Anti-VIH 15 cas pratiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2778 du 02/05/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2778 du 02/05/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

effets indésirables

Grosse fatigue pour Laure

Laure T., 31 ans, est suivie depuis 8 ans pour une infection par le VIH. Récemment modifié, son traitement comporte deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), de la didanosine (Videx) et du ténofovir (Viread) ainsi qu'un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), l'éfavirenz (Sustiva). Cette jeune femme habituellement dynamique se présente aujourd'hui à l'officine en demandant des « fortifiants » car depuis quelque temps elle se sent de plus en plus fatiguée. Elle dit en outre avoir récemment maigri et ressentir des douleurs articulaires et musculaires diffuses.

Les symptômes de Laure peuvent-ils être d'origine iatrogène ?

Bien que l'infection par le virus du sida puisse en elle-même être à l'origine de tels signes cliniques, leur apparition chez une patiente jusqu'alors en bonne forme physique et dont le traitement a été récemment modifié fait effectivement soupçonner un effet iatrogène.

analyse du cas

La fatigue, l'asthénie et l'amaigrissement sont des symptômes caractéristiques souvent en relation avec la toxicité mitochondriale de nombreuses molécules antirétrovirales, notamment des INTI (dont en particulier la stavudine et la didanosine). Cette toxicité, temps- et dose-dépendants, est plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Elle peut affecter un ou plusieurs organes ou même être systémique. Si son expression la plus grave, une acidose lactique susceptible d'induire une défaillance multiviscérale fatale, reste rare, des manifestations systémiques à type de fatigue extrême et d'amaigrissement inexpliqués, accompagnées de douleurs musculaires, sont fréquentes.

attitude à adopter

Le rôle du pharmacien est particulièrement important. Il explique à Laure que les symptômes évoqués peuvent être liés à la modification récente du traitement antirétroviral et lui conseille de prendre rapidement contact avec son infectiologue. Il insiste sur le caractère urgent de la consultation. Le spécialiste modifiera probablement la prescription en supprimant la didanosine. Il peut privilégier un recours à la lamivudine ou à l'emtricitabine (INTI moins toxiques) ou éventuellement abandonner totalement l'administration d'inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse.

Laure devrait voir son état s'améliorer en quelques semaines, sitôt la stratégie antirétrovirale modifiée. En attendant, le pharmacien lui conseille de fractionner ses repas en plusieurs prises espacées et de veiller à maintenir des apports protéinés et caloriques suffisants pour pallier son amaigrissement.

effets indésirables

Fortes diarrhées pour monsieur B.

Monsieur Boubakar B., 46 ans, souhaite acheter un médicament contre des diarrhées soudaines (8 en 24 h) et handicapantes dans son quotidien. C'est la première fois qu'il se présente à la pharmacie, mais il précise être traité contre le VIH. M. B. a même recopié les noms de ses médicaments sur un papier qu'il sort de sa poche : Kaletra et Kivexa.

Ces troubles digestifs sont-ils étonnants ?

Non, les diarrhées concernent environ 50 % des patients sous anti-VIH dans les pays développés. Kaletra (lopinavir-ritonavir) et Kivexa (abacavir-lamivudine) sont souvent impliqués, surtout en début de traitement.

analyse du cas

Les diarrhées résultent de la destruction des lymphocytes entériques, avec effondrement de l'immunité et inflammation locale, d'où des infections intestinales récidivantes et une malabsorption. De plus, elles induisent une déshydratation et une perte de poids affaiblissant le patient et compromettant l'observance du traitement.

attitude à adopter

Le patient révèle ne pas en avoir parlé à son médecin : lassé par la maladie, il dit gérer lui-même les conséquences du traitement.

- Le pharmacien peut proposer ponctuellement un traitement symptomatique tel que lopéramide, racécadotril (Tiorfast) ou argile (Smecta). Mais ces médicaments peuvent aggraver une diarrhée infectieuse. Il insiste auprès du patient sur le caractère ponctuel de ces traitements, et lui explique l'importance d'une consultation médicale si l'épisode diarrhéique dure plus de 48 heures.

- Le pharmacien explique d'autre part à M. B. comment adapter son alimentation pour limiter les diarrhées : éviter les graisses, les fruits (sauf bananes, pommes ou coings), les céréales complètes, privilégier riz, pâtes, biscottes, viandes maigres, veiller à boire suffisamment (boissons sucrées sans gaz) et, si besoin, recourir à des sels de réhydratation et à des compléments nutritionnels sans lactose pour limiter l'amaigrissement.

effets indésirables

Monsieur R. a les yeux jaunes

Luc R., 45 ans, sous anti-VIH depuis 10 ans, a une nouvelle prescription. L'infectiologue a introduit 300 mg/j d'atazanavir (Reyataz), un inhibiteur de protéase (IP) de 2e génération bénéficiant notamment d'une bonne tolérance lipidique, associé à du ritonavir comme « booster » (Norvir). Alors que son traitement lui a été délivré 15 jours auparavant, Luc évoque un souci : ses yeux « jaunissent ».

D'où vient ce symptôme ?

S'il évoque souvent une dysfonction hépatique, le jaunissement oculaire ne doit pas alarmer inutilement le patient car Reyataz est souvent à l'origine de troubles bénins de ce type.

analyse du cas

La bilirubine est éliminée par le foie sous l'action d'une enzyme, l'UGT. Ses métabolites constituent les pigments majoritaires de la bile et leur accumulation peut notamment provoquer un jaunissement oculaire. L'administration d'atazanavir (mais aussi d'indinavir ou de saquinavir) peut induire une augmentation dose-dépendante de la bilirubine par inhibition compétitive de l'UGT. Elle survient dans la semaine suivant le début du traitement, reste souvent peu significative et est réversible à l'arrêt du traitement. Mais attention, une élévation des transaminases hépatiques doit faire rechercher une autre étiologie !

attitude à adopter

Le pharmacien rassure le patient et lui conseille toutefois de contacter son médecin. Plusieurs stratégies peuvent être envisagées :

- un traitement antirétroviral alternatif à l'atazanavir peut être instauré si la jaunisse ou l'ictère scléral observé est trop mal supporté par le patient ;

- une réduction de la posologie d'atazanavir n'est pas recommandée (perte de l'efficacité thérapeutique et apparition de résistances) ;

- la prise de ritonavir peut être interrompue à condition de prescrire 400 mg/j d'atazanavir, de vérifier que ses concentrations plasmatiques résiduelles sont satisfaisantes et de ne pas l'associer au ténofovir afin d'éviter d'éventuels troubles rénaux.

effets indésirables

Marc a le visage émacié

Marc S., 39 ans, vendeur dans une boutique de luxe, est traité par une trithérapie incluant une association fixe de 2 INTI (Combivir) à un IP (Kaletra). Ce traitement est rigoureusement suivi depuis un an et, jusqu'à présent, Marc le supportait bien. Néanmoins, depuis quelque temps il lui semble que son physique se modifie. Il est très contrarié car, selon lui, ces changements trahissent sa séropositivité. Son visage est émacié, son regard se creuse et il n'a plus de fesses. Il a même renoncé à pratiquer la natation pour éviter de se montrer en maillot de bain. Marc se demande si la prise de compléments alimentaires pourrait pallier ces troubles, qu'il sait liés à son traitement.

