Le traitement de substitution aux opiacés - Le Moniteur des Pharmacies n° 2683 du 23/06/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2683 du 23/06/2007
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Un patient dépressif sous Subutex

Ce que vous savez du patient

Loïc O., 38 ans, héroïnomane depuis 1996, est un patient régulier de la pharmacie. Père de 2 jeunes enfants, il a retrouvé récemment un emploi comme agent de surface.

Il est suivi par un psychiatre en ville pour prendre en charge un état dépressif chronique et pour un traitement de substitution par Subutex. Il a déjà fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique pour un état psychotique lié à une enfance difficile. D'après son dossier pharmaceutique, il a pris des benzodiazépines à fortes doses pendant de nombreuses années.

Ce que le médecin psychiatre lui a dit

Le psychiatre a insisté sur le fait que Loïc était bien stabilisé avec le traitement actuel, et l'a encouragé à continuer à respecter les doses prescrites et à suivre régulièrement les séances de psychothérapie.

Ce dont le patient se plaint

Loïc O. est généralement peu loquace. Aujourd'hui il se plaint d'avoir à se déplacer toutes les semaines pour venir chercher le Subutex. Il demande à avoir la totalité du traitement pour un mois.

Dr Houdet

Psychiatre

35, rue des Tilleuls

26000 Valence

Tél. : 08 25 15 12 41

26 1 99999 8

15 juin 2007

Loïc O.,

38 ans

Subutex huit mg : deux comprimés par jour. Traitement de 28 jours.

Valium 10 mg : 4 comprimés par jour

Théralène solution buvable à 4 % : 50 gouttes le soir au coucher

Laroxyl solution à 4 % : 50 gouttes matin

et soir

qsp un mois

Psychothérapie : une séance par semaine

Détection des interactions médicamenteuses

Plusieurs interactions médicamenteuses sont à prendre en compte dans cette ordonnance.

Toutefois, l'utilisation conjointe d'anxiolytiques, de sédatifs et d'antidépresseurs est courante chez les patients sous Subutex. Ces associations nécessitent une surveillance étroite.

Subutex/Valium/Théralène/Laroxyl

L'association de ces quatre dépresseurs du système nerveux central induit une majoration de la dépression centrale. Avec les traitements de substitution, il existe un risque majoré de dépression respiratoire, pouvant être fatale en cas de surdosage. De plus, l'altération de la vigilance peut rendre dangereuse la conduite de véhicules ou l'utilisation de machines.

Théralène/Laroxyl

En sus de l'effet additif sédatif, cette association expose à une majoration des effets indésirables atropiniques à type de rétention urinaire, de constipation, de sécheresse buccale et de troubles de l'accommodation. L'effet alpha-adrénolytique expose également à une hypotension orthostatique.

Analyse des posologies

Toutes les posologies de l'ordonnance sont correctes hormis celle de Théralène qui est hors AMM. La dose maximale mentionnée dans les RCP est de 20 mg/jour alors que le médecin prescrit ici 50 mg/jour. Toutefois, la dose unitaire maximale figurant à la Pharmacopée pour le tartrate d'alimémazine (100mg/dose et 600 mg/jour) n'est pas atteinte.

La posologie de Valium (40 mg/jour) correspond à la posologie maximale utilisable en psychiatrie.

Avis pharmaceutique

Validité réglementaire

La buprénorphine haut dosage (Subutex), liste I, est gérée comme un stupéfiant. Elle doit être prescrite sur une ordonnance sécurisée avec les mentions obligatoires d'identification du prescripteur et du patient, ce qui est le cas ici. Elle est rédigée en toutes lettres (dosage et posologie). Pour M. O. la prescription est conforme. Il se présente à la pharmacie 48 heures après avoir vu son médecin, mais la première présentation pour exécution et dispensation d'une ordonnance de stupéfiants est portée à 3 jours depuis février 2007.

Le médecin a indiqué sur l'ordonnance le nom de la pharmacie habituelle de M. O. Cette mention n'est pas obligatoire pour le Subutex, mais recommandée.

Objectifs thérapeutiques

En parallèle du traitement médicamenteux, le soutien psychothérapique est indispensable et s'inscrit dans la prise en charge globale du patient.

Traitement de substitution

Le traitement de la pharmacodépendance aux opiacés peut être assuré par la méthadone ou par la buprénorphine. Pour M. O., le psychiatre a préféré Subutex à la fois pour sa plus grande marge de sécurité en cas de surdosage et parce que le centre spécialisé de méthadone est éloigné du domicile du patient.

Traitement anxiolytique

Monsieur O. est sous Valium à cette dose pour stabiliser sa dépendance aux benzodiazépines. En théorie, la durée du traitement ne doit pas excéder 12 semaines mais, dans le cas de toxicomanies, il peut être nécessaire de prolonger le traitement au-delà des temps préconisés avant d'envisager un sevrage progressif.

Traitement antidépresseur

Le traitement de l'épisode dépressif majeur est assuré par Laroxyl. En théorie, la durée du traitement est de l'ordre de 16 à 20 semaines après rémission symptomatique. Une phase de maintenance est envisageable en cas de risque de récidives ou de comorbidités.

Pour M. O., Laroxyl est préféré aux ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) car il n'induit pas d'augmentation de la concentration de buprénorphine (pas d'effet sur sa métabolisation hépatique).

Traitement hypnotique

Les difficultés d'endormissement et/ou les insomnies sont traitées par Théralène, un antihistaminique H1 sédatif.

Intervention pharmaceutique

Posologie de Théralène

Le médecin, contacté par téléphone, maintient la posologie de Théralène car elle aide le patient à ne pas avoir recours à d'autres hypnotiques (benzodiazépines). Cette posologie sera réduite dès que possible.

