharmacien sur l'éventuelle présence d'acide tiaprofénique dans la prescription. Elle explique qu'après de longues recherches pour comprendre ses cystites hémorragiques à répétition, son urologue lui a définitivement contre-indiqué cet AINS qu'elle avait l'habitude de prendre pour soulager des règles douloureuses.

L'acide tiaprofénique est-il connu pour provoquer des effets indésirables urinaires ?

Il peut en effet engendrer des troubles urinaires dont une hématurie ou une cystite. Le mécanisme d'action est inconnu mais une toxicité directe sur la muqueuse urothéliale est évoquée. La survenue d'hématurie sous AINS est souvent attribuée à tort à leur toxicité néphrologique et non vésicale. Ces troubles sont réversibles à l'arrêt de la molécule. Des cas graves ont été exceptionnellement rapportés lorsque le traitement a été poursuivi.

Analyse du cas

Une cystite hémorragique correspond à un saignement diffus, aigu ou insidieux de la muqueuse vésicale sans présence de germe. L'hématurie peut être isolée, mais s'y associe le plus souvent une dysurie, des impériosités mictionnelles et des douleurs vésicales ou pelviennes. C'est la disparition des signes cliniques à l'arrêt du traitement ou leur réapparition lors d'une nouvelle prise qui suggère l'origine médicamenteuse.

Attitude à adopter

Le pharmacien contacte le prescripteur pour lui signaler le problème en vue d'une modification de la prescription. Il enregistre par ailleurs cette information dans le dossier informatique de Virginie pour ne pas risquer une délivrance ultérieure d'acide tiaprofénique. Notons que des cas de cystites hémorragiques ont également été rapportés avec d'autres AINS (diclofénac, kétoprofène, naproxène, piroxicam, indométacine).

3-effets indésirables

150/85 mmHg sous VoltarèneMonsieur P., 54 ans, est ingénieur. Sa visite mensuelle à la pharmacie se résume à la délivrance de son traitement antihypertenseur Ecazide (captopril 50 mg/hydrochlorothiazide 25 mg). Ses chiffres tensionnels sont habituellement de 135/80 mmHg. Mais depuis qu'il prend du Voltarène LP 100 mg, il a remarqué que sa tension artérielle avait augmenté pour se stabiliser à 150/85 mmHg. Monsieur P. interroge aujourd'hui le pharmacien pour savoir si cela peut provenir du traitement anti-inflammatoire.

L'augmentation de pression artérielle est-elle liée à la prise d'AINS ?

L'augmentation de la pression artérielle est un effet indésirable des AINS connu depuis longtemps. La monographie du Voltarène LP 100 mg mentionne de plus qu'une diminution de l'effet des traitements antihypertenseurs est possible, sans toutefois préciser son ampleur. Le suivi de la pression artérielle doit être systématique chez tout patient sous AINS, a fortiori chez l'hypertendu.

Analyse du cas

L'augmentation de la pression artérielle induite par les AINS est estimée entre 3 et 6 mmHg chez les patients sous traitement antihypertenseur : les bêtabloquants semblent être la classe thérapeutique sur laquelle l'effet antagoniste est le plus sensible, mais ce dernier a été décrit avec la plupart des classes d'antihypertenseurs. Il résulterait de plusieurs facteurs : rétention hydrosodée, inhibition de la synthèse de prostaglandines vasodilatatrices voire effet vasoconstricteur propre des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Attitude à adopter

L'importante augmentation de tension artérielle du patient nécessite d'être confirmée par le médecin. L'AINS ne semble par permettre à lui seul de la justifier. D'autres facteurs sont à étudier : mauvaise observance, échappement thérapeutique, consommation régulière d'alcool... Quoi qu'il en soit, l'indication ayant conduit à la prescription de l'AINS doit être réévaluée.

4-effets indésirables

Un ulcère gastrique dû à des suppositoires

Il y a 5 ans, madame A., 60 ans, a souffert d'une coxarthrose de la hanche droite. Pour la soulager, son médecin lui a prescrit différents AINS qui ne l'ont soulagée que partiellement. La décision a alors été prise de l'opérer et une prothèse de hanche lui a permis de retrouver une bonne qualité de vie, quasiment sans médicament. Aujourd'hui, elle se plaint de la hanche gauche. Des AINS lui ont donc de nouveau été prescrits, et la pose d'une nouvelle prothèse de hanche programmée. Mais comme les comprimés « lui faisaient mal à l'estomac », le généraliste de Mme A. a préféré lui prescrire des suppositoires de Profénid, qu'elle peut associer à de l'oméprazole en cas de douleur. Ce matin, elle explique au pharmacien qu'elle digère mal depuis quelques jours. Une gêne à l'estomac la réveille parfois la nuit et l'a même une fois conduite à vomir. De plus, ses selles sont noires et malodorantes. Elle demande un médicament pour faciliter la digestion en attendant de revoir le médecin dans 2 mois.

Le changement de voie d'administration de l'AINS suffit-il à éviter les effets indésirables gastriques ?

Hélas non ! Les AINS, administrés par voie orale, rectale ou parentérale, sont d'abord absorbés dans la circulation générale puis sécrétés au niveau gastrique où ils vont exercer leur action pharmacologique. Leurs effets indésirables, interactions médicamenteuses et contre-indications sont donc pour la plupart communs quelle que soit la voie d'administration et la prudence doit être de mise. De plus, la forme suppositoire des AINS (Feldène, Indocid, Mobic, Naprosyne, Nifluril, Profénid, Tilcotil et Voltarène) n'est recommandée qu'en seconde intention du fait de grandes variations de biodisponibilité selon les individus.

Analyse du cas

Les symptômes décrits par madame A. sont évocateurs d'une épigastralgie dont la cause pourrait être un ulcère digestif. Le fait que ses selles soient noires et malodorantes oriente vers un méléna (conséquence d'un saignement digestif haut, du fait de l'ulcère). La digestion du sang conduit à une oxydation de l'hémoglobine, responsable de la couleur noire. La prise ponctuelle d'oméprazole n'a apparemment pas suffi à protéger efficacement la muqueuse gastrique.