Quelle est l'origine de ces changements morphologiques ?

Ces importantes modifications physiques sont bien une conséquence iatrogène du traitement anti-VIH, aussi fréquente que stigmatisante : la lipodystrophie.

analyse du cas

- L'effet de certains anti-VIH sur les mitochondries, notamment des INTI (zidovudine, stavudine) ou des IP, peut affecter les adipocytes et être à l'origine d'une redistribution des graisses. Conséquences de l'action d'une molécule ou de l'association de plusieurs d'entre elles, ces lipodystrophies peuvent se traduire par :

- des lipoatrophies, qui se caractérisent par une fonte graisseuse, principalement au niveau du visage (joues, tempes), des fesses et des membres ;

- des lipohypertrophies, qui correspondent à une accumulation de tissus graisseux dans certaines zones localisées : tronc, abdomen, seins, cou, nuque (« bosse de bison »). On peut également voir apparaître de petites boules de graisses ou lipomes sous la peau à d'autres localisations.

u Ces deux types d'anomalies peuvent coexister chez un même patient et générer une modification morphologique importante. Leur prévalence a notablement diminué au cours des dernières années du fait de la moindre prescription des molécules les plus délétères sur le tissu adipeux (stavudine, zidovudine).

- Les lipodystrophies sont parfois à l'origine d'une souffrance psychologique importante pouvant pousser le patient à interrompre le traitement de son propre chef. Elles sont stigmatisantes et souvent mal vécues, y compris par l'entourage.

- Les compléments alimentaires n'ont pas rapporté la preuve de leur intérêt, mais le respect des règles diététiques de base est primordial. Le poids, le tour de taille, de hanches et de poitrine doivent être mesurés avant l'introduction de toute thérapeutique anti-VIH, puis à intervalles réguliers.

attitude à adopter

Le pharmacien veille à rassurer Marc. Il l'encourage à garder une alimentation équilibrée et à pratiquer un exercice physique régulier. Il l'oriente vers un service spécialisé dans la prise en charge des lipodystrophies (ce type de consultation est aujourd'hui fréquent, notamment dans les unités hospitalières de maladies infectieuses) où, après adaptation de son traitement, des injections de produit de comblement spécifique des lipoatrophies liées aux thérapies anti-VIH pourront lui être proposées (voir ci-dessous). Il l'informe également de l'existence de caleçons rembourrés pour homme en vente sur internet pour masquer la fonte au niveau fessier.

effets indésirables

Laurencia fait d'affreux cauchemars

Mademoiselle Laurencia O., 29 ans, bénéficie depuis quelques jours d'une primoprescription de trithérapie antirétrovirale associant zidovudine et lamivudine (Combivir, 1 comprimé 2 fois par jour) et éfavirenz (Sustiva, 1 comprimé par jour au coucher). Elle se présente ce matin à l'officine visiblement très anxieuse. Depuis 3 ou 4 nuits, elle est régulièrement réveillée par d'abominables cauchemars, au point qu'elle en vient à craindre de s'endormir. La fatigue accumulée se ressent pendant la journée, et Laurencia ne parvient à tenir le coup qu'en buvant du café.

Ces cauchemars peuvent-ils être liés au nouveau traitement antirétroviral ?

Oui, des troubles neuropsychiques, généralement transitoires, apparaissent fréquemment lors de l'introduction des traitements contenant de l'éfavirenz.

analyse du cas

L'administration d'éfavirenz est souvent associée à des troubles neurologiques affectant l'équilibre, à type de sensations ébrieuses le matin au lever et de vertiges dans la journée. Pour cette raison, il importe que la prise ait lieu au moment du coucher. Cependant, administré à cette heure, l'éfavirenz induit un onirisme intense avec survenue de cauchemars à l'origine de peurs et d'insomnies.

Ces effets indésirables affectent la moitié des patients pendant les deux premières semaines de traitement, puis deviennent moins fréquents avec l'adaptation au traitement. Par la suite, ils ne persistent plus que chez une minorité de patients. Par ailleurs, l'éfavirenz peut également induire des troubles de l'humeur à type de dépression.

attitude à adopter

- Le pharmacien rassure la patiente et lui suggère de contacter son médecin pour l'informer du problème. Plusieurs moyens s'offrent à lui pour alléger les effets neurologiques de l'éfavirenz. Il suffit, dans certains cas, d'adapter la posologie ou d'opter pour une alternative thérapeutique, comme par exemple la névirapine ou l'étravirine (Viramune ou Intelence, d'autres INNTI). Il peut également être pertinent d'administrer l'éfavirenz dans l'après-midi plutôt qu'à l'heure du coucher, mais attention aux sensations vertigineuses !

Certaines publications évoquent un éventuel intérêt à administrer des psychotropes pour améliorer la qualité du sommeil, par exemple de l'amitriptyline.

- De plus, le pharmacien rappelle à Laurencia quelques règles à suivre pour améliorer la qualité de son sommeil :

- éviter la caféine, l'alcool et la nicotine (tabac ou substituts nicotiniques) dans les 4 à 6 heures précédant le coucher ;

- éviter les exercices physiques intenses, les lumières vives, la télévision et l'ordinateur avant le coucher ;

- se détendre pour préparer le sommeil (yoga, gymnastique respiratoire), prendre un bain chaud apaisant ;

- boire une tisane (camomille) ou du lait tiède stimule la sécrétion endogène de tryptophane, un précurseur de la sérotonine qui contribue à induire le sommeil.

interactions médicamenteuses

Du Levitra sous Kaletra

Monsieur T., 53 ans, suit depuis peu un traitement antirétroviral dont la primoprescription, classique, associe 2 INTI (abacavir-lamivudine : Kivexa, 1 cp le soir) et un IP (lopinavir boosté par ritonavir : Kaletra, 2 cp matin et soir). Il présente aujourd'hui une ordonnance de vardénafil (Levitra, 1 cp, 1 heure avant l'acte) émanant de son médecin traitant.

Le pharmacien peut-il délivrer le Levitra ?

Non, d'autant qu'il a lu récemment un article sur Internet traitant des interactions entre traitements des dysfonctions érectiles et antirétroviraux.

analyse du cas

La dysfonction érectile est un effet iatrogène fréquent des anti-VIH. En effet, 50 % des patients traités par inhibiteur de protéase se plaignent de troubles érectiles.

