A la tribune, citoyens pharmaciens ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2683 du 23/06/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2683 du 23/06/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Les législatives sont passées par là. Les dossiers chauds restent. Deux pharmaciens députés ont accepté d'aborder les sujets qui fâchent. L'un est de gauche, l'autre de droite. En dépit de sensibilités différentes, certains points de vue convergent.

« Le Moniteur » : Comment pensez-vous pouvoir agir pour la profession ?

Catherine Lemorton (PS) : Durant la campagne électorale, j'ai pu mesurer combien les questions liées à la santé étaient prioritaires pour les citoyens. Les difficultés d'accès au système de soins sont patentes. Les patients ont l'impression qu'il faut toujours payer plus pour des soins de moins bonne qualité. Je me battrai pour redonner de la valeur au métier de pharmacien. L'officine doit rester un lieu d'échange et d'écoute.

Jean-Marc Roubaud (UMP) : Je vais défendre le respect de l'équilibre économique de la profession. Je souhaite que l'on sorte du système de financement de l'assurance maladie tel qu'il est proposé chaque année au Parlement. Il n'apporte jamais aucune solution, même si nous avons évité jusque-là l'explosion du déficit. Il faut une réforme abordant de manière concrète l'hôpital, lequel représente 60 % du problème. Je travaillerai dans ce sens.

Hors micro, tous les bords politiques s'accordent à dire que la France devra ouvrir le capital de ses pharmacies suite à l'injonction européenne car le gouvernement ne prendra pas le risque d'une condamnation. Les pouvoirs publics sont-ils encore en mesure d'infléchir Bruxelles ?

C.L. : Infléchir cette tendance européenne sera très difficile. Nous allons tout droit vers la privatisation des soins avec l'ouverture du capital des pharmacies. Je suis évidemment contre cette dérive, mais les pharmaciens ne peuvent pas être dédouanés de leurs erreurs. Nous sommes en partie responsables de ce qui va nous tomber dessus. L'officine a trop dérivé vers le côté commercial pour ne pas attirer les intérêts de toutes sortes. On connaît la difficulté pour les pharmaciens de s'unir pour agir. La profession a toujours du mal à se faire entendre au plus haut niveau. Il faut monter au créneau pour que cette évolution ne se fasse pas sans les pharmaciens. Je porterai ce débat en tant qu'élue car il en va de l'égalité des soins sur notre territoire. Les pharmacies représentent un réseau et un maillage irremplaçable. L'ouverture du capital me fait très peur si elle est permise aux laboratoires. Si l'on nous impose des marchés pour alimenter des fonds de pension américains, vous imaginez les dégâts. Beaucoup de pharmacies, notamment rurales, seront menacées.

J.-M.R. : Personnellement je ne suis pas favorable à cette ouverture. Le Président a émis des réserves à ce sujet. Nous pouvons aussi faire valoir un point de vue franco-français.

Les réseaux de sociétés d'exercice libéral se multiplient. Est-ce le premier pas vers des chaînes de pharmacies, et jusqu'où aller ?

C.L. : Sans doute faut-il imaginer de nouvelles formes d'officines mieux adaptées aux demandes des clients et à l'évolution de l'économie. Mais laissons les pharmaciens organiser leur avenir. Ils sauront évoluer et proposer les garde-fous nécessaires pour que la profession ne devienne pas une activité économique comme une autre avec le profit pour simple finalité. Nous sommes à la croisée des chemins. Il faut légiférer et veiller à conserver le numerus clausus.

J.-M.R. : L'économie des officines s'essouffle. Je ne serais pas choqué par des chaînes de pharmacies. Elles existent ailleurs et les citoyens n'y sont pas moins bien soignés. Les SEL comme moyen pour devenir propriétaire ou pour améliorer ses revenus ? Pourquoi pas ? Cependant, les objectifs de chiffre d'affaires, de rentabilité et les impératifs commerciaux ne doivent pas primer dans l'officine. Le pharmacien est certes un chef d'entreprise, mais il est avant tout un professionnel de santé.

Seriez-vous prêt à appuyer un div favorable au regroupement des officines ?

C.L. : Je ne suis pas contre, mais chaque pharmacien doit pouvoir garder sa liberté. Je pense qu'il faut plutôt favoriser les transferts pour tenir compte des mutations de population.

J.-M.R. : Bien sûr, notamment dans les endroits où des licences ont été accordées alors que les officines sont trop nombreuses, avec des chiffres d'affaires relativement bas. Le regroupement favoriserait alors la qualité d'un service de proximité, pharmaceutique et public.

Quelle est votre position sur les ONDAM ?

