Déléguer de A à Z - Le Moniteur des Pharmacies n° 2689 du 25/08/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2689 du 25/08/2007
 

Dossiers

Initiatives

Pour certains titulaires, déléguer un rayon aux préparateurs se limite à pointer les factures, ranger les produits voire préparer une vitrine. A la Pharmacie Leder, à Paris, les trois préparateurs gèrent de A à Z plusieurs dizaines de laboratoires. Plus qu'une délégation, c'est une philosophie d'entreprise.

Paperasses, suivi du tiers payant, pointage des factures... Dans la plupart des cas, la délégation à l'officine consiste à se débarrasser des tâches fastidieuses. Il existe pourtant des titulaires qui ont compris que déléguer la gestion des laboratoires de A à Z était un moyen de combiner motivation et gain de temps. Jean-Marc Leder, titulaire à Paris dans le XXe arrondissement, fait partie de ceux-là. Ses 5 collaborateurs, dont 3 préparateurs, gèrent les produits depuis la commande jusqu'à la vente.

Quand Thierry Reverchon, un des préparateurs, s'est présenté il y a 15 ans à la Pharmacie Leder, Jean-Marc Leder lui a tout de suite annoncé la couleur : « Je n'ai qu'une tête et ne peux m'occuper de tout. En outre, je n'ai pas l'intention d'être une pieuvre tentaculaire qui étend son pouvoir sur toute l'officine. » Pas banal comme discours. Le pharmacien est atypique. Il n'aime pas trop la hiérarchie, prône « l'abandon des structures pyramidales, bien ancrées dans les mentalités françaises ». Il est persuadé qu'une « initiative peut venir du terrain » et fait tout pour ça. Son credo : ni abandon aveugle ni surveillance permanente. Sa recette - mais il n'aime pas le mot : « établir une atmosphère de confiance contrôlée ». S'il a confié la gestion des commandes à ses collaborateurs, c'est avant tout pour qu'ils échappent à la routine. « Déléguer c'est confier des responsabilités qui doivent être assumées, avance Jean-Marc Leder. L'objectif est de motiver mes collaborateurs pour une participation active à la vie de l'entreprise. » Thierry confirme : « Je ne m'ennuie pas une minute. Cela m'a "fidélisé" dans ce boulot. » Il faut dire qu'avec plus de 60 laboratoires à gérer à lui tout seul, le défi est permanent.

La négociation s'apprend

Jean-Marc Leder ne lâche pas pour autant les rênes de cette grosse officine parisienne dont il est l'« autorité ». Et le mentor. Acheter, négocier, flairer les marchés et fixer les prix s'apprend. Le titulaire transmet son savoir-faire à ses collaborateurs qui choisissent les secteurs selon leurs affinités. « Je n'ai pas réuni de conseil d'administration pour savoir qui s'occuperait de tel labo », ironise le pharmacien. Natasha Simonnet, préparatrice depuis deux ans, s'occupe entre autres de Darphin, T. Leclerc, du vétérinaire, et Cicéro Cardoso, le troisième préparateur, a en charge l'orthopédie, Arkopharma, l'informatique et les vitrines.

Thierry, lui, a commencé par le préparatoire avec les matières premières et les plantes, puis Gilbert et les gammes bébés... Au début, pas très à l'aise avec la négociation (« J'avais du mal à atteindre mes objectifs »), Thierry en réfère à Jean-Marc Leder qui propose de lui montrer sa façon de faire. « Quand je serai avec un représentant, venez écouter et voir comment ça se passe. » Le préparateur le prend au mot, se « colle dans un coin » et écoute. Plusieurs fois.

S'il a fixé les grandes lignes de la négociation à ses collaborateurs, le titulaire leur a également expliqué les notions de marge, de prix d'achat à obtenir selon la marge souhaitée et la concurrence aux alentours. « Négocier commence par déterminer les conditions commerciales avec le représentant, puis à exiger que ce dernier explique ce qu'il vend », développe le pharmacien qui est transparent vis-à-vis des conditions commerciales de la pharmacie, « sinon cela ne vaut pas la peine ». Il a même appris à ses collaborateurs à déchiffrer un relevé de grossiste. Chose inimaginable pour Thierry, qui se souvient de l'époque où l'ouverture par mégarde du courrier pouvait provoquer l'ire de ses précédents titulaires...