Quoi qu'il en soit, une consultation médicale urgente s'impose. La prise d'AINS au long cours est, en effet, un facteur de risque important de complications, notamment digestives. Le médecin doit être alerté afin de réaliser rapidement des examens (fibroscopie digestive, recherche d'une anémie...).

Attitude à adopter

Le pharmacien s'abstient de délivrer quoi que ce soit pour soulager madame A. afin de ne pas risquer de retarder la consultation médicale. Un appel au médecin pourra d'ores et déjà fixer rapidement une date de rendez-vous. Le pharmacien apprendra plus tard que madame A. souffrait bien d'un ulcère gastrique hémorragique évolutif, suffisamment important pour que le gastroentérologue ait craint une perforation gastrique.

Il est important de retenir que la prise régulière d'un simple antiacide en automédication chez certains patients peut cacher une pathologie digestive plus grave. Le pharmacien doit donc réserver leur délivrance aux symptômes d'apparition précoce chez les personnes sans facteurs de risque ni antécédents digestifs, en évitant une prise régulière sans conseil du médecin.

5-effets indésirables

Des pustules sur la jambe

Madame V., 50 ans, vient régulièrement chercher ses médicaments à la pharmacie. Son dossier pharmaceutique mentionne une allergie au geld de kétoprofène révélée il y a 5 ans, après qu'elle eut appliqué du Profénid en été sur son genou pour soulager des douleurs. Un eczéma était apparu brutalement sur toute la jambe et même aux bras avec formation de vésicules très prurigineuses. Une corticothérapie par voie orale puis locale sur une quinzaine de jours, associée à un antihistaminique avait permis de faire disparaître les lésions sans séquelle. Le kétoprofène lui avait alors été formellement interdit. Aujourd'hui, Mme V. présente une ordonnance avec du Surgam (acide tiaprofénique) pour soulager une douleur à la cheville droite consécutive à une entorse bénigne lors d'un match de tennis. Au moment de la dispensation, le pharmacien se souvient avoir lu un communiqué de l'Afssaps mettant en garde les patients « allergiques » au kétoprofène quant aux risques d'allergies croisées avec d'autres médicaments.

Qu'en est-il de ces allergies croisées ?

Parmi les patients présentant des réactions de photosensibilité au kétoprofène, des antécédents de réaction croisée avec les fibrates, l'acide tiaprofénique et des produits solaires contenant des benzophénones ont été retrouvés. Cette réaction se traduit le plus souvent par un eczéma vésiculobulleux s'étendant au-delà de la zone d'application dans 80 % des observations. L'exposition au soleil est un facteur déterminant. Du fait de la survenue de réactions de ce type, rares mais graves, et d'une efficacité faible à modérée des gels de kétoprofène, leur autorisation de mise sur le marché a été suspendue le 12 janvier 2010.

Analyse du cas

La prise d'acide tiaprofénique expose donc madame V. à un risque d'allergie croisée. Des lésions prédominant sur toutes les régions photoexposées pourraient apparaître, à type d'érythème ou de dermite eczématiforme, pour disparaître plus ou moins rapidement à l'arrêt du médicament.

Les photosensibilisations médicamenteuses, dont l'intensité et l'expression varient en fonction du médicament responsable, peuvent récidiver malgré l'arrêt du traitement (photosensibilisation rémanente). Il est donc important de reconsidérer le choix de la prescription de Surgam !

Attitude à adopter

Compte tenu des risques allergiques potentiellement encourus par la patiente, le pharmacien préfère téléphoner au médecin pour lui soumettre ses réserves. Ce dernier le remercie pour son intervention, et l'anti-inflammatoire sera finalement remplacé par du paracétamol pour plus de sécurité. En complément, le pharmacien conseille à madame V. le port d'une orthèse de contention de la cheville et l'application d'une poche de froid.

Enfin, en plus de la mention de l'allergie au kétoprofène, seront ajoutées dans le dossier informatique de la patiente les contre-indications pour l'acide tiaprofénique, le fénofibrate et certains filtres solaires.

Prévention des lésions digestives induites par les AINS

Un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) ne doit pas être prescrit systématiquement avec un AINS : cette décision repose, pour chaque patient, sur son âge ou l'analyse de ses facteurs de risque de complication gastroduodénale.

1-interactions médicamenteuses

Une chute de 4 mètres

Cédric B., 38 ans, est passionné d'escalade. Il a été hospitalisé suite à une chute d'une hdiv de 4 mètres qui s'est soldée par des fractures aux 2 jambes. Pendant son hospitalisation et malgré des injections quotidiennes d'héparine, une thrombose veineuse profonde a été diagnostiquée. Aujourd'hui, sa femme vient chercher son traitement à la pharmacie car il rentre chez lui le temps de trouver un établissement de rééducation. Une ordonnance du chirurgien mentionne Lovenox à dose curative et Préviscan pour assurer le relais héparine/AVK. L'interne du service a par ailleurs prescrit Feldène (piroxicam) per os ainsi que Dafalgan codéiné et des articles pour pansements. Le pharmacien s'interroge sur le risque potentiel d'une association anticoagulant-AINS d'autant plus que les ordonnances émanent de deux prescripteurs différents.

Que sait-on sur ce type d'association ?

Il entraîne une augmentation du risque d'hémorragies digestives (agression de la muqueuse gastroduodénale par l'AINS). L'association AINS-anticoagulant (AVK ou héparine) est déconseillée et, à défaut de pouvoir être évitée, doit conduire à une surveillance clinique étroite. Seule la phénylbutazone (Butazolidine) est formellement contre-indiquée avec les anticoagulants.

Analyse du cas

Selon le patient et le condiv médical, l'association d'un anticoagulant, quel qu'il soit, et d'un AINS peut conduire à des accidents hémorragiques. On observe principalement des saignements digestifs, surtout en cas d'antécédent d'ulcère ou d'ulcère évolutif diagnostiqué ou non. Dans le cas de Cédric, un traitement anticoagulant est indispensable pendant plusieurs mois. Toutefois, l'indication de l'AINS est incertaine : douleur, inflammation ? Une association avec un protecteur gastrique aurait été judicieuse pour limiter une potentielle agression de la muqueuse gastroduodénale.