C.L. : Il faut sortir de ce double traitement. A l'heure des baisses de marges, les médecins sont augmentés et les pharmaciens « punis ». Il est nécessaire d'organiser un meilleur partenariat entre le public et le privé pour que chaque acteur de santé prenne sa part et soit rémunéré à sa juste valeur. Les objectifs de dépenses sont à reconsidérer dans leur ensemble.

J.-M.R. : Il ne faut plus toucher à l'économie de l'officine. Le pharmacien a déjà largement apporté sa contribution à l'ONDAM. Il s'est impliqué fortement au niveau des génériques. L'officine ne pourrait pas supporter de nouvelles mesures. Depuis des années, nos charges n'ont cessé d'augmenter en même temps que les dépenses en médicaments diminuaient. Il y a une approche uniquement comptable de la situation et ce n'est pas réaliste. Le médicament est un enjeu majeur, notamment en termes de plein emploi et de capacités d'investissement dans la formation. Le terme de rationalisation des dépenses de santé est le bon : il faut alors envisager les réponses appropriées.

Etes-vous prêt à défendre le paiement à l'acte pour le pharmacien ?

C.L. : Il doit à l'évidence être étudié. S'investir dans des réseaux de soins par exemple exige beaucoup de temps. Il s'agit aussi d'un véritable travail social non pris en compte. Celui ou celle qui veut bien le faire est pénalisé car cet acte n'est aujourd'hui pas reconnu.

J.-M.R. : C'est un vrai débat. Le rôle purement commercial ne doit pas être l'avenir du pharmacien. Celui-ci doit être un acteur à part entière du système de soin. Il n'est pas utile d'avoir fait dix ans de médecine pour contrôler une tension chez un adulte ou lui faire un vaccin contre la grippe par exemple. Ce sont des actes que le pharmacien peut parfaitement assumer avec une rémunération inférieure à ce que cela coûte habituellement à la Sécurité sociale.

La mise en place des différentes franchises et la lutte contre les abus et les fraudes vous paraissent-elle de nature à permettre l'équilibre de l'assurance maladie ?

C.L. : Elle est inadmissible. On culpabilise les patients alors que les abus et les fraudes restent marginaux. Il vaudrait mieux agir pour créer de l'emploi afin que les cotisations sociales alimentent les caisses de l'assurance maladie. J'espère d'ailleurs faire partie de la commission parlementaire sur la protection sociale.

J.-M.R : D'un point de vue pratique, je préférerais une franchise globale calquée sur le revenu. Je ne serais pas choqué que ceux qui gagnent 5 000 Û par mois paient une franchise de 100 Û. La mise en place des quatre franchises pour tous me paraît plus compliquée à gérer.

L'assouplissement des 35 heures a-t-il un sens à l'officine ?

C.L. : La Loi Aubry sur les 35 heures était trop rigide. L'assouplissement actuel peut bien sûr être intéressant pour les officines. Je suis pour les heures supplémentaires, mais avec les cotisations sociales qui vont avec, sinon on favorise le travail au noir.

J.-M.R : C'est une bonne chose car on ne peut pas travailler correctement avec un personnel à flux tendu. Il serait donc bénéfique de libérer des heures supplémentaires, eu égard à l'amplitude horaire des officines. Beaucoup sont ouvertes plus de cinquante heures par semaine. Ce serait l'occasion pour les titulaires de donner des heures, sans supporter de charges et sans impôt pour le salarié.

Catherine Lemorton

45 ans, est associée à Toulouse en centre-ville. Engagée dans la vie associative et les réseaux, elle a adhéré au Parti socialiste après le 22 avril 2002. Dans une circonscription réputée imprenable, elle a battu le maire de Toulouse, le centriste Jean-Luc Moudenc (avec 54,55 % des voix contre 45,45 %).

Jean-Marc Roubaud

était déjà député. Il est le maire UMP de Villeneuve-lès-Avignon (Gard). Il continue de travailler à temps partiel dans son officine, en venant tous les jours, tôt le matin, et le samedi. Le reste du temps, il se consacre à ses dossiers politiques.

Ils sont pharmaciens, préparateurs et députés

Dix pharmaciens et un préparateur vont siéger à l''Assemblée nationale : Gérard Cherpion (UMP, Vosges), Cécile Gallez (UMP, Nord), suppléante de Jean-Louis Borloo, Louis Guédon (UMP, Vendée), Michel Heinrich (UMP, Vosges), Paul Janneteau (UMP, Maine-et-Loire), suppléant de Roselyne Bachelot-Narquin, Pierre Lang (UMP, Moselle), Catherine Lemorton (PS, Haute-Garonne), Jean-Marc Roubaud (UMP, Gard), Jean-Sébastien Vialatte (UMP, Var), Philippe Vigier (Nouveau-Centre, Eure-et-Loir). Le préparateur élu est Jean-François Chossy (UMP, Loire).

Ces chiffres sont à mettre en perspective avec les 33 médecins élus ou réélus députés.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !