La maladie d'Alzheimer - Le Moniteur des Pharmacies n° 2776 du 18/04/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2776 du 18/04/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Madame D. refuse d'avaler ses comprimés

Ce que vous savez de la patiente

- Mme Augusta D., 85 ans, souffre de la maladie d'Alzheimer. Depuis l'annonce du diagnostic, il y a 5 ans, son état de santé s'est fortement dégradé tant au niveau des troubles cognitifs (MMSE = 11/30) que du comportement (agressivité, idées délirantes). Son traitement actuel repose sur la prise d'une bithérapie (Aricept-Ebixa) et d'un neuroleptique (Risperdal), introduit il y a 6 mois.

- Sa clairance de créatinine est estimée à 45 ml/min (insuffisance rénale modérée). Elle vit chez elle avec son mari, 80 ans, qui refuse l'institutionnalisation malgré les difficultés quotidiennes. C'est lui qui vient chercher les médicaments à la pharmacie et qui se charge de les donner à sa femme.

- Mme D. présente depuis 4 jours une toux grasse accompagnée d'un court épisode fébrile (38,1 °C) qui a motivé la venue du généraliste à son domicile.

Ce que le médecin leur a dit

L'examen pulmonaire est normal. Etant donné la fragilité et les antécédents de Mme D. (hospitalisation il y a un an suite à une bronchite et récente perte de poids), le médecin décide de prescrire un traitement antibiotique (Clamoxyl) et lui demande de continuer le sirop Bronchokod, délivré la veille à la pharmacie. Il lui prescrit également une supplémentation nutritionnelle orale pour l'aider à reprendre du poids.

La demande spontanée de l'aidant

Monsieur D. s'inquiète des modalités d'administration de l'antibiotique. Il fait part du comportement parfois agressif et opposant de sa femme lorsqu'il lui donne ses médicaments et appréhende le fait de devoir lui faire avaler deux comprimés de plus chaque jour.

Détection des interactions

Aucune interaction médicamenteuse n'est notable sur cette prescription.

Analyse des posologies

La patiente est sous Aricept, Ebixa et Risperdal depuis plusieurs mois, donc en phase d'entretien. Toutes les doses prescrites sont conformes aux AMM et tiennent compte de l'insuffisance rénale modérée de la patiente.

Avis pharmaceutique

Validité de l'ordonnance

Aricept et Ebixa sont des médicaments dont la prescription initiale annuelle est réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie, gériatrie et aux diplômés en gérontologie. La prescription émane ici d'un généraliste, elle est toutefois recevable car le renouvellement n'est pas restreint pendant l'année suivant la prescription initiale (datée du 15/09/2008).

Objectifs thérapeutiques

La prise en charge médicamenteuse vise à retarder la progression de la maladie d'Alzheimer, la perte d'autonomie et l'institutionnalisation. L'objectif est également de prendre en charge les troubles du comportement et l'amaigrissement de la patiente.

Choix du prescripteur

- Le donépézil (Aricept) et la mémantine (Ebixa) sont indiqués respectivement dans les formes légères à modérément sévères et dans les formes modérées à sévères de la maladie d'Alzheimer. Le MMSE actuel de la patiente (score 11 = stade modérément sévère) est conforme à ces indications. Le médecin a prescrit conjointement ces 2 spécialités ayant des modes d'action différents. Selon la HAS, l'association, bien que fréquente, n'a pas démontré de bénéfice par rapport à une monothérapie.

- La rispéridone (Risperdal) permet de diminuer l'intensité et la fréquence des troubles du comportement associés à la démence tels que l'agressivité, l'irritabilité et les idées délirantes. Depuis 2008, la prescription de neuroleptiques atypiques chez le patient atteint d'Alzheimer n'est cependant recommandée par la HAS qu'en cas de symptômes psychotiques sévères. La prescription de la dose minimale efficace, d'une durée limitée, la recherche d'effets indésirables et une réévaluation périodique (tous les 15 jours selon les recommandations) sont indispensables. Le médecin, déjà contacté à ce sujet, a précisé que Mme D. souffrait d'agressivité et qu'il ne pouvait pas supprimer le Risperdal. Il le prescrit à dose aussi faible que possible, en 2 prises, pour limiter le risque d'hypotension orthostatique.

- L'amoxicilline (Clamoxyl) est l'antibiotique choisi par le prescripteur dans un condiv de suspicion de bronchite aiguë. Chez l'adulte sans comorbidités il n'est pas recommandé d'antibiothérapie dans cette pathologie. Toutefois Mme D. étant très amaigrie et ayant des antécédents de bronchites à évolution compliquée, le médecin a préféré instaurer ce traitement par précaution.

- Mme D. pèse 47 kg, son IMC est de 18, elle a perdu 3 kg le mois dernier. La patiente est donc dénutrie (IMC < 21 et perte de poids ³ 5 % en 1 mois). Une prise en charge nutritionnelle est nécessaire car la dénutrition augmente les risques de comorbidités : chutes, infections, escarres...

La prescription de deux crèmes Resource, hyperénergétiques et hyperprotidiques, permet un apport quotidien supplémentaire de 400 kcal et de 30 g de protéines.

Intervention pharmaceutique

- Alerté par le discours de M. D. quant à ses difficultés à faire avaler le traitement à sa femme, le pharmacien décide d'appeler le médecin. Pour faciliter l'observance, le pharmacien propose la substitution des comprimés pelliculés d'Aricept par leur forme orodispersible et la prise d'Ebixa en 1 seule fois au lieu des 2 prises quotidiennes habituelles. Le médecin confirme ces changements.

- Pour rassurer M. D., le pharmacien lui explique qu'il peut dissoudre les comprimés d'amoxicilline dans un demi-verre d'eau plutôt que de les faire avaler directement à sa femme.

- La sécurité enfant du flacon de Risperdal rend parfois son ouverture difficile, en particulier pour les sujets âgés. Le pharmacien s'assure que cela ne pose pas problème à M. D.