Délivrance du Subutex

Le libellé de la prescription du Subutex oblige le pharmacien à faire une délivrance fractionnée de sept jours conformément à la réglementation en vigueur, malgré la demande de monsieur O. Interrogé, le psychiatre prescripteur préfère que le traitement soit pour l'instant délivré par semaine afin d'éviter le mésusage. En effet, Subutex présente un risque de détournement (comprimés broyés puis injectés ou sniffés), particulièrement dangereux en cas d'association aux benzodiazépines.

Prise du Subutex

La posologie de Subutex (2 comprimés par jour) mérite d'être reprécisée au patient : même si Loïc O. est sous buprénorphine depuis plusieurs mois, il faut s'assurer qu'il prend bien les deux comprimés en une seule prise le matin, par voie sublinguale, en laissant fondre les comprimés sous la langue pendant 5 à 10 minutes. C'est un point clé de l'efficacité du traitement.

Eléments à noter dans le dossier du patient

- Posologie de Théralène maintenue par le psychiatre (50 gouttes/j).

- Délivrance fractionnée du Subutex par période de 7 jours.

Validation du choix des médicaments

Subutex 8 mg (buprénorphine)

Agoniste-antagoniste morphinique utilisé dans la dépendance aux opiacés.

Indiqué dans le traitement substitutif des pharmacodépendances majeures des opiacés.

La dose initiale est de 0,8 mg à 4 mg par jour en une prise lors de la mise en place du traitement. La posologie est ensuite adaptée en fonction des besoins du patient sans dépasser 16 mg en une prise.

Valium 10 mg (diazépam)

Benzodiazépine.

Indiqué notamment dans le traitement des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.

Chez l'adulte, la posologie habituelle par jour est de 5 à 20 mg dans l'anxiété et de 20 à 40 mg en psychiatrie.

Théralène solution à 4 %

(alimémazine, 1 mg par goutte)

Antihistaminique H1, phénothiazine, à usage systémique ayant des effets sédatifs, cholinergiques et adrénolytiques périphériques.

Indiqué notamment dans toutes les formes d'insomnies.

Pour les effets sur le sommeil, la dose recommandée chez l'adulte est de 5 à 20 mg soit 5 à 20 gouttes/jour.

Laroxyl solution à 4 %

(amitriptyline, 1 mg par goutte)

Antidépresseur imipraminique, inhibiteur non sélectif de la recapture de la monoamine.

Indiqué notamment dans les épisodes dépressifs majeurs.

La posologie usuelle dans la dépression varie de 75 à 150 mg par jour.

Plan de prise conseillé Subutex : prendre les comprimés ensemble, toujours au même moment, par exemple le matin, et les maintenir sous la langue jusqu'à dissolution complète (5 à 10 minutes). Valium 10 mg : prendre le comprimé avec un verre d'eau. Théralène solution à 4 % : prendre les gouttes dans un demi-verre d'eau au coucher. Laroxyl solution à 4 % : prendre les gouttes dans un peu d'eau au petit déjeuner et au dîner ou au coucher pour faciliter le sommeil.

Suivi du traitement

Participation à un réseau

Afin de mieux suivre les patients sous traitement de substitution, il est conseillé au pharmacien de faire partie d'un réseau structuré spécialisé.

Toute modification du comportement du patient ou tout problème quelconque doit être notifié au médecin prescripteur.

Effets indésirables

Les troubles du sommeil dont se plaint M. O. résultent probablement, d'une part des effets indésirables du traitement (Subutex, Valium) et, d'autre part, de la dépression dont il souffre.

Les autres effets indésirables du Subutex, liés à l'action morphinomimétique (constipation, asthénie, sudation, nausées, vertiges...), peuvent être pris en charge par des traitements symptomatiques si nécessaire.

Laroxyl et Théralène ont des effets anticholinergiques qui s'additionnent, d'autant que la posologie de Théralène est élevée. Rester à l'écoute des plaintes du patient (sécheresse buccale, rétention urinaire...)

Contacter le médecin

La posologie du Théralène (50 gouttes par jour) doit être confirmée par le médecin. La demande du patient d'une délivrance de Subutex pour 28 jours lui est soumise.

Conseils au patient

Etre à l'écoute du patient et n'utiliser que des termes positifs pour l'encourager à poursuivre ce traitement.

Insister sur le respect des doses de benzodiazépines, car il y a un risque de dépression respiratoire pouvant aller jusqu'au décès.

Rappeler qu'il ne faut en aucun cas interrompre brutalement aucun des médicaments de l'ordonnance et qu'il faut éviter toute automédication.

Rappeler le risque de :

- diminution de la vigilance : la conduite automobile et l'utilisation de machines est à éviter ;

- photosensibilisation avec la prise de Théralène et de Laroxyl : éviter les expositions au soleil ;

- constipation avec Laroxyl : avoir une alimentation riche en fibres végétales, une hydratation suffisante (1,5 à 2 l de boissons par jour), en plus d'une activité physique, pour améliorer le transit intestinal.

pathologie

La dépendance à l'héroïne en 5 questions

La consommation d'héroïne induit rapidement une forte dépendance. De nouveaux modes d'usage de cette drogue apparaissent depuis le début de la décennie. Elle est de plus en plus souvent sniffée ou fumée, notamment dans le milieu festif.

Comment l'héroïne est-elle utilisée ?

L'héroïne, dérivée de la morphine (diacétylmorphine), se présente sous forme d'une poudre blanchâtre ou brunâtre. Au détail, la drogue contient rarement plus de 20 % d'opiacé.

L'héroïne peut s'injecter par voie IV : cet usage expose à des risques sanitaires importants et concerne les milieux les plus marginalisés.

L'héroïne est aussi sniffée ou fumée, principalement par des usagers jeunes, en milieu festif, ou par des personnes ayant une pratique ponctuelle de la consommation d'opiacés.

Les doses utilisées sont de l'ordre de un gramme par jour, voire plus.

