Le cancer colorectal - Le Moniteur des Pharmacies n° 2753 du 15/11/2008 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2753 du 15/11/2008
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Madame C., pianiste, passe sous Xeloda

Ce que vous savez de la patiente

Mme C., 58 ans, est une cliente habituelle de la pharmacie. Elle est suivie depuis 2004 dans le cadre d'un cancer colorectal pour lequel elle a subi une exérèse suivie d'une chimiothérapie adjuvante. Il y a trois mois, madame C. a fait une récidive avec présence de métastases hépatiques. Après résection de ces métastases, une chimiothérapie injectable est instaurée à l'hôpital. Aujourd'hui, suite à une thrombose sur la chambre implantable, l'oncologue passe à un traitement per os par Xeloda.

Ce que le médecin lui a dit

- L'oncologue a évoqué la possible apparition de douleurs aux mains ou aux pieds, de stomatites et de diarrhées, et a demandé à Mme C. de le contacter le cas échéant.

- Il lui a prescrit un bilan hématologique à faire avant la prochaine consultation.

Ce dont la patiente se plaint

La patiente doute de l'efficacité de cette forme orale de traitement. Elle est consciente de l'évolution défavorable de sa maladie.

La demande spontanée de la patiente

Mme C. explique qu'elle est pianiste professionnelle. Les effets indésirables au niveau des mains évoqués par le médecin la tourmentent particulièrement car jouer du piano reste à l'heure actuelle son seul dérivatif. Elle demande au pharmacien ce qu'elle peut faire pour prévenir ces effets.

Détection des interactions médicamenteuses

Au vu de l'historique médicamenteux de la patiente donné par l'informatique de la pharmacie, il n'y a pas d'interactions entre Xeloda et son traitement habituel.

Analyse des posologies

La posologie de Xeloda est calculée selon la surface corporelle de la patiente indiquée sur l'ordonnance (1,63 m2). Elle correspond bien aux recommandations du RCP.

Avis pharmaceutique

Validité de l'ordonnance

Xeloda (liste I) est soumis à prescription hospitalière et réservé aux spécialistes en oncologie ou en hématologie, ou aux médecins compétents en cancérologie.

Objectifs thérapeutiques

La prise en charge thérapeutique du cancer colorectal a pour but de :

- contrôler la croissance tumorale et prolonger la survie ;

- limiter la dissémination par voie sanguine et/ou lymphatique dans les organes environnants.

Choix du traitement

Chez Mme C. une chimiothérapie doit être maintenue en dépit de la thrombose sur chambre implantable. L'oncologue a donc le choix entre les deux seuls médicaments disponibles par voie orale dans le traitement du cancer colorectal métastatique : le Xeloda (capécitabine) et l'UFT (tégafur uracile). Le premier est préféré du fait de ses modalités de prises et de sa plus grande tolérance pour une efficacité équivalente. En effet, l'UFT doit être pris précisément toutes les 8 heures en association avec de l'acide folinique, pendant 28 jours consécutifs suivis de 7 jours d'arrêt. Les prises de Xeloda sont moins contraignantes (toutes les 12 h pendant 14 jours suivis de 7 jours d'arrêt). En outre, l'UFT expose à des risques de myélosuppression.

Intervention pharmaceutique

- Face à l'inquiétude manifestée par Mme C. quant à l'efficacité d'une chimiothérapie par voie orale, il convient de lui rappeler l'équivalence des résultats thérapeutiques obtenus par traitements per os ou injectables.

- La patiente a été informée par le médecin du risque de survenue des effets indésirables les plus courants du Xeloda.

- Pour prévenir le syndrome main-pied (apparition avant le 14e jour du premier cycle de traitement) : appliquer une crème émolliente et hydratante régulièrement sur les mains et les pieds, éviter le port de gants, de chaussettes ou de chaussures serrés, proscrire toute activité créant des frottements ou traumatismes au niveau des mains et des pieds (longues marches, pansements adhésifs) et éviter les expositions à la chaleur (douches, bains, soleil). Rassurer la patiente, elle peut continuer à jouer du piano tout en restant attentive à l'éventuelle apparition de prodromes (démangeaisons, fourmillements, sensations de brûlure précédant l'érythème). La prise en charge doit avoir lieu dès les premiers signes, sans attendre l'apparition de rougeurs.

En cas de gonflement, d'érythème, de gêne à la préhension ou à la marche, le signaler au médecin pour une réduction de dose aux cycles suivants ou un éventuel arrêt du traitement.

- Par ailleurs, tout cancer et/ou acte chirurgical provoque des douleurs. Mme C. a subi plusieurs interventions mais la prise en charge de la douleur n'apparaît pas dans sa prescription. Interrogée, la patiente dit avoir pris un opioïde fort (oxycodone) lorsqu'elle était à l'hôpital. Actuellement, la douleur, évaluée à chaque consultation, est traitée par de l'Ixprim (tramadol-paracétamol) à la demande, bien toléré par la patiente.

Suivi du traitement

Même traitée, Mme C. reste exposée à l'évolution des métastases. Le suivi a pour objectif :

- d'évaluer l'efficacité de la chimiothérapie tant sur le plan clinique qu'en imagerie (tous les 3 mois) ;

- d'évaluer la tolérance clinique et biologique avec prise en charge des effets indésirables du traitement ;

- de prendre en charge d'éventuelles séquelles d'intervention et/ou complications liées aux traitements ;

- de prendre en charge la douleur ;

- de déceler d'éventuelles évolutions du cancer, localement ou à distance.

L'oncologue revoit la patiente après chaque cure pour une réévaluation globale du traitement.

Effets indésirables

- Outre le syndrome main-pied déjà évoqué, la capécitabine est souvent à l'origine de diarrhées et de stomatites. Elle peut également être responsable de fatigue, d'asthénie, de toxicité hépatique...