Attitude à adopter

Le pharmacien contacte le service de chirurgie orthopédique pour obtenir la confirmation que les deux médecins avaient bien tenu compte des coprescriptions et mesuré le risque d'une telle association, d'autant que la famille des oxicams est réputée être une des classes d'AINS les plus gastrotoxiques. Au téléphone, le chirurgien s'étonne de la prescription de l'interne et prend la responsabilité de la modifier en remplaçant Feldène par Artotec 50 mg (association diclofénac et misoprostol, un protecteur gastrique), pour une durée limitée à une semaine. Cela permettra au médecin traitant de réévaluer l'indication du médicament à l'issue des 7 jours. Le chirurgien précise qu'Artotec devra être immédiatement arrêté en cas de douleur à l'estomac. En complément, le pharmacien veillera à accompagner la délivrance d'anticoagulants des conseils appropriés : suivi biologique régulier (mesure de l'INR pour l'AVK et contrôle plaquettaire tant que l'héparine est administrée), éviter l'automédication, prévenir tout professionnel de santé (dont le kinésithérapeute) du traitement.

Le traitement anti-inflammatoire

Pathologies justifiant un recours aux AINS

Rhumatologie

- Traitement de courte durée : poussées congestives d'arthrose, pathologies microcristallines, pathologies rachidiennes et radiculaires, rhumatologie et traumatologie sportive.

- Traitement prolongé : rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathie...).

Autres indications

- Douleurs ORL et stomatologiques.

- Douleurs traumatologiques.

- Dysménorrhées.

- Coliques néphrétiques.

- Douleurs d'origine cancéreuse.

Choix de la molécule

Le choix de l'AINS est relativement arbitraire, reposant sur l'opinion du prescripteur et sur le rapport efficacité/tolérance du médicament. Toutefois, il dépend également de la pathologie pour laquelle il est prescrit, des éventuels facteurs de risque du patient, des formes galéniques disponibles et de la demi-vie de chaque molécule.

Voie d'administration

- La voie orale est la voie d'administration préférentielle des AINS du fait d'une excellente biodisponibilité (#gt; 90 %).

u Les topiques (pommade et gel) sont habituellement proposés dans le cadre des tendinites, de certaines formes d'arthrose et des pathologies douloureuses traumatiques.

- Les suppositoires ne sont prescrits qu'en seconde intention du fait d'une biodisponibilité variable selon les patients.

- La voie intramusculaire est proposée dans certaines pathologies aiguës (lombalgie aiguë, sciatique, névralgie cervicobrachiale). Il s'agit alors d'un traitement de courte durée (3 jours au maximum), relayé par voie orale.

Utilisation comme antalgiques

Certains AINS sont utilisés à faible dose comme antalgiques et sont commercialisés comme tels, souvent en automédication (ibuprofène, naproxène, flurbiprofène...). Ils restent néanmoins des AINS avec tout leur potentiel de complications et leurs précautions d'emploi.

Comment agissent les principaux AINS ?

La cyclo-oxygénase (cox) dégrade l'acide arachidonique en prostaglandines et existe sous 2 isoformes : la cox-1 conduisant à des prostaglandines physiologiques et la cox-2 générant des prostaglandines pro-inflammatoires.

- L'aspirine et les autres AINS dits « classiques » bloquent les 2 types de cox sans distinction et sont donc à l'origine de fréquents effets indésirables gastriques et sanguins en plus de leur action anti-inflammatoire.

- Le célécoxib inhibant sélectivement la cox-2, il bloque exclusivement la synthèse de prostaglandines pro-inflammatoires.

Pharmacologie des principaux AINS

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l'aspirine inhibent la cyclo-oxygénase (cox) et donc la synthèse des prostaglandines.

L'enzyme cox existe sous deux isoformes :

- La cox-1, forme « constitutive », exprimée dans la plupart des tissus, qui génère des prostaglandines physiologiques :

- la prostaglandine E2, qui stimule la sécrétion de mucus au niveau gastrique et assure la protection de la muqueuse contre l'acidité ;

- le thromboxane A2, qui joue un rôle au niveau plaquettaire dans le maintien de l'hémostase.

- La cox-2, inductible et non constitutive, dont la synthèse est déclenchée notamment par les cytokines lors de processus inflammatoires. Elle participe à la synthèse de prostaglandines pro-inflammatoires.

La plupart des anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent à la fois la cyclo-oxygénase de type 1 et celle de type 2. Ils réduisent donc les phénomènes inflammatoires mais diminuent également la résistance de la muqueuse gastrique à l'acidité, favorisant ainsi l'apparition de gastrites et d'ulcérations de l'estomac.

L'aspirine et les autres AINS inhibent à la fois les cyclo-oxygénases de type 1 et 2. Elles bloquent ainsi la synthèse de prostaglandines pro-inflammatoires mais aussi physiologiques, d'où la plupart de leurs effets indésirables.

Trois classes d'ains

La diminution de la synthèse des prostaglandines par les anti-inflammatoires non stéroïdiens est consécutive à l'inhibition plus ou moins sélective des isoenzymes de la cyclo-oxygénase. On distingue 3 catégories d'AINS.

Les AINS « classiques »

On peut classer schématiquement les anti-inflammatoires non stéroïdiens « classiques » par famille chimique :

- les salicylés (aspirine),

- les pyrazolés (phénylbutazone),

- les indoliques (sulindac et indométacine),

- les arylcarboxyliques (grande famille regroupant notamment le diclofénac, l'ibuprofène, le kétoprofène et l'acide tiaprofénique),

- les fénamates (acide niflumique),

- les oxicams (mélo-, piro- et ténoxicam), dont la balance bénéfices-risques est globalement défavorable.

Propriétés thérapeutiques

Ils inhibent tous la cox-2 et souvent également la cox-1 aux doses thérapeutiques. Ils partagent quatre propriétés thérapeutiques :

- antipyrétique,

- antalgique,

- anti-inflammatoire,

- inhibition des fonctions plaquettaires.

Principaux effets indésirables

Ils exposent à des effets indésirables communs au niveau digestif (gastralgies, ulcérations digestives avec ou sans hémorragies...) rénal (oligurie, insuffisance rénale), et à des réactions cutanéomuqueuses d'intolérance.