Pourquoi consomme- t-on de l'héroïne ?

L'héroïnomanie est généralement initiée à la fin de l'adolescence ou chez le jeune adulte. Toutefois, la consommation peut commencer vers la trentaine sous l'influence d'événements divers : deuil ou séparation conjugale, chômage, etc. L'héroïne, anxiolytique puissant, joue un double rôle : sa prise peut être révélatrice d'une souffrance psychique intense, mais elle lui sert aussi d'écran.

La consommation d'héroïne permet aussi de réduire les signes dépressifs de la « descente » après absorption de drogues stimulantes (ecstasy et dérivés), ou de contenir des effets psychodysleptiques trop importants après usage d'hallucinogènes.

Plus fréquemment qu'il y a quinze ou vingt ans, l'héroïne peut être utilisée comme une drogue « récréative », sniffée ou fumée. Ceci explique que sa consommation se banalise chez les jeunes adultes adeptes de musique techno et de free parties. Ces « teufeurs » sont d'ailleurs habitués aux opiacés, soit qu'ils consomment de la buprénorphine pour réguler les effets des stimulants, soit qu'ils fument de la rachacha, un succédané de l'opium.

Quelle trajectoire mène à la dépendance ?

Pendant les premières semaines, l'injection d'héroïne apaise les tensions psychiques (anxiété, dépression) et induit une sensation de plaisir intense, le « flash », suivie d'une phase de stupeur (altération de la conscience) qu'accompagnent parfois des nausées, des vertiges et un ralentissement cardiaque. La fréquence des injections augmente souvent rapidement. Apparaissent des troubles physiques divers (perte de l'appétit, constipation, sueurs, insomnie...).

Devenu dépendant, l'héroïnomane oscille entre de brèves phases où il se sent équilibré, d'autres où il est sous l'emprise de la drogue (apathie, obnubilation) et d'autres où il est en manque (anxiété, agressivité). Le plaisir ayant fortement diminué, la consommation sert dès lors simplement à prévenir les sensations liées au manque.

Consommer l'héroïne de manière intermittente ou par inhalation conduit moins rapidement à la dépendance que l'injection.

Quelles sont les complications physiques ?

L'usage d'héroïne peut induire plusieurs types de complications. Les propriétés pharmacologiques de la drogue n'y participent que de façon minoritaire, l'essentiel ayant pour origine ses conditions d'utilisation.

Complications infectieuses

La fréquence des contaminations par le VIH et le VHC chez les usagers de drogues par voie veineuse a justifié la politique de réduction des risques développée depuis plus de dix ans en France. Désocialisation, marginalisation, malnutrition, immunodépression aggravent les conséquences infectieuses de la toxicomanie.

Les abcès au site d'injection sont fréquents (staphylocoques, streptocoques, anaérobies, bacilles Gram négatif d'origine entérique ou hydrique). Ces infections peuvent évoluer vers des thrombophlébites ou des fasciites nécrosantes.

Les infections systémiques peuvent avoir pour origine des germes atypiques ou des fungi (candidoses). L'endocardite à staphylocoque s'observe couramment, mais aussi des infections pulmonaires, cérébrales ou méningées, ostéoarticulaires ou dentaires.

Complications liées aux substances de coupe

L'héroïne est diluée par des substances inertes (talc, amidon, plâtre, ciment, cellulose), à l'origine de granulomes ou d'embolies (pulmonaires notamment), ou par des drogues pharmacologiquement actives et parfois très toxiques (strychnine, quinine, quinidine, stimulants divers, métaux lourds).

Complications somatiques

Elles sont liées aux modalités de l'utilisation de la drogue (voie d'administration, association à d'autres produits), à l'accoutumance et à la marginalisation de l'usager.

Nausées et vomissements, inconstants, disparaissent avec l'accoutumance.

Dépression centrale avec troubles de la conscience (et inhalation de liquide gastrique), hypothermie, ataxie, myosis.

Troubles du péristaltisme gastro-intestinal (constipation) et hyperpression biliaire (coliques hépatiques).

Complications respiratoires, aggravées par le tabagisme (la dépression respiratoire résulte d'une réduction de la sensibilité des centres respiratoires à la teneur en gaz carbonique du sang).

Aménorrhée et troubles endocriniens divers.

Rares complications cardiaques (myocardites, ischémie) ; dilatation vasculaire (hypotension orthostatique).

Rare syndrome néphrotique ; rares hépatites cytolytiques.

A forte dose, l'héroïne induit des convulsions, notamment en cas d'antécédents d'épilepsie.

Hypersensibilité avec risque de manifestations allergiques.

Thrombophlébites aux sites d'injection.

Malnutrition et déshydratation par action centrale sur les centres de la satiété et de la soif.

Evolution d'altérations organiques diverses car l'héroïne provoque une analgésie deux fois plus puissante que celle de la morphine (caries, abcès dentaires, infections par exemple).

Quelles sont les complications psychiques ?

Complications psychiatriques

Les troubles psychiatriques, fréquents dans la population des héroïnomanes, aggravent la dépendance. Il reste difficile de préciser si la consommation de drogue est la cause des signes psychiatriques ou si elle en est une conséquence : les comorbidités sont nombreuses et intriquées.

Les troubles de l'humeur et anxieux dominent : près de un héroïnomane sur trois a fait au moins une tentative de suicide.

Des personnes schizophrènes peuvent aussi recourir à l'usage d'héroïne : la toxicomanie permet de « justifier » le délire lié à la psychose (le diagnostic de toxicomanie peut être plus facile à faire admettre à l'entourage que celui d'une pathologie mentale) et aussi de limiter ou de prévenir les épisodes productifs.

La dépendance à l'héroïne affecte le sommeil (action propre de l'héroïne, usage de psychostimulants, style de vie, comorbidités), ce qui explique la fréquence des intoxications aux hypnotiques chez les héroïnomanes.