Le médecin a prescrit un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (PDE-5), le vardénafil (Levitra), en expliquant au patient qu'il est similaire au Viagra. Si le vardénafil est pharmacologiquement proche du sildénafil (Viagra) et du tadalafil (Cialis), il a une puissance d'interaction bien supérieure. Les inhibiteurs de protéase inhibent le cytochrome P450, et donc le métabolisme hépatique des inhibiteurs de la PDE-5. L'association est contre-indiquée avec le vardénafil (risque d'hypotension sévère), tandis qu'elle ne donne lieu qu'à des précautions d'emploi avec le sildénafil et le tadalafil (l'association au ritonavir est toutefois déconseillée). Aussi, dans le cas de patients traités par inhibiteur de protéase boosté par du ritonavir, le traitement par inhibiteur de la PDE-5 doit être initié à dose minimale : pas plus d'une fois en 48 heures. Par exemple, la dose de Viagra ne doit pas excéder 25 mg en 48 heures ; au-delà, une grande prudence s'impose.

attitude à adopter

Le pharmacien ne délivre pas le Levitra. Il propose de contacter le médecin pour modifier la prescription.

Le pharmacien doit faire preuve de tact et de pédagogie afin d'éviter que le patient ne soit tenté de se procurer le produit sur Internet et de l'utiliser sans avis médical.

interactions médicamenteuses

Jérôme est sous Subutex

Jérôme D., 24 an, a récemment découvert sa séropositivité. Le service spécialisé de l'hôpital lui a prescrit une trithérapie associant 2 INTI (ténofovir-emtricitabine : Truvada, 1 comprimé par jour) à un inhibiteur de protéase (fosamprénavir : Telzir, 1 comprimé 2 fois par jour) boosté par du ritonavir (Norvir 100, 2 fois par jour). Le pharmacien connaît bien Jérôme, sous Subutex (buprénorphine) depuis longtemps.Le pharmacien peut-il

délivrer les antirétroviraux ?

Oui. Toutefois, habitué à délivrer du Subutex au jeune homme, il doit être averti et attentif au problème posé par l'association.

analyse du cas

L'observance du traitement anti-VIH est meilleure chez les patients toxicomanes bénéficiant d'un traitement de substitution opiacée adapté. Il est doublement important que les doses de chaque traitement soient suffisantes, d'une part pour obtenir une efficacité antivirale optimale, d'autre part pour prévenir une rechute de l'addiction aux opiacés. Or certains IP peuvent faire varier les taux de buprénorphine ou de méthadone.

attitude à adopter

Le pharmacien explique à Jérôme le risque de déséquilibre de la substitution opiacée. Il devra être vigilant et consulter immédiatement le centre où il est suivi pour son traitement substitutif par buprénorphine s'il ressent des signes de manque (anxiété, sueurs profuses, douleurs digestives, crampes musculaires) ou, au contraire, des signes de surdosage en buprénorphine (nausées, vomissements troubles respiratoires). La posologie du traitement substitutif devra alors être adaptée. Une fois équilibré, le traitement global reste généralement stable si le patient ne fait pas d'automédication et suit scrupuleusement le plan de prise.

pharmacologie

Stratégie de traitement du VIH

Comment agissent les antirétroviraux ? Illustrations : Claire Witt-Deguillaume

- Les inhibiteurs de protéase stoppent la maturation des virions au sein de la cellule infectée en bloquant l'action de la protéase virale.

- Les inhibiteurs de la transcriptase inverse se fixent sur l'enzyme et limitent ainsi la réplication virale.

- L'enfuvirtide est un inhibiteur de la fusion. Il agit en bloquant une protéine virale indispensable à la fusion du virus avec la cellule cible.

- Le maraviroc est un inhibiteur du corécepteur CCR5. Il empêche les virus à tropisme CCR5 de pénétrer dans la cellule. Ce traitement n'est efficace que chez les patients chez qui les virus sont exclusivement à tropisme CCR5.

- Le raltégravir est un inhibiteur de l'intégrase, enzyme permettant l'intégration du génome du virus dans celui de la cellule infectée.

Le rapport « Yeni » 2008 souligne l'intérêt d'une prise en charge précoce de l'infection par le VIH par des traitements plus pratiques, mieux tolérés et plus actifs sur les souches résistantes.

- Patients symptomatiques ou non et CD4 < 350/mm3

Sauf situation particulière, le traitement est instauré rapidement (délai maximal de 15 j en cas de symptômes cliniques de sida : asthénie, fièvre prolongée, myalgies, infection opportuniste...). Si CD4 < 200/mm3, une prophylaxie des infections opportunistes est associée au traitement.

- Patients asymptomatiques et CD4 compris entre 350 et 500/mm3

Un traitement est instauré lorsque la charge virale est > 100 000 copies/mm3, lorsque la chute des CD4 est rapide ou lorsque le pourcentage de CD4 est < 15 % en cas de coïnfection par le VHC ou le VHB, en cas de néphropathie liée au VIH ou chez un sujet âgé de plus de 50 ans et/ou présentant des risques cardiovasculaires.

- Patients asymptomatiques et CD4 > 500/mm3

Un traitement n'a pas d'intérêt ici, sauf pour réduire le risque de transmission sexuelle du virus.

- La règle est de prescrire une trithérapie : 2 INTI + 1 IP boosté par du ritonavir ou 2 INTI + 1 INNTI (éfavirenz ou névirapine). Ces stratégies sont équivalentes en première ligne.

- La trithérapie d'INTI zidovudine + lamivudine + abacavir (Trizivir) n'est pas recommandée car elle est moins efficace qu'une trithérapie avec éfavirenz. Les autres trithérapies d'INTI n'ont jamais été préconisées.

- Les trithérapies incluant 3 classes (INTI + INNTI + IP boosté) n'apportent pas de bénéfices et exposent à plus d'effets indésirables.

- Chez les patients diagnostiqués à un stade très évolué de la maladie, des inductions spécifiques sont utilisées (trithérapie + enfuvirtide ; trithérapie + raltégravir ou maraviroc). Ces protocoles sont encore à l'étude.

pharmacologie

Les traitements antirétroviraux

La liaison spécifique du maraviroc (Celsentri) au corécepteur transmembranaire CCR5 empêche exclusivement les souches de VIH à tropisme CCR5 d'entrer dans la cellule.

Les antirétroviraux regroupent 6 familles de médicaments prescrits en association du fait de leurs actions sur des cibles différentes du cycle viral. L'iatrogénie induite par ce type de traitement, bien que souvent redoutée, ne doit pas limiter l'observance stricte de la prescription, seule garantie de l'efficacité du traitement. La durée de plus en plus longue des traitements antirétroviraux, du fait de l'allongement de l'espérance de vie des patients atteints par le VIH, amène à voir émerger des effets indésirables jusqu'alors sous-estimés, notamment des cancers (poumon, Hodgkin, cancers liés aux infections par Papillomavirus et virus hépatotropes...).

inhibiteurs de la transcriptase inverse

Mode d'action

Ils se fixent sur la transcriptase inverse virale et bloquent les activités ARN et ADN-dépendantes de l'ARN-polymérase du virus, limitant ainsi la réplication du VIH.