Les inhibiteurs sélectifs de cox-1

Ils sont représentés par l'aspirine à faible dose (#lt; 300 mg/j), employée comme antiagrégant à visée antithrombotique. Si l'inhibition de la cyclo-oxygénase par les anti-inflammatoires non stéroïdiens est compétitive, son acétylation par l'aspirine est en revanche irréversible.

En inhibant sélectivement la cyclo-oxygénase de type 2, le célécoxib bloque la synthèse de prostaglandines pro-inflammatoires.

Les inhibiteurs sélectifs de cox-2 (coxibs)

Depuis le retrait du rofécoxib, seul le célécoxib est disponible en France par voie orale. Les coxibs se démarquent des autres AINS par l'absence d'effet antiagrégant plaquettaire. Ils exposent à des effets indésirables plus graves que les autres AINS et ont vu, en mai 2007, leur ASMR diminué à V (niveau le plus bas) par l'Afssaps dans l'arthrose et la polyarthrite rhumatoïde.

Voies d'administration

Elles comportent toutes les mêmes risques auxquels s'ajoutent parfois des complications locales particulières :

- voie orale : c'est la mieux adaptée aux traitements prolongés. La prise du médicament pendant le repas ralentit la vitesse d'absorption mais améliore la tolérance digestive ;

- voie rectale : les suppositoires sont résorbés plus irrégulièrement que les formes orales, ce qui justifie leur emploi préférentiel en seconde intention ;

- voie intramusculaire : cette voie est surtout intéressante quand l'administration orale est impossible ou dans un condiv d'urgence (colique néphrétique), du fait de sa rapidité d'action. En revanche, son emploi en rhumatologie est discutable : elle n'est pas intrinsèquement plus efficace que la voie orale, mais l'effet placebo est plus marqué. De plus, l'injection intramusculaire ne met pas à l'abri des complications systémiques - notamment digestives - des anti-inflammatoires non stéroïdiens et comporte un risque de nécrose ou d'abcès de la fesse. En pratique, il faut limiter son usage à de brèves cures de 2 à 3 jours.

Principales contre-indications

Les contre-indications communes à tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont :

- allergie connue à l'un de ces produits ou aux AINS apparentés ou à l'aspirine,

- ulcère digestif évolutif,

- insuffisance hépatocellulaire ou rénale sévère,

- lupus érythémateux disséminé,

- grossesse à partir du troisième trimestre et allaitement.

- Le célécoxib est contre-indiqué pendant toute la grossesse ou en cas de maladie inflammatoire de l'intestin, d'affection cardiaque ou vasculaire.

- La phénylbutazone est à proscrire dans les affections thyroïdiennes ou hématologiques.

- Une hypersensibilité avérée à un anti-inflammatoire non stéroïdien interdit son emploi ultérieur, voire celle de tout AINS si cette réaction entre dans le cadre d'un syndrome de Widal (voir page 14).

Principaux effets indésirables

Tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens exposent en théorie aux mêmes complications. Mais l'incidence d'un effet indésirable donné dépend de la nature de l'AINS et souvent de sa posologie ainsi que du terrain du malade et des médicaments associés. Les facteurs physiopathologiques et pharmacologiques favorisant la survenue d'accidents iatrogéniques graves constituent les principales contre-indications et précautions d'emploi des AINS.

Effets indésirables digestifs

Manifestations fonctionnelles (dyspepsie, gastralgies, nausées) : fréquentes et rapidement résolutives à l'arrêt du médicament.

Ulcères gastroduodénaux découverts lors d'examens endoscopiques.

Réactions cutanéomuqueuses

Elles sont l'expression d'une allergie à la molécule ou du syndrome de Widal. Elles peuvent être à type de prurit, éruptions diverses, stomatite, rhinite, bronchospasme et, dans une bien moindre mesure, oedème de Quincke ou choc anaphylactique.

Complications rénales

Elles sont consécutives à l'inhibition des cyclo-oxygénases rénales : rétention hydrosodée se traduisant par des oedèmes des membres inférieurs, une augmentation de la pression artérielle ou la décompensation d'une cardiopathie congestive. On observe aussi parfois une insuffisance rénale aiguë en cas d'association avec certains antihypertenseurs (IEC, diurétiques...).

Complications cardiovasculaires

Tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens semblent susceptibles de favoriser les accidents thrombotiques (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) par le biais d'une augmentation de la pression artérielle systolique. Les coxibs comporteraient un surcroît de risque.

Complications gynéco-obstétricales

En inhibant la cox-2, les AINS exercent une activité tocolytique (inhibition des contractions utérines) et exposent le foetus à une fermeture prématurée du canal artériel et à une insuffisance rénale à partir du sixième mois de grossesse.

Principales interactions médicamenteuses

L'association est déconseillée avec :

- un autre anti-inflammatoire non stéroïdien ou l'aspirine à dose supérieure à 500 mg ;

- les anticoagulants (AVK, HBPM, héparines). Cette association est parfois prescrite sous surveillance rapprochée. Les antivitamines K sont contre-indiquées avec la phénylbutazone ;

- les sels de lithium (augmentation de la lithémie par diminution de l'excrétion rénale) ;

- le méthotrexate (contre-indiqué avec la phénylbutazone, même sous forme locale).

Surveillance du traitement

L'utilisation prolongée d'un anti-inflammatoire non stéroïdien ne se conçoit pas sans une surveillance régulière, clinique (mesure de la pression artérielle, notamment) et biologique (hémogramme, enzymes hépatiques, fonction rénale). Certains patients ou certaines associations médicamenteuses supposent des contrôles particuliers dans les jours suivant l'introduction de l'anti-inflammatoire non stéroïdien, son changement de posologie voire son arrêt :

- INR si le patient est sous antivitamine K,

- pression artérielle sous traitement antihypertenseur,

- lithémie, le cas échéant,

- créatinine sérique et diurèse en cas de risque rénal,

- surveillance cardiopulmonaire en cas d'insuffisance cardiaque.

2-interactions médicamenteuses

Marie-Hélène porte un stérilet

marie-hélène g., 32 ans, porte un dispositif intra-utérin au cuivre depuis quelques semaines. elle vient aujourd'hui demander conseil car elle ne sait pas si elle peut prendre de l'ibuprofène pour son mal de tête. une de ses collègues dit qu'elle ne doit surtout pas prendre d'anti-inflammatoires, donc pas d'ibuprofène, en raison du risque de diminution de l'efficacité du stérilet.