Dépendance

La notion de dépendance ne peut être réduite à l'approche neurobiologique : elle s'associe à des stimuli environnementaux (lieux, fréquentations, manipulation du matériel d'injection).

La dépendance se manifeste par un comportement compulsif (« craving ») de recherche de la drogue. Elle a pour origine la mémorisation dans le système limbique du plaisir qui a accompagné les premières injections.

Lors de l'arrêt de la consommation d'héroïne survient un syndrome de sevrage (« manque »), dans les 8 à 16 heures qui suivent la dernière prise. Ayant pour origine l'action de l'opiacé sur les récepteurs aux endorphines, il se confond avec l'accoutumance (ou tolérance) traduisant l'adaptation physiologique de l'organisme face à l'apport massif et régulier d'opiacés exogènes, et nécessitant l'augmentation progressive des doses. Ce syndrome est résolutif sans et séquelles.

Overdose et syndrome de manque : l'urgence n'est pas la même

thérapeutique

La prise en charge de la dépendance à l'héroïne

Les usagers d'héroïne sont considérés comme des patients et non plus comme des délinquants, comme le souligne le plan quinquennal « Addictions » 2007-2011. Depuis le milieu des années 1990 s'est développée une politique de réduction des risques efficace, centrée sur l'accès à des traitements de substitution opiacée : méthadone ou buprénorphine à haut dosage.

Le sevrage direct

Condiv

Le sevrage direct sans traitement de substitution, généralement réalisé en structure spécialisée, répond à une volonté forte d'un patient dont la toxicomanie est récente. Rarement définitif, il fait prendre conscience de la dépendance et permet de conforter le désir d'intégrer le système de soin.

Accompagnement

La prescription d'accompagnement du sevrage, sur quelques jours, vise à atténuer les signes de manque : antalgiques (aspirine, paracétamol), spasmolytiques, antidiarrhéiques, antiémétiques, hypnotiques, sédatifs (Théralène, Tercian, hors AMM). L'emploi de ces médicaments doit être le plus limité possible. La prescription de flunitrazépam (Rohypnol) ou de clorazépate fortement dosé (Tranxène) est contre-indiqué. Il est fréquent de prescrire hors AMM un traitement inhibant la sécrétion centrale réactionnelle de noradrénaline résultant du manque en opiacés (Catapressan, Estulic).

Objectifs du traitement

Buprénorphine et méthadone agissent sur le craving et le manque. L'effet sur les symptômes de sevrage existe aussi mais ce n'est pas leur intérêt principal.

Modifications du comportement

Le traitement de substitution aux opiacés permet de proposer au toxicomane davantage qu'un médicament opiacé se substituant à la drogue, car il s'accompagne d'un suivi éducatif, psychologique et social. Un traitement de substitution doit limiter au maximum la morbidité (complications infectieuses) et la mortalité (intoxication aiguë) liées à la toxicomanie. En modifiant le comportement de consommation de drogue, il facilite la réinsertion familiale et professionnelle, limite ou supprime la délinquance liée à l'acquisition de la drogue, permet d'améliorer les grossesses, offre un meilleur accès aux soins. Dans ce condiv, la prise en charge psychosociale reste fondamentale : l'administration d'un opiacé de substitution n'est en rien suffisante et les meilleurs résultats sont obtenus en associant substitution pharmacologique, psychothérapie, thérapie familiale et travail d'insertion.

Durée de traitement

Un traitement de substitution doit être poursuivi aussi longtemps que nécessaire et, si besoin, indéfiniment. Pour autant, un arrêt très progressif du traitement peut finir par être mis en place, à la demande du patient, lorsqu'un arrêt durable (#gt; 1 an) de la consommation d'opiacés illicite a pu être obtenu et qu'une évolution psychologique suffisante s'est opérée.

Impact positif

Les traitements de substitution, correctement conduits et suivis, ont un impact extrêmement positif à divers niveaux : réduction du nombre de décès par intoxication morphinique aiguë (505 décès en 1994, 23 en 2005), réduction par 3 du nombre d'infractions à la législation sur les stupéfiants... De plus, les usagers de drogues injectables, qui représentaient 27 % des nouveaux cas de contamination par le VIH en 1992, n'en représentent plus que 3 % en 2004. Près de 75 % des ex-héroïnomanes estiment être sortis de la trajectoire toxicomaniaque.

Les interactions médicamenteuses

Les médicaments de substitution

Choix du médicament

Deux molécules sont disponibles en traitement de substitution aux opiacés : la buprénorphine et la méthadone. Longtemps, la prescription de méthadone a concerné des patients ayant régulièrement rechuté après sevrage, des toxicomanes injecteurs de longue date, chez lesquels la buprénorphine n'avait donné lieu qu'à des échecs ou qui tendaient à s'injecter les comprimés de buprénorphine écrasés. La buprénorphine a bénéficié en revanche d'une grande souplesse de prescription dès sa commercialisation, expliquant son succès et le fait qu'elle soit aisément prescrite, même à des toxicomanes consommant de l'héroïne depuis peu de temps.

Peu d'études permettent d'argumenter la stratégie de choix entre méthadone et buprénorphine. De fait, ce choix demeure souvent plus contraint par le cadre réglementaire et l'offre de soins existante localement que par une véritable stratégie médicale.

Prescriptions d'accompagnement

La prescription d'autres psychotropes est souvent nécessaire chez les patients bénéficiaires d'un traitement de substitution car ils présentent souvent des troubles du sommeil, des troubles de l'humeur et des troubles anxieux. Cette coprescription ne doit jamais être banalisée, surtout vis-à-vis des benzodiazépines : les patients doivent inlassablement être sensibilisés aux risques d'interactions (dépression respiratoire) et le médecin doit privilégier le recours à une benzodiazépine unique, à faible posologie, en évitant autant que possible le recours au flunitrazépam (Rohypnol) ou au clorazépate (Tranxène), connus pour entraîner une levée des inhibitions et un sentiment de « toute-puissance » susceptible d'induire des actes violents

Méthadone

Profil pharmacologique

La méthadone, agoniste opiacé pur, est pharmacologiquement voisine de l'héroïne mais, contrairement à l'héroïne, elle induit peu d'effets psychiques euphorisants.