- Lors de la première dispensation des crèmes Resource, faire goûter plusieurs parfums et ne pas dispenser la totalité des crèmes, au cas où le goût ou la texture ne plaise pas. Elles peuvent être prises comme collations (environ 2 heures avant ou après un repas pour préserver l'appétit au moment du repas) ou pendant les repas (« en plus » et non « à la place » des repas). Informer M. D. qu'il existe également des soupes, plats mixés, céréales, pouvant s'adapter aux goûts de sa femme et au moment de la journée.

Suivi du traitement

Effets indésirables

Un suivi attentif des effets indésirables est nécessaire chez cette patiente âgée et dénutrie. Le donépézil peut entraîner des troubles digestifs, neurologiques (vertiges, tremblements, céphalées), cardiovasculaires, et des crampes musculaires. La rispéridone peut notamment être à l'origine d'hypotensions orthostatiques, de symptômes extrapyramidaux...

Surveillance biologique et clinique

- Bilan sanguin (NFS, créatininémie, albuminémie...)

- Réévaluation des symptômes cognitifs, fonctionnels et comportementaux en utilisant des échelles comme le MMSE, IADL (voir page 6)

- Mesure hebdomadaire du poids (puis mensuelle si le statut nutritionnel s'améliore).

Conseils à la patiente et à l'aidant

Risque de chutes

- Madame D. a de nombreux facteurs de risque de chute : l'âge, la maladie d'Alzheimer (altération de l'équilibre), la prise de Risperdal (hypotension orthostatique) et la dénutrition.

- Conseiller l'usage de chaussons fermés avec semelles antidérapantes.

- Aménager le domicile avec un éclairage suffisant, enlever les tapis, installer des barres d'appui aux toilettes et dans la salle de bain...

- Ne pas se lever trop rapidement depuis une position assise ou couchée (hypotension orthostatique).

Dénutrition

- Veiller à ce que la patiente boive régulièrement, sans attendre la sensation de soif.

- Proposer des aliments faciles à ingérer, selon ses goûts et qu'elle puisse saisir avec une cuillère ou avec les doigts. Servir les plats un par un. Augmenter la fréquence des prises alimentaires dans la journée

- Les apports caloriques et protidiques étant insuffisants, ne pas hésiter à renforcer le petit déjeuner, souvent très apprécié, de quelques tartines supplémentaires. Enrichir les plats (potages, purées, pâtes) avec du gruyère râpé, du beurre, de la crème fraîche, ou des oeufs.

- Les crèmes Resource se consomment soit en collation soit aux repas. Un pot ouvert se conserve 2 heures à température ambiante et 24 heures maximum entre + 2 et + 8 °C. Varier les parfums.

Observance

- Rappeler à M. D., avant que la prescription annuelle du neurologue n'arrive à terme, qu'elle est indispensable à la délivrance d'Aricept et Ebixa. Il devra programmer un rendez-vous chez le neurologue en conséquence.

- Encourager monsieur D. à informer le pharmacien et/ou le médecin de toute difficulté concernant la prise des médicaments.

- S'assurer de la bonne compréhension du plan de prise et des modalités d'administration des médicaments (comprimés orodispersibles d'Aricept, comprimés dispersibles d'amoxicilline, utilisation de la pipette de Risperdal).

- Respecter la durée du traitement antibiotique

Pour l'aidant

- S'occuper d'une personne atteinte de la malade d'Alzheimer et en particulier présentant des troubles du comportement est épuisant pour les proches. M. D. doit aussi prendre soin de lui (santé, alimentation), se ménager régulièrement des moments de détente et accepter d'être aidé (infirmière pour la prise des médicaments, garde à domicile la nuit).

- Ne pas hésiter à l'orienter vers des associations de patients qui proposent des groupes de soutien pour les aidants.

Plan de prise conseillé

- Aricept : placer le comprimé orodispersible sur la langue où il se désintègre en quelques secondes avant de l'avaler avec ou sans eau.

- Ebixa : une prise quotidienne, indifférente par rapport aux repas.

- Risperdal : la pipette est graduée en mg et en ml. Le flacon de solution se conserve 3 mois après ouverture.

- Clamoxyl : comprimés à disperser dans un demi-verre d'eau avant ingestion. Prise indifférente par rapport aux repas.

- Resource crème : Servir frais, en complément d'un repas ou comme collation.

pathologie

La maladie d'Alzheimer en sept questions

La maladie d'Alzheimer est une démence d'aggravation progressive, dont les premiers symptômes sont des troubles de la mémoire.

Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?

- Elle constitue la plus fréquente cause de démence (70 % des cas).

- Le diagnostic de démence réunit plusieurs critères : il s'agit d'un trouble de la mémoire et de l'intellect, suffisamment important pour retentir sur la vie quotidienne, qui dure depuis au moins 6 mois et associé à d'autres troubles des fonctions cognitives (langage, praxies, gnosies). À ces éléments s'ajoutent parfois des symptômes psychocomportementaux. Lorsqu'il n'existe aucune perte d'autonomie, on parle de "trouble cognitif léger" (en anglais : MCI, pour Mild Cognitive Impairment).

- Parmi les différents types de démences, la maladie d'Alzheimer se caractérise par un début progressif avec une atteinte initiale de la mémoire et une évolution continue sur plusieurs années.

Comment se fait le diagnostic ?

Le diagnostic doit être le plus précoce possible. Il est souvent établi dans le cadre d'une consultation mémoire.

Essentiellement clinique, il peut être effectué grâce à différents tests permettant une évaluation des fonctions cognitives :

- Le Mini-Mental Status Examination (MMSE) est le test de référence. Il évalue successivement l'orientation, la mémoire immédiate, l'attention et le calcul, la mémoire différée, le langage, les praxies et les fonctions exécutives.

- Différentes échelles existent pour évaluer le retentissement des troubles sur les activités de la vie quotidienne, notamment l'Instrumental Activities of Daily Living (IADL), échelle simplifiée à 4 items : utilisation du téléphone, des transports, prise de médicaments, gestion des finances.

Quels sont les examens complémentaires ?

L'interrogatoire et l'examen clinique doivent systématiquement rechercher dépression, anxiété, maladie cardiovasculaire ou neurologique, dénutrition, déficit sensoriel, insuffisance rénale ou trouble métabolique. Il est de plus primordial d'inspecter l'ordonnance du patient à la recherche de troubles iatrogènes (psychotropes, anticholinergiques). Certains examens sont utiles, tant pour éliminer d'autres comorbidités que pour établir le diagnostic positif de maladie d'Alzheimer :

- Un bilan biologique vise à éliminer les causes de syndromes démentiels potentiellement curables, ainsi que les comorbidités. Il peut comporter notamment : sérologie de la syphilis, de la maladie de Lyme et du VIH.

- Une imagerie cérébrale est recommandée pour toute démence d'installation récente : d'une part pour ne pas méconnaître une cause curable (hématome sous dural, tumeur...) ou une comorbidité (lésion vasculaire cérébrale) ; d'autre part pour rechercher des signes de diagnostic positif de maladie d'Alzheimer.

L'IRM cérébrale, avec des coupes visualisant l'hippocampe, est l'examen de première intention. Par ailleurs, l'IRM aide à établir le diagnostic différentiel entre la maladie d'Alzheimer et les autres démences. À défaut d'IRM, on pratique un scanner sans produit de contraste.

- Un dosage dans le LCR du peptide bêta-amyloïde et des protéines tau normales et phosphorylées est envisagé en cas de doute diagnostique notamment chez un sujet jeune.

Quels sont les signes cliniques ?

- Les troubles mnésiques sont souvent les premiers symptômes évoqués. Ils peuvent concerner la mémoire récente : oubli de la date du jour, d'un événement de l'actualité, de l'emploi du temps du jour précédent. Plus tard, ils affectent les souvenirs anciens : événements autobiographiques, dates historiques, acquis culturels, oubli du sens des mots.

- D'autres troubles cognitifs se développent au cours du temps :

- Les troubles du langage peuvent se manifester par des oublis de mots : "blancs" en milieu de phrase, utilisation de périphrases pour remplacer le mot oublié, emploi de mots approximatifs tels que « chose » ou « machin ».

- L'apraxie est une altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes. Elle induit des difficultés à réaliser les actes de la vie courante. L'écriture est également perturbée.

- L'agnosie se définit par l'impossibilité de reconnaître ou d'identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes. L'agnosie visuelle rend le patient incapable de reconnaître les objets, l'agnosie des visages l'empêche d'identifier les personnes connues.

- L'atteinte des fonctions exécutives altère la pensée abstraite et les capacités d'organisation et de planification. Le sujet ne fait plus de projets, son jugement et ses capacités de raisonnement sont perturbés, il a du mal à préparer des valises, à organiser un voyage, à résoudre des petits problèmes domestiques.

- Différents troubles psychocomportementaux sont susceptibles de compléter la symptomatologie (symptômes dépressifs, irritabilité, agitation, apathie, hallucinations, délire, troubles du sommeil, perturbations des conduites alimentaires ou sexuelles), l'apathie a une forte valeur d'alerte : un patient qui abandonne sa collection de timbres ou qui délaisse ses activités favorites doit être exploré.

- Le retentissement des troubles sur les activités de la vie quotidienne et la notion de déclin par rapport au fonctionnement antérieur sont des critères diagnostiques indispensables. De ce retentissement dépend le degré de perte d'autonomie du patient.

Quels sont les facteurs de risque ?

La maladie d'Alzheimer est une pathologie multifactorielle dans laquelle interagissent des facteurs environnementaux et génétiques.

- Les formes à transmission autosomique dominante ne représentent que 1 % des patients, et ce sont alors des formes précoces (avant 60 ans). Dans 5 à 8 % des cas, on retrouve une agrégation familiale, qui augmente de deux à cinq fois le risque de développer la maladie. Mais dans 90 % des cas, on ne retrouve aucun antécédent familial. On a souligné le rôle du gène de l'apolipoprotéine E, mais en pratique la HAS ne recommande pas le génotypage de ce gène comme test diagnostique. D'autres recherches sont en cours.

- L'âge reste le premier facteur de risque, avec un doublement de l'incidence par tranche de 5 ans après 65 ans. Citons aussi le sexe féminin, le bas niveau d'études, le tabagisme et sur le plan cardiovasculaire, l'HTA, l'hypercholestérolémie et le diabète. Le surpoids est un facteur de risque à l'âge moyen de la vie.

- La dépression est actuellement considérée comme un signe précurseur précoce de maladie d'Alzheimer, et non comme un facteur de risque. Cependant, la question a longtemps fait débat.

Quels sont les facteurs protecteurs ?

Des études ont montré que la richesse du réseau social et des activités de loisirs, ainsi que l'activité intellectuelle, sont associées à un moindre risque de maladie d'Alzheimer. Il en est de même pour l'exercice physique régulier, et au plan alimentaire, pour la consommation de fruits, de légumes, de poisson et d'huile d'olive. Par ailleurs, le contrôle des facteurs de risque vasculaire, notamment de l'hypertension artérielle, est important.

Quelle est l'évolution ?

L'évolution est plus ou moins rapide selon les patients, avec apparition progressive, d'un syndrome aphasoapraxoagnosique (incompréhension du langage, non-reconnaissance des proches ou des lieux, abandon des activités habituelles...) et perte d'autonomie. Plusieurs anomalies, sources de complications potentiellement létales, peuvent exister : amaigrissement, dénutrition, troubles de l'équilibre et de la marche, chutes, fractures, incontinence, crises d'épilepsie. Au terme de l'évolution, le patient devient grabataire, avec absence totale de communication. Les médicaments anti-Alzheimer permettent dans une certaine mesure de ralentir l'évolution des troubles cognitifs et de lutter contre certains troubles comportementaux.

thérapeutique

Comment traiter la maladie d'Alzheimer ?

Les traitements disponibles aujourd'hui dans la maladie d'Alzheimer sont tous symptomatiques. Ils retardent l'évolution de la pathologie sans la stopper.

En l'absence de traitement curatif, la prise en charge globale proposée aux patients vise à :

- améliorer les capacités cognitives ;

- faciliter les activités courantes ;

- réduire les troubles psychocomportementaux ;

- soulager les souffrances.

Médicaments

L'efficacité symptomatique des 4 médicaments disponibles dans le traitement de la maladie d'Alzheimer est du même ordre. Leur action sur les troubles de la cognition reste modeste et leur efficacité à court terme sur les troubles du comportement, moins établie que la précédente, resterait proche de celle d'un placebo.

Anticholinestérasiques

Mécanisme d'action

En inhibant l'acétylcholinestérase (AchE), enzyme dégradant physiologiquement l'acétylcholine, ces médicaments corrigent temporairement l'hypocholinergie affectant notamment l'hippocampe et le cortex, précocement perturbés par l'évolution de la maladie. Ils nécessitent des neurones présynaptiques encore suffisamment fonctionnels pour synthétiser de l'acétylcholine, et ne sont donc actifs que dans les formes légères à modérément sévères de la maladie.

Donépézil (Aricept)

Le donépézil est efficace à la dose de 5 mg/j. Malgré la possibilité d'augmenter la posologie à 10 mg/j après le premier mois de traitement, la HAS affirme que l'apport clinique de cette double dose est faible.

Galantamine (Reminyl)

En plus de son activité proprement anticholinestérasique, la galantamine potentialise l'action de l'acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques en se liant probablement à un site allostérique du récepteur.

Rivastigmine (Exelon)

Il s'agit d'un double inhibiteur réversible de l'AchE et de la butyrylcholinestérase (enzyme dégradant également l'acétylcholine). Par ailleurs, la rivastigmine présente une affinité préférentielle pour l'un des isoenzymes de l'AchE (AchE G1) exprimée dans les régions du cerveau directement concernées par la dégénérescence neurofibrillaire. Une présentation sous forme de patch permet de s'affranchir des problèmes d'observance.

Effets indésirables

Les anticholinestérasiques peuvent induire des effets indésirables à type de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, dyspepsie), anorexie, fatigue, vertiges, céphalées, somnolence, rashs cutanés, agressivité, infections urinaires, bradycardie... Ces manifestations sont généralement bénignes et transitoires.

La prescription de galantamine sous forme LP limite la survenue de nausées par rapport aux formes à libération immédiate de la même molécule.

Précautions d'emploi

Du fait de l'hypercholinergie qu'ils génèrent, ils doivent être administrés avec précautions en cas de :

- troubles cardiaques et notamment anomalies du rythme (en raison d'une action vagotonique susceptible d'induire une bradycardie) ou traitement bradycardisant. La réalisation d'un électrocardiogramme est recommandée avant d'instaurer le traitement chez ce type de patient ;

- troubles gastro-intestinaux (antécédent d'ulcère, ulcère évolutif, obstruction gastro-intestinale...) ;

- troubles neurologiques (aggravation de symptômes extrapyramidaux) ;

- troubles respiratoires notamment antécédents d'asthme ou de BPCO ;

Les patients devant subir une intervention chirurgicale peuvent voir la relaxation musculaire induite par le protocole d'anesthésie exacerbée.

Surdosage

Un surdosage accidentel en anticholinestérasique est possible, particulièrement chez ces patients atteints de troubles croissants de la mémoire, rendant l'observance difficile. Il se traduit par une faiblesse musculaire intense ou des fasciculations, vomissements, crampes digestives, hypersécrétion (salivation, larmoiement, sudation), perte d'urine et défécation spontanées, spasme bronchique, troubles cardiovasculaires (bradycardie, hypotension, torsades de pointes, allongement du QT), ou convulsions éventuelles. Un traitement symptomatique par atropine peut être instauré.

Antagoniste NMDA = antiglutamate

Mémantine (Ebixa)

La mémantine est un antagoniste non compétitif des récepteurs au glutamate dont elle bloque les effets. C'est le seul médicament indiqué au stade sévère de la maladie. Il est également indiqué au stade modérément sévère et, depuis 2007, au stade modéré.

Effets indésirables

Globalement bien toléré, le traitement peut cependant potentialiser une comitialité et donner des sensations vertigineuses, des troubles digestifs (constipation notamment), de l'hypertension, des céphalées et des somnolences.

Le taux d'élimination rénale de la mémantine est réduit d'un facteur 7 à 9 lorsque l'urine est alcaline.

Stratégie thérapeutique

Au vu des données cliniques disponibles, les médicaments anti-Alzheimer ne constituent qu'un apport thérapeutique mineur (amélioration du service médical rendu de niveau IV) dans le traitement de la maladie. Toutefois, la prescription d'un traitement antidémentiel a un rôle structurant : elle constitue un prédiv à la mise en place d'un accompagnement médicopsychosocial individualisé permet d'établir des bilans réguliers de l'évolution de l'affection.

Instauration du traitement

Le traitement est initié et supervisé par un médecin entraîné au diagnostic et au traitement de la maladie d'Alzheimer. Toutes les spécialités sont soumises à prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie, gériatrie ou médecins titulaires d'une capacité en gérontologie.

Le traitement est instauré progressivement afin de limiter les effets indésirables digestifs. Une hydratation adéquate et l'éventuelle prescription d'antiémétiques peuvent limiter les signes cliniques d'effets indésirables. Le patient est revu par un médecin à l'issue du premier mois de traitement.

Adaptation du traitement au stade de la maladie

Des relais sont possibles entre les différents traitements en fonction de leur tolérance, des résultats cliniques obtenus et du degré d'évolution de la maladie (en l'absence de protocole validé par l'AMM, un wash-out d'une période de 5 demi-vies est recommandé entre l'arrêt de l'ancienne molécule et l'introduction la nouvelle).

Stades léger, modéré et modérément sévère

Une monothérapie anticholinestérasique (Exelon, Aricept ou Reminyl) est recommandée en première intention, avec substitution entre molécules en cas de mauvaise tolérance ou d'inefficacité apparente. Il semble, au vu des études menées, que les 3 anticholinestérasiques présentent des efficacités équivalentes à court terme. Il n'y a pas de différence quant à la tolérance, susceptible de faire privilégier un médicament plutôt qu'un autre en première intention.

Dans les stades modéré et modérément sévère, la prescription de mémantine (Ebixa) est possible chez certains patients selon une stratégie encore peu consensuelle.

Stade sévère

Seule la mémantine est indiquée. La poursuite d'un traitement anticholinestérasique en association à la mémantine n'est pas recommandée en l'état actuel des données (HAS, 2 008). Elle est cependant de prescription courante.

Efficacité et durée du traitement

u L'efficacité du traitement antidémentiel à long terme (plusieurs années) est incertaine : les études sont le plus souvent limitées à 6 mois. Si de rares études conduites notamment avec la rivastigmine et le donépézil portent sur des périodes plus longues allant jusqu'à deux années, il ne semble pas possible d'en généraliser les résultats. Des travaux portant sur le long terme, faisant référence à la cinétique d'évolution des lésions, au maintien des fonctions cognitives des patients et à leur longévité seraient bienvenus.

u Quoi qu'il en soit, les médicaments actuels ne peuvent enrayer l'évolution inéluctable de la maladie d'Alzheimer vers la perte d'autonomie. Il n'est même pas certain qu'ils puissent ralentir le passage à un stade plus sévère de la maladie ni retarder le placement en institution spécialisée. De ce fait, un arrêt du traitement peut être envisagé dès qu'il n'y a plus de bénéfice thérapeutique et, selon les recommandations 2 008 de la Haute Autorité de Santé, à un stade très sévère, lorsque l'interaction avec le patient n'est plus évidente.

Ces décisions sont, quoi qu'il arrive, évaluées au cas par cas. On ignore cependant si la poursuite du traitement peut apporter un bénéfice au patient à ce stade et si l'arrêt doit être brutal ou progressif.

Il est, de plus, essentiel de prendre en compte les problèmes psychologiques soulevés chez le patient et son entourage, par une décision d'arrêt de traitement.

Traitements associés

L'administration de médicaments psychotropes en association au traitement anti-Alzheimer doit rester prudente.

Antidépresseurs

La prescription d'antidépresseurs (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine d'action duale ou moclobémide) est utile au traitement des troubles de l'humeur et du comportement souvent associés à la maladie d'Alzheimer. Cependant, on ignore s'ils modifient l'action des médicaments antidémentiels. Le traitement antidémentiel concourt souvent, en lui-même, à réduire les signes dépressifs.

Anxiolytiques

En cas d'anxiété chronique, il est recommandé de privilégier la prescription d'un antidépresseur à celle d'une benzodiazépine.

Hypnotiques

La prescription d'hypnotique doit être adaptée mais non systématique : les benzodiazépines peuvent aggraver des signes de dépression respiratoire chez le sujet âgé, et il faut privilégier les molécules à demi-vie courte type zopiclone (Imovane) ou zolpidem (Stilnox). Bien souvent, de simples mesures d'hygiène de vie concourent à restaurer un cycle nycthéméral satisfaisant.

Antipsychotiques

Il n'est pas recommandé de prescrire des antipsychotiques classiques dans les démences car l'incidence des effets indésirables est alors élevée (signes extrapyramidaux, accident vasculaire cérébral, pneumopathie d'inhalation, chutes, sans parler d'un éventuel syndrome malin). Face à une symptomatologie d'allure psychotique sévère, la prescription d'un antipsychotique de seconde génération (clozapine avec surveillance hématologique adaptée, olanzapine, rispéridone) peut être proposée à dose minimale et sur une période brève, avec réévaluation régulière. Dans la maladie d'Alzheimer, l'antipsychotique ne peut être prescrit que si le patient bénéficie déjà d'un traitement anticholinestérasique.

Autres modalités de traitement

u La prise en charge de la maladie d'Alzheimer doit inclure la participation à des ateliers mémoire, de l'ergothérapie, de l'art-thérapie...

u Malgré de nombreux travaux, il n'existe toujours pas de preuves suffisantes pour justifier la prescription d'antioxydants, de sélégiline, d'extraits de Ginkgo, de nootropes, d'AINS, d'hormones (dont DHEA), d'hypocholestérolémiants (dont statines) ou d'oméga-3 dans le traitement spécifique de la maladie d'Alzheimer.

Perspectives thérapeutiques

- Les cibles potentielles de traitement sont nombreuses mais les travaux expérimentaux sont complexes dans la mesure où la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer n'est pas clairement élucidée.

- L'hypothèse de la neurotoxicité de l'accumulation de la protéine bêta-amyloïde explique l'intérêt de sa neutralisation au niveau cérébral. Cette piste semble, à l'heure actuelle, faire l'objet du plus grand nombre de travaux de recherche.

C'est ainsi que sont menées des études sur l'élaboration d'immunothérapies dirigées contre ce peptide. Des résultats positifs ont été obtenus en 1999 et 2000 sur des souris transgéniques surexprimant le gène codant pour l'APP (amyloid precursor protein) humaine. Celles-ci ont été immunisées par injection intrapéritonéale ou nasale d'un virus dont les gènes ont été recombinés pour produire des protéines bêta-amyloïdes. Les essais sur l'homme ont été suspendus en 2002 en raison de la survenue de méningo-encéphalites chez 6 % des patients. Pour autant, les voies de recherche dans ce sens restent nombreuses et prometteuses.

D'autres pistes telles que l'inhibition des enzymes clivant l'APP en peptide bêta-amyloïde, l'inhibition de la polymérisation du peptide bêta-amyloïde en plaque amyloïde ou l'activation des enzymes de dégradation du peptide bêta-amyloïde sont également à l'étude.

Physiopathologie et traitements de la maladie d'Alzheimer

- Les anticholinestérasiques (donépézil, Aricept ; galantamine, Reminyl ; rivastigmine, Exelon) inhibent la dégradation de l'acétylcholine par l'acétylcholinestérase. Ils corrigent ainsi momentanément l'hypocholinergie liée à la maladie.

- En plus de son activité anticholinestérasique, la galantamine potentialise l'action de l'acétylcholine sur les récepteurs nicotiniques.

- En plus de son activité anticholinestérasique, la rivastigmine inhibe la butyrylcholinestérase, autre enzyme de dégradation de l'acétylcholine.

- Les antiglutamates, représentés par la mémantine (Ebixa), sont des antagonistes non compétitifs des récepteurs NMDA au glutamate. Ils modulent ainsi l'excitation neuronale en limitant l'entrée de calcium dans la cellule.

- Le lien entre le mode d'action des médicaments et les mécanismes physiopathologiques de la maladie d'Alzheimer n'est pas totalement établi.

conseils aux patients

être vigilant

- La désorientation et les troubles de la mémoire ne sont pas « normaux » chez une personne qui vieillit.

- La diminution d'activités physiques, le retrait de la vie sociale, l'incontinence ou la perte de poids ne sont pas uniquement liés à l'âge. Leurs causes doivent être recherchées.

- Bien que la maladie d'Alzheimer ne soit pas curable, elle doit être prise en charge médicalement et socialement afin d'en retarder l'aggravation et d'augmenter le confort du patient.

- Attention à la pertinence des informations diffusées par les médias quasi quotidiennement.

Repérer les troubles précoces

Certains signes, lorsqu'ils sont associés, peuvent alerter au comptoir, et inciter à orienter vers une consultation mémoire :

- Chez un patient :

- allusions à des troubles mnésiques,

- demandes récurrentes d'explications sur un traitement usuel,

- visites à la pharmacie tous les 3 jours pour acheter les médicaments ou, au contraire, retard à venir chercher un renouvellement (signe une perte des repères dans le temps),

- problèmes de gestion de l'argent,

- signes dépressifs,

- le patient ne vient plus lui-même chercher ses médicaments mais envoie systématiquement une tierce personne...

- Chez un membre de la famille du patient : « Mon mari ne fait plus rien, il est apathique », « ma mère a encore oublié son rendez-vous. »

Suggérer un bilan

- Ne jamais banaliser un trouble exprimé par un patient.

- Savoir dire la vérité tout en évitant de prononcer des mots inquiétants.

- En tant que professionnel de santé, le pharmacien est souvent mieux placé que la famille pour suggérer ce bilan à un patient qui a du mal à mesurer la gravité de ses troubles cognitifs.

- Tenir à disposition des patients les coordonnées du centre communal d'action sociale (CCAS), des consultations mémoire des hôpitaux de proximité, des neurologues et des associations de patients.

Soutenir les aidants

La maladie d'Alzheimer est complexe et longue. Sa prise en charge, épuisante, repose majoritairement sur les épaules du conjoint ou de la famille. Rester attentif à leur plainte et les inciter à prendre soin d'eux. Les encourager à contacter des associations pour communiquer avec des personnes soumises aux mêmes épreuves. Soutien et conseils pratiques seront les bienvenus.

Apporter une aide technique

- Incontinence, troubles de la déglutition, aide à la toilette : proposer des solutions adaptées si possible en se rendant au domicile avec d'autres soignants. Un lit médicalisé peut faciliter les soins d'hygiène et éviter au conjoint de dormir dans un lit « mouillé » par un malade incontinent, un rehausse-WC ou une chaise garde-robe peut faciliter la continence...

- Prévenir les risques :

- garder les produits ménagers dangereux hors de portée du malade,

- couper le gaz lors d'une absence,

- ne pas enfermer un malade valide qui, lors d'une pulsion impérieuse peut s'enfuir par la fenêtre (en pensant « Maman m'attend »),

- coudre des étiquettes sur les vêtements avec le nom du patient et un numéro de téléphone (jamais d'adresse pour éviter que des personnes malveillantes profitent de la vulnérabilité du malade).

S'adresser au patient

- Eviter les tons infantilisants ou autoritaires, générateurs d'agressivité et de colère.

- Utiliser des phrases courtes, un vocabulaire simple.

- Ne pas parler du patient comme s'il n'était pas là. Proscrire les messes basses qui peuvent aggraver les idées obsessionnelles de certains malades.

- Répéter la même phrase plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle soit comprise.

- Être attentif aux expressions faciales et corporelles du patient pour évaluer sa compréhension.

- Lui éviter la solitude : l'encourager à passer du temps avec sa famille et ses amis.

- Tout patient doit être informé de façon adaptée des décisions médicales le concernant, et sa parole doit être prise en compte. Il est toutefois souhaitable de l'encourager à désigner une personne de confiance (acte sous seing privé) susceptible de l'assister dans ses décisions.

Prévenir la dénutrition

Parfois signal d'alerte au début de la maladie par une mauvaise gestion des courses, du réfrigérateur ou de la préparation des repas, la dénutrition se rencontre aussi lors des stades évolués. Rechercher un problème dentaire (le patient ne sait pas l'exprimer), un antécédent de fausse route (crainte de récidive), un refus d'être nourri (certains patients vivent comme une agression le fait d'être nourri par un tiers).

Avertir des risques de la conduite

- La conduite automobile n'est pas interdite légalement au cours de la maladie d'Alzheimer et il revient au médecin et à l'entourage du malade de décider à quel moment il est judicieux que le patient cesse de conduire.

- Quoi qu'il arrive, ne jamais laisser un patient conduire seul.

