Prix du Moniteur - Le Moniteur des Pharmacies n° 2802 du 14/11/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2802 du 14/11/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

les résultats

Le Prix du Moniteur 2009

Le Prix du Moniteur « Intervention officinale autour d'une ordonnance » est attribué chaque année à un pharmacien ou à une équipe ayant agi de manière particulièrement judicieuse et efficace pour améliorer la délivrance d'une ordonnance. Analyse pertinente de la prescription, prise en charge spécifique du patient, contacts avec l'équipe soignante ou avec les centres de pharmacovigilance sont à la base des meilleurs dossiers reçus.

Le jury du Prix du Moniteur 2009

-Jean-Marie Gazengel

-François Chassagne

-Florence Bontemps

-Jean Calop

-Vivien Veyrat

Jean-Marie Gazengel (doyen de la faculté de Caen), Florence Bontemps (rédactrice en chef adjointe du Moniteur), Jean Calop (professeur de pharmacie clinique à la faculté de Grenoble et praticien hospitalier), François Chassagne (lauréat du Prix du Moniteur 2008), Vivien Veyrat (adjoint, professeur associé à la faculté de Paris-XI), Brigitte Vennat (professeur de pharmacie galénique et présidente de l'APPEX) et Olivier Catala (titulaire, professeur associé à la faculté de pharmacie de Lyon) ont attribué, à l'unanimité, le Prix du Moniteur 2009 à Isabelle Geiler-Courtois, adjointe à la Pharmacie Béniac et Labbe à Haubourdin (59).

Une prescription de Motilium, à raison de 3 comprimés 3 fois par jour, pour stimuler la lactation est arrivée un beau matin à la Pharmacie Béniac et Labbe d'Haubourdin. Que fallait-il faire ? La refuser sous prédiv qu'elle était hors AMM ? L'honorer en se disant qu'après tout, puisque le médecin confirmait, on pouvait délivrer ? Ou s'interroger plus en avant sur le rapport bénéfice/risque de cette prescription avant de prendre position ? C'est ce dossier, rédigé par Isabelle Geiler-Courtois, adjointe à la Pharmacie Béniac et Labbe, que le jury du Prix du Moniteur a choisi de primer cette année. Nous vous le présentons in extenso en page 4.

Vous pourrez également lire des résumés de trois dossiers qui nous ont paru spécialement intéressants.

Mais bien d'autres ont retenu notre attention, montrant la diversité de votre exercice et le bénéfice de vos interventions pour vos patients. Un moine franciscain atteint de lymphoedème et d'ulcères au point de ne plus pouvoir lacer ses sandales de cuir et qui, grâce à l'intervention de la pharmacie et sa connaissance des pansements spécifiques, peut reprendre ses promenades au cloître... Une patiente âgée chez qui vient d'être diagnostiqué un cancer colorectal et qui panique devant les poches qui se décollent ou explosent... Un jeune patient porteur d'une sonde gastrique à qui a été prescrit de la Navelbine, un anticancéreux irritant dont il ne faut pas ouvrir les capsules... Un patient de 81 ans qui croit bien faire en déconditionnant tous ses médicaments et en les rangeant pêle-mêle dans une boîte de bonbons des Vosges...

Le Prix du Moniteur, c'est une façon de montrer à quel point vous êtes indispensables dans la chaîne de soins. Bravo à tous les participants !

Florence Bontemps

Isabelle Geiler-Courtois, lauréate du Prix du Moniteur 2009

Rigueur, ténacité et humanité étaient les trois mots clés du dossier présenté par Isabelle Geiler-Courtois. Adjointe à la Pharmacie Béniac et Labbe à Haubourdin, dans le Nord, elle l'a rédigé à partir d'une ordonnance de Motilium prescrite à raison de neuf comprimés par jour (!) à une jeune maman pour favoriser l'allaitement. Isabelle Geiler-Courtois recevra un chèque de 2 000 euros lors de la soirée « Initiatives 2009 » qui se déroulera à Paris le 19 Novembre.

Pourquoi avoir participé au Prix du Moniteur ?