Effets indésirables

Son administration entraîne les effets indésirables classiques des morphiniques : hypersudation, constipation, troubles de la libido, insomnie, troubles de l'alimentation. Certains effets (rétention urinaire, oedèmes des membres inférieurs, douleurs articulaires, bradycardie et hypotension, nausées et vomissements) cèdent dans les premiers mois du traitement.

Mode d'administration

La méthadone se présente sous forme de sirop en flacon unidose prêt à l'emploi. Le traitement est administré en dose unique quotidienne. Ne pas conserver de flacon ouvert ou à demi-consommé.

Posologie

Le traitement est institué à une dose de 10 à 40 mg/jour dans un délai de 24 heures environ après la dernière prise d'opiacés (sinon risque d'overdose). La posologie est adaptée par paliers successifs de 1 à 3 jours jusqu'à une dose comprise entre 60 et 100 mg/jour, mais parfois bien supérieure.

Des analyses urinaires sont pratiquées une à deux fois par semaine pendant les trois premiers mois de la prescription, puis deux fois par mois. La recherche porte sur la méthadone, les opiacés naturels et/ou de synthèse, l'alcool, la cocaïne, les amphétamines, le cannabis et le LSD, selon les besoins.

Modalités de prescription

La méthadone relève de la réglementation des stupéfiants. Elle doit être prescrite sur une ordonnance sécurisée, pour une durée maximale de 14 jours non renouvelable. La délivrance est fractionnée par périodes de 7 jours, sauf mention express du prescripteur. Le médecin peut également préférer une délivrance quotidienne, auquel cas il l'inscrit sur l'ordonnance.

La prescription initiale et les premiers renouvellements sont réservés aux médecins exerçant en centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) ou aux médecins exerçant dans certains établissement de santé (circulaire du 30 janvier 2002).

Une fois le patient équilibré et capable de gérer de façon autonome son traitement, si les dosages urinaires des opiacés restent négatifs, il est possible de l'orienter vers un médecin de ville qui poursuit le traitement. Le médecin de ville doit choisir en accord avec le patient la pharmacie qui délivrera le traitement. Les coordonnées de celle-ci doivent figurer sur l'ordonnance.

Arrêt du traitement

La dépendance explique le recours à un arrêt progressif en fin de traitement de substitution : il est pratiqué en réduisant les posologies par paliers hebdomadaires de 5 à 10 mg, avec souvent nécessité de les raugmenter transitoirement si le patient est angoissé ou s'il rechute. La méthadone peut également être remplacée par la buprénorphine haut dosage pendant quelques mois, avec un intervalle libre d'au moins 24 heures entre la dernière prise de méthadone et la première administration de buprénorphine.

Intoxication aiguë

L'abus de méthadone expose à une intoxication aiguë plus grave que celle décrite avec l'héroïne (elle survient pour une dose de 50 mg chez un sujet non accoutumé). De plus, administrée à une posologie excédant 120 mg/j ou chez les patients présentant des facteurs de risque spécifiques (antécédents congénitaux ou acquis, antécédents familiaux de mort subite, pathologie cardiaque évoluée, association à certains antiarythmiques, antipsychotiques, etc.), la méthadone peut induire un allongement de l'intervalle QT et des torsades de pointes.

Détournements

Même s'ils restent rares, les détournements de méthadone sont possibles malgré sa galénique particulière (sirop). Ainsi, environ 17 % des usagers déclarent en faire une utilisation exclusivement détournée, en fréquente association à l'alcool. La méthadone vendue de façon clandestine provient souvent du « surplus » de patients ne consommant pas la totalité des doses délivrées pour leur traitement.

Buprénorphine

Profil pharmacologique

La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs opiacés mu et un antagoniste des récepteurs kappa. Il n'a pas le même profil pharmacologique que l'héroïne ou la méthadone, n'a pas d'effet renforçant et donne lieu à une dépendance bien plus faible. Ce profil explique qu'une augmentation de la posologie induise une augmentation des effets indésirables jusqu'à un seuil plafond : le risque de dépression respiratoire sous buprénorphine, est majoré par la prise de benzodiazépines mais demeure toutefois limité.

Effets indésirables

L'administration de buprénorphine peut induire constipation, maux de tête, troubles du sommeil, nausées et vomissements, sueurs. Si la buprénorphine est pharmacologiquement moins toxique que la méthadone, il importe toutefois de l'utiliser avec précaution chez le sujet insuffisant respiratoire, hépatique ou rénal.

Mode d'administration

La buprénorphine haut dosage s'administre par voie sublinguale, en une prise unique, au moins 24 h après la dernière prise d'opiacés, pour éviter de développer des signes de sevrage. Les comprimés doivent être mis à fondre sous la langue huit à dix minutes, malgré leur amertume.

Posologie

Le traitement est initié à la posologie de 0,8 à 4 mg/jour. La dose d'entretien atteinte progressivement est, selon l'AMM, comprise entre 8 et 16 mg/j. Sur le terrain, la posologie moyenne se situe entre 7 et 10 mg/j. Il importe de vérifier que l'usage du médicament est correct (voie sublinguale) avant de conclure à l'insuffisance de la posologie. Les signes de sous-dosage sont souvent discrets : manque de dynamisme, état anxiodépressif, irritabilité, troubles du sommeil...