Principaux effets indésirables

- Lipodystrophies avec fonte adipeuse (lipoatrophie) ou accumulation hétérogène des graisses (lipohypertrophie) : surtout avec la stavudine et la zidovudine.

L'abacavir et le ténofovir sont mieux tolérés.

- Toxicité mitochondriale, notamment pour les INTI (stavudine, didanosine, zidovudine, ténofovir...), surtout lorsqu'ils sont associés entre eux. Cet effet se traduit notamment par une grande fatigabilité, des douleurs musculaires, une stéatose hépatique.

- Troubles cardiaques (abacavir, didanosine : lien suspecté avec la survenue d'infarctus du myocarde).

- Dyslipidémies (éfavirenz).

- Complications hépatiques (anomalies biologiques et ictère cholestatique) : névirapine, éfavirenz, abacavir et, à moindre échelle, autres INNTI.

- Troubles neurologiques d'expression variable (didanosine et stavudine : neuropathies périphériques ; éfavirenz : troubles neuropsychiques avec cauchemars notamment...).

- Atteintes rénales (rares) : ténofovir.

inhibiteurs de protéase (IP)

Mode d'action

Ces antirétroviraux inhibent la protéase virale et donc la maturation des virions à l'intérieur des cellules infectées.

Principaux effets indésirables

- Dyslipidémies (atazanavir et saquinavir mieux tolérés).

- Anomalies glucidiques (atazanavir mieux toléré).

- Lipodystrophies.

- Troubles digestifs (douleurs abdominales, diarrhées).

- Toxicité cardiovasculaire (pour des traitements > 2 ans).

- Complications hépatiques (tipranavir ; les IP sont toutefois mieux tolérés que les INNTI).

- Hyperbilirubinémie indépendante de toute anomalie hépatique (atazanavir, indinavir, saquinavir).

- Troubles érectiles.

inhibiteurs de la fusion

Mode d'action

En se fixant sur une protéine virale impliquée dans la fusion entre le virus et la membrane cellulaire cible, l'enfuvirtide (Fuzeon) empêche le VIH d'infecter cette cellule.

Principaux effets indésirables

Réactions au site d'injection, infections ORL, perte de poids, neuropathies périphériques, pancréatite, RGO, eczéma, sécheresse cutanée.

inhibiteurs du CCR5

Mode d'action

Principaux effets indésirables

Troubles digestifs (constipation et nausées), asthénie, réactions cutanées (rashs, prurit), douleurs musculaires (dorsalgies), céphalées et vertiges, insomnie, toux.

En inhibant l'intégrase du VIH (enzyme permettant l'intégration du génome viral au génome cellulaire), le raltégravir (Isentress) empêche la propagation de l'infection virale dans l'organisme.

inhibiteurs de l'intégrase

Mode d'action

Principaux effets indésirables

Fatigue, asthénie, troubles digestifs (flatulences, douleurs abdominales, constipation), céphalées, vertiges, insomnies, troubles cutanés (prurit, hyperhydrose), augmentation des transaminases, myalgies, arthralgies.

Principaux antirétroviraux disponibles en ville (Tableau 1)

Principaux antirétroviraux disponibles en ville (Tableau 2)

interactions médicamenteuses

Brûlures oesophagiennes quasi permanentes sous anti-VIH

Monsieur Pierre-Jean G., 32 ans, se présente à l'officine pour demander de quoi soulager des brûlures oesophagiennes quasi permanentes qu'il attribue au stress. Monsieur G. est sous traitement antirétroviral. Sa dernière ordonnance comportait du ténofovir et de l'emtricitabine associés (Truvada) et de la névirapine (Viramune). Monsieur G. ajoute avoir déjà eu recours au Maalox à chacun des repas, sans véritable amélioration de ses douleurs oesophagiennes. Finalement, il demande au pharmacien si du Gaviscon pourrait lui convenir, un collègue lui ayant récemment dit que cela avait été très efficace dans son cas.

Les précisions données par M. G. seront-elles utiles au pharmacien ?

Les précisions du patient sont indispensables pour comprendre cette symptomatologie. Un topique digestif peut fortement réduire l'activité du traitement antirétroviral et son usage mérite d'être encadré. Cela dit, la description par monsieur G. de ses symptômes étonne le pharmacien.

analyse du cas

En cas de reflux gastro-oesophagien, il est possible de prendre du Gaviscon - une formulation d'alginate et de bicarbonate de sodium - deux heures avant ou après la prise des autres traitements. Toutefois, les douleurs liées au reflux gastro-oesophagien surviennent habituellement la nuit, en position allongée. Dans le cas de monsieur G., la douleur est quasiment constante. Interrogé, il décrit une irradiation rétrosternale et dorsale, dit avoir du mal à avaler ses aliments, et la nourriture trop froide ou trop chaude lui occasionne une gêne oesophagienne immédiatement. Cette symptomatologie particulière fait évoquer un diagnostic tout autre : celui d'une candidose, fréquente chez le sujet immunodéprimé.

attitude à adopter

- Le pharmacien demande à monsieur G. de lui montrer l'intérieur de sa bouche. Des placards blanchâtres cernés d'une inflammation parsèment le palais, la langue et surtout l'arrière-gorge. Le pharmacien suggère donc à monsieur G. d'aller consulter rapidement son médecin traitant voire le spécialiste en charge de son infection.

- Le patient écoute les conseils du pharmacien et reviendra trois jours plus tard avec une prescription de son médecin de famille mentionnant de l'amphotéricine B en suspension buvable (une cuillère à café trois fois par jour).

Le pharmacien ne manquera pas de communiquer l'ensemble des conseils accompagnant la délivrance de l'antifongique. Dans le cas de monsieur G., la candidose est à la fois buccale et oesophagienne, aussi la solution devra être avalée après avoir fait circuler le liquide dans la bouche afin de tapisser la muqueuse buccale. Fungizone doit être pris de préférence à distance des repas.