- Des effets moins fréquents peuvent se manifester. Au niveau digestif, ils sont immédiats ou retardés et apparaissent dès le premier cycle (nausées et vomissements pouvant être anticipés). Les effets peuvent également être d'ordre cutané (alopécie par plaques, réversible et très rare), cardiaque (exceptionnels, ils nécessitent néanmoins une surveillance régulière) et neurologique (céphalées, somnolence, dysgueusie et paresthésies). Mme C. ne doit pas avoir d'activités nécessitant une vigilance accrue avant d'être sûre qu'elle n'est pas soumise à ce type d'effets indésirables.

- Des perturbations hématologiques, rares quand le Xeloda est utilisé en monothérapie, peuvent également apparaître : une neutropénie au cours de la 2e semaine de traitement ou une anémie, plus rare et d'apparition progressive après plusieurs cycles.

En conséquence, à la fin du premier cycle, et de façon impérative, Mme C. ne peut démarrer le deuxième cycle avec les 8 comprimés restants de la précédente cure de Xeloda (boîte de 120 cp pour seulement 112 par cure) qu'après avoir remis ses résultats biologiques à l'oncologue. Celui-ci décidera alors de la poursuite du traitement et du maintien ou non de la posologie.

Surveillance clinique et par imagerie

Le bilan effectué avant chaque cure de chimiothérapie comprend :

- un examen clinique complet : poids, état général, évaluation de la tolérance, mesure de la pression artérielle, examen cutané, neurologique, respiratoire, signes d'infection en rapport avec une éventuelle neutropénie ;

- une évaluation de l'état nutritionnel : en cas de vomissements, la prise d'un antiémétique aidera à maintenir l'équilibre hydroélectrolytique ;

- une échographie hépatique et une radio du thorax sont réalisées 2 fois par an pour déceler d'éventuelles métastases.

Surveillance biologique

- L'hémogramme (NFS) est systématique avant chaque nouvelle cure. Cela permet à l'oncologue de vérifier l'absence de toxicité immédiate et d'adapter éventuellement les doses.

- Un bilan hépatique, surtout en cas de métastases (c'est le cas de Mme C.)

- Un bilan rénal.

Propositions de conseils à la patiente

Malgré une prise en charge thérapeutique optimale, le pronostic du cancer colorectal métastatique est mauvais et le caractère récidivant grave constitue une source d'angoisse et de découragement pour la patiente.

Informer sur le traitement

- Suivre scrupuleusement la prescription : doses, modes de prise et durée.

- Ne pas prendre les comprimés oubliés et ne pas doubler la dose à la prise suivante (mêmes conseils en cas de vomissements suivant une prise).

- Eviter l'automédication et signaler le traitement à tout médecin.

- Les comprimés de Xeloda non utilisés en fin de traitement doivent être retournés à la pharmacie.

Prévenir les effets indésirables

Rassurer la patiente sur le caractère réversible des effets indésirables.

u Donner tous les conseils déjà cités concernant le syndrome main-pied.

u En cas de diarrhées (apparition dans le premier mois de traitement), la réhydratation est essentielle. Conseiller des mesures hygiénodiététiques adaptées et une prise en charge médicamenteuse par du lopéramide selon la fréquence des selles (prévenir le médecin si elles sont supérieures à 4 par jour).

- Pour prévenir les stomatites (apparition après le premier cycle) :

- avoir une bonne hygiène buccale et adapter l'alimentation. Eviter les aliments agressant la muqueuse digestive (fruits acides, aliments épicés ou trop chauds...) et bien humidifier la bouche (boissons, glaçons à sucer) ;

- faire des bains de bouche régulièrement ;

- en cas d'érythème, d'ulcère ou de perturbation du comportement alimentaire, contacter le médecin.

- Si des nausées apparaissent :

- prendre des repas fréquents, froids et légers. Un antiémétique peut être prescrit pendant la première cure et son utilité est réévaluée ensuite par l'oncologue. Au-delà d'un vomissement par jour, contacter le médecin ;

- éviter la consommation d'alcool.

- Il faut impérativement contacter le médecin traitant en cas de :

- diarrhée persistante, profuse ou associée à des vomissements, fièvre ;

- perte de poids ou signe d'infection (fièvre supérieure à 38,5 °C, ou à 38 °C si elle dure plus de 6 heures) ;

- réaction d'hypersensibilité (rash cutané, prurit...) ou autre symptôme inhabituel ;

- douleur angineuse.

Plan de prise conseillé

- Xeloda : avaler les comprimés entiers avec un grand verre d'eau une demi-heure après un repas. Les prises se font toutes les 12 heures.

pathologie

Le cancer colorectal en 5 questions

thérapeutique

Le cancer colorectal est une pathologie fréquente qui bénéficie désormais en France d'un dépistage organisé. La précocité du diagnostic, comme dans tous les cancers, est essentielle.

Quels sont les signes cliniques

?

- Face à un sujet de plus de 50 ans se plaignant de troubles du transit ou de douleurs abdominales ne répondant pas aux traitements symptomatiques, ou encore souffrant d'une anémie ferriprive ou de rectorragies d'origine inexpliquée, un cancer colorectal sera suspecté et une coloscopie totale prescrite.

- Dans 20 % des cas, la pathologie est révélée par une occlusion.

- Lorsque la tumeur est située au niveau du côlon gauche, les douleurs abdominales, les rectorragies et les troubles du transit sont fréquents.

- Au niveau du côlon droit, les signes les plus courants sont des douleurs abdominales, une anémie ferriprive et une altération de l'état général. L'alternance diarrhée-constipation peut aussi être révélatrice mais l'occlusion est rare dans cette localisation. La présence de métastases hépatiques est parfois inaugurale.

- Le cancer du rectum induit des rectorragies associées à des émissions de glaires. Le patient se plaint également d'épreintes et de ténesme, ou parfois d'une alternance diarrhée-constipation.

Comment se fait le diagnostic ?

- Le diagnostic repose sur la réalisation d'une coloscopie totale avec biopies. Cet examen est demandé lorsque le tableau clinique fait suspecter un cancer colorectal, ou lorsque la recherche de sang occulte dans les selles est positive dans le cadre du dépistage organisé (voir encadré ci-dessous). Le diagnostic peut également être porté dans le cadre de la surveillance endoscopique spécifique - préconisée selon un calendrier précis - chez les sujets à risque élevé ou très élevé de cancer colorectal.

- La coloscopie totale est effectuée sous anesthésie générale après préparation colique.

Un cancer colorectal se présente le plus souvent comme une formation plus ou moins bourgeonnante, ulcérée, parfois hémorragique, rétrécissant la lumière colique. C'est l'analyse histologique qui confirme le diagnostic de malignité. L'examen peut aussi révéler la présence de polypes dont l'ablation est parfois réalisée dans le même temps, certains pouvant être cancéreux. Selon des critères histologiques, après ablation du polype le cancer peut être considéré comme guéri ou nécessiter un traitement chirurgical complémentaire.

- En cas de contre-indication à l'exploration endoscopique du côlon, on peut recourir au lavement hydrosoluble ou à la coloscopie virtuelle par scanner. Ce coloscanner permet, après traitement informatique des images coliques acquises par scanner, d'obtenir une visualisation en 3 dimensions simulant celle offerte par la coloscopie.

- Le bilan comporte également une évaluation de l'extension locorégionale de la tumeur et de son extension à distance. Elle est souvent effectuée grâce à un scanner thoracoabdominopelvien avec injection d'un produit de contraste.

D'autres techniques telles que l'échographie abdominopelvienne, l'imagerie à résonance magnétique hépatique ou rectale, l'échoendoscopie rectale voire le petscan peuvent également être utilisées.

- Au plan biologique, le dosage de l'antigène carcinoembryonnaire a un intérêt surtout pronostique.

- Au terme de ce bilan et avec les résultats de l'analyse anatomopathologique, la tumeur est classée selon son stade TNM : T correspondant à la taille de la tumeur et à son extension aux structures environnantes (T0 = absence de tumeur primitive, Tis = carcinome in situ, puis T1 à T4 selon l'envahissement de la tumeur), N à l'envahissement ganglionnaire (N0 à N2) et M à la présence (M1) ou non (M0) de métastases.

- De ce bilan dépendent le traitement et le pronostic.

Quelles sont les étiologies ?

La plupart des cancers colorectaux surviennent sur un polype adénomateux préexistant. L'exérèse d'une telle lésion, lorsqu'elle est possible, est donc de nature à empêcher une évolution maligne. Cependant, tous les sujets porteurs de polypes (un sujet sur trois après 65 ans) ne développent pas un cancer : 10 % seulement de ces lésions atteignent le diamètre d'un centimètre et, parmi elles, un quart seulement dégénèrent en cancer.

Quels sont les facteurs de risque ?

Trois niveaux de risque de cancer colorectal, dont dépendent les modalités de dépistage et de surveillance endoscopique, ont été définis :

- Le niveau de risque moyen est celui de la population dans son ensemble.

- Le niveau de risque élevé concerne les patients ayant :

- des antécédents personnels d'adénome ou de cancer colorectal ;

- un parent au premier degré de moins de 60 ans ou plusieurs parents au premier degré atteints d'un cancer colorectal ou d'un adénome avancé ;

u une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (rectocolite hémorragique ou maladie de Crohn) en cas de pancolite d'évolution prolongée ;

- une acromégalie.

- Le niveau de risque très élevé concerne les sujets appartenant à une famille où l'on dénombre plusieurs cancers à transmission héréditaire : polypose adénomateuse familiale, cancers héréditaires sans polypose (hereditary non polyposis colorectal cancer, HNPCC) ou syndrome de Lynch, autres polyposes avec risque de cancer colorectal. Une consultation d'oncogénétique doit être proposée à ces patients.

Facteurs environnementaux :

- La consommation élevée de fruits et légumes diminue le risque de cancer colique.

- L'activité physique diminue de 40 à 50 % le risque de cancer du côlon chez les personnes les plus actives, mais cet effet ne semble pas concerner les localisations rectales.

- L'obésité est un facteur de risque.

- Par rapport à une consommation nulle, une prise quotidienne de 70 g d'alcool (plus de six verres de vin) multiplie le risque par 1,5 à 3.

- La forte consommation de viande rouge, de graisses animales, la cuisson type friture ou en barbecue ainsi que le tabagisme élèveraient également le risque.

Quelles sont les évolutions possibles ?

- Lors de son évolution, l'accroissement du diamètre de la tumeur peut être responsable d'une sténose colique voire d'une occlusion.

- L'extension locorégionale avec envahissement des organes de voisinage induit des manifestations variant selon la localisation de la lésion.

- Les sites métastatiques sont surtout hépatiques et pulmonaires.

thérapeutique

Comment traiter le cancer colorectal ?

La technique chirurgicale utilisée en première intention a fortement évolué, réduisant le recours aux stomies de 80 % sur ces cinq dernières années. L'arsenal thérapeutique médicamenteux s'est quant à lui considérablement enrichi.

Bases du traitement

Le traitement dépend de la taille de la tumeur, de sa localisation et du stade de la maladie. L'état général du patient est aussi pris en considération.

L'objectif étant de supprimer toutes les cellules cancéreuses, il est souvent nécessaire de combiner plusieurs traitements.

Chirurgie

- La chirurgie constitue l'unique traitement curatif du cancer colorectal. Le principe est de tenter de conserver un sphincter anal externe intact afin d'éviter la colostomie permanente. Le geste chirurgical consiste en une résection de la partie intestinale atteinte, avec une marge distale et proximale de 5 centimètres, ainsi qu'en une ablation du réseau vasculaire et lymphatique local. Une anastomose des deux extrémités saines du côlon est pratiquée au cours de la même intervention.

- En cas d'anastomose située dans les dix derniers centimètres du côlon, il peut être nécessaire de pratiquer en amont une dérivation de l'intestin afin de permettre l'évacuation des matières et des gaz. Le chirurgien pratique alors une ouverture dans la paroi abdominale, à laquelle il suture l'extrémité saine de l'intestin.

Cette iléostomie de protection ne dure que les trois semaines nécessaires à la cicatrisation du côlon. Une seconde intervention à distance permet de refermer la stomie et de rétablir le transit.

La colostomie permanente ne s'impose, aujourd'hui, qu'en cas d'ablation du sphincter anal.

u La chirurgie est aussi d'un grand intérêt dans les formes métastatiques. La résection des métastases hépatiques et/ou pulmonaires permet une augmentation de la survie à cinq ans de l'ordre de 25 %. Elles doivent pour cela être moins de quatre et siéger dans une région circonscrite, à distance des vaisseaux majeurs.

Radiothérapie

Elle est utilisée soit en amont de la chirurgie afin de réduire le volume de la tumeur, soit en adjuvant du geste chirurgical.

Elle n'est utilisée que dans le cancer du rectum dans la mesure où elle ne contribue pas à obtenir de meilleurs résultats dans le cancer du côlon.

Chimiothérapie

Elle n'est pas systématique et est instaurée suivant le stade du cancer. Les buts principaux de la chimiothérapie sont d'améliorer les résultats de la chirurgie à visée curative et de réduire la masse tumorale chez les patients métastatiques non opérables afin d'augmenter leur survie. L'arsenal thérapeutique à la disposition des médecins s'est considérablement enrichi ces dernières années.

Médicaments

Tous les traitements du cancer colorectal se présentent sous forme injectable et sont réservés à l'hôpital, sauf Xeloda et UFT, administrés par voie orale et disponibles en ville.

Dérivés du 5-FU

5-fluoro-uracile

- Le 5-fluorouracile (5-FU) est un antimétabolite analogue des bases pyrimidiques.

- Une numération-formule sanguine est systématiquement réalisée avant et après chaque cure et une surveillance cardiovasculaire régulière est mise en place.

- Bien que le 5-FU soit toujours associé à de l'acide folinique pour augmenter son effet cytotoxique, ces deux produits sont perfusés séparément.

- Une diminution de la posologie de 30 à 50 % est nécessaire en cas d'insuffisance hépatique.

Capécitabine (Xeloda)

- La capécitabine est un précurseur du 5-FU administré per os et disponible en ville.

- Les comprimés doivent être avalés avec de l'eau dans la demi-heure suivant un repas. Ils sont administrés quotidiennement pendant une période de 14 jours suivie de 7 jours d'arrêt, soit des cures de trois semaines.

- Une réduction de posologie de 25 % est pratiquée en cas d'insuffisance rénale modérée.

- Les effets indésirables limitant la posologie du traitement sont d'ordre gastro-intestinal (diarrhées, nausées, vomissements, stomatites) et cutané (syndrome main-pied). La plupart de ces effets toxiques sont réversibles. Ils ne nécessitent généralement pas l'arrêt définitif du traitement, bien qu'il puisse être suspendu temporairement ou réduit au niveau des doses.

- Le pharmacien délivre un carnet de surveillance au patient permettant de suivre la tolérance de la chimiothérapie entre les cures.

- Ce traitement nécessite un suivi hématologique, hépatique et rénal régulier, ainsi qu'une surveillance cardiaque en cas d'antécédents coronariens. Il est également nécessaire de surveiller l'éventuelle apparition d'un syndrome main-pied.

Tégafur uracile (UFT)

- L'UFT est une association de tégafur, prodrogue du 5-FU et d'uracile, systématiquement prescrite avec de l'acide folinique et disponible en ville.

- Les gélules sont administrées toutes les 8 heures (soit 3 prises/j) avec un verre d'eau à distance d'au moins 1 heure des repas. Elles sont systématiquement associées à des comprimés d'acide folinique administrés au même moment.

Les prises sont quotidiennes pendant 28 jours consécutifs suivis de 7 jours sans traitement, soit des cures de 5 semaines.

- Cette chimiothérapie peut occasionner des diarrhées que le patient doit signaler à son médecin si leur fréquence quotidienne est supérieure à quatre. Un traitement antidiarrhéique adapté sera prescrit (lopéramide ou racécadotril), éventuellement accompagné de mesures de réhydratation.

- La dose d'UFT pourra être réduite par l'oncologue en cas d'apparition d'effets indésirables.

Autres inhibiteurs de la réplication de l'ADN

Irinotécan (Campto)

- L'irinotécan est un dérivé hémisynthétique de la camptothécine.

- En cas d'association avec le cétuximab (Erbitux), les perfusions des deux produits doivent être espacées d'au moins une heure, l'irinotécan étant administré en second.

- Diarrhée et neutropénie sont les deux toxicités limitantes du traitement.

- Le syndrome cholinergique causé par l'irinotécan est responsable de diarrhées immédiates (survenant au cours de la perfusion) qui répondent bien à un traitement par de l'atropine.

- Chez 80 % des patients les diarrhées sont retardées (apparition dans les 24 h suivant la perfusion). Elles sont dose-dépendantes, totalement imprévisibles, et durent en moyenne 5 jours. Leur prise en charge se fait par administration de lopéramide.

- La neutropénie associée à une diarrhée nécessite un traitement par antibiothérapie à large spectre. Il peut être nécessaire de retarder le cycle suivant ou de diminuer la posologie en cas de neutropénie sévère.

- Une surveillance hépatique est mise en place, avec diminution de la posologie de 40 % en cas de bilirubinémie supérieure à trois fois la normale.

Oxaliplatine (Eloxatine)

- L'oxaliplatine est un dérivé de platine. En cas d'administration avec le 5-FU, il doit être perfusé en premier.

- Une surveillance neurologique stricte est effectuée lors de chaque cure, avec réduction de dose de 25 % en cas de neuropathie persistante entre 2 cures.

