Une biotech dans l'arrière-boutique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2686 du 07/07/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2686 du 07/07/2007
 

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Bernard Gombert ne s'est pas contenté du métier d'officinal. Il a voulu revenir au fondement scientifique du pharmacien et s'est lancé dans la recherche avec opiniâtreté. Jusqu'à être sur le point de développer un microbicide efficace contre le VIH.

Nous avons des résultats qui permettent d'entrevoir le développement complet d'un microbicide. » Bernard Gombert, titulaire dans la ZUP de Valdegour, au nord de Nîmes (Gard), a travaillé quinze ans pour mettre au point un complexe moléculaire à forte activité antivirale, plus particulièrement axé sur le virus du sida. « Nous envisagions la conception d'un microbicide à large spectre qui pourrait avoir une action puissante, virucide, à même d'agir sur la membrane cellulaire et de casser l'enveloppe virale. »

Bernard Gombert a démarré ses recherches en 1989, deux ans après avoir acquis une officine en plein coeur de Marseille. « Au départ mes investigations étaient très généralistes, j'avais un intérêt pour tout ce qui concernait la phytothérapie et je m'y suis beaucoup investi », explique-t-il. Sa rencontre avec un chimiste, Aurèle Mannarini, a débouché sur un projet de recherche plus ciblé : « Nous avons beaucoup échangé. Nous étions en confrontation sur tout. C'était notre point commun ! Puis nous avons été amenés à parler de virus, ceux de la grippe, du sida, etc. Notre but était de chercher puis de mettre en place une nouvelle molécule à visée virucide et antivirale. Nous n'avons pas tout de suite pensé au VIH. » La réflexion sur un complexe moléculaire susceptible de cibler le virus du sida est venue un peu plus tard.

Pharmacien depuis 1982, Bernard Gombert a travaillé en biologie hospitalière puis dans l'industrie pharmaceutique où il a participé, entre autres, au lancement d'antiagrégants plaquettaires. Il a aussi obtenu un DESS de management d'entreprise à Aix-en-Provence. Son intérêt pour la recherche a pris assez vite le pas sur son activité officinale et, en 1993, il vend son officine afin de se consacrer à la conception de sa future molécule. « J'ai tout financé sur fonds propres. La vente de ma pharmacie m'y a beaucoup aidé mais j'ai dû négocier systématiquement avec les laboratoires de recherche pour obtenir des prix », explique le pharmacien.

Mise au point d'un actif efficace et non toxique

Depuis le début des recherches, tous les travaux ont été menés en collaboration avec des laboratoires agréés et avec l'Agence du médicament. « Nous nous sommes d'autant plus investis que nous avions réussi à nous entourer à chaque étape. Nous avons notamment travaillé à l'interface des laboratoires pour valider ou invalider chacune de nos démarches. » Pour la biologie moléculaire, par exemple, le duo a travaillé avec un laboratoire de biosynthèse moléculaire associé au CNRS de Marseille. De nombreux travaux ont été nécessaires avant de mettre en évidence, dès 1994, un complexe totalement nouveau, d'origine végétale. « On peut avoir une formation de base et se poser des questions. Après on travaille sur le tas et on avance en s'efforçant de trouver les structures et les personnes qui ont les compétences... »

Le virage a eu lieu en 1995, grâce à une collaboration à l'Institut Pasteur avec la responsable du laboratoire de biologie des Rétrovirus, Françoise Barré-Sinoussi, codécouvreur du VIH avec Luc Montagnier. Il s'agissait d'étudier l'activité virucide du complexe à base de produits naturels de Bernard Gombert. « La collaboration a été très étroite, c'était très important. Nous parlions le même langage, peu importait que nous n'ayons pas les mêmes diplômes. Nous avons eu des possibilités d'échange et, surtout, il y a eu des résultats », explique Bernard Gombert. L'évaluation du produit a pris du temps mais, au final, les tests de virucidie, ou d'inaction virale, ont présenté un coefficient d'efficacité maximale, sans aucune toxicité.

