Qualité maison - Le Moniteur des Pharmacies n° 2694 du 29/09/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2694 du 29/09/2007
 

RENNES

Dossiers

Initiatives

Participer à un groupe d'études pour développer la qualité de la prise en charge des patients, en soi, ce n'est déjà pas si mal. Passer à la pratique dans sa propre officine, c'est tout simplement enthousiasmant. Pour l'action, on peut compter sur Noëlle Davoust.

Madame, pourriez m'accorder une quinzaine de minutes ? Je souhaiterais vous poser quelques questions strictement confidentielles sur votre pathologie. » La scène se passe dans une pharmacie de quartier comme tant d'autres. Si ce n'est qu'elle est coincée entre deux gros concurrents installés dans des centres commerciaux. Pas vraiment la situation idéale. Certains diraient même que le combat est perdu d'avance. Pas Noëlle Davoust. Cette titulaire rennaise dirige son entreprise depuis 1993, en association avec son époux Philippe. Elle enseigne également à la faculté de pharmacie de Rennes depuis 1997, dans l'unité de valeur « Pratique officinale ». 10 heures de cours à sa création, 40 heures à la rentrée 2008. Signe particulier de Noëlle Davoust : pugnace. « Etre gentil, mais incompétent, cela ne suffit pas. Il faut savoir se rendre indispensable par une prise en charge globale du patient », assène-t-elle.

PharmaKer regroupe quatorze officines d'Ille-et-Vilaine

Ce n'est donc pas surprenant qu'elle ait accepté, en janvier 2006, la proposition de Jean-François Batalla, titulaire à Vern-sur-Seiche et président de l'Association des conseillers et des pharmaciens agréés maître de stage de Bretagne, de participer à l'aventure PharmaKer. « Ker », un clin d'oeil au très anglo-saxon « care » et, régionalisme oblige, au mot breton signifiant « maison » ou « village ». Financé par le Fonds pour l'amélioration de la qualité des soins de ville, soutenu par le conseil régional de l'Ordre, ce programme de groupe pour la qualité des pratiques pharmaceutiques rassemble aujourd'hui 14 officines d'Ille-et-Vilaine. L'appât du gain (environ 200 euros par action) n'est incontestablement pas la motivation des volontaires. « Nous voulons améliorer la qualité de la prise en charge de nos patients en développant la collaboration entre professionnels de santé, en particulier les prescripteurs, expose avec conviction Noëlle Davoust. Le groupe de travail - qui compte dans ses rangs un pharmacien de santé publique - choisit un thème de campagne et définit des objectifs qualitatifs. Les pharmaciens suivent une formation de deux heures, repartent avec une revue bibliographique (conférences de consensus...) et mettent en action le plan, en instaurant des entretiens structurés avec 10 à 15 de leurs patients. Ces consultations pharmaceutiques sont établies d'après une fiche rédigée en amont. Enfin, des réunions de débriefing sont régulièrement organisées et nous faisons des statistiques. »

De la méthode et beaucoup d'implication

La première opération, menée sur la prévention du spina-bifida - avec remise de brochures et apposition sur les boîtes de pilules de stickers « Désir d'enfant ? Pensez à l'acide folique » -, a reçu un accueil enthousiaste du public. Dans la foulée, les anticoagulants oraux ont été le thème central d'une opération débutée en mars 2006. Objectif : savoir si les patients sous AVK connaissaient les effets indésirables liés au surdosage, les interactions médicamenteuses, et si leur INR était convenablement suivi. « Nous avons été amenés à contacter des biologistes, relate la titulaire. Les médecins n'ont d'ailleurs pas toujours apprécié que l'on vienne mettre le nez dans des examens qu'ils n'avaient pas prescrits à temps. » Le dossier suivant a concerné l'hypertension artérielle. « On s'est particulièrement intéressé à la fonction rénale, aux prises de mesure tensionnelle et aux conseils d'hygiène de vie. Certains examens médicaux étaient laissés pour compte. Nous avons inauguré une fiche d'appréciation en enveloppe prétimbrée que le patient devait nous renvoyer. »

Pour deux patients sur dix, les chiffres mesurés à la pharmacie étaient supérieurs à l'objectif tensionnel recherché. Par ailleurs, 18 % des patients étaient non observants avec des situations pour le moins surprenantes. Ainsi, une femme prenait ses médicaments seulement lorsqu'elle était rouge ou avait mal à la tête, une autre refusait de prendre la totalité de ses médicaments, estimant qu'elle en avalait déjà bien trop. A l'issue de l'action, le quart des patients a eu une préconisation de modification de leur traitement par les pharmaciens, validée par le médecin traitant.