- La délivrance d'un topique digestif, évidemment inutile ici, aurait retardé le diagnostic, permettant ainsi à l'infection mycosique de s'étendre davantage. Par ailleurs, la prescription d'autres antifongiques systémiques (fluconazole par exemple) aurait pu interagir avec le traitement anti-VIH.

interactions médicamenteuses

Tuberculose chez un patient atteint du sida

Monsieur F., 44 ans, sous anti-VIH depuis 10 ans, est en échec virologique. L'infectiologue a ajouté du maraviroc (Celsentri, 300 mg, 2 fois/j) à la trithérapie le mois dernier. Entre-temps, des symptômes pulmonaires ont amené M. F. à consulter à l'hôpital où un diagnostic de tuberculose a été posé. Il vient à l'officine avec deux prescriptions : l'une émanant du service de pneumologie, mentionnant le traitement antituberculeux (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et vitamine B6), en attendant le résultat de l'antibiogramme, l'autre, à renouveler, pour son traitement anti-VIH.

Le traitement peut-il être délivré tel quel ?

Il existe des interactions entre le Celsentri et les antituberculeux. Les deux ordonnances de monsieur F. émanant de deux services hospitaliers distincts, il convient de s'assurer que l'interaction a bien été prise en compte avant de délivrer le traitement.

analyse du cas

- Le maraviroc (Celsentri) est un substrat du CYP3A4 exposant à des interactions médicamenteuses, notamment avec les antituberculeux. Ses taux sériques sont diminués de 70 % en cas d'association à la rifampicine (même constat à moindre échelle, moins 40 %, pour le raltégravir, Isentress). L'association des 2 ordonnances peut avoir de graves conséquences, d'autant que le patient est en situation d'échec virologique.

- La vitamine B6 est ici prescrite afin de limiter le risque de neuropathie iatrogène lié à l'isoniazide.

attitude à adopter

Le patient explique au pharmacien qui l'interroge que, sur les conseils du pneumologue, il va revoir son infectiologue la semaine suivante pour réévaluer le traitement. A défaut de pouvoir recourir à une autre association, la dose d'antirétroviraux peut être doublée dans ce type de cas : la posologie du maraviroc passera probablement à 600 mg 2 fois par jour. Le recul manque cependant encore pour valider un schéma posologique univoque.

interactions médicamenteuses

Mathilde a une bronchite asthmatiforme

Mathilde T., 33 ans, tousse énormément depuis 2 jours. Malgré la prise de Mucomyst, elle est réveillée la nuit par des quintes de toux grasse et émet des sifflements à l'expiration. Ce matin son compagnon, a fini par contacter SOS Médecin. Le praticien venu en urgence a prescrit de la clarithromycine (250 mg matin et soir) associée à du Seretide (fluticasone- salmétérol). Au comptoir, le compagnon de Mathilde, inquiet, explique que, dans la précipitation, ils n'ont pas pensé à parler au médecin du traitement anti-VIH qu'elle prend, associant de l'atazanavir (Reyataz) boosté par du ritonavir (Norvir).

Cette prescription pose-t-elle problème ?

Les interactions impliquant les antirétroviraux sont nombreuses. Il convient de vérifier que le traitement nouvellement prescrit ne pose pas de problème avec les anti-VIH.

analyse du cas

- La clarithromycine interagit avec plusieurs antirétroviraux, et notamment avec l'atazanavir (Reyataz) et le ritonavir (Norvir). En effet, ces deux anti-VIH inhibent le CYP3A4, augmentant les taux sériques de clarithromycine. Cette association nécessite une surveillance clinique et biologique, surtout en début de traitement.

- La fluticasone, corticoïde contenu dans le Seretide, est lui aussi métabolisé par le CYP3A4. Ses taux peuvent être augmentés s'il est administré avec les anti-VIH de Mathilde. Cette association est déconseillée.

attitude à adopter

Le pharmacien vérifie le degré des interactions en consultant le Thésaurus sur le site Internet de l'Afssaps. Il décide de contacter l'infectiologue qui suit habituellement la patiente afin de lui exposer le problème. Ce dernier remplace la prescription par de l'azithromycine, de la Ventoline (salbutamol) et du Beclojet (béclométasone), lequel n'interagit pas avec le traitement anti-VIH de Mathilde.

profils particuliers

Voyager en toute sérénité

Monsieur John B. fait régulièrement des allers-retours entre les Etats-Unis et la France pour le travail. Au comptoir, il présente une ordonnance périmée de zolpidem (Stilnox) que le pharmacien hésite à honorer. Irrité, il répond que c'est le second refus qu'il essuie pour ce médicament qu'il juge « banal » et qu'il n'utilise que pour dormir pendant les 9 heures du trajet aérien. Affaibli par une infection par le VIH et par le traitement composé d'un inhibiteur de protéase, Prezista (darunavir) boosté par du Norvir (ritonavir), il lui semble important de faire une « cure de sommeil » à son arrivée pour rattraper le décalage horaire. Monsieur B. ne semble pas se soucier du respect des horaires de prise de ses anti-VIH.

Le pharmacien peut-il dépanner M. B. d'une boîte de Stilnox ?

Non. Au-delà de l'entorse à la réglementation encadrant la délivrance de zolpidem, le patient ne respecte pas le protocole nécessaire à l'efficacité de son traitement antirétroviral.

analyse du cas

Les voyages aériens prolongés, avec décalage horaire, sont difficiles à gérer pour les patients sous antirétroviraux dès lors que leur traitement doit être pris à heure fixe, sans oublier les problèmes posés par les modifications chronopharmacologiques du métabolisme.

La prise de certains antirétroviraux (notamment le ritonavir) potentialise l'effet d'hypnotiques tels que le zolpidem. Ici, M. B. est surtout préoccupé par son rattrapage de sommeil et semble par ailleurs négliger la prise de son traitement anti-VIH.

attitude à adopter

Le conseil du pharmacien est essentiel dans la gestion du traitement antirétroviral, notamment dans une situation pratique comme celle d'un voyage intercontinental.

Le pharmacien rappelle au patient qu'il doit :

- veiller à ce que son état clinique autorise le voyage et que son traitement antirétroviral soit stabilisé ;

- se munir avant son départ des coordonnées d'équipes médicales susceptibles de gérer un problème et prévoir une assurance rapatriement adaptée ;

- autant que possible, disposer de la totalité du traitement nécessaire pendant un bref séjour (moins de trois ou quatre mois) et des moyens de conservation adaptés pour ses médicaments ;

- anticiper avec le médecin et le pharmacien les éventuelles interactions impliquant les médicaments nécessaires au voyage (antipaludéens notamment) ;

- savoir gérer son traitement sans négliger de prise, même dans l'ambiance des vacances ou dans le cadre d'un décalage horaire important :

- si le séjour n'excède pas huit à dix jours, le mieux reste de ne pas décaler les heures de prise. Il faudra rester vigilant afin de ne pas sauter de prise (si elle tombe en pleine nuit, préparer le traitement sur la table de nuit et faire sonner un réveil). Lorsque la prise doit avoir lieu avec ou en dehors d'un repas, il convient, si besoin, de la décaler légèrement afin de satisfaire à cette obligation,

- s'il s'agit d'un séjour plus prolongé, décaler progressivement les prises afin de les faire coïncider avec le fuseau horaire local. Il est recommandé d'anticiper ce décalage et de « caler » le traitement quelques jours avant le départ, selon les conseils du prescripteur, en avançant chaque prise de 2 ou 3 h tous les jours jusqu'à atteindre l'heure de prise désirée et adaptée au fuseau horaire local.

profils particuliers

Pause de traitement pendant les vacances

Max P., 23 ans, vient acheter du Doliprane. En consultant son historique, le pharmacien note qu'il aurait dû venir renouveler son traitement antirétroviral il y a environ 3 semaines. Peut-être se l'est-il procuré chez un confrère ? Interrogé, Max explique avoir fait un « break » de quelques semaines pendant les vacances.