Que répondre à Marie-Hélène ?

Des travaux récents (2007) ont démontré qu'il n'existait pas de risque d'interaction entre la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et la contraception par dispositif intra-utérin.

Analyse du cas

Que les anti-inflammatoires non stéroïdiens, du fait de leur mode d'action, puissent diminuer l'efficacité des dispositifs intra-utérins au cuivre est une idée qui circulait depuis les années 1980. Elle reposait sur des études anciennes, aux faibles niveaux de preuve. Aussi, même si, dans son rapport « Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme » de décembre 2004, l'ANAES (aujourd'hui Haute Autorité de santé) souligne la prudence à adopter et le suivi en cas de traitement anti-inflammatoire au long cours, l'étude menée par une équipe française de l'INSERM sur 800 femmes en 2007 est tout à fait rassurante. Elle montre que le risque d'échec des dispositifs intra-utérins n'est pas lié à la prise d'anti-inflammatoires ou de tout autre médicament. Le taux d'échec observé sous anti-inflammatoire non stéroïdien (1 à 5 grossesses pour 100 années-femme) correspond au taux d'échec spontané du dispositif intra-utérin.

Attitude à adopter

Le pharmacien rassure Marie-Hélène. En cas de maux de tête, elle peut prendre sans problème de l'ibuprofène ou tout autre anti-inflammatoire non stéroïdien.

3-interactions médicamenteuses

Changement de traitement pour monsieur C.

Monsieur C., 60 ans, est diabétique de type 2. Outre son traitement hypoglycémiant, il prend une association IEC-diurétique (Foziretic) et un épargneur potassique (Aldactone). La semaine dernière, suite à un récent épisode de cystite, un urologue lui a prescrit Bactrim ainsi que Spifen 400 mg pour son effet antalgique et anti-inflammatoire sur la muqueuse vésicale. Il présente aujourd'hui au comptoir une nouvelle ordonnance : Aldactone, Bactrim et Spifen sont remplacés par Lasilix, Augmentin et Doliprane. La cause : trop de potassium dans le sang !

Comment expliquer cette hyperkaliémie ?

Son origine est sûrement médicamenteuse :

- L'IEC est hyperkaliémiant par inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone. Le diurétique thiazidique avec lequel il est associé dans Foziretic tend à contrebalancer cet effet en augmentant la kaliurie.

- Aldactone, diurétique épargneur potassique, est aussi un antihypertenseur hyperkaliémiant (effet antialdostérone).

- Bactrim est une association anti-infectieuse susceptible de diminuer la kaliurie.

- Enfin, Spifen (ibuprofène), comme tout AINS, peut également induire une hyperkaliémie en diminuant le taux de rénine et d'aldostérone.

Analyse du cas

L'hyperkaliémie liée aux AINS ne survient quasiment que chez des patients à risque (âgés, diabétiques, insuffisants rénaux) ou traités par Bactrim, diurétique épargneur potassique, IEC, sartan, potassium ou héparine. Elle survient chez 5 à 10 % de ces patients et plusieurs de ces facteurs étaient présents pour monsieur C.

Attitude à adopter

Un suivi régulier par dosage de la kaliémie avant traitement, puis une à 2 semaines après l'instauration, puis tous les 3 à 4 mois, est recommandé. La nouvelle ordonnance de monsieur C. devrait rétablir la kaliémie : Lasilix induit une kaliurie, et Augmentin et Doliprane sont neutres sur le plan potassique.

1-contre-indications

Mélanie est enceinte

Mélanie, 31 ans, se présente à la pharmacie avec un test de grossesse dont la positivité ne fait aucun doute. Même si cette grossesse n'était pas prévue, la jeune femme est enthousiaste. Elle explique au pharmacien que ce sont ses seins douloureux, particulièrement gonflés depuis presque trois semaines, et les nausées dont elle souffre au réveil qui l'ont motivée à réaliser un test bien qu'elle soit sous pilule (Jasminelle). Elle reconnaît avoir sauté quelques prises ces derniers temps, mais elle avait été « rassurée » par des règles à la fin de chaque plaquette. Elle a donc pris ses habituels comprimés d'Antadys prescrits 5 jours par mois par sa gynécologue du fait de règles douloureuses et abondantes. Mélanie ne revoit son médecin que dans une semaine et craint que la prise d'Antadys ne soit délétère pour le foetus si la grossesse se confirmait.

Quel est le risque d'une prise d'AINS en cours de grossesse ?

Le célécoxib est le seul AINS contre-indiqué pendant toute la grossesse, pour tous les autres :

- au 1er trimestre de grossesse : l'utilisation d'un AINS ne doit être envisagée que sur prescription médicale. Les AINS ne sont pas tératogènes et une prise ponctuelle n'expose pas à de graves conséquences.

- au 2e trimestre (début de la diurèse foetale) : une prise brève ne doit être prescrite que si nécessaire. Une prise prolongée est fortement déconseillée.

- au 3e trimestre : toute prise, même ponctuelle, est contre-indiquée.

Une prise par mégarde au cours du 3e trimestre justifie une surveillance cardiaque et rénale, foetale et/ou néonatale selon le terme d'exposition. En effet, tous les inhibiteurs de synthèse des prostaglandines peuvent exposer le foetus à une toxicité cardiopulmonaire (HTA pulmonaire avec fermeture prématurée du canal artériel) et à un dysfonctionnement rénal pouvant aller jusqu'à l'insuffisance rénale avec oligoamnios (baisse de la quantité de liquide amniotique).

Analyse du cas

- La prescription d'AINS chez les femmes souffrant de ménorragies est fréquente. En effet, au cours des règles l'endomètre sécrète plus de prostaglandine E2 et de prostacycline, lesquelles agissent comme vasodilatateurs et inhibent l'agrégation plaquettaire. Les AINS diminuent le flux menstruel en réduisant les taux de prostaglandines. Ils permettent également de soulager les éventuelles douleurs associées.

Ils constituent une alternative thérapeutique à la pose du stérilet progestatif Mirena, à l'utilisation de l'acide tranexamique (Exacyl, Spotof) ou à celle d'un contraceptif oral à climat plutôt progestatif, induisant une hypoplasie endométriale.