- Une fois le diagnostic posé, il est recommandé d'en avertir la compagnie d'assurance automobile par courrier.

documentez-vous

livre

Alzheimer et maladies apparentées - Traiter, soigner et accompagner au quotidien, R. Moulias, M.-P. Hervy, C. Ollivet, D. Mischlich, collection « Ages, santé, société », Masson, Paris, 2 005

Une aide à la réflexion et à l'action, voilà le but de cet ouvrage destiné aux personnes confrontées à la maladie d'Alzheimer ou aux maladies apparentées : malades, aidants et soignants. Après un tour d'horizon de l'état actuel des connaissances médicales, les divs recensent les différentes situations vécues par les intervenants. L'objectif est de fournir des outils pratiques pour faire face au vaste éventail de difficultés rencontrées au cours de la pathologie. Enfin, ils abordent la démence et la façon dont elle est vécue à domicile et en institution. Ce livre permet enfin de réfléchir aux questions éthiques, des droits du malade ou de la maltraitance.

association

France Alzheimer et maladies apparentées

http://www.francealzheimer.org

L'Association France Alzheimer a été créée en 1985 à l'initiative de familles de malades et de professionnels du secteur sanitaire et social. Composée d'un réseau de plus de cent associations, France Alzheimer a pour première mission de soutenir les malades et les aidants. Description de la maladie, aides et droits, accompagnements et soins, le site du portail de l'Union française des associations Alzheimer aborde des aspects très concrets de la vie des patients et des aidants.

L'association France Alzheimer peut être contactée au : 01 42 97 52 41 ou par mail : contact@francealzheimer.org. Les antennes locales sont joignables au : 0811 112 112 (prix d'un appel local).

Ce qu'il faut retenir

Détecter

- Ne pas prendre à la légère des plaintes concernant des "pertes de mémoire" sans pour autant les dramatiser.

- Ne pas hésiter à orienter les patients concernés vers un Centre de consultation mémoire afin de faire un premier bilan.

- La précocité de diagnostic est importante pour que le patient puisse être pris en charge à un stade précoce de la pathologie.

Traiter

- L'objectif est de retarder la progression de la maladie d'Alzheimer et la perte d'autonomie et d'améliorer la qualité de vie du patient.

- A ce jour, il n'existe pas de traitement curatif.

- Une prise en charge psychosociale doit être mise en place dès la pathologie diagnostiquée.

- Un traitement médicamenteux doit être instauré dès la sévérité de la maladie évaluée.

- Les anticholinestérasiques (le donépézil, Aricept, la galantamine, Reminyl et la rivastigmine, Exelon) sont indiqués dans les formes légères à modérément sévères de la maladie.

- Un antiglutamatergique (la mémantine, Ebixa) est indiqué dans les formes modérée, modérément sévère ou sévère.

Accompagner

- Prévenir la dénutrition, fréquente chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer et facteur de mauvais pronostic.

- Eviter l'isolement du patient, encourager le maintien d'une vie sociale.

- Être attentif aux aidants. Ils ont besoin de soutien et doivent pouvoir aussi penser à eux.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Ordonnance 1

Docteur Sabine Bel

Neurologue

34160 Sussargues

Tél. : 04 41 29 75 78

34 1 99 999 8

Sur rendez-vous

Le 17 avril 2009

M. A.,

75 ans

Reminyl 8 mg : 1 le matin 1 mois, puis Reminyl 16 mg : 1 le matin 2 mois

Dompéridone 10 mg : 1 le matin pendant 7 J.

Initiation de traitement

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 1 : OUI, mais attention ! Il existe 2 formes de Reminyl : comprimés (2 prises par jour) et gélules LP (1 prise par jour). Dans le cas présent, dispenser une boîte de Reminyl LP en prise unique journalière pour le premier mois de traitement. Cette prescription initiale est bien établie par un neurologue et conforme aux recommandations : la posologie optimale est atteinte progressivement par paliers d'un mois afin de limiter les effets indésirables, en particulier digestifs (d'où la prescription de dompéridone en traitement adjuvant pendant la première semaine).

Ordonnance 2

EHPAD Pervenche

Docteur Guillaume Gory

Capacité de gérontologie

34725 Saint-Drézéry

Tél. : 04 22 35 88 65

34 1 99 999 8

Sur rendez-vous

Le 16 avril 2009

Mme T.,

78 ans

Exelon Patch : 9,5 mg/24 h 1 par jour

Stilnox : 1 le soir

Séroplex : 1 le matin

Aricept 10 mg : 1 le soir

Cozaar 50 mg : 1 par jour

Traitement pour 1 mois

Mme T. est une nouvelle résidente de l'EHPAD. La pharmacie ne dispose d'aucun historique pour cette patiente.

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 2 : NON. Le médecin doit être contacté car la prescription comporte deux anticholinestérasiques. Il n'y a pas d'intérêt thérapeutique à les associer. En revanche, il y a risque de surdosage ou de majoration des effets indésirables (troubles digestifs, bradycardie). Contacté par téléphone, le médecin explique que l'Aricept a été noté par erreur et qu'il ne doit pas être dispensé (il aurait dû être arrêté lors de la mise en place d'Exelon patch).

Dr Anne Salavert Généraliste 34280 Carnon-Plage Tél. : 08 25 15 12 41 34 1 99 999 8

10 avril 2009

Mme Augusta D.,

85 ans

47 kg 1,62 m

Aricept 10 mg : 1 par jour

Ebixa 10 mg : 1/2 cp matin et soir

Risperdal sol buv : 0,5 mg matin et soir Resource crème : 2 par jour

Traitement pour 3 mois

Amoxicilline 1 g : 1 cp 2 fois par jour pendant 8 jours

La prescription par un neurologue datant du 21.9.2008 est mentionnée dans le dossier informatique du patient.

Les médicaments prescrits

Aricept (donépézil)

- Anticholinestérasique.

- Traitement des formes légères à modérément sévères de la maladie d'Alzheimer.

- Traitement instauré à 5 mg/j. Au bout d'1 mois, après évaluation clinique, la dose peut passer à 10 mg/j, posologie maximale recommandée. Pas d'adaptation de dose chez l'insuffisant rénal.

Ebixa (mémantine)

- Antagoniste des récepteurs NMDA.

- Traitement des formes modérées à sévères de la maladie d'Alzheimer.

- Instauration à 5 mg/j pendant la première semaine, puis la dose d'entretien est atteinte par palier de 5 mg/semaine. Dose quotidienne maximale de 20 mg. En cas d'insuffisance rénale modérée la dose est réduite à 10 mg (puis 20 mg si bonne tolérance).

Risperdal (rispéridone)

- Antipsychotique dit « atypique ».

- Traitement des psychoses.

- Chez le sujet âgé et les insuffisants rénaux la posologie initiale est de 1 mg/j (1 ml/j) en 2 prises. Cette posologie est ensuite adaptée par paliers journaliers de 1 mg/j en 2 prises, jusqu'à une dose de 2 à 4 mg/j en 2 prises.

Clamoxyl (amoxicilline)

- Antibiotique de la famille des bêtalactamines

- Traitement des pneumopathies aiguës, surinfections bronchiques, infections ORL...

- 1 à 3 g/j en 2 à 3 prises selon les indications

Pas d'adaptation posologique tant que la clairance de la créatinine est > 30 ml/min.

Resource crème

- Aliment diététique hypercalorique et hyperprotidique destiné à des fins médicales spéciales (200 kcal, 13 g de protéines par pot).

- 1 à 3 unités par jour.

CONTACTER LE MÉDECIN

Le médecin confirme le passage à des comprimés orodispersibles d'Aricept et à 1 prise quotidienne d'Ebixa au lieu de 2.

LES CHIFFRES

- En France, la maladie d'Alzheimer touche environ 6 % des plus de 65 ans. Plus de 850 000 personnes seraient aujourd'hui atteintes, en majorité des femmes.

- Près de 225 000 nouveaux cas apparaissent chaque année, mais la pathologie reste sous-diagnostiquée, avec seulement la moitié des patients identifiée.

- Moins d'un tiers des sujets atteints serait traité.

- Plus de 70 % des aidants consacrent plus de 6 heures par jour à la prise en charge du malade.

Physiopathologie de la maladie d'Alzheimer

La maladie d'Alzheimer se caractérise par la destruction progressive des neurones dans certaines zones cérébrales, aboutissant à une baisse quantitative de neurotransmetteurs, notamment d'acétylcholine. Les lésions associent 2 types d'anomalies microscopiques : la dégénérescence neurofibrillaire et les plaques séniles (ou amyloïdes), qui constituent des cibles de recherche thérapeutique.

- La dégénérescence neurofibrillaire correspond à l'agrégation de protéines Tau à l'intérieur des neurones. Naturellement présente au niveau neuronal, cette protéine facilite le transport des substances synthétisées par la cellule vers les terminaisons nerveuses. Au cours de la pathologie, une anomalie de phosphorylation de cette protéine provoque son accumulation en filaments dans le corps cellulaire des neurones ainsi que dans les axones, altérant le fonctionnement neuronal.

- Les plaques séniles sont constituées d'un dépôt de substance amyloïde (le peptide bêta-amyloïde) dérivé d'un précurseur, l'APP (amyloid precursor protein). Au cours de la pathologie, le peptide bêta-amyloïde, normalement présent à faible concentration, serait produit en quantité anormalement importante s'accumulant en dépôts plus ou moins denses autour des neurones.

- D'autre part, le dysfonctionnement de la neurotransmission glutamatergique, en particulier au niveau des récepteurs NMDA, jouerait un rôle dans la maladie.

- Anatomiquement, la région de l'hippocampe, impliquée dans les processus de mémorisation, est la première atteinte. La maladie s'étend ensuite vers des régions corticales impliquées dans le langage, la gestualité, les fonctions intellectuelles.

Contre-indications absolues

Galantamine (Reminyl)

- Insuffisance hépatique sévère.

- Insuffisance rénale sévère.

- Patients présentant à la fois des insuffisances hépatique et rénale significatives.

Rivastigmine (Exelon)

- Insuffisance hépatique sévère.

point de vue

« Prudence avec les neuroleptiques ! »Chez les patients souffrant d'Alzheimer, les neuroleptiques atypiques ne sont recommandés qu'en cas de troubles sévères du comportement, à dose faible et avec une réévaluation tous les 15 jours. Pourquoi ?

Les effets délétères des neuroleptiques classiques sur la cognition, la fréquence des syndromes extrapyramidaux avec troubles de la marche et les dyskinésies tardives souvent irréversibles motivaient déjà la réticence à recourir à ces traitements d'emblée. Compte tenu de la surmortalité et de l'augmentation du risque d'AVC observées chez des patients âgés traités par neuroleptiques atypiques, les règles de prudence sont dorénavant étendues à tous les neuroleptiques. L'Afssaps attire l'attention sur les risques liés à leur prescription hors AMM. En pratique, l'expérience montre que chez certains patients présentant des hallucinations ou des délires importants et angoissants, le recours à un neuroleptique est indispensable. La posologie, la durée et la fréquence du traitement neuroleptique doivent alors être les plus faibles possible.

Quel serait l'intérêt d'un diagnostic très précoce de l'Alzheimer en l'état actuel des traitements ?

Des critères diagnostics de recherche sont actuellement développés afin de détecter la maladie à des stades prédémentiels. Ces critères sont utiles à l'évaluation des nouveaux médicaments. En l'état actuel des traitements, il n'est pas pertinent de mettre en place un dépistage systématique de la maladie à grande échelle. Un bilan n'est actuellement recommandé qu'à partir du moment où le patient se plaint de troubles de la mémorisation. Les traitements disponibles aujourd'hui ne sont pas indiqués avant les stades légers de la maladie.

Pr Anne-sophie rigaud

Université René-Descartes/Paris-V, chef du service de gériatrie, hôpital Broca, Paris

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