Cette pause est-elle anodine ?

Non. Les « fenêtres thérapeutiques » un temps acceptées par certains infectiologues, ne sont pas recommandées, sauf situations particulières où elles sont réalisées sous contrôle médical.

analyse du cas

Les facteurs prédictifs de l'observance d'un traitement sont nombreux : compréhension de la prescription et de ses enjeux, horaire de prise au regard de contraintes diverses, nombre de prises par jour, durée depuis laquelle le traitement est suivi (avec une cassure à environ 2 ans), tolérance, succès virologique. Une observance inférieure à 95 % (soit un oubli par semaine pour un médicament pris 2 fois par jour) augmente fortement le risque d'échappement virologique.

attitude à adopter

Il est aisé pour le pharmacien d'argumenter sur la nécessité de poursuivre sans interruption le traitement à vie. Il reste néanmoins difficile de convaincre un patient épuisé par les effets indésirables et les contraintes de ces traitements.

Le pharmacien ayant à sa disposition des outils permettant de suivre l'observance des clients réguliers, celui-ci doit les inviter à exprimer leurs difficultés et contraintes quotidiennes et être à l'écoute sans juger. Si l'observance est médiocre, il doit ouvrir le dialogue et proposer des options pour améliorer la situation (piluliers électroniques, carnets de suivi, etc.). Ne pas hésiter à orienter les personnes concernées vers un hôpital où a été mise en place une consultation d'éducation thérapeutique. Les inciter à se rapprocher d'associations de patients, et leur remettre les coordonnées écrites de ces structures.

profils particuliers

Monsieur T. a des problèmes cardiaques

Monsieur Thomas T., 41 ans, 1,76 m, 89 kg, entre chez son pharmacien plein de bonnes intentions : il veut arrêter de fumer. Bénéficiaire depuis 9 ans d'une trithérapie incluant un IP, il n'en a pas moins continué à fumer (un demi à un paquet par jour). Le médecin, inquiet au vu de son dernier examen cardiaque, lui a demandé d'arrêter et a renforcé son traitement cardiovasculaire.

En quoi ce cas est-il délicat ?

Même si elle constitue un préalable indispensable au sevrage, la volonté de ce patient sera vraisemblablement difficile à tenir dans la durée : anxieux, souffrant de troubles de l'humeur, complexé par son obésité, M. T. est fumeur depuis son adolescence.

analyse du cas

Les maladies cardiovasculaires constituent la quatrième cause de décès chez les sujets VIH +, en raison de la fréquence élevée des facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme), de l'action propre du VIH et d'une exposition prolongée aux antirétroviraux (IP notamment). Dans le cas présent, s'ajoutent l'obésité du patient et son goût pour la bonne chère.

attitude à adopter

- Le sevrage tabagique constitue ici une priorité : il réduit d'environ 20 % le risque d'infarctus, diminue les autres pathologies cardiovasculaires et, bien sûr, réduit le risque de cancer (également élevé chez les patients infectés par le VIH).

- Le sevrage risque de ne pas être aisé chez ce patient anxiodépressif, auquel il est demandé de supprimer une échappatoire. Après avoir évalué sa dépendance, le pharmacien lui conseille une substitution nicotinique. Il la délivre en quantité réduite pour être sûr de revoir rapidement le patient et l'accompagner psychologiquement. u Toutefois, il sera probablement nécessaire d'orienter monsieur T. vers une consultation spécialisée afin qu'il bénéficie d'un traitement psychoactif l'aidant à se libérer de son addiction (bupropion et varénicline ne sont pas contre-indiqués chez les sujets sous anti-VIH).

profils particuliers

Blessée par une aiguille souillée

Mélanie F., 28 ans, est infirmière dans un service de traumatologie. Ce matin, elle vient acheter une boîte de Doliprane. Au comptoir, elle confie au pharmacien s'être malencontreusement piquée avec une aiguille souillée 3 jours auparavant. Le statut sérologique du patient qu'elle soignait n'est pas connu. Malgré le traitement d'urgence qui lui a été administré, Mélanie est inquiète.

L'inquiétude de Mélanie est-elle justifiée ?

Oui. Elle sait que ce type d'accident peut se solder par une contamination virale (VIH, hépatites B et C...) malgré le traitement antirétroviral qui lui a été administré moins d'une demi-heure après l'accident.

analyse du cas

En 2006, près de 15 000 accidents d'exposition au sang ont été recensés dans 518 établissements de santé. Le statut sérologique des patients sources reste inconnu dans 20 % des cas.

Une circulaire interministérielle de 2008 sur les recommandations de prise en charge des personnes exposées à un risque de transmission du VIH normalise la procédure suivie lors de ce type d'accident, avec instauration d'un traitement antirétroviral. Le risque de transmission du VIH après exposition au sang d'un patient porteur du virus est estimé à 0,32 %. Il est atténué s'il s'agit d'une exposition sur muqueuse ou peau lésée : 4/10 000. Les données françaises de fin 2007 font état de 48 cas connus d'infections professionnelles au VIH dont 14 avérés et 34 présumés depuis le début de la pandémie.

attitude à adopter

Mélanie est traitée pour 1 mois par une trithérapie associant ténofovir-emtricitabine (Truvada) et lopinavir boosté (Kaletra). Le pharmacien peut la tranquilliser sur le risque très faible de contamination. Il doit insister sur l'importance d'une observance scrupuleuse de ce traitement et la rassurer sur les effets indésirables du protocole choisi.

profils particuliers

Eviter la transmission mère-enfant

Adila K., 24 ans, est enceinte de 6 mois. Elle vient d'arriver en France dans le cadre du regroupement familial. Elle est séropositive et un infectiologue lui a prescrit un traitement anti-VIH malgré un bilan biologique satisfaisant. Au comptoir, Adila éclate en sanglots, expliquant que le docteur, qui a essayé d'être rassurant, lui cache qu'elle est très malade et qu'elle va mourir avec son bébé.

Comment rassurer Adila ?