- La prise d'une pilule en début de grossesse est sans conséquence sur le foetus. Il faut toutefois savoir que même chez une femme enceinte, la prise d'un contraceptif oral peut induire de fausses règles en fin de plaquette et donc masquer la grossesse.

Attitude à adopter

Mélanie étant probablement enceinte depuis peu, le pharmacien la rassure sur les conséquences de la prise d'Antadys.

2-contre-indications

Clémentine a-t-elle la varicelle ?

Le père de Clémentine, 6 ans, voudrait un médicament pour faire tomber la fièvre de sa fille en attendant la visite du médecin prévue ce soir. Elle a 39 °C de fièvre depuis cette nuit. Le paracétamol seul ne suffit pas à la faire baisser. Il précise que son fils de 4 ans a eu la varicelle il y a une quinzaine de jours.

Quel antipyrétique le pharmacien peut-il conseiller ?

Rien d'autre que le paracétamol ! Il est probable que Clémentine ait attrapé la varicelle de son frère sans qu'aucune vésicule ne soit encore visible pour le moment sur sa peau. La pharmacovigilance a mis en évidence quelques cas, parfois graves, de complications infectieuses cutanées lors de l'utilisation d'AINS (ibuprofène ou kétoprofène principalement) chez des enfants atteints de varicelle. Cela a conduit l'Afssaps à renforcer les précautions d'emploi et les mises en garde de tous les AINS indiqués chez l'enfant, considérant qu'il est prudent d'éviter leur utilisation en cas de varicelle.

Analyse du cas

Compte tenu de la contagiosité de la varicelle, on peut s'attendre à ce que la fièvre de Clémentine soit un des premiers symptômes de la maladie, transmise par son frère. L'examen médical doit être minutieux car l'éruption est parfois très discrète, limitée par exemple au cuir chevelu. Le traitement de la fièvre et/ou de la douleur en première intention chez l'enfant en cas de varicelle est le paracétamol, en raison de sa bonne tolérance à doses thérapeutiques. Il est rappelé que l'aspirine ne doit jamais être administrée chez l'enfant sans avis médical en raison du risque de survenue d'un syndrome de Reye, maladie rare mais grave.

Attitude à adopter

Dans l'attente du la visite du médecin, le pharmacien peut conseiller au père de Clémentine de ne pas trop la couvrir, de la faire boire régulièrement (plus qu'à l'habitude) et de maintenir une température ambiante comprise entre 18 et 20 °C.

3-contre-indications

Un pictogramme inquiétant

Roger, 56 ans, se présente à la pharmacie en sortant de chez le rhumatologue, pour acheter les médicaments qui viennent de lui être prescrits. Sa visite chez le spécialiste a été motivée par le réveil, depuis plusieurs semaines, de douleurs arthrosiques qui l'empêchent de jardiner. Alors que la préparatrice inscrit sur la boîte la posologie de Cartrex (acéclofénac), Roger s'inquiète du pictogramme mettant en garde sur les risques liés à la conduite automobile.Quel est le niveau de risque des AINS en cas de conduite automobile ?

La plupart des anti-inflammatoires non stéroïdiens signalent sur leur conditionnement extérieur le pictogramme de niveau 1, niveau de risque le plus bas sur 3.

Analyse du cas

Parmi les effets indésirables potentiels des anti-inflammatoires non stéroïdiens, les plus à même de perturber les capacités de conduite ou d'utilisation de machines sont des troubles visuels et des troubles de la vigilance ou du comportement. Ils s'avèrent peu fréquents voire rares et dépendent largement de la susceptibilité individuelle. La conduite automobile ne doit pas pour autant être systématiquement interdite.

Attitude à adopter

Le pharmacien détaille à Roger les éventuels troubles justifiant la présence du pictogramme en évoquant leur faible fréquence de survenue. Il lui indique également que la notice du médicament contient les mises en garde indiquant les cas où il devra s'abstenir de conduire : en particulier s'il a précédemment ressenti des effets indésirables potentiellement dangereux tels que des troubles visuels ou des vertiges. Roger peut donc être rassuré et rentrer chez lui en voiture, sans crainte.

1-profils particuliers

Un asthme particulier

Fanny L., 35 ans, peut enfin mettre un nom sur la maladie qui, depuis quelques mois, occasionne chez elle des symptômes de plus en plus gênants. Bien que l'ordonnance qu'elle présente au pharmacien ne soit pas différente des précédentes (Seretide Diskus, Singulair, Ventoline, Nasacort), elle lui annonce qu'elle souffre de la maladie de Widal. Elle rapporte d'ailleurs à la pharmacie deux boîtes de Voltarène entamées car le médecin lui a précisé que toute prise d'aspirine ou d'anti-inflammatoire non stéroïdien lui était dorénavant contre-indiquée.

Pourquoi les prises d'AINS et d'aspirine sont-elles contre-indiquées en cas de maladie de Widal ?

- La maladie de Widal a été décrite pour la première fois en 1922. Les symptômes apparaissent vers l'âge de 30 à 40 ans avec une rhinite chronique puis l'installation d'une intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, suivie par une polypose nasale. Les femmes sont plus fréquemment, plus précocement et plus sévèrement atteintes que les hommes. Parmi les adultes asthmatiques (toutes étiologies confondues), 5 à 6 % présenteraient une maladie de Widal.

- Chez Fanny, la prise d'ibuprofène ou d'aspirine a entraîné à deux reprises une crise d'asthme qui a duré plusieurs jours. La polypose nasale s'est manifestée par des troubles soudains de l'odorat (avec également une perte partielle du goût) et un sommeil difficile. Son asthme s'est progressivement aggravé, nécessitant à certaines périodes la mise en place d'une corticothérapie par voie orale.

Analyse du cas

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l'aspirine sont responsables d'un blocage de la voie de la cyclo-oxygénase par inhibition des cyclo-oxygénases de types 1 et 2, enzymes permettant la synthèse des prostaglandines. Dans cette situation, le métabolisme de l'acide arachidonique est dévié préférentiellement vers la voie de la lipo-oxygénase. Ce phénomène reste parfaitement bien toléré par les individus sains, il aboutit en revanche à une formation exagérée de leucotriènes chez les patients souffrant de la maladie de Widal.