Modalités de prescription

La buprénorphine haut dosage est inscrite sur liste I mais elle doit être prescrite sur une ordonnance sécurisée, pour une période de 28 jours au maximum, non renouvelable. Le traitement peut être initié par tout médecin généraliste. La dispensation est fractionnée par périodes de 7 jours, sauf mention expresse du médecin.

Où agissent la méthadone et la buprénorphine ? 1 Les drogues opiacées activent les neurones dopaminergiques mésolimbiques. Cette stimulation induit dans un premier temps un plaisir intense, qui explique la récurrence de la pratique gratifiante et la dépendance. Ces neurones dopaminergiques subissent l'influence d'afférences nombreuses, dont certaines ont comme neuromédiateurs des substances ayant l'action d'opiacés (endorphines) ou de cannabinoïdes (anandamide). 2 Chez un sujet non dépendant aux opiacés, la stimulation des opiorécepteurs est réalisée par les endorphines et l'anandamide. 3 Chez l'héroïnomane, la stimulation dopaminergique est supérieure à la stimulation physiologique. Pour essayer de ressentir des effets toujours aussi gratifiants alors même que ses réserves de dopamine s'épuisent, l'usager de drogues a tendance à en augmenter les doses, et ce d'autant plus que le nombre de récepteurs aux opiacés augmente sur la membrane postsynaptique. Son organisme ne produisant plus d'endorphines (rétrocontrôle négatif), il pérennise sa toxicomanie pour, simplement, éviter le malaise du manque. 4 Buprénorphine et méthadone suppriment le besoin d'héroïne. Après sevrage, l'organisme produit à nouveau des endorphines en quelques jours.

Perspectives thérapeutiques

L'association de buprénorphine et de naloxone, un antagoniste opiacé (Suboxone 2/0,5 mg ou 8/2 mg), devrait arriver sur le marché courant 2008.

Il s'agit d'une forme de buprénorphine moins attractive pour le marché noir. Elle s'utilise, comme la buprénorphine, par voie sublinguale. La naloxone n'est associée à la buprénorphine que pour prévenir le détournement du médicament : elle n'est pas absorbée par voie orale (donc n'a pas d'effet) mais, en cas d'injection par un toxicomane injecteur d'opiacés divers, elle provoque un syndrome de sevrage aigu (douleurs abdominales, douleurs musculaires, diarrhées, anxiété, sueurs) dissuasif. Ces signes sont moindres chez un usager n'ayant d'autre expérience toxicomaniaque que celle de l'injection de buprénorphine.

Des gélules de méthadone devraient être commercialisées d'ici fin 2007. Les gélules seront disponibles en 54 dosages : 1, 5, 10, 20 et 40 mg, en boîtes de 7. Elles ne pourront être prescrites qu'après un an de traitement par méthadone en sirop. n

Les traitements de substitution aux opiacés

conseils aux patients

Insister sur les règles d'administration

Commencer le traitement plusieurs heures (si possible 24 heures) après la dernière prise de stupéfiant : risque de signes de sevrage avec Subutex et d'overdose avec la méthadone.

Ne pas avaler les comprimés de Subutex. Le comprimé est amer, mais il faut le maintenir sous la langue sans le croquer ni le sucer. La dissolution complète dure 5 à 10 minutes.

Prendre les comprimés de Subutex le matin pour éviter un éventuel effet excitant le soir. Ne pas fractionner les prises, source d'échec du traitement.

Respecter strictement la posologie. Un sous-dosage peut provoquer anxiété et état de manque tandis qu'un surdosage entraîne un état de somnolence dans la journée. Dans ces deux cas, inciter à reconsulter.

Rappeler les effets indésirables

Nausées, vomissements et hypotension surviennent souvent en début de traitement et disparaissent généralement au cours des 6 premiers mois.

Hypersudation, constipation, troubles de la libido, insomnies et troubles de l'appétit peuvent persister tout au long du traitement.

Expliquer les bilans biologiques avec la méthadone

Dédramatiser l'aspect « contrôle » et inciter à un suivi rigoureux.

Les analyses urinaires avant et durant le traitement sont destinées à vérifier le dosage de méthadone, voire la présence d'autres produits comme la cocaïne, les amphétamines, les opiacés... Ces analyses ne constituent pas une sanction mais le moyen de fixer des objectifs sur l'évolution des consommations.

Prise en charge psychosociale

Rappeler au patient que la substitution n'est pas un traitement miracle mais un levier pour l'épauler dans une prise en charge globale de la dépendance. Les meilleurs résultats sont obtenus quand elle s'accompagne d'une psychothérapie.

L'inactivité étant souvent source de rechutes, une prise en charge sociale (accès au logement et insertion professionnelle) est nécessaire.

La vie quotidienne

Contraception : le traitement de substitution normalise le cycle menstruel, souvent déficient sous opiacés, et nécessite de reprendre une contraception.

Alimentation : adopter une alimentation riche en fibres, boire 1,5 à 2 litres d'eau par jour et pratiquer une activité physique aide à lutter contre la constipation.

Alcool : éviter la consommation d'alcool (et de médicaments alcoolisés) qui potentialise les effets de somnolence et le risque de dépression respiratoire. Mettre en garde les conducteurs contre le risque de somnolence, particulièrement en cas d'association à l'alcool.

Sommeil : s'endormir sur une serviette éponge peut diminuer la gêne provoquée par l'hypersudation nocturne.

Voyages : emporter avec son traitement l'original de l'ordonnance qui peut être réclamé aux postes de frontières, ainsi qu'un certificat médical établi par la DASS, précisant les quantités de médicament stupéfiant qui peuvent être transportées.

Associations à risque : prévenir du risque accru de dépression respiratoire en cas d'associations à d'autres médicaments. Insister sur le respect des posologies de benzodiazépines mais aussi d'antihistaminiques H1 sédatifs ou d'antalgiques et antitussifs morphiniques.

Arrêter le traitement

Certains patients bien équilibrés sous substitution sont tentés d'arrêter, « pour voir »... Rappeler que :

l'arrêt brutal peut provoquer un syndrome de sevrage, parfois retardé ;

l'arrêt doit se faire par diminution progressive des doses ;

pendant la diminution des doses, des symptômes du manque peuvent réapparaître et nécessiter un retour transitoire à une dose supérieure ;

certains symptômes douloureux (dentaires, articulaires...) masqués par le traitement peuvent resurgir à l'arrêt.

Quand le mésusage est manifeste

Il est utile de rappeler aussi souvent que possible :

que l'injection expose à des complications graves : dépressions respiratoires mortelles, hépatites aiguës mortelles, complications septiques (abcès, thrombophlébites, nécroses, mycoses, VHC, VIH...) ;

que l'association « improvisée » Subutex-méthadone ne potentialise pas les effets ; au contraire, les deux molécules entrent en compétition, d'où une diminution de l'effet et un syndrome de sevrage.

Orienter le patient vers un centre d'accueil pour toxicomanes où médecins et travailleurs sociaux offrent une aide personnalisée. Il est possible que le médecin revienne temporairement à une délivrance quotidienne aussi bien pour la méthadone que pour la buprénorphine haut dosage.

Soutenir l'entourage

La qualité de l'environnement familial est primordiale pour la réussite du sevrage. Accompagner l'entourage en :

informant sur les modalités, les effets indésirables, la durée parfois très longue des traitements et la possibilité de rechutes ;

incitant à la mise en place d'une thérapie familiale et/ou à briser l'isolement en s'adressant à une association spécialisée.

documentez-vous

Drogues et dépendances

http://www.drogues-dependance.fr

Ce site institutionnel, créé sous l'égide de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), s'articule en trois points : s'informer (qu'est-ce qu'une substance psychoactive ? l'action des drogues sur le cerveau), connaître les principaux produits (cannabis, héroïne...) et comment faire face à la consommation (avec en particulier les lignes téléphoniques utiles). Une synthèse qui existe à la base sous forme d'ouvrage papier téléchargeable ou qui peut être commandée à l'unité auprès de Drogues Info Service (01 70 23 13 13 ).

Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution

http://www.has-sante.fr, onglet « Recommandations professionnelles »

Cette conférence de consensus date de Juin 2004. Elle aborde les finalités et les résultats attendus des traitements de substitution des opiacés, les résultats réellement obtenus, les indications des médicaments de substitution des opiacés, les modalités de prise en charge, quand et comment les modalités d'un traitement de substitution des opiacés doivent être adaptées en pratique et comment promouvoir la qualité des pratiques professionnelles dans la prise en charge des patients bénéficiant d'un traitement de substitution des opiacés.

Auto-support des usagers de drogue

http://www.asud.org

L'envers du décor : ASUD est un site destiné aux usagers et ex-usagers de drogues, dont la finalité est une politique de réduction des risques en matière de drogue. Divers documents sont d'ailleurs disponibles sur le site. En allant faire un tour sur le forum, on mesure mieux le parcours du combattant des utilisateurs de produits de substitution, leur lutte de tous les jours pour s'en sortir. Le langage est souvent cru mais cela donne une idée du vécu difficile des drogués ou anciens drogués.

Ce qu'il faut retenir

L'usage d'héroïne peut induire plusieurs types de complications : infectieuses (contamination par le VIH ou le VHC, abcès au site d'injection), embolies pulmonaires ou intoxications dues aux substances de coupe, complications somatiques (respiratoires, thrombophlébites...) et psychiatriques.

La dépendance se traduit par la survenue d'un syndrome de manque en cas d'arrêt brutal de la consommation d'héroïne.

Le traitement de substitution aux opiacés doit toujours être accompagné d'un suivi éducatif et psychosocial.

La méthadone se présente sous forme de sirop unidose. Sa prescription initiale est réservée aux centres de soins spécialisés en toxicomanie (CSST) et aux établissements de santé. Une fois le patient stabilisé, le renouvellement peut être fait par un médecin de ville en relais. La prescription est établie pour 14 jours au maximum, non renouvelable.

La buprénorphine haut dosage peut être initiée par tout médecin généraliste, mais l'affiliation à un réseau est recommandée. La prescription se fait pour 28 jours au maximum, non renouvelable. Les comprimés doivent se prendre le matin en une seule prise, par voie sublinguale. La dissolution du comprimé nécessite entre 5 et 10 minutes.

Pour ces deux produits, la prescription doit se faire sur une ordonnance sécurisée. La dispensation doit être fractionnée par période de 7 jours, sauf mention expresse du prescripteur.

Principaux effets indésirables des traitements de substitution : sudation, somnolence, vomissements, constipation, hypotension artérielle.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Ordonnance 1

Docteur Yves Lamarque

Médecin généraliste

3, rue des Saules

78000 Versailles

Tél. : 01 41 29 75 78

78 1 09999

Sur rendez-vous

Le 15 juin 2007

Benjamin V.,

Izilox : 1 comprimé par jour pendant 5 jours

Derinox : 1 pulvérisation 3 fois par jour

Radio des sinus face-profil

Benjamin V. est sous méthadone, 60 mg/jour, depuis plusieurs mois.

Ordonnance 2

Docteur Eric Podes

Médecin généraliste

44, place Gambetta

75020 Paris

Tél. : 01 41 29 75 78

75 1 00099

Sur rendez-vous

Le 18 juin 2007

Manuel G.,

24 ans

Subutex deux mg : un comprimé matin et soir. Traitement pour 28 jours. Délivrance en 1 seule fois.

Ordonnance 1 : Non. L'association - déconseillée - de la moxifloxacine à la méthadone est susceptible d'entraîner des torsades de pointes, potentiellement graves. Si le médecin souhaite maintenir la prescription d'une quinolone, il pourra choisir la lévofloxacine (Tavanic), qui ne possède pas d'interaction avec la méthadone. L'avantage d'une fluoroquinolone dans le traitement d'une sinusite est son activité en particulier sur Streptococcus pneumoniæ de sensibilité diminuée à la pénicilline, ainsi que sa bonne diffusion tissulaire qui permet une prise unique par jour et un traitement court (5 à 7 jours).

Ordonnance 2 : Oui, mais la prise de Subutex ne doit pas être fractionnée matin et soir. Les deux comprimés doivent être pris ensemble le matin et mis à fondre sous la langue pendant 5 à 10 minutes. La délivrance en une seule fois étant expressément mentionnée, il est possible de délivrer 8 boîtes de Subutex.

Evaluez vos connaissances

Le nombre d'héroïnomanes est d'environ 15 000 à 18 000 en France.

L'héroïne peut être injectée, sniffée ou fumée.

L'intoxication aiguë se traduit par une mydriase bilatérale, une hypertension artérielle, des spasmes et douleurs musculaires violentes.

La buprénorphine haut dosage s'administre toujours en deux prises.

Un surdosage en méthadone peut induire des troubles cardiaques graves.

Depuis janvier 2006, la prescription de méthadone peut être initiée par tout médecin généraliste.

Subutex doit être délivré par période de 7 jours au maximum, sauf mention expresse du prescripteur.

Reponses 1. faux ; 2. vrai ; 3. faux ; 4. faux ; 5. vrai ; 6. faux ; 7. vrai.

LES CHIFFRES

Entre 150 000 et 180 000 usagers réguliers d'héroïne en France.

1 % des 17-18 ans ont expérimenté au moins une fois l'héroïne (2003).

Plus de 60 % des héroïnomanes ont plus de 25 ans et plus de 80 % sont des hommes.

2 170 usagers-revendeurs et trafiquants d'héroïne interpellés en 2005.

Saisies de l'ordre de 700 à 800 kg d'héroïne par an.

Prix de un gramme d'héroïne brune compris entre 35 et 50 euros.

Décès par intoxication aiguë à l'héroïne de l'ordre de 30 personnes/an.

Détournements de buprénorphine

Environ 85 000 patients sont sous buprénorphine haut dosage et 23 000 sous méthadone. Plus de 95 % des usagers de buprénorphine y recourent dans un condiv médical. Toutefois, les détournements s'intensifient et le trafic s'est structuré depuis quelques années.

L'injection IV des comprimés broyés concerne jusqu'à 30 % des usagers, et environ 17 % d'entre eux snifferaient les comprimés écrasés. Outre un risque de contamination microbienne, l'injection accentue le risque de dépression respiratoire, particulièrement en cas d'association à l'alcool ou aux benzodiazépines.

L'Afssaps a révisé les recommandations d'usage de la buprénorphine haut dosage en 2003 et a diffusé un plan de gestion du risque de détournement en 2007 : suivi médical régulier des patients, adaptation posologique pour prévenir toute manifestation de manque d'héroïne, dispensation fractionnée (voire quotidienne) du médicament par un pharmacien référent, information sur les dangers de l'usage détourné de ce produit, soutien psychologique des patients, insertion dans un réseau.

Principales contre-indications

Contre-indications communes

Age #lt; 15 ans.

Insuffisance respiratoire sévère.

Méthadone

Intolérance au fructose, syndrome de malabsorption du glucose et du galactose ou de déficit en sucrase-isomaltase (saccharose dans l'excipient).

Buprénorphine

Insuffisance hépatique sévère

Intoxication alcoolique aiguë, delirium.

Allaitement.

point de vue : « Idéalement, le traitement doit se poursuivre 5 à 10 ans »

Entre méthadone et Subutex, quels sont les critères de choix d'un traitement de substitution ?

Il n'y a pas de critères objectifs qui permettent le choix du traitement. La méthadone est souvent prescrite lorsque les comorbidités psychiatriques sont plus graves, mais il n'y a aucune justification à cela. Globalement, quel que soit le traitement, les résultats sont positifs pour plus de 50 % des patients. Ceci dit, un patient peut très bien répondre mieux à l'un des deux traitements, mais c'est une constatation a posteriori, il n'y a pas de facteurs prédictifs. Le choix se fait donc en tenant compte de l'accessibilité au traitement, le Subutex pouvant être prescrit par tout généraliste, et des effets indésirables, sachant que la buprénorphine ne présente pas de risque mortel en cas de surdosage, contrairement à la méthadone. Le dernier critère est celui du prix, qui peut faire privilégier la méthadone, bien moins onéreuse que la buprénorphine.

Les traitements de substitution sont-ils parfois poursuivis à vie ?

La plupart des patients n'ont pas besoin de traitement à vie. Idéalement, le traitement doit se poursuivre 5 à 10 ans. Bien souvent, le patient en a lui-même assez et le traitement est arrêté au bout d'un an ou deux, donc bien trop tôt, ce qui est source de rechutes et de reprise du traitement. On a d'autant plus de chance d'arrêter définitivement qu'on n'arrête pas trop tôt. Le cerveau est un organe qui cicatrise très lentement !

Pour les patients sous méthadone, est-il préférable de les « passer » d'abord sous Subutex avant d'arrêter définitivement ?

Non, ce n'est pas pertinent. On a parfois avancé le fait que la buprénorphine étant un agoniste partiel, le sevrage serait plus facile. En réalité, quelle que soit la molécule, les manifestations du sevrage ne sont pas ce qui empêche le patient d'arrêter. Alors, on ne change pas une équipe qui gagne ! Si le patient est bien sous méthadone et qu'un arrêt peut être envisagé, il ne faut pas prendre le risque de prescrire de la buprénorphine, qui lui conviendra peut-être moins bien.

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