Raltitrexed (Tomudex)

- Le raltitrexed est un analogue de l'acide folique.

- Une surveillance de la NFS, des transaminases, de la bilirubine et de la créatinine est nécessaire avant chaque cure.

- La posologie est adaptée en fonction de la toxicité hématologique et/ou digestive, ainsi que chez l'insuffisant rénal.

Anticorps monoclonaux

Bevacizumab (Avastin)

- Le bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé (IgG-1).

- Il est indispensable de respecter un délai de 28 jours entre la chirurgie et le traitement du fait du risque hémorragique généré par le bevacizumab. Il en est de même entre la fin du traitement et tout geste opératoire.

Cétuximab (Erbitux)

- Le cétuximab est un anticorps IgG-1 monoclonal chimérique.

- Une prémédication par antihistaminique injectable est indispensable lors de la première perfusion et recommandée ensuite.

- Un suivi médical étroit est primordial durant la perfusion et pendant au moins une heure après la fin de celle-ci, surtout lors de la première administration.

- Une surveillance pulmonaire est mise en place dès le premier mois de traitement chez les patients âgés ayant un indice de performance diminué et des atteintes pulmonaires sous-jacentes. Celle-ci est justifiée par l'augmentation du risque de dyspnée potentiellement sévère et/ou persistante.

- Le traitement expose à un risque de réactions cutanées sévères, nécessitant une adaptation de la posologie en conséquence.

Panitumumab (Vectibix)

- Le panitumumab, anticorps monoclonal 100 % humain (IgG-1), offre l'avantage par rapport au cétuximab de ne provoquer que de rares réactions allergiques graves, mais présente les mêmes effets indésirables au niveau cutané.

Stratégie thérapeutique

Le choix du traitement est toujours effectué au cours d'une réunion de concertation pluridisciplinaire associant un oncologue, un gastroentérologue, un chirurgien, un radiothérapeute et un pharmacien hospitalier.

L'état général du patient, son historique médicamenteux ainsi que ses exigences personnelles sont pris en considération (un refus de perfusion fera par exemple préférer les chimiothérapies par voie orale...).

Cancer non métastatique

La chimiothérapie adjuvante doit débuter avant le 42e jour postopératoire, dès que l'état du patient le permet.

- Le protocole utilisé en première intention est le FOLFOX 4 (5-fluoro-uracile + acide folinique + oxaliplatine), sur une durée de six mois.

- Un arrêt du traitement par oxaliplatine est recommandé en cas de paresthésies douloureuses persistant entre deux cycles, et obligatoire si une gêne fonctionnelle ou une réaction allergique apparaissent.

- Les alternatives au protocole FOLFOX 4 sont alors les associations 5-fluoro-uracile + acide folinique (protocole LV5-FU2), ou 5-fluoro-uracile + acide folinique + irinotécan (FOLFIRI), ou encore la capécitabine en monothérapie.

Cancer métastatique

Dans les formes localement avancées ou métastatiques, le traitement par chimiothérapie permet d'améliorer la survie et le confort de vie des patients en dépit des effets indésirables.

Première intention

- Depuis une vingtaine d'années, le schéma 5-FU + acide folinique (protocole LV5-FU2) est associé à de l'oxaliplatine (FOLFOX 4) ou à de l'irinotécan (FOLFIRI), lesquels renforcent son efficacité.

u Dans les protocoles associant la capécitabine à l'irinotécan (XELIRI) ou à l'oxaliplatine (XELOX), la prodrogue orale du 5-FU remplace la forme injectable, avec un plus grand confort de prise pour une efficacité comparable.

- Depuis peu, l'adjonction de bevacizumab (Avastin), anticorps monoclonal antifacteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF), permet d'allonger la survie globale de quelques mois. Il est indiqué en association aux protocoles précédemment cités.

Cas particuliers

- Chez les patients réfractaires à l'irinotécan (Campto), le cétuximab (Erbitux), anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), permet d'obtenir un taux de réponse satisfaisant.

- En cas de contre-indication au 5-fluoro-uracile, la solution thérapeutique repose sur l'utilisation du raltitrexed (Tomudex), seul ou associé à l'oxaliplatine (TOMOX) ou à l'irinotécan (TOMIRI).

- Enfin, le panitumumab (Vectibix) est indiqué en monothérapie pour le traitement de troisième ligne de certains cancers colorectaux métastatiques, après échec des protocoles de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, oxaliplatine et irinotécan.

- En cas de métastases exclusivement hépatiques, une chimiothérapie intra-artérielle hépatique à base de 5-fluoro-uracile ou d'oxaliplatine peut éventuellement être mise en place.

Efficacité

L'efficacité de la chimiothérapie est systématiquement évaluée entre le deuxième et le troisième mois de traitement en mesurant l'évolution de la taille de la tumeur et/ou des métastases. En cas de progression, l'attitude thérapeutique standard réside dans un changement de stratégie.

Perspectives thérapeutiques

Un vaccin thérapeutique (Trovax) est actuellement évalué en études de phase III dans le cancer du côlon de stade précoce. Trovax est un virus modifié qui vectorise un gène codant pour un antigène appelé 5T4, présent sur grand nombre de tumeurs solides. Le système immunitaire des patients dont les tumeurs portent cet antigène et recevant ce vaccin sera « éduqué » à se mobiliser contre le 5T4, donc contre la tumeur.

Quelles sont les interactions médicamenteuses ?

Les chimiothérapies du cancer colorectal

La plupart des traitements agissent en inhibant la réplication de l'ADN au sein des cellules tumorales :

- Le 5-FU se substitue aux uraciles au sein de l'ADN-polymérase.

- Le tégafur est un précurseur du 5-FU. Il est associé à l'uracile, lequel diminue la dégradation du 5-FU.

- La capécitabine est transformée par le foie en un précurseur du 5-FU.

- L'irinotécan bloque la topo-isomérase I.

- Le raltitrexed inhibe la thymidylate-synthétase.

- L'oxaliplatine forme des liaisons platine entre les brins d'ADN.

Des anticorps monoclonaux, plus récents, inhibent l'action de facteurs de croissance sur les cellules tumorales :

- Le cétuximab et le panitumumab bloquent le récepteur à l'EGF.

- Le bevacizumab inhibe la vascularisation tumorale en bloquant l'action du VEGF.

conseils aux patients

Encourager la prévention

- Inciter au dépistage organisé tous les 2 ans pour les 50-74 ans, en l'absence de symptôme colique.

- Dédramatiser : il s'agit en premier lieu d'une simple recherche de sang dans les selles, la coloscopie n'est pas automatique. 97 % des tests sont négatifs et un test positif n'est synonyme de cancer que dans 10 % des cas.

- En cas de rectorragies, de troubles digestifs récurrents (douleurs, diarrhées, constipation...), contacter le médecin. Dans ce cas le dépistage relève directement de la coloscopie.

- Rappeler les recommandations de prévention : manger équilibré, favoriser les fruits et les légumes (au moins 5 portions/j), limiter les graisses, la viande rouge (en particulier cuite au grill ou en friture) et l'alcool. Contrôler son poids et garder une activité physique d'au moins 30 minutes par jour.

Se préparer à la coloscopie

- Mentionner tout traitement anticoagulant lors de la visite préanesthésique et ne pas prendre d'aspirine dans les 10 jours précédents.

- Suivre un régime sans résidus 48 h avant l'examen. Le riz, les pâtes, les poissons et les viandes maigres sont autorisés (voir fiche conseil pour « Régime sans résidus » sur WK-Pharma.fr, onglet « Conseil »).

- Boire le produit de lavement bien frais pour atténuer son goût. Ajout possible de sirop de fruits.

- Le jour de la coloscopie, rester à jeun, sans boire (en dehors du produit de lavement) ni fumer.

Mieux vivre son traitement

- En cas de traitement par Xeloda : appliquer une crème hydratante sur les paumes des mains et sous les pieds pour éviter le desséchement. Prévenir le médecin de tout problème cutané ou sensation inhabituelle au niveau des mains ou des pieds (ne pas attendre l'apparition de rougeurs). Pour minimiser le risque d'irritation buccale (stomatite), conseiller l'usage fréquent d'un bain de bouche et éviter les aliments irritants ou acides (noix, gruyère, tomates, vinaigre...). Contacter le médecin si néanmoins une irritation apparaît, ou en cas de diarrhée avec plus de 4 selles par jour (boire beaucoup et privilégier alimentation sans résidu). Surveiller régulièrement la température corporelle et avertir le médecin si un quelconque signe d'infection apparaît. Enfin, éviter les expositions directes au soleil.

En fin de traitement, les comprimés de Xeloda restants doivent être retournés à la pharmacie.

- En cas de traitement par UFT, avaler les gélules avec au moins 100 ml d'eau sans les ouvrir ni les croquer, en même temps que l'acide folinique au moins une heure avant ou après les repas, en 3 prises espacées de 8 heures. L'UFT peut générer des diarrhées. Boire abondamment pour éviter la déshydratation. Au-delà de 4 selles par jour, contacter le médecin.

- En cas de radiothérapie : minimiser le risque d'irritation cutanée. Laver la zone irradiée sans frotter à l'eau tiède avec un savon neutre sans parfum, sécher en tamponnant, ne rien y appliquer (crème, parfum, déodorant). Ne pas exposer la partie traitée au soleil. Selon la localisation, le radiothérapeute donnera les conseils hygiénodiététiques à suivre pendant le traitement.

- Contre les nausées et vomissements chimio-induits : éviter les plats à odeurs fortes, manger tiède ou froid. Fractionner les repas en petites collations réparties au cours de la journée.

- Certaines chimiothérapies peuvent fragiliser les ongles : appliquer un vernis foncé la veille et pendant deux jours après la chimiothérapie (éviter le vernis pendant l'intercure). Masser les ongles avec de l'Avibon.

- Garder une alimentation équilibrée et variée avec au moins trois repas par jour pour lutter contre la fatigue et renforcer l'immunité. Privilégier les aliments riches en protéines pour prévenir la fonte musculaire. Le goût peut se modifier au cours du traitement.

- En cas d'amaigrissement : fractionner les repas, augmenter les apports caloriques. Contrôle du poids 2 fois par semaine et consultation du médecin en cas de perte supérieure à 2 % en 1 semaine ou 5 % en 1 mois. Des compléments alimentaires peuvent être conseillés par le médecin.

- Des activités physiques et professionnelles adaptées sont compatibles avec les traitements.

Se faire aider

- Possibilité d'aide physique (aide à domicile, infirmière...), financière ou professionnelle. Pour les proches, un congé de soutien familial existe. Se renseigner auprès des assistants sociaux hospitaliers ou communaux.

u Un soutien psychologique est primordial pour les patients et leurs familles. Il existe des consultations dans les services de cancérologie, des groupes de parole dans les associations ainsi que des cours de reconstruction de l'image corporelle. S'adresser aux services spécialisés ou aux associations de patients.

Conseils aux stomisés

- Nettoyer la peau autour de la stomie à l'eau et au savon doux. Sécher en tamponnant avec un mouchoir en papier. Proscrire les antiseptiques.

- Un régime sans résidus est recommandé le premier mois. Ensuite, l'alimentation est normale. Eviter cependant les aliments fermentescibles (chou, tomate, légumes secs...).

- En cas de diarrhée, éviter les fibres (fruits et légumes frais, seigle).

- Ne pas hésiter à contacter les stomathérapeutes dans les hôpitaux ou en ville.

documentez-vous

ASSOCIATIONS

Ligue nationale contre le cancer

http://www.ligue-cancer.asso.fr/

Première association française de lutte contre le cancer, la Ligue et ses 103 comités départementaux soutiennent la recherche, développent des actions d'information et de prévention et proposent un service de soutien aux malades et à leurs proches au 0 810 111 101 (ou ligne Cancer Info Service de 8 heures à 20 heures du lundi au samedi au 0 810 810 821, prix d'un appel local).