Les leucotriènes sont principalement responsables d'une bronchoconstriction et d'une inflammation des muqueuses respiratoires, avec notamment oedème et sécrétion accrue de mucus.

Attitude à adopter

- Le médecin a proscrit l'aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens pour Fanny. Il a évoqué une désensibilisation à ces molécules, à réaliser à l'hôpital, car certainement, un jour, leur utilisation se révélera indispensable.

- Le titulaire de la pharmacie a profité de ce cas pour refaire le point avec son équipe. La délivrance d'anti-inflammatoires non stéroïdiens ou d'aspirine doit être évitée chez les patients asthmatiques sans l'accord explicite du médecin. Il en est de même pour le médicament homéopathique Céphyl qui contient de l'aspirine.

2-profils particuliers

Jack est insuffisant cardiaque

L'état cardiovasculaire de Jack T. est prédominé par un terrain d'insuffisance cardiaque qui l'oblige à ménager ses efforts. C'est sa femme qui vient à la pharmacie aujourd'hui pour lui acheter une eau de toilette car il est hospitalisé pour un essoufflement inhabituel peut-être dû à l'antidouleur prescrit par le stomatologue. En regardant dans son historique médicamenteux, la pharmacienne retrouve Birodogyl et Lodine (étodolac).

Quelle est la relation entre l'essoufflement et la prise de l'antidouleur ?

L'étodolac est un AINS notamment utilisé dans les soins dentaires et stomatologiques pour lutter contre l'inflammation et la douleur. Comme tous les AINS, il peut provoquer une rétention hydrosodée à l'origine de l'aggravation d'une insuffisance cardiaque du ventricule gauche. Un essoufflement inhabituel ou paroxystique est un des symptômes évocateurs.

Analyse du cas

Du fait de son insuffisance cardiaque, Jack présentait un « terrain à risque » pour la prescription d'un AINS, quel qu'il soit. En effet, on sait maintenant depuis longtemps que la rétention hydrosodée et/ou l'altération de la fonction rénale et l'élévation de la tension artérielle aggravent et décompensent les dysfonctions ventriculaires gauches, qu'elles soient systoliques ou diastoliques. Toutefois, le risque d'un premier épisode chez les patients sans antécédents n'est pas augmenté. Il faut donc être particulièrement prudent chez les insuffisants cardiaques symptomatiques.

Attitude à adopter

Cet effet délétère justifie d'éviter la prescription d'AINS chez les patients insuffisants cardiaques. Le pharmacien est en première ligne pour refuser la délivrance d'une ordonnance d'AINS ou pour proposer de préférence du paracétamol devant une demande spontanée d'AINS chez ce type de patient.

3-profils particuliers

Hospitalisée pour septicémie

En discutant avec le pharmacien, Léa B., 30 ans, raconte pourquoi elle a été hospitalisée 10 jours pour une septicémie. Tout a commencé par la dévitalisation d'une dent chez son dentiste, suite à un abcès. Lui ont alors été prescrits une association d'antibiotiques (Augmentin et Flagyl) et du Nexen (nimésulide). Suite à une éruption cutanée après quelques jours de traitement, Léa a pris l'initiative d'arrêter ses antibiotiques sans avis médical, en continuant toutefois le Nexen. Deux jours plus tard, une vive douleur à la mâchoire, une forte fièvre et des frissons l'ont conduite aux urgences.

Les médicaments peuvent-ils avoir joué un rôle dans cette réaction ?

C'est probable.D'abord, du fait de l'arrêt prématuré de l'antibiothérapie, puis par la prescription de l'AINS qui peut diminuer la réponse immunitaire.

Analyse du cas

Augmentin agit en synergie avec Flagyl : leur association permet une action contre les germes aérobies et anaérobies. Léa n'aurait évidemment jamais dû arrêter le traitement sans avis médical. En outre, les AINS sont depuis longtemps suspectés de favoriser les infections des tissus mous en masquant les symptômes infectieux et en freinant la réponse physiologique par inhibition du phénomène inflammatoire. Le germe responsable de l'infection dentaire a donc eu le loisir de se multiplier et a finalement causé une septicémie en passant dans la circulation générale.

Attitude à adopter

Les chirurgiens-dentistes savent qu'en cas d'infection dentaire l'instauration d'un traitement par AINS est contre-indiquée sans couverture antibiotique efficace. Si le pharmacien détecte une mauvaise observance de l'antibiothérapie, une consultation médicale s'impose afin de revoir la stratégie thérapeutique. De même, il doit s'abstenir de délivrer des AINS devant une plainte dentaire, mais privilégier le paracétamol et un bain de bouche antiseptique en attendant le rendez-vous chez le praticien.

Les références médicales opposables concernant les AINS

Il n'y a pas lieu :

- de poursuivre le traitement AINS lors de rémissions complètes des rhumatismes inflammatoires chroniques et en dehors des périodes douloureuses des rhumatismes dégénératifs ;

- de poursuivre le traitement AINS au-delà d'une à deux semaines sans réévaluation clinique dans les lombalgies aiguës et dans les rhumatismes articulaires en poussée ;

- d'associer un antiulcéreux à un AINS à doses anti-inflammatoires, sauf chez les sujets à risque digestif ;

- de prescrire un AINS par voie intramusculaire au-delà des 3 premiers jours de traitement. Cette voie ne diminue pas le risque digestif, comporte des risques et n'est pas plus efficace passé ce délai. Un relais oral est préconisé ;

- d'associer deux AINS par voie générale (sauf l'aspirine à faible dose comme antiagrégant plaquettaire). Ceci s'applique pour tout AINS, qu'il soit employé comme antalgique, antipyrétique ou anti-inflammatoire ;

- de prescrire un AINS chez un patient sous AVK, héparine ou ticlopidine, en raison du risque hémorragique* ;

- de prescrire un AINS à un patient recevant un traitement par IEC, diurétiques ou ARA II, sans prendre les précautions nécessaires, particulièrement chez le sujet âgé, en raison du risque d'insuffisance rénale aiguë ;

- d'associer un AINS à une corticothérapie, sauf dans certaines maladies inflammatoires systémiques évolutives (lupus érythémateux disséminé, cas résistants de polyarthrite rhumatoïde, angéites nécrosantes...).