Les activités du groupe se sont poursuivies avec le management du risque médicamenteux à l'officine. En janvier, une nouvelle action consacrée à la migraine de l'adulte a consisté à prendre en charge soit des patients migraineux afin d'évaluer leur traitement de fond, soit des clients demandant un antalgique en automédication. Pour cette opération qui vient de se terminer, Noëlle Davoust n'a pu s'empêcher d'ajouter une touche personnelle : « J'ai amélioré la recette de base en distribuant des agendas de crise à mes patients. »

Un groupe d'assurance qualité médecin-pharmacien

Avec le prochain thème consacré à l'asthme de l'adulte, un groupe d'assurance qualité réunissant médecins et pharmaciens sera mis en oeuvre. Voilà qui réjouit déjà cette consoeur qui avoue adorer se battre pour les idées : « Les choses ne se feront sans doute pas sans vague entre nous. Et alors ? Les conflits servent aussi à avancer... » Les pharmaciens collecteront les ordonnances et les médecins les cas cliniques. Les objectifs demandés seront de systématiser les conseils aux patients sur les médicaments et les techniques d'inhalation, de reconnaître un asthme non contrôlé afin d'orienter vers une consultation médicale, identifier et évaluer les problèmes médicamenteux (posologie, observance, interactions, effets secondaires), de participer à l'éducation thérapeutique, de partager les informations avec le prescripteur et, enfin, de documenter les interventions pharmaceutiques.

D'un tempérament plutôt perfectionniste, Noëlle Davoust conclut : « La formation continue est indispensable, sinon on devient vite un has been de la pharmacie. Quand on vous dit "Madame, je vous remercie pour votre conseil", vous avez tout gagné. Je ne supporte pas l'idée de devoir me contenter du "moyen-moyen". Sans cesse je me demande comment faire pour devenir meilleure. » Il y a des résolutions décidément très respectables.

Envie d'essayer ?

LES AVANTAGES

- Un lien encore plus fort avec les patients qui apprécient que l'on pense à eux.

- L'échange, l'émulation intellectuelle et le partage du vécu avec d'autres confrères sont des expériences toujours enrichissantes.

- La gratification à être très au point sur une pathologie et un domaine thérapeutique.

- Quand l'action collective est terminée, elle reste pérenne au quotidien dans l'officine.

LES INCONVÉNIENTS

- Evidemment, le projet demande un investissement en temps.

- Certains médecins n'ont pas apprécié la démarche.

- C'est un peu la loi du « tout ou rien ». La plupart des patients adhèrent, certains se sentent jugés.

LES CONSEILS

DE NOËLLE DAVOUST

Noëlle Davoust distingue deux démarches, l'une qu'elle qualifie de « plutôt collective, voire participative », l'autre individuelle. « Eu égard à ma fructueuse expérience Pharmaker, je ne peux avoir qu'une action militante afin d'encourager de nouveaux confrères soit à venir élargir le cercle breton de concertation et d'action, soit à créer des groupes similaires au sein d'autres régions », précise-t-elle.

Dans ce cas, il faut réfléchir à une stratégie globale de formation continue avec mise en application.

Un soutien institutionnel (ordre des pharmaciens) ou par des organismes de formation est un plus.

Si la mise en place à l'échelon individuel d'une action, indépendamment de l'existence d'un groupe référentiel, est possible, elle s'apparente néanmoins, selon Noëlle Davoust, « à une culture pharmaceutique trop individualiste. C'est par l'union qu'une profession peut affirmer force et crédibilité ».

ERRATUM

Dans l'article de la rubrique « Initiatives » du Moniteur n° 2693, « Vigilo-dépendantes », le sigle CSST s'est transformé en Commission de la santé et de la sécurité au travail... Or Marylène Guerlais collabore en fait avec le Centre spécialisé de soins aux toxicomanes (CSST) des Pays de la Loire. Toutes nos excuses pour cette erreur !

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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