Restait à savoir sous quelle forme le produit pourrait agir et à quel type d'utilisation il serait le mieux adapté. Bernard Gombert, qui était en contact avec Jean-Paul Cano, un toxicologue réputé de Montpellier, a pu évaluer avec lui la toxicité aiguë et subaiguë de son produit. Les résultats l'ont conforté dans sa démarche puisque, au niveau des applications, ils rejoignaient les conclusions de Françoise Barré-Sinoussi. « Le produit s'avérait atoxique, avec un potentiel énorme. » Par la suite, Françoise Barré-Sinoussi a élaboré un protocole scientifique afin de référencer le produit comme thérapie antisida. « C'est une étape importante car elle ouvre des voies et permet d'adapter le complexe moléculaire. »

Création d'une entreprise de biotechnologies

En 1997, Bernard Gombert a développé son projet en Israël, dans une structure spécialisée où il a travaillé sur d'autres cibles comme les hépatites B et C. Puis il s'est recentré sur l'Afrique, en 1998, où il a repris son idée première : le VIH. « J'avais monté une association avec un professeur de Bangui, chercheur associé à l'Institut Pasteur, afin de donner un vécu juridique à cette recherche. » Son idée : la prévention, ou comment s'opposer à la contamination. Quel type d'application envisager, pour mettre en place une barrière chimique qui s'opposerait à la contamination par le VIH ? L'Afrique lui a permis de préciser l'objectif : donner à la femme les moyens de sa protection. « Nous n'avons pas trouvé les relais à l'époque », regrette le pharmacien. Mais, en 2002, il rencontre Laurent Belec, chef du laboratoire « Immunité des muqueuses » à Paris, président de la commission « microbicides » à l'Association de recherche sur le sida et les hépatites, et Hela Saidi, biologiste, chargé du projet « microbicide » à l'INSERM. Les travaux reprennent.

A la même période, fin 2003, Bernard Gombert fait l'acquisition d'une nouvelle pharmacie, à Nîmes. « Je n'avais plus de possibilité de développement, j'ai repris mon métier de pharmacien pour avoir une activité qui permette d'assurer certains frais de base. » Depuis, il s'organise avec un personnel qu'il a étoffé, en délégant et responsabilisant. « Dans la journée, je prends du temps pour des travaux d'études ou pour régler des protocoles. » Bernard Gombert travaille aussi le soir et n'hésite pas à venir à Paris le samedi. « Dans la recherche il n'y a pas d'emploi du temps ! »

Aujourd'hui, les étapes de l'évaluation préclinique ont été passées avec succès. Les protocoles cliniques - très codifiés et complexes - sont en préparation. La forme galénique qui permettra de délivrer la substance est à trouver. Le pharmacien crée actuellement à Nîmes, avec deux associés, une entreprise de biotechnologies afin de suivre le développement et le structurer. « Le travail de fond est fait, nous avons avec nous un pool de scientifiques reconnus et des contacts assurés avec des structures incontournables. » Le pharmacien espère avoir abouti d'ici trois ans. Il est le premier, avec son équipe, à développer un produit microbicide ayant franchi avec succès toutes les étapes de tests d'efficacité et de tolérance in vitro. Bernard Gombert s'y est d'autant plus investi que « cette prophylaxie anti-infection par le VIH correspond à un besoin réel et urgent en santé publique »

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Défricher, découvrir, avancer, même si ce n'est pas évident.

- La possibilité de s'inscrire dans un échange entre des gens qui font de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et du terrain.

- L'ouverture dans différentes disciplines, mais aussi sur l'étranger.

- Le pharmacien amène les connaissances qui sont les siennes et n'a rien à perdre dans ce type de démarche.

Les difficultés

- Il faut savoir à quelle porte frapper pour trouver les bons interlocuteurs.

- Le pharmacien doit se former dans chaque domaine appréhendé, la chimie en particulier.

- La biologie est une discipline en mouvement constant. Il a fallu que le produit s'adapte sans cesse à de nouveaux critères, à chaque étape de tests et de validations.

- Lorsque des résultats probants ont été obtenus, permettant d'entrevoir le développement complet du produit, se posait la question de savoir comment passer au stade suivant, suivre le développement, le structurer.

- Il faut intégrer les techniques juridiques anglo-saxonnes et françaises qui sont très différentes.

Les conseils de Bernard Gombert

- « Il faut se confronter tout de suite à ceux qui représentent l'autorité dans un domaine, c'est ainsi que l'on gagne du temps. »

- « Il est indispensable d'être dans l'ouverture, dans l'échange, dans un va-et-vient entre le terrain et la recherche, car celle-ci ne peut être isolée. »

APPEL À TÉMOIGNAGES

Vous ou un de vos confrères est à l'initiative d'une action intéressante à l'officine ? Vous pensez qu'elle doit être présentée ? Dites-le nous.

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