Le plus de transparence possible

Ici, point trop de mystère. Chiffre d'affaires, marge bénéficiaire selon les produits, les résultats de l'officine sont communiqués aux collaborateurs en moyenne une fois par an lors d'un rendez-vous convivial à la fin d'une journée de travail ou lors d'une réunion plus formelle. « J'ai conscience que l'on a connaissance de données auxquelles la plupart des préparateurs n'ont pas accès, souligne le préparateur, mais nous ne sommes pas pour autant dans tous les secrets. » Thierry ignore les salaires de ses collègues ou celui de Jean-Marc Leder. Peu importe, seule compte la connaissance des résultats qui valident sa participation « à la bonne marche de l'entreprise et à sa vision d'ensemble ». En bonne complémentarité, toute l'équipe échange les points forts sur les nouveaux produits, participe aux mêmes négociations lorsque les gammes larges de certains laboratoires interfèrent avec le secteur de prédilection d'un autre et se « tuyaute » lors de la passation d'un laboratoire. Ainsi Thierry a laissé le vétérinaire à Natasha qui le réclamait (« Elle a un chien, alors... »), non sans lui avoir fait un topo sur les marges à obtenir, les produits habituellement commandés...

Un bon salaire et des primes volantes

Des 50 000 euros de commandes au génériqueur aux deux présentoirs annuels du petit labo de produits antimoustiques, Thierry, Natasha et Cicéro sont libres d'acheter, de référencer une nouvelle gamme ou un nouveau laboratoire, avec toujours la confiance du titulaire. « Le bon sens doit prévaloir, justifie Thierry, je ne vais pas référencer 144 unités d'un produit que je ne connais pas... »

« Au moindre doute nous nous concertons », explique Natasha. Ce dialogue permet aussi d'analyser les « couacs », par exemple des produits achetés qui ne se vendent pas. Parfois en raison d'un mauvais lancement du laboratoire. « ça arrive », commente Jean-Marc Leder. Ou d'un référencement qui ne colle pas à la zone de chalandise. Thierry évoque le flop de ces « mousses lavantes, nature, couleurs du Sud ». Il les a voulues, à lui de se dépatouiller pour se les faire reprendre.

Aucun des collaborateurs n'est rémunéré spécifiquement pour ce rôle de négociateur, même s'ils réfléchissent de temps en temps à un système de gratification - ensemble encore ! - qui serait « juste ». « La délégation n'est pas forcément monnayable », avoue Thierry. Mais tous ont un bon salaire et des primes volantes. Si dans beaucoup d'officines certains cherchent leur place, à la Pharmacie Leder, chaque collaborateur a la sienne. Parce que la philosophie du titulaire puise ses racines dans cette phrase de Abraham Lincoln affichée dans son bureau : « Vous ne pouvez pas forcer le caractère et le courage en décourageant l'initiative et l'indépendance. »

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Les avantages

- Maintenir la motivation, sortir de la routine grâce à la diversification des tâches et fidéliser les collaborateurs qui gagnent en autonomie.

- Responsabiliser le collaborateur : il gère la commande comme si c'était pour lui, il n'est pas cantonné en permanence au comptoir.

- Quand on se bat pour négocier, on se bat aussi pour que les produits tournent.

- Le titulaire dégage du temps pour se consacrer à d'autres tâches pour lesquelles il est indispensable, comme la gestion du personnel...

Les difficultés

- La délégation n'est possible que dans la mesure où la personne a envie de prendre des responsabilités. - Savoir faire évoluer les objectifs et bien négocier les prix, en particulier en fonction de la concurrence environnante.

Les conseils de Jean-Marc Leder

- « Il n'y a ni mode d'emploi ni méthode ! Y aller au feeling. »

- « Il faut donner le goût de l'initiative. Ne pas insister si le collaborateur n'a pas envie et souhaite uniquement dispenser au comptoir. »

- « Chaque collaborateur a son propre cheminement. Certains ont ça dans le sang, mais la négociation s'apprend... Montrez l'exemple. »

- « Il est nécessaire d'essayer d'abord sur de petites commandes pour voir comment ça se passe et de proposer aux collaborateurs les secteurs où ils souhaitent s'investir. »

- « Inculquez la notion de marge, les fourchettes de prix à établir de façon concrète. »

- « Soyez transparent sur les négociations commerciales. »

- « Il est utile d'analyser les couacs : tout le monde peut se tromper sur un achat. »

- « Laissez faire : ne pas rester derrière son employé pour surveiller ce qu'il fait. Il a besoin de faire comprendre au représentant que c'est lui qui prend la décision. »

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