Deux revues spécialisées à destination du grand public sont éditées tous les trimestres par la Ligue nationale contre le cancer. Vivre et agir contre le cancer informe les malades et leurs proches des actions de recherche et de prévention menées par la Ligue. A chaque numéro, une célébrité prend la parole et des dossiers pour aider à mieux vivre la maladie sont proposés. Cette revue est disponible en kiosque (3 Û l'unité dont 1,50 Û reversé pour la recherche) ou sur abonnement (3,81 Û à l'année) via l'un des comités départementaux ou sur le site de l'association.

La seconde revue, Les Proches, cible plus particulièrement les besoins et le soutien de l'entourage des malades. Elle aborde leurs difficultés, leur souffrance et aussi leurs droits. Abonnement gratuit sur le site Internet.

Fédération des stomisés de France

http://www.fsf.asso.fr/accueil.htm

La Fédération des stomisés de France a pour but d'améliorer le traitement et la réinsertion des stomisés à leur sortie de l'hôpital.

Contact : 01 45 57 40 02.

Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer

http://www.fnclcc.fr

La FNCLCC propose entre autres des guides d'information élaborés par des spécialistes à destination des malades et des proches (traitements, démarches sociales...). Contact : 01 44 23 78 00 (ou téléchargeables sur le site).

LIVRE

Cancers du côlon et du rectum

Pr Michel Ducreux - Ed. Medi-text 2008

Cet ouvrage destiné au grand public est conçu sous forme de 63 questions-réponses à propos des principaux aspects de la pathologie (la maladie en elle-même, son évolution, le dépistage, les traitements, la prévention, la recherche).

Ce qu'il faut retenir

Prévenir

- Manger au moins 5 portions de fruits et légumes par jour.

- Limiter la consommation de viande rouge, surtout cuite au grill ou en friture, de graisses animales et d'alcool.

- Eviter le surpoids.

- Pratiquer un exercice physique régulier.

Dépister

- Un dépistage systématique est proposé tous les deux ans par test Hémoccult chez les 50-74 ans.

- La présence de rectorragies, de troubles du transit ne cédant pas aux traitements symptomatiques ou de douleurs abdominales récurrentes sans cause évidente doit conduire à la réalisation d'une coloscopie.

Traiter

- La chirurgie, quand elle est possible, est toujours utilisée en première intention. Elle est éventuellement accompagnée d'une chimiothérapie, instaurée dès que l'état du patient le permet, au plus tard le 42e jour postopératoire.

- La plupart des protocoles utilisent des formes injectables disponibles uniquement à l'hôpital. Toutefois, il existe 2 chimiothérapies par voie orale disponibles en ville : le Xeloda et l'UFT. Elles sont soumises à prescription hospitalière réservée à certains spécialistes.

Accompagner

- Pour les patients sous Xeloda, prodiguer les conseils nécessaires pour la prévention du syndrome main-pied (hydratation, pas de frottements et alerte du médecin si sensations inhabituelles) et des mucites (bains de bouche réguliers, pas d'aliments irritants). Prévenir également des fréquentes diarrhées (alerter le médecin si plus de 4 selles par jour).

- Penser à orienter les patients vers des associations de malades et/ou des cellules psychologiques adaptées.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Ordonnance 1

Docteur Thierry Dubois

Oncologue

CHU

15, rue des Lilas

78 000 Versailles

Tél. : 01 41 29 75 78

78 1 99999 8

Sur rendez-vous

Le 10 novembre 2008

Mme R.,

55 ans, 1,56 m2

Xeloda 500 mg : 4 comprimés 2 fois par jour après les repas pendant 14 jours, arrêt 7 jours.

1 boîte de 120 comprimés.

La patiente présente également une ordonnance avec

Coumadine 5 mg : 1 comprimé le soir.

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 1 : OUI, mais sous surveillance car la prise concomitante du coumarinique avec la capécitabine (association déconseillée avec le 5-FU) peut générer une augmentation importante de l'effet de l'anticoagulant oral et donc du risque hémorragique. Le pharmacien doit s'assurer que le prescripteur a tenu compte de cette interaction. En l'absence d'autre alternative thérapeutique, un contrôle plus fréquent de l'INR sera nécessaire.

Ordonnance 2

Docteur Pierre Brunet

Gastroentérologue

15, rue des Bleuets

69 000 Lyon

Tél. : 04 41 29 75 78

69 1 99999 8

Sur rendez-vous

Le 4 novembre 2008

M. Dupuis,

68 ans, 1,82 m2

UFT : 2 cp le matin et le midi et 1 cp le soir. A prendre en dehors des repas pendant 28 jours, puis arrêt 7 jours.

Lederfoline 15 mg : 2 comprimés 3 fois par jour, en même temps que l'UFT

qsp 1 cycle.

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 2 : NON, bien que les posologies soient exactes, le médecin de ville n'est pas autorisé à prescrire de l'UFT. L'ordonnance doit être hospitalière et émaner d'un spécialiste en oncologie, hématologie ou d'un médecin compétent en cancérologie. Contacter le médecin hospitalier ayant initié le traitement.

Les médicaments prescrits

Xeloda 500 mg (capécitabine)

- Cytostatique, antimétabolite, antipyrimidique, précurseur du 5-FU.

- Indiqué notamment en monothérapie, dans le traitement du cancer du côlon en situation adjuvante ou du cancer colorectal métastatique.

- Dans ces indications, la posologie recommandée est de 1 250 mg/m2 matin et soir ; soit une dose totale de 2 500 mg/m2/j pendant 14 jours, suivie d'une période sans traitement de 7 jours (cycle de 3 semaines). Durée totale : 8 cycles (24 semaines).

Dr Thierry Dubois Oncologue CHU 15, rue des Lilas 78 000 Versailles 78 1 99999 1

14 novembre 2008

Mme C.,

58 ans

Surface corporelle :

1,63 m2

Xeloda 500 mg : 4 comprimés 2 fois par jour pendant 14 jours.

Boîte de 120 comprimés

Membre d'une association agréée le règlement des honoraires par chèque est accepté.

LES CHIFFRES

- 3e cancer en incidence après ceux de la prostate et du sein.

- 2e tueur après le cancer du poumon (près de 17 000 décès par an).

- Age moyen au diagnostic : 70 ans.

- Survie à 5 ans : 55 % chez l'homme et 57 % chez la femme pour le cancer du côlon, 54 % chez l'homme et 58 % chez la femme pour le cancer du rectum.

- Formes sporadiques : plus de 90 % des cas ; formes familiales : moins de 10 %.

u 75 à 80 % des cancers du côlon siègent en aval de l'angle gauche.

Le dépistage par Hémoccult

- Le dépistage du cancer colorectal par recherche de sang occulte dans les selles est proposé tous les deux ans, de façon systématique, aux sujets de 50 à 74 ans. En sont exclus les patients symptomatiques et les sujets à risque élevé ou très élevé (qui relèvent d'une coloscopie) ou encore ceux ayant réalisé une coloscopie normale depuis moins de 5 ans.

- Le test au gaïac (Hémoccult) est le plus courant. Il consiste pour le patient à prélever un fragment de selle à deux endroits différents d'une même selle et à le déposer sur le test. L'opération est renouvelée sur trois selles consécutives. Aucun régime alimentaire préalable n'est nécessaire hormis l'éviction du boudin noir. Le test est ensuite adressé à un centre d'analyse qui procède à la lecture.

- En pratique, dans le cadre du dépistage organisé, chaque patient concerné retire le test chez son médecin traitant qui donne les explications nécessaires à sa bonne réalisation. Les résultats positifs conduisent à la réalisation d'une coloscopie.

Physiopathologie du cancer colorectal

- Plus de 80 % des cancers colorectaux proviennent de la transformation maligne d'une tumeur précancéreuse, l'adénome ou polype adénomateux. Le risque de dégénérescence maligne augmente avec la taille du polype et l'importance de sa composante villeuse (il peut être défini, sur le plan anatomopathologique, comme tubuleux, tubulovilleux ou villeux).

- Avant le stade de cancer proprement dit, il existe au sein des lésions des zones de dysplasie (anomalie de la différenciation des cellules). L'évolution se poursuit vers le carcinome in situ, puis vers les différents stades invasifs. Un cancer colorectal est dit invasif lorsqu'il atteint la couche sous-muqueuse, contrairement aux autres localisations digestives (oesophage, estomac) où l'atteinte du chorion muqueux suffit à considérer un cancer comme invasif.

- Deux principales voies de cancérogenèse sont connues. La première, l'instabilité chromosomique, touche plutôt le côlon gauche. Elle se traduit par la perte partielle ou totale de certains chromosomes au niveau des cellules de la lésion, associée à des mutations des gènes suppresseurs de tumeurs. La seconde, l'instabilité génétique, prédomine au niveau du côlon droit. Elle est due à des anomalies du système de réparation de l'ADN. Ce dernier type de tumeurs semble être de meilleur pronostic.

Le syndrome main-pied

Ce syndrome, dû à la capécitabine, est caractérisé par l'apparition de rougeurs, d'hypersensibilité et parfois de desquamation au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds. Les zones touchées peuvent s'assécher et peler alors que des engourdissements et des fourmillements surviennent.

Ce syndrome est particulièrement désagréable et influe sur l'aptitude à effectuer les tâches du quotidien. Il nuit très fortement à la qualité de vie et peut nécessiter de réduire les doses de capécitabine, d'espacer les cycles, d'interrompre momentanément voire d'arrêter le traitement.

Contre-indications des formes orales

- Capécitabine : insuffisance rénale, insuffisance hépatique, déficit connu en dihydropyrimidine-déhydrogénase (DPD).

- Tégafur uracile : enfants, insuffisance hépatique sévère, myélosuppression, déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6DPD) ou en DPD.

Ces médicaments sont contre-indiqués pendant la grossesse et l'allaitement.

point de vue

« Le dépistage organisé par test Hémoccult ne concerne pas tous les patients »Les sujets à risque élevé de cancer colorectal doivent-ils pratiquer des tests Hémoccult régulièrement ?

Non, chez ce type de patient le dépistage relève directement de la coloscopie. Elle est alors pratiquée toutes les cinq années de façon systématique dès l'âge de quarante-cinq ans, ou cinq années avant l'âge qu'avait le parent le plus précocement atteint au moment de l'apparition de son cancer colorectal.

Et concernant les patients à risque très élevé ?

Deux cas sont à distinguer. Dans celui d'une polypose rectocolique familiale, un diagnostic oncogénétique est effectué dans l'enfance, puis des coloscopies dès l'âge de 12 ans. Une colectomie est proposée avant 20 ans, avant que les parois du côlon ne se tapissent de polypes. Dans le cas d'un syndrome HNPCC, c'est-à-dire le cancer colique héréditaire sans polypose, la colectomie n'est pas indiquée. Le diagnostic est moins évident à faire que dans le cas précédent puisque l'on ne peut suspecter cette pathologie que si plusieurs parents ont déclaré des cancers colorectaux (ou d'autres cancers dits apparentés comme le cancer de l'ovaire) avant l'âge de cinquante ans. Une fois le diagnostic génétique posé, le syndrome HNPCC relève d'un suivi endoscopique pratiqué tous les deux ans dès l'âge de 25 ans.

Michel ducreux

Professeur de cancérologie à Paris-XI, chef de l'unité de cancérologie digestive, institut Gustave-Roussy et hôpital Paul-Brousse, Villejuif

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !