L'Europe affolée par les contrefaçons - Le Moniteur des Pharmacies n° 2678 du 19/05/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2678 du 19/05/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Les premières Rencontres parlementaires européennes sur les médicaments, lundi dernier à Bruxelles, ont mis la contrefaçon à l'ordre du jour. L'explosion des saisies aux portes de l'UE laisse à penser que nos marchés florissants sont désormais visés.

Plus 380 % ! C'est la hausse annuelle des saisies effectuées par les douanes européennes aux portes de l'UE, des données « terrifiantes », a révélé lundi Miroslaw Zielinski, directeur de la politique douanière de la DG Fiscalité et Union douanière de la Commission européenne. L'Inde en étant la source principale, devant les Emirats arabes unis. Selon lui, l'importance croissante des prises laisse à penser qu'un nombre croissant de produits pharmaceutiques passe aussi au travers des mailles du filet. « Pendant longtemps, on a surtout essayé de ne pas trop en parler, a admis en ouverture Jean-François Dehecq, président de Sanofi-Aventis. On se disait que ça allait affoler le citoyen. Mais à force de ne pas en parler, on est face à un vrai problème de santé publique. » D'autant que le crime organisé a repris ce marché à une échelle industrielle. Il faut dire que les contrefaçons de médicaments seraient 25 fois plus rentables que le trafic d'héroïne, 5 fois plus que celui des cigarettes...

Autre préoccupation exprimée par John Bowis, député européen, coordinateur du groupe PPE (droite européenne) au Parlement pour la commission de la Santé publique : « Certes la contrefaçon est (officiellement) inférieure à 1 % dans les pays occidentaux, mais elle représente 50 % des produits qui y sont vendus sur Internet ! ». D'où la nécessité pour les médias et professionnels de santé d'informer inlassablement le public. Une autre idée évoquée par Thomas Thorp, directeur des Affaires européennes de Lilly : empêcher les moteurs de recherche de recenser les sites proposant des médicaments de façon sauvage. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement a recensé un million de sites de ce type après avoir fait tourner ses ordinateurs quelques heures...

L'ensemble des acteurs réclament désormais que la contrefaçon de médicament ne relève plus de la violation des droits de propriété intellectuelle, comme celle des tee-shirts ou des DVD..., mais soit considérée comme un crime. Le Conseil de l'Europe, qui travaille sur une convention internationale (avec un définition commune de la contrefaçon de médicament, des sanctions, une coopération internationale), aimerait in fine la voir signée par le Conseil des ministres européens (les ministres des Etats membres).

Gare à ses fournisseurs

Il faut « resserrer la chaîne de distribution sur les médicaments « de confort », estime Greg Perry, directeur de l'European Generic Medicines Association. Ceux qui sont prioritairement visés par les contrefacteurs en Europe. De son côté, Celesio propose une norme commune de certification des fabricants, grossistes, détaillants, importateurs et pharmaciens. Avec à la clé une liste noire des entreprises cherchant à la contourner. En tout état de cause, les distributeurs et pharmaciens sont appelés à prendre garde à leurs fournisseurs, notamment dans le cadre de ventes directes et surtout des importations parallèles (impliquant un repackaging qualifié de dangereux) qui, à en croire les industriels, passent pour la faille numéro un dans notre système en matière de contrefaçons. L'absence totale de contrôle de la chaîne d'approvisionnement en ce qui concerne les appareils médicaux et de diagnostic a aussi été rappelée.

Autre point préoccupant, les fournisseurs de principes actifs, les API (Active pharmaceutical ingredients), plus ou moins fiables : des API peuvent être achetés à un fournisseur exclusif de tel laboratoire, d'autres être des achats réalisés « sur le marché des fabricants d'API », ou encore avoir été achetés par une compagnie pharmaceutique par le biais d'intermédiaires... « Dans certains cas, nous ne savons pas d'où viennent ces API. Peut-être d'une obscure usine chinoise, avoue Chris Oldenhof, membre de l'Active pharmaceutical ingredients Commitee. Peut-être que l'on ne sait pas que certains ingrédients sont contrefaits. Parfois, les tests ne sont pas capables de le détecter, il en faut de plus pointus qui ne sont utilisés qu'en cas de suspicion. »

La gêne des industriels

Les industriels se montrent aujourd'hui en première ligne sur ce dossier, mais les douanes l'ont toujours dit (voir notamment les « Moniteur » n° 2473 et 2543), ils sont restés jusqu'ici sur la défensive, notamment de peur de préjudices d'image et commerciaux. D'où, pendant des années, leur peu d'entrain à demander des saisies. Graham Smith, de l'Efpia (représentant les industriels de la pharmacie au niveau européen) aura évoqué « un manque de position claire de la part de l'industrie européenne ».

Le groupe IMPACT (International medical products anticounterfeiting taskforce, de l'OMS), suggère ainsi que « la technologie, le « track and trace » permette de saisir des produits sans intervention du titulaire des droits de propriété intellectuelle. Encore faudrait-il, là aussi, une adaptation du droit pénal et un marquage de tous les médicaments selon les mêmes standards. Certes la technologie RFID n'apparaît pas encore applicable au médicament. Mais un représentant de la société Aegate a expliqué comment, en accord avec l'Association pharmaceutique belge, l'identification des numéros de lots, basée sur la technologie des cartes bancaires, assez simple et somme toute bon marché, permet au pharmacien de voir apparaître, au moment du scan du code barres, un message d'alerte sur son écran en présence de date de péremption dépassée, de médicament contrefait, volé, de produit rappelé... Le système pourrait être élargi à la Grèce et à l'Italie.

La Commission européenne reste vague

Pourquoi donc les laboratoires ne généralisent-ils pas les systèmes de marquage, de « track and trace » ? « Cela ne suffira pas à résoudre le problème, argumente Jim Christian, directeur corporate de la sécurité chez Novartis, qui ajoute que l'objectif de la technologie bancaire n'est que de réduire la fraude à 5 % et que l'on a des cas de repackagings de contrefaçons avec de « bonnes boîtes ». Certes. Mais il semble que certains laboratoires pharmaceutiques, parmi les plus importants, auraient déjà mis en place des systèmes de traçabilité allant jusqu'au blister. Un système connu uniquement de quelques-uns en interne. N'oublions pas que l'obligation d'information du consommateur fait partie de l'obligation de sécurité produits. Peut-être vaut-il mieux parfois officiellement ne pas savoir... La même source indiquait au « Moniteur » que la plupart des laboratoires avaient détecté des contrefaçons de leurs produits sur le marché européen.

Il faut aussi admettre par ailleurs que développer l'usage de ces technologies sera faisable en Europe mais pas dans les pays pauvres. Là, la solution passera avant tout par l'accessibilité des plus démunis au médicament : « L'industrie pharmaceutique ne peut pas se contenter d'atteindre 20 % de la population mondiale », a admis Jean-François Dehecq. Un problème de fond...

In fine, Günter Verheugen, vice-président de la Commission européenne annonce des mesures pour... 2008. « Nous pouvons dire que nous avons la volonté politique, a conclu Françoise Grossetête, députée européenne française membre de la commission de l'Environnement, de la Santé publique et de la Sécurité alimentaire, à l'initiative de ces premières Rencontres parlementaires sur le médicament. A l'UE maintenant de promouvoir une convention internationale sur le sujet (Ndlr, que les Etats signeraient), voire d'exercer des pressions diplomatiques sur les pays laxistes. » Nous verrons.

En attendant, notre bonne couverture d'assurance maladie, l'accessibilité aux produits, et des prix modérés sur le médicament hors ordonnance, sont ce qui nous protège le mieux de la contrefaçon.

Chiffres

- Les douanes indiquent avoir saisi près de 600 000 médicaments contrefaits en 2006 contre 16 500 en 2005.

- 7 % des médicaments mis en circulation dans le monde sont de moindre qualité.

- 5 % des médicaments vendus en officine en Grande-Bretagne sont des faux.

- 50 % des produits vendus sur Internet sont des faux selon l'OMS.

- 40 milliards de dollars en 2005 ; 75 milliards d'ici 2010 : soit l'estimation du marché de la contrefaçon médicamenteuse dans le monde.

- Dans le monde, 28 % des médicaments contrefaits sont des des antibiotiques, 18 % des hormones et stéroïdes, 6 % des anti-asthmatiques et antiallergiques, 7 % des antipaludéens.

- 40 % des médicaments contrefaits sont écoulés dans les pays développés selon l'OMS.

- 38 % des antipaludéens distribués en Asie du Sud-Est sont sans principe actif.

- 58 000 boîtes d'un produit cardiovasculaire à destination de l'Europe viennent d'être saisis.

Dernières péripéties

- 49 790 contrefaçons de Viagra en transit entre l'Inde et la République dominicaine ont été saisies le 11 mai par les Douanes de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.

- Deux personnes arrêtées en Suède dans le cadre d'un trafic de faux rimonabant (Acomplia), vont être extradées en France, a-t-on appris lundi. A l'origine, un vaste coup de filet avait été opéré en France, Roumanie, Suède, au Danemark et aux Pays-Bas, sous la coordination d'Eurojust, l'agence de coopération judiciaire de l'UE.

- Le 15 mai, une filière de trafic de médicaments vétérinaires a été démantelée. Un hangar de 30 m de long sur 5 m de haut remplis de médicaments a notamment été découvert dans l'Oise. Une partie est constituée de contrefaçons.

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