* Association déconseillée mais parfois prescrite sous surveillance médicale rapprochée.

À RETENIR

Les AINS sont responsables d'environ un tiers des insuffisances rénales aiguës d'origine médicamenteuse.

À RETENIR

La présence de sang dans les urines, sans germes, après la prise d'un AINS doit faire penser à une toxicité vésicale.

ATTENTION !

Les AINS sont susceptibles d'augmenter la pression artérielle, notamment chez les patients hypertendus.

ATTENTION !

Les suppositoires contenant un AINS partagent les mêmes risques digestifs que la forme orale ou injectable.

À RETENIR

En cas d'antécédent de photodermatose avec le kétoprofène appliqué localement, il existe un risque d'une allergie croisée avec l'acide tiaprofénique.

Aspirine à faible dose et ibuprofène : compétition

Tout patient traité par aspirine comme antiagrégant plaquettaire et prenant de l'ibuprofène ponctuellement comme antalgique devrait prendre l'aspirine avant l'ibuprofène. En cas de prise continue d'ibuprofène pendant plusieurs jours, celui-ci est constamment présent au niveau de la cible et pourrait empêcher l'action de l'aspirine. Il faudrait alors privilégier le diclofénac, qui n'interfère pas sur l'effet antiagrégant plaquettaire (le New England Journal of Medicine* a décrit en 2001 une interaction entre l'ibuprofène et l'aspirine utilisée comme antiagrégant plaquettaire).

A faible dose, l'aspirine se fixe de façon irréversible sur la cyclo-oxygénase plaquettaire de type 1 (cox-1). Cette enzyme est alors inhibée durant toute la vie de la plaquette, empêchant la formation de thromboxane, proagrégant. Contrairement à celle de l'aspirine, la liaison de l'ibuprofène à la cox-1 serait réversible et sans effet antiagrégant plaquettaire. L'étude montre que l'ibuprofène pris 2 heures avant l'aspirine inhiberait son effet antiagrégant plaquettaire. L'ibuprofène empêcherait l'aspirine d'atteindre sa cible par un phénomène de compétition au moment de la fixation sur la cox-1. En revanche, une prise d'ibuprofène 2 heures après celle d'aspirine à faible dose n'aurait pas d'influence sur les effets de cette dernière.

* Francesca Catella-Lawson et al., « Cyclooxygenase Inhibitors and the Antiplatelet Effects of Aspirin », N Engl J Med 2001, Déc. 20;345:1809-1817.

À RETENIR

L'association d'un anticoagulant à un AINS est déconseillée, sauf situation jugée indispensable par le médecin

À RETENIR

Le recul permet aujourd'hui de lever la suspicion d'interaction entre les AINS et l'utilisation d'un stérilet.

ATTENTION !

Dans certaines circonstances, les AINS sont susceptibles d'augmenter la kaliémie. Un suivi biologique est parfois nécessaire.

Menaces d'accouchement prématuré

- Les substances ayant une action dans la menace d'accouchement prématuré sont les bêta-2-mimétiques, les inhibiteurs calciques, le sulfate de magnésium en perfusion et les AINS.

- Les prostaglandines jouent un rôle majeur dans le déclenchement de l'accouchement en augmentant notamment la concentration calcique intracellulaire. Leur synthèse peut être inactivée transitoirement par des AINS. Le problème majeur de cette classe thérapeutique réside dans ses éventuels effets nocifs sur le foetus, en particulier rénaux et cardiovasculaires.

- Avant 32 semaines de grossesse, l'indométacine peut être utilisée hors AMM en cas de menace d'accouchement prématuré. A ce terme du développement foetal, il n'y a pas de risque de constriction du canal artériel. Toutefois, en cas d'utilisation de l'anti-inflammatoire non stéroïdien dans ce cadre, une surveillance clinique et échographique stricte s'impose.

- Après 32 semaines de grossesse, toute prise même ponctuelle d'indométacine peut entraîner une mort foetale.

ATTENTION !

La prise d'AINS est contre-indiquée au dernier trimestre, et reste déconseillée sans avis médical tout au long de la grossesse.

Le célécoxib est quant à lui contre-indiqué pendant toute la grossesse.

À RETENIR

L'utilisation des AINS est contre-indiquée chez l'enfant en cas de varicelle ou de suspicion de varicelle.

À RETENIR

Du fait de rares effets indésirables, le pictogramme sur les risques liés à la conduite est de niveau 1 pour les AINS. Il n'y a donc pas lieu d'interdire la conduite en l'absence de signe d'alarme.

À RETENIR

La maladie de Widal est caractérisée par la triade « intolérance à l'aspirine ou aux AINS/polypose nasale/asthme ».

Particularités d'utilisation du célécoxib

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibant sélectivement la cyclo-oxygénase de type 2 (ou coxibs) partagent les mêmes propriétés anti-inflammatoire, antalgique et antipyrétique que les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Le célécoxib (Celebrex) est aujourd'hui le seul coxib restant indiqué en ville, uniquement dans le traitement symptomatique de l'arthrose, de la polyarthrite rhumatoïde et de la spondylarthrose ankylosante.

Il présente certaines particularités d'utilisation par rapport aux anti-inflammatoires non stéroïdiens « conventionnels » : u le risque cardiovasculaire doit être évalué avant de débuter le traitement : les patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension, hyperlipidémie, diabète, tabagisme...) ou d'artériopathie périphérique ne devront être traités avec le célécoxib qu'après une évaluation approfondie. Une cardiopathie ischémique avérée et/ou un antécédent d'accident vasculaire cérébral constituent des contre-indications ; u le célécoxib est également contre-indiqué tout au long de la grossesse et chez les femmes susceptibles de devenir enceintes. En cas de découverte d'une grossesse au cours du traitement, le célécoxib devra immédiatement être arrêté ; u le célécoxib n'a pas d'action inhibitrice de l'agrégation plaquettaire ; il ne peut donc pas se substituer à l'aspirine à faible dose.

ATTENTION !

Du fait de risques de décompensation, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque ne devraient pas recevoir d'AINS sans absolue nécessité.

ATTENTION !

La prescription d'un AINS sans couverture antibiotique peut dans certains cas masquer et/ou aggraver une infection des tissus mous.

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