« Je suis passionnée par mon travail, explique Isabelle Geiler-Courtois qui a rédigé le dossier gagnant. Apporter un conseil, une explication ou mettre en garde les patients est une préoccupation permanente et c'est ainsi que je conçois mon métier au quotidien. » Ce n'est donc pas sur un coup de tête que cette jeune pharmacienne décide de participer au Prix du Moniteur 2009. « J'avais très envie de participer au Prix du Moniteur depuis un moment déjà, pour témoigner de notre travail d'équipe au sein de la pharmacie ou encore de la démarche de recherche et de conseil qui peut être faite en fonction des situations rencontrées au comptoir. » Ne restait plus qu'à rencontrer le cas de comptoir qui méritait d'être relaté. Ce fut une ordonnance de Motilium, prescrite hors AMM à forte dose pour stimuler la lactation. Il faut dire qu'Isabelle est elle-même jeune maman. Pas question de délivrer sans s'être assurée du bien-fondé de la prescription, ni de laisser la patiente sans solution... En tout cas le temps passé à satisfaire cette patiente a été largement compensé par le sentiment du devoir accompli et de l'avoir fidélisée à tout jamais !

le dossier gagnant

Du Motilium pour stimuler la lactation

Madame V. a accouché il y a trois semaines. Suite à une visite chez le pédiatre, elle se présente à la pharmacie avec une ordonnance qui lui est destinée et mentionnant la prescription de Motilium à la posologie de 3 comprimés 3 fois par jour. Madame V. précise : « Le médecin m'a prescrit ce médicament pour stimuler la lactation. Il m'a dit que vous seriez sans doute étonné ! » Comment réagir ? Le « Vidal » ne fait aucune mention à cette indication et précise que le médicament est déconseillé durant l'allaitement. De plus, la posologie prescrite est supérieure aux doses maximales recommandées...

Le cas

Condiv Clinique

Madame V., 35 ans, cliente habituelle de la pharmacie, a accouché il y a 22 jours d'une petite fille. Il s'agit d'une première grossesse, l'accouchement s'est déroulé 1 mois avant la date présumée. Madame V. a débuté son allaitement à la maternité. Rapidement, après sa sortie de l'hôpital, elle est venue louer un tire-lait électrique à la pharmacie dans le but de pouvoir « s'évader un peu de temps en temps sans culpabiliser » en laissant à son mari le soin de donner un biberon de lait maternel au bébé. La location du tire-lait a été l'occasion de rappeler à la jeune maman tous les conseils relatifs à la bonne mise en route de l'allaitement.

L'ordonnance

Madame V. présente également une ordonnance établie à son nom, émanant du pédiatre, qui mentionne du Motilium, 3 comprimés 3 fois par jour pendant un mois. Elle explique que le médicament lui a été prescrit pour stimuler la lactation.

Malgré le Galactogil et tout en suivant bien les principes de base de la mise en route de l'allaitement qui lui ont été communiqués à la maternité et à la pharmacie, le bébé n'a pas pris suffisamment de poids. Madame V. précise : « Le médecin m'a expliqué que vous seriez étonné par cette prescription. Mais il m'a immédiatement rassurée en me disant que c'était habituel et que ça ne posait pas de problème dans cette indication. »

Les comprimés de Motilium (dompéridone) sont indiqués pour soulager les nausées et vomissements, les sensations de distension épigastrique, les gênes au niveau supérieur de l'abdomen ou les régurgitations gastriques. La posologie maximale chez l'adulte est de 2 comprimés 4 fois par jour.

Quel est le problème ?

Détection du problème

L'AMM de Motilium ne mentionne aucune indication relative à la stimulation de la lactation. Par ailleurs, sans être formellement contre-indiqué, le médicament n'est pas recommandé durant l'allaitement en raison de son passage dans le lait maternel. En outre, la posologie prescrite par le médecin est supérieure à la dose maximale recommandée.

Analyse du risque encouru

- Pour madame V. : risque de surdosage en dompéridone (somnolence, état de désorientation, syndrome extrapyramidal).

- Pour la petite fille de madame V : consommation de dompéridone par le lait maternel.

- En cas de refus de délivrance de la dompéridone, l'allaitement risque d'être compromis.

Déroulement de l'intervention

Analyse du problème

Madame V. a besoin de savoir rapidement si elle pourra continuer l'allaitement maternel exclusif, comme elle le souhaite, ou si elle doit commencer à donner quelques biberons de lait maternisé. Le risque vaut-il la peine d'être pris? Comment la dompéridone stimule-t-elle la production de lait maternel et dans quelles proportions ? Doit-on maintenir la posologie ou la réduire?

Nous proposons à madame V. de repasser dans l'après-midi, le temps que nous puissions faire toutes les recherches.

Recherche documentaire

- La dompéridone est un antagoniste de la dopamine, cette dernière ayant une action inhibitrice sur la sécrétion de prolactine. Dans le Vidal, il est précisé : « La dompéridone peut causer une augmentation des concentrations en prolactine se traduisant dans de rares cas par une gynécomastie, une galactorrhée ou une aménorrhée. » La précision « rares cas » fait penser que cet effet n'arrive pas du tout systématiquement : il y a donc un risque d'inefficacité clinique.

- Nous décidons de téléphoner au laboratoire qui commercialise le médicament afin d'avoir son avis sur la question et éventuellement les études cliniques réalisées dans ce domaine. Le laboratoire précise clairement qu'il est recommandé de ne pas allaiter durant le traitement, que « l'indication des insuffisances de lactation n'est pas validée par l'AMM de notre spécialité Motilium ». Ils proposent d'envoyer par fax les publications et les études relatives à ce sujet.

- Quelques jours plus tard, nous recevrons le rapport qui précise que les concentrations en dompéridone dans le lait maternel des femmes allaitant représentent 10 à 50 % des concentrations plasmatiques correspondantes et ne devraient pas excéder 10 ng/ml. La quantité totale de dompéridone excrétée dans le lait humain est estimée inférieure à 7 µg/jour à la posologie maximale recommandée.

- Cependant, cet envoi par courrier a pris plusieurs jours et ne permet pas de donner une réponse immédiate à la patiente. Nous effectuons une recherche rapide sur Internet en tapant « dompéridone et lactation » sur un moteur de recherche. Le sujet est bien documenté. Beaucoup de sites différents parlent de cette utilisation comme quelque chose de connu et de pratiqué de façon plus qu'anecdotique.

- Le site WK-Pharma nous permet d'accéder aux archives des « Cahiers Formation » du Moniteur. Nous relisons celui du 31 janvier 2004 sur « Les médicaments pendant l'allaitement », qui explique, en page 2 : « Les antagonistes dopaminergiques augmentent la production de lait. C'est le cas de la théophylline, des neuroleptiques et des antinauséeux tels que le métoclopramide et la dompéridone. Ces deux-là peuvent d'ailleurs être utilisés pendant l'allaitement. »

Cette information est complétée avec le « Cahier Formation » du 18 novembre 2006 sur « L'allaitement », page 10 : « Ne pas avoir de crainte si le médicament est utilisé en pédiatrie. » Et aussi en page 11 « Il serait dommage de mettre en péril l'allaitement juste au vu des données du Vidal. Mieux vaut contacter le centre régional de pharmacovigilance. La poursuite ou non de l'allaitement s'étudie au cas par cas, en fonction de la durée du traitement, de la posologie ou de l'âge du bébé. »

Appels centre de pharmacovigilance et médecin

- Joint par téléphone, le pédiatre maintient la prescription et la posologie du Motilium.

- Nous décidons donc de contacter le centre de pharmacovigilance. Après quelques recherches, le centre de pharmacovigilance nous rappelle et explique que l'administration de dompéridone dans le but de stimuler la lactation est une pratique courante. Beaucoup d'études ont été réalisées sur le sujet dans les années 80, mais sur de petits groupes de personnes. La conclusion des études est la suivante : la dompéridone passe dans le lait maternel mais à des dosages bien inférieurs aux doses thérapeutiques chez l'enfant. La lecture des études cliniques fournies par le laboratoire nous montrera plus tard que des études plus récentes ont été faites en 2002 et 2004, et que la dompéridone donne, apparemment, de meilleurs résultats pour stimuler la lactation que les autres molécules de la même famille.

u Les conclusions du centre de pharmacovigilance sont les suivantes : « Même si la prise de dompéridone ne présente pas, à notre avis, de risque particulier pour le bébé, il nous semble plus prudent de réduire la posologie à 30 ou 60 mg/jour chez votre patiente, dosages pour lesquels les données sont connues (même s'il s'agit d'un petit nombre de patientes), et de conseiller à votre patiente de se rapprocher d'une association pour l'aider dans son allaitement. »

Conseils sur l'utilisation du médicament

Nous prenons donc notre décision sur la base de ces informations. Nous délivrons à la patiente la boîte de Motilium avec une posologie de 4 à 6 comprimés par jour au maximum en lui expliquant qu'il faut qu'elle trouve la posologie minimale suffisante. Elle choisit donc de commencer avec 3 comprimés par jour et d'augmenter par paliers si nécessaire.

Conseils associés

Nous lui rappelons de relire la fiche conseil sur l'allaitement que nous lui avions délivrée lors de sa location de tire-lait électrique et nous lui remettons les coordonnées de l'association La Leche League France qui est spécialisée dans l'accompagnement des femmes qui allaitent.

Accompagnement de la patiente

Nous avons revu madame V. a de très nombres reprises. Son compagnon s'était lui aussi renseigné via Internet sur l'usage de ce médicament pendant l'allaitement et semblait très inquiet. Nous lui avons donc donné l'adresse Internet du CRAT (Centre de recherche sur les agents tératogènes, http://www.lecrat.org) ; il a ainsi pu être rassuré.

La posologie de 3 comprimés par jour de Motilium a été suffisante pour stimuler la lactation de façon efficace. L'allaitement a pu être poursuivi pendant de nombreux mois.

Du Motilium pour son bébé

Environ 3 semaines plus tard, madame V. nous présente une ordonnance pour sa petite fille mentionnant Motilium sirop (1 dose-poids 4 fois par jour) et Gaviscon (1 ml à chaque repas). Madame V. nous demande avec une certaine inquiétude si l'ajout de Motilium en sirop, alors que sa petite fille en reçoit déjà via le lait maternel, ne risque pas de faire un surdosage. Par prudence, nous contactons à nouveau le pédiatre. Celui-ci décide de baisser la posologie du Motilium à 1 dose-poids 3 fois par jour.

Par ailleurs, nous avions depuis reçu les études cliniques du laboratoire concernant le passage du Motilium dans le lait maternel. Les données envoyées par le centre de pharmacovigilance nous permettent également de conclure que la quantité de dompéridone reçue par le bébé est faible (0,04 µg/kg/jour pour 30 mg par jour de Motilium pris par la mère).

Nous avons donc rassuré la maman en lui expliquant qu'elle pouvait donner le sirop à son bébé sans risque de surdosage.

Répercussions

- Suite à cette intervention, nous élaborons et envoyons au médecin une opinion pharmaceutique mentionnant l'adaptation de posologie du Motilium en comprimés.

- Nous complétons notre fiche conseil sur l'allaitement avec les coordonnées de La Leche League France (http://www.lllfrance.org). Spécialisée dans la prise en charge des femmes qui allaitent, cette association apporte un réel soutien aux jeunes mamans. Elle propose des réunions d'information pendant la grossesse, ce qui permet quelques fois d'éviter des erreurs de départ aboutissant (comme dans le cas de madame V.) à une diminution de la production de lait. Le but étant bien sûr d'agir en amont des problèmes afin d'éviter au maximum d'avoir à prendre un médicament hors AMM pour stimuler la lactation, mais aussi d'éviter un arrêt précoce et non souhaité.

- Nous utilisons de façon beaucoup plus fréquente le site du CRAT, lequel fournit des informations détaillées et plus complètes que le Vidal sur l'usage des médicaments pendant la grossesse et l'allaitement.

- Nous avons réalisé toute l'aide que le centre de pharmacovigilance peut nous apporter dans certaines situations un peu délicates comme celle-ci et aurons recours à leur avis plus facilement à l'avenir.

Références

(1) « Vidal » 2008. (2) http://fondationcanadienneallaitement.org/articles/19a-domperidone.html. (3) « Cahier conseil » n° 2521 du « Moniteur des pharmacies », 31.1.2004. (4) « Cahier conseil » n° 2651 du « Moniteur des pharmacies », 18.11.2006. (5) Warns Against Women Using Unapproved Drug, Domperidone, to Increase Milk Production, FDA, Talk Paper, June 7, 2004. (6) Effect of Domperidone on Milk Production in Mothers of Premature Newborns : a Randomized, Double Blind, Placebo-controlled Trial, Orlando, P CMAJ. Jan. 9,2001 ; 164. (7) Domperidone: secretion in breast milk and effect on puerperal prolactin levels. British Journal of Obstetrics and Gynæcology. Feb, 1985 ; 141-144. (8) Domperidone in defective and insufficient lactation. Europ. J. Obstet. Gynec. Reprod. Biol, 19, 1985 ; 281-287. (9) Effect of Parity on Pituitary Prolactin Response to Metoclopramine and Domperidone: Implications for the Enhancement of Lactation. Vol. 7, No 1, Jan/Feb, 2000. (10) Galactogogues: Medications That Induce Lactation. J Hum Lact 18(3), 2002. (11) A comparative study on the efficacy of the different galactogogues among mothers with lactational insufficiency. J Clin Pharmacol. 2002. 42:1051-1057. (12) Site de la maternité du Pavillon du Bois : http://www.pavillon-bois.com. (13) http://www.wk-pharma.fr

résumés des dossiers sélectionnés

Risque de troubles ventriculaires graves sous halopéridol

De nombreux neuroleptiques sont susceptibles de donner des torsades de pointes. Les alternatives thérapeutiques ne sont donc pas nombreuses chez un patient âgé traité par amiodarone. La Pharmacie des Palmiers a recherché la meilleure solution possible et a élaboré un aide-mémoire sur les médicaments torsadogènes et les antipsychotiques.

Pharmacie des Palmiers

2, rue de l'Ormeau

Saint-Denis-d'Oléron (Charente-Maritime)

Participants

- Mehdi Djilani, titulaire

- Aurélie Tapon, préparatrice

- Julie Brangier, étudiante en 6e année

LE CAS

- Le patient

M. C., âgé de 83 ans, souffre d'une légère démence sénile. Il est traité depuis plusieurs années par Cordarone (amiodarone) et Seloken (métoprolol) pour des troubles du rythme cardiaque. II est également pris en charge pour une hypercholestérolémie (Elisor, pravastatine) et une hypertrophie bénigne de la prostate (Xatral, alfuzosine).

- Le condiv de prescription

Depuis quelque temps, la démence sénile de M. C. s'aggrave et il présente des délires psychotiques dont il nie l'existence. Il refuse une hospitalisation et la prise de tout psychotrope.

- L'ordonnance

Le médecin décide de prescrire un antipsychotique à action prolongée, à administrer en intramusculaire (Haldol Decanoas), pour améliorer l'observance.

Quel est le problème ?

Association déconseillée

L'halopéridol peut entraîner des troubles du rythme ventriculaire, notamment des torsades de pointes par allongement de l'intervalle QT. Cet effet est potentialisé par l'existence d'une bradycardie, d'une hypokaliémie, d'un intervalle QT long ou par l'association à un autre médicament torsadogène comme l'amiodarone (Cordarone). L'interaction détectée par la préparatrice a été transmise au pharmacien. Il s'agit d'une association déconseillée nécessitant, si elle est maintenue, une surveillance clinique et électrocardiographique.

Facteurs aggravants

La demi-vie d'élimination du décanoate d'halopéridol est particulièrement longue. M. C. prend également un bêtabloquant (Seloken), médicament bradycardisant qui majore le risque de torsade de pointe. L'administration d'Haldol Decanoas expose donc le patient à un risque de troubles du rythme particulièrement graves : en cas de survenue, seules les concentrations de l'amiodarone et du métoprolol seront contrôlables.

La gestion du problème

Recherche d'un neuroleptique adapté

Parmi les autres antipsychotiques, beaucoup partagent cette interaction ou ne sont pas indiqués dans les délires psychotiques. Seule la loxapine (Loxapac) s'avère utilisable (sans effet torsadogène et indiquée dans les délires psychotiques).

Appel au prescripteur

Contacté par téléphone, le médecin confirme l'interaction et accepte la proposition du pharmacien : prescription de Loxapac et dispensation du médicament à domicile par une infirmière pour assurer une bonne observance du traitement. Le médecin rédige une ordonnance de « nursing » pour les soins infirmiers. Il est demandé à l'infirmière d'informer régulièrement le médecin de l'évolution clinique du patient. Le mois suivant, l'ordonnance de M. C. comporte à nouveau du Loxapac (75 mg/jour), ce qui conforte l'alternative proposée et démontre l'intérêt d'une bonne coordination médecin/pharmacien/infirmière.

Répercussions sur le travail d'équipe

La gestion de cette interaction est l'occasion d'améliorer la démarche qualité de dispensation de l'ordonnance mise en place à l'officine. Une liste des médicaments torsadogènes (en insistant sur les plus prescrits) est élaborée par l'étudiante en pharmacie ainsi qu'un aide-mémoire sur les antipsychotiques. Il comporte notamment, pour chaque médicament, les principales interactions et les conseils associés.

résumés des dossiers sélectionnés

Primpéran suppositoire : erreur de galénique et de posologie !

Que faire devant une prescription de Primpéran en suppositoire pour un nourrisson de 16 mois lorsque le dosage prescrit est illisible ? Pour Sophie Duclay, adjointe, hors de question de délivrer le dosage le plus faible sans se poser plus de questions ! Et heureusement, car il s'agit à la fois d'une erreur de forme galénique et de posologie.

Pharmacie Saint-Paul

86-88, rue Jean-Jaurès

Rezé (Loire-Atlantique)

Participante

- Sophie Duclay, adjointe

LE CAS

- Le patient

Il s'agit d'un enfant de 16 mois sans pathologie particulière notifiée dans ses antécédents.

- Le condiv clinique

Un samedi après-midi, dans un condiv familial de gastroentérite, l'enfant présente des vomissements, sans fièvre ni épisodes diarrhéiques mais motivant l'appel d'un médecin par les parents. Le médecin habituel de l'enfant n'ayant pu être joint, les parents contactent SOS Médecins.

- L'ordonnance

La prescription comporte du Primpéran. Le dosage est peu lisible (10 ou 20 mg). Seule la posologie peut être déchiffrée : 1/2 suppositoire avant chaque repas pendant 2 jours. L'ordonnance ne mentionne pas le poids de l'enfant, qui est donc demandé aux parents : 11 kg.

Quel est le problème ?

Erreur de forme galénique

Le Primpéran (métoclopramide) prévient les vomissements par blocage des sites dopaminergiques. La mention sur les boîtes de suppositoire - « Réservé à l'adulte et à l'enfant de plus de 20 kg » (ou 40 kg selon le dosage) - a alerté la pharmacienne. Après vérification, il s'avère que les suppositoires à 10 mg sont indiqués chez l'adulte dans les nausées et vomissements non induits par les antimitotiques. Ils sont également indiqués chez l'adulte et l'enfant de plus de 20 kg dans les nausées et vomissements induits par les antimitotiques. Les suppositoires à 20 mg sont uniquement indiqués dans les nausées et vomissements induits par les antimitotiques. Ils sont réservés à l'adulte et à l'enfant de plus de 40 kg.

Il s'agit donc d'une erreur d'indication et de posologie.

Risque encouru

Un surdosage en métoclopramide peut provoquer un syndrome extrapyramidal (mouvements anormaux de la tête, hypertonie généralisée...) pouvant nécessiter l'instauration d'un traitement symptomatique (benzodiazépine).

S l'on se réfère au RCP de la solution buvable Primpéran Enfants et Nourrissons, la seule indiquée chez le nourrisson, la posologie maximale est de 0,4 mg/kg/jour. Or, la dose journalière prescrite avec les suppositoires à 10 mg est de 15 mg de métoclopramide, l'équivalent de 0,45 mg/kg 3 fois par jour, soit 4 fois la dose maximale recommandée.

La gestion du problème

Appel au prescripteur

Joint par téléphone, le prescripteur reconnaît son erreur consécutive à une surcharge de travail. Il opte finalement pour la prescription de Motilium en suspension buvable. Le centre régional de pharmacovigilance de Nantes est contacté afin notamment d'obtenir des précisions sur le risque de surdosage en métoclopramide.

Conseils aux parents

Outre les modalités de prise du médicament, la prévention du risque de déshydratation par les sachets Adiaril est rappelée aux parents ainsi que les conseils hygiénodiététiques adaptés aux épisodes de gastroentérites.

Répercussions sur le travail d'équipe

L'équipe est sensibilisée au fait qu'elle doit porter une attention particulière à toute prescription chez le jeune enfant : vérification systématique de l'âge, du poids de l'enfant, du prescripteur, confirmation de l'indication du médicament auprès des parents, contrôle des posologies, explication sur l'utilisation du médicament.

résumés des dossiers sélectionnés

De l'amoxicilline chez une patiente sous méthotrexate

Amoxicilline et méthotrexate ne font pas bon ménage ! Il existe en effet un risque d'augmentation de la toxicité hématologique du méthotrexate. Pour gérer et réagir au mieux devant ce type d'interaction, Pauline Guillerminet, adjointe à la Pharmacie Gambetta, décide l'instauration d'un cahier de liaison. Objectif : répertorier les situations ayant nécessité une intervention pharmaceutique et retranscrire les solutions apportées.

Pharmacie Gambetta

100, cours Gambetta

Lyon (Rhône)

Participante

- Pauline Guillerminet, adjointe.

LE CAS

- La patiente

Madame X., âgée de 45 ans, est suivie à l'hôpital pour une polyarthrite rhumatoïde. Son traitement de fond habituel comporte du Novatrex (méthotrexate) associé à de la Speciafoldine (acide folique), du Bi-Profénid 150 (kétoprofène) et du paracétamol pour soulager les poussées douloureuses, lorsque nécessaire, ainsi que de l'Inipomp.

- Le condiv clinique

Madame X. souffre d'un abcès dentaire. Le samedi 2 mai (week-end férié), ne réussissant pas à contacter son dentiste, elle consulte dans un hôpital (autre que celui où elle est suivie pour sa polyarthrite rhumatoïde).

- L'ordonnance

Elle se présente à l'officine avec une ordonnance comportant un antibiotique, de l'amoxicilline, un corticoïde (Solupred, le matin pendant 3 jours) et des bains de bouche (Eludril).

Quel est le problème ?

Association déconseillée

L'interaction médicamenteuse entre le méthotrexate et l'amoxicilline est détectée par la préparatrice grâce au logiciel informatique. Il s'agit d'une interaction déconseillée. Les pénicillines peuvent en effet augmenter les effets pharmacologiques et la toxicité hématologique du méthotrexate (par inhibition de la sécrétion tubulaire rénale du méthotrexate).

Risque encouru

Le méthotrexate peut induire en particulier une toxicité hématologique (cytopénie isolée voire pancytopénie) mais aussi une toxicité hépatique et rénale. Une surveillance biologique et clinique régulière est indispensable durant le traitement.

La gestion du problème

Appel au prescripteur

Il est décidé de bloquer la délivrance de l'amoxicilline et de contacter le médecin prescripteur. Joint par téléphone, le service hospitalier, qui n'avait pas connaissance du traitement de fond par méthotrexate de madame X., convient des risques encourus. L'amoxicilline est remplacée par le Birodogyl (spiramycine et métronidazole).

Un message d'alerte est inséré au niveau de la fiche informatique de la patiente.

Conseils à la patiente

Le Birodogyl pouvant entraîner des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées), il est conseillé à la patiente de bien le prendre au milieu des repas. La prise d'un probiotique, protecteur de la flore intestinale, lui est proposée. Il lui est également rappelé d'éviter la prise de boissons alcoolisées durant le traitement par Birodogyl du fait du risque d'effet antabuse lié à la présence de métronidazole. Enfin, il est expliqué à madame X. qu'il faut éviter la prise du Bi-Profénid durant le traitement par corticoïde en raison d'une augmentation du risque ulcéreux.

Mise en place d'une démarche qualité

Suite à cette intervention, l'ensemble de l'équipe a réfléchi à la mise en place de procédures qualité. Un cahier de relais permet à chacun d'être informé des interventions qui ont lieu en son absence. Toute intervention nécessite désormais de suivre une démarche rigoureuse : alerte du pharmacien responsable, recherche approfondie dans les ouvrages de référence, discussion avec les membres de l'équipe et le patient, recherche d'une solution alternative, appel au médecin.

Un prix pour tous les sélectionnés

Les huit dossiers sélectionnés pour être présentés au jury du Prix du Moniteur 2009 recevront tous un exemplaire de l'ouvrage « La Qualité en pratique » écrit par Martine Costedoat-Lamarque et Cécile Sarraute-Soletchnik et publié aux Editions Le Moniteur des pharmacies ».

35 fiches de procédures qualité sont présentées dans des domaines divers : location d'aérosols, délivrance de médicament onéreux non habituellement détenu à l'officine, gestion des promis, mise en place des promotions... De l'analyse du dysfonctionnement à la recherche de solutions, ce guide pratique accompagnera l'équipe dans son travail selon une méthode claire, simple et facilement transposable à toutes les officines.

Bravo à tous les dossiers sélectionnés et bonne lecture !

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