En parlant avec la jeune femme, le pharmacien comprend qu'elle n'a pas saisi l'enjeu du traitement : elle imagine que l'infection est déjà importante et évolutive. Il la rassure en expliquant la finalité de l'ordonnance.

analyse du cas

L'infectiologue a eu des paroles rassurantes au vu des bilans virologiques et immunologiques de la future maman, mais Adila n'a pas bien saisi ses explications. Le traitement, instauré aux environs de la 26e semaine d'aménorrhée, vise à prévenir une éventuelle transmission au bébé. Reposant sur des anti-VIH connus (zidovudine, lamivudine et lopinavir boosté par du ritonavir), il vise à rendre la charge virale indétectable au 3e trimestre et avant l'accouchement. Une prophylaxie par zidovudine injectable pourra être administrée, de surcroît, à la mère pendant le travail.

attitude à adopter

- Adila doit comprendre que l'observance du traitement est primordiale, y compris pour son futur enfant. Elle doit s'astreindre à un suivi obstétrical mensuel et apprendre à gérer les effets iatrogènes du traitement. Le pharmacien l'aide à réaliser un plan de prise, veille à ce qu'elle ait bien compris les propos des médecins et promet de lui apporter des conseils aussi souvent que nécessaire.

- Le bilan biologique d'Adila étant bon, le traitement antirétroviral pourra être arrêté après l'accouchement : pour autant, du fait de l'infection, elle ne devra pas négliger d'être suivie régulièrement, comme 25 % des jeunes mères semblent l'oublier.

Ce qu'il faut retenir

Attention à l'observance !

- Les anti-VIH doivent être pris à heure fixe, sans sauter de prise sous peine de développer une résistance virale.

Connaître et prendre en compte les effets indésirables

- La toxicité mitochondriale, observée notamment avec les INTI (stavudine, didanosine, zidovudine, ténofovir...), surtout lorsqu'ils sont associés entre eux, se traduit par une fatigabilité, des douleurs musculaires, une stéatose hépatique. Tout symptôme évocateur nécessite un contact avec le prescripteur.

- Des troubles digestifs, communément observés, se traduisent notamment par des douleurs abdominales et des troubles du transit (ex. : diarrhées avec les IP, l'enfurvitide ; constipation avec le maraviroc). Attention, au-delà de 48 heures, d'importantes diarrhées doivent amener à consulter un médecin !

- Les lipodystrophies sont communes avec les inhibiteurs de la transcriptase inverse (stavudine et zidovudine ; abacavir et ténofovir sont mieux tolérés) mais aussi avec les IP. Elles sont vécues comme stigmatisantes et peuvent peser lourdement sur l'observance d'un traitement. Orienter les patients vers des centres spécialisés dans leur prise en charge.

- Des troubles neurologiques variables peuvent survenir : neuropathies périphériques avec la didanosine, la stavudine et l'enfurvitide ; troubles neuropsychiques avec l'éfavirenz ; céphalées et vertiges avec le raltégravir et le maraviroc ; troubles du sommeil avec l'éfavirenz et le maraviroc.

- La fréquence de l'iatrogénie cardiovasculaire est préoccupante : abacavir et didanosine sont suspectés d'accroître le risque de survenue d'un infarctus du myocarde et un traitement prolongé par IP peut se révéler cardiotoxique. Le respect de règles d'hygiène de vie (diététique, activité physique, etc.) peut en limiter l'incidence et/ou la gravité.

- Des anomalies métaboliques peuvent survenir : lipidiques avec l'éfavirenz ou la plupart des IP ; glucidiques avec les IP (atazanavir mieux toléré).

- Les complications hépatiques peuvent apparaître sous névirapine, éfavirenz, abacavir et, à moindre échelle, avec tous les autres INNTI et avec un IP, le tipranavir.

- Une hyperbilirubinémie, souvent dissociée de tout trouble hépatique grave, est décrite avec certains IP (atazanavir, indinavir, saquinavir).

Détecter les interactions médicamenteuses

- Les inhibiteurs de la PDE-5 utilisés en cas de troubles érectiles doivent être prescrits avec prudence. Levitra est contre-indiqué avec les inhibiteurs de protéases.

- Les médicaments métabolisés par le CYP3A4 interagissent fréquemment avec les anti-VIH. Une vigilance particulière s'impose.

- La buprénorphine et la méthadone peuvent voir leurs concentrations plasmatiques déséquilibrées en cas d'association à certains IP.

- Certains antifongiques systémiques et les traitements du RGO interagissent avec les antirétroviraux.

Vigilance accrue avec les antirétroviraux

- L'observance des traitements antirétroviraux conditionne leur efficacité virologique. Pourtant, diverses enquêtes montrent que l'adhésion à la prescription est variable, allant de 25 à 85 %. Les causes du phénomène sont multiples, mais les effets indésirables des médicaments et leur toxicité constituent des facteurs prédictifs d'oublis de prise et d'une faible observance.

- Parmi les divers types de toxicité des anti-VIH, il faut souligner :

- une toxicité mitochondriale, surtout due aux INTI ;

- des lipodystrophies, en forte diminution ces dernières années du fait du recul de la prescription de molécules incriminées (stavudine, zidovudine...) ;

- des anomalies métaboliques avec une prévalence de 20 % à 1 an, stable chez les hommes mais passant à 27 % à 8 ans chez les femmes ;

- un surrisque cardiovasculaire (lié aux traitements mais également à l'infection en elle-même) constituant la quatrième cause de décès des patients infectés par le VIH ;

- des troubles neurologiques, notamment des neuropathies périphériques à prévalence élevée.

- Le rôle du pharmacien est particulièrement important dans le cadre de ces traitements : il doit aider le patient à gérer son plan de prise, le conseiller en cas d'oubli, détecter et limiter la sévérité de l'iatrogénie, et lui expliquer le sens de la prescription afin qu'il adhère le mieux possible au traitement.

À RETENIR

Fatigue, asthénie, amaigrissement de survenue brutale doivent faire évoquer une toxicité mitochondriale systémique et justifient un rapide changement de la combinaison antirétrovirale prescrite.

ATTENTION

Des diarrhées importantes constituent une conséquence iatrogène fréquente des traitements par antirétroviraux. Une consultation médicale est indispensable si l'épisode dure plus de deux jours.

À RETENIR

Un ictère scléral sous atazanavir, indinavir ou saquinavir est fréquent. La plupart du temps, il ne traduit pas d'anomalie hépatique grave.

Lutter contre les lipodystrophies

- Modification de la stratégie thérapeutique.

- Hygiène de vie. Un conseil diététique (suivi de la consommation de lipides et de glucides, apport suffisant en fibres) pourra être instauré. Il est important de pratiquer une activité physique régulière même modérée.

- Traitement médicamenteux. Des antidiabétiques oraux (glitazones) ou des statines peuvent améliorer les lipodystrophies (hors AMM). La testostérone et l'hormone de croissance ne sont pas recommandées.

- Chirurgie (technique de Coleman). De la graisse est prélevée dans une partie du corps et réinjectée ailleurs (ex. : la graisse de la taille ou de la nuque est injectée dans les joues ou les fesses). Cette intervention se pratique sous anesthésie générale avec un arrêt maladie de quelques jours. Elle est prise en charge à 100 % au titre d'accident donnant droit à une chirurgie réparatrice. Un suivi rigoureux est nécessaire afin de vérifier que la graisse injectée reste bien positionnée.

- Comblement. L'injection d'acide polylactique (New-Fill) est la plus fréquente. Outre son action épaississante sur le derme, ce produit stimule la synthèse de collagène qui comble progressivement les zones traitées. Un résultat satisfaisant est obtenu au terme de 3 à 5 séances espacées d'environ 1 mois. L'effet persiste 1 à 3 ans. Le produit et l'injection sont pris en charge à 100 % pour toutes les personnes infectées par le VIH. Disponible en ville sur commande directe au laboratoire, ce produit est réservé au traitement des lipoatrophies faciales.

ATTENTION

Les lipodystrophies sont vécues comme stigmatisantes et peuvent peser lourdement sur l'observance d'un traitement anti-VIH. Orienter les patients vers des centres de consultation spécialisés dans la prise en charge de cet effet indésirable.

Se méfier de l'automédication

L'importance des effets iatrogènes liés aux traitements antirétroviraux explique la fréquente automédication recensée chez les patients, dans un condiv où les interactions sont nombreuses et susceptibles d'influencer dramatiquement l'efficacité du traitement.

- Troubles du sommeil. Les patients, déprimés ou angoissés, dorment mal et recourent à de nombreuses préparations ou médicaments destinés à favoriser le sommeil, parfois incompatibles avec le traitement.

- Troubles de l'humeur. En dehors de la prescription médicale d'antidépresseurs, de nombreux patients recourent à des traitements jugés anodins car « naturels ». Le millepertuis, notamment, est connu pour diminuer les taux sériques des IP en raison de sa puissante action inductrice enzymatique. L'effet du traitement antirétroviral peut être diminué voire annulé : il y a là une contre-indication formelle.

- Troubles de l'érection. Les études épidémiologiques montrent que l'association d'inhibiteurs des 5-phosphodiestérases (qui peuvent être achetés sur Internet) à des antirétroviraux est commune, alors que ce type d'association est déconseillé ou contre-indiquée selon les molécules.

- Troubles digestifs. L'armoire à pharmacie familiale est souvent pleine de médicaments hors liste permettant de traiter de façon symptomatique les petits dysfonctionnements digestifs, mais dont certains ne doivent pas être pris avec les anti-VIH.

À RETENIR

La prescription d'un traitement contre les dysfonctions érectiles chez un patient sous antirétroviral doit être très prudente pour Viagra et Cialis. Elle est contre-indiquée pour Levitra.

ATTENTION

L'association d'un traitement par certains inhibiteurs de protéase à de la buprénorphine ou de la méthadone peut déséquilibrer la substitution opiacée.

Vigilance avec la sphère digestive !

Les médicaments indiqués dans le traitement symptomatique des affections digestives ne peuvent être délivrés sans contrôle.

Ceci est particulièrement important dans le cas de patients bénéficiant d'un traitement antirétroviral :

- Topiques digestifs

Par mesure de précaution, ils doivent être pris à distance de tout autre médicament (au moins deux heures avant ou après).

- Sucralfate

En l'absence de données, il est recommandé de respecter un délai minimal de deux heures entre la prise de sucralfate et celle de tout autre médicament.

- Anti-H2

L'association avec l'atazanavir (Reyataz) doit d'être prise en compte en raison du risque de diminution des taux plasmatiques de l'antirétroviral.

- Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)

Ils induisent une diminution très importante des taux sériques d'atazanavir (Reyataz), avec risque d'échec thérapeutique. L'association est déconseillée.

Inversement, les IPP augmentent les taux sériques de raltégravir (Isentress). L'association est déconseillée, sauf si elle ne peut être évitée.

ATTENTION !

Des symptômes de brûlures oesophagiennes ne sont pas toujours synonymes de RGO, mais peuvent parfois signer une candidose.

Les traitements du RGO et certains antifongiques systémiques interagissent avec les antirétroviraux.

ATTENTION

Du fait de leur métabolisation par le CYP3A4, les antirétroviraux récents (maraviroc, raltégravir) donnent lieu à de nombreuses interactions, notamment avec les antituberculeux.

ATTENTION

Tout traitement chez un patient sous antirétroviraux doit donner lieu à une minutieuse recherche d'interactions.

Les substrats du CYP3A4 voient leurs concentrations augmenter lorsqu'ils sont associés à certains anti-VIH.

Conduite à tenir en cas d'oubli de prise

- Il est primordial de ne pas interrompre un traitement antirétroviral sans l'avis d'un infectiologue, même très ponctuellement (oubli d'une prise). En effet, la sélection de virus résistants est rapide, y compris chez les patients sous multithérapie.

- Un oubli est probablement encore plus délétère pour les schémas thérapeutiques en monoprise que dans le cas de 2 prises quotidiennes.

- La fluctuation des taux sériques en cas d'oubli ou de décalage de prise est d'autant plus importante que la demi-vie du médicament est courte par rapport à la durée de l'intervalle séparant deux prises (exemple des inhibiteurs de protéase associés à du ritonavir).

- En cas d'oubli remarqué moins de 4 à 8 heures après le moment prévu, prendre le médicament puis la dose suivante à l'heure normale (sans la doubler).

- Si l'oubli est remarqué plus tardivement, sauter la prise et prendre la suivante normalement.

À RETENIR

Le patient sous traitement antirétroviral peut voyager n'importe où, moyennant un certain nombre de précautions préalables.

Tout décalage horaire doit être pris en compte pour adapter les moments de prise.

À RETENIR

Aucune « fenêtre thérapeutique » ne doit être pratiquée par les patients de leur propre chef.

ATTENTION

Les complications cardiovasculaires représentent une cause fréquente de décès chez les patients infectés par le VIH. Un sevrage tabagique constitue une priorité sanitaire chez ces patients. Toutefois, il est indispensable de tenir compte des nombreuses contraintes qui leur sont déjà imposées.

À RETENIR

La prise en charge d'un accident d'exposition au sang est codifiée et les traitements prophylactiques devant être administrés font l'objet d'une circulaire actualisée en 2008.

À RETENIR

Un traitement antirétroviral prophylactique est indispensable pendant la grossesse. Il n'est pas toujours nécessaire de le poursuivre après l'accouchement.

Un accompagnement des femmes d'origine étrangère, maîtrisant peu ou pas le français, améliore l'observance de la prescription.

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