Le nouvel eldorado - Le Moniteur des Pharmacies n° 2676 du 05/05/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2676 du 05/05/2007
 

Actualité

Enquête

D'ici l'été, les premiers médicaments d'importation parallèle seront disponibles en France. La Sécurité sociale est censée faire des économies et les officinaux récupérer de la marge. Les laboratoires, eux, s'inquiètent et contingentent.

Si un importateur parallèle vous propose de meilleures conditions commerciales (prix d'achat, remises) que vos fournisseurs actuels, seriez-vous prêt à lui commander en direct des médicaments remboursables issus d'autres pays de l'Union européenne ?

Après les génériques, les Français vont devoir s'habituer aux médicaments d'importation parallèle. Non, il ne s'agit pas d'un marché noir d'un nouveau genre ou d'un trafic de spécialités contrefaites, mais bel et bien de spécialités dûment autorisées à être prescrites et délivrées sur le sol français. A condition de venir d'un autre pays de l'Espace économique européen. Les premières autorisations d'importation parallèle (AIP) ont été données par l'Afssaps. Les spécialités, qui seront reconnaissables à leur code débutant par le chiffre 4, devront avoir un conditionnement le plus proche possible des spécialités françaises, ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres pays européens.

Ces spécialités seront soit totalement repackagées (quand la contenance est différente entre la boîte commercialisée en France et son double importé), soit simplement stickées et réétiquetées. Dans les deux cas, une notice en français sera mise à disposition. Pour les patients, la différence ne devrait pas être flagrante si on en croit un importateur. Ce qui est de nature à faciliter la tâche des pharmaciens au comptoir. Tout comme l'origine des médicaments, actuellement issus des pays du sud de l'Europe. Faire venir des spécialités commercialisées de Lettonie ou de République tchèque serait autorisé. Mais les importateurs craignent que cela donne une mauvaise image aux spécialités en question. Une fois le marché mûr, ce sera sûrement une autre chanson...

Si cela était possible, seriez-vous prêt à vous fournir en médicaments en dehors de l'Union européenne ?

12 % du marché britanique, 7-8 % du marché allemand !

Les prix des médicaments importés seront forcément inférieurs à leurs équivalents français mais la différence sera minime. Exemples : 127,19 Euro(s) pour l'Arimidex importé contre 127,79 Euro(s)pour le prix France ; 26,03 Euro(s) pour le Coversyl contre 27,45 Euro(s) ; 29,97 Euro(s) pour le Permixon contre 30,38 Euro(s). Tout ça pour ça ? Le Comité économique des produits de santé n'envisage en effet pas de grosse décote, de peur que cela soit considéré comme une entrave au commerce communautaire. Il n'empêche, les importations parallèles représentent une petite révolution chez nous. Nos voisins nordiques les pratiquent, eux, depuis plus de vingt ans. Le marché pèserait entre 3 et 4 milliards d'euros en Europe.

Les pays qui ouvrent le plus leurs frontières aux importations parallèles sont le Royaume-Uni (12 à 13 % du marché) et l'Allemagne (7 à 8,8 % selon les sources). Avec dans les deux cas de fortes pressions sur les pharmaciens. Outre-Rhin, les caisses d'assurance maladie les obligent à délivrer au moins 5 % de médicaments importés (voir p. 38). Outre-Manche, les pharmaciens, sommés de reverser une commission sur le chiffre d'affaires annuel réalisé sur le médicament remboursable, n'ont guère d'autre choix que de privilégier les spécialités importées, dont les marges sont plus intéressantes.

La France s'est longtemps fait tirer l'oreille par Bruxelles avant d'autoriser les importations parallèles. Après plusieurs avertissements et des menaces de pénalités, des divs législatifs ont enfin été publiés en 2004. Ils vont permettre à l'Assurance maladie d'exploiter un nouveau gisement d'économies, en profitant des différences de prix observées à travers l'Europe pour de mêmes spécialités.

Etes-vous favorable à un prix fabricant unique au niveau européen ?

3 à 4 % du marché français d'ici 3 ans ?

L'Espagne, le Portugal et la Grèce sont réputés pour leurs prix bas et c'est principalement là-bas que les importateurs vont faire leur marché. La France est dans la moyenne. « Au niveau européen, le différentiel de prix peut aller au-delà de 50 %. En France, les niveaux de prix ne sont pas les plus hauts du marché européen mais il y a tout de même des possibilités », indique Guillaume Perruchot, directeur général de Pharma Lab. Cette filiale du groupe CERP Lorraine est la première société française à se lancer sur notre marché. « Avant l'été », assure Guillaume Perruchot. Pharma Lab a déjà obtenu quatre AIP, notamment pour du Permixon et de l'Ogast en provenance du Portugal et du Coversyl espagnol ! D'autres demandes sont actuellement examinées. Gilles Coupeaud, de Pharmajet, attend de voir, guère convaincu par ce marché : « Nous n'avons pas encore présenté de demandes d'AIP. Nous le ferons peut-être l'année prochaine... »

Daniel Galas, qui dirige la CERP Bretagne Nord et qui préside la CERP France, en parle comme d'une fausse bonne idée, les différences de prix avec les spécialités françaises n'étant pas assez élevées « pour que le jeu en vaille la chandelle, eu égard aux surcoûts liés au transport, au repackaging... ». Et de poursuivre : « Partout en Europe les laboratoires contingentent et ils sont assez efficaces pour empêcher le commerce parallèle. En France, les volumes traités seront minimes, les économies aussi. Pas question de faire la guerre aux laboratoires en faisant des importations parallèles. Au contraire, je souhaite de meilleures relations avec nos partenaires industriels. Qu'ils nous fassent plus confiance en assouplissant leur politique de contingentement en France. »

En Espagne, pour contrecarrer les importations parallèles, les industriels ont obtenu du gouvernement la mise en place d'un « dual pricing ». Un grossiste qui passe commande à un laboratoire pour approvisionner le marché espagnol bénéficie d'une remise sur le prix plus élevé de départ. Dans le cas contraire, il doit payer plein pot. Efficace ? « Les importations parallèles n'ont pas baissé d'un iota et des racoleurs passent dans les pharmacies, les hôpitaux ou chez les médecins pour racheter quelques unités et les exporter ! Le contingentement et le "dual pricing" ne sont pas efficaces pour lutter contre elles ! Le seul moyen, c'est de supprimer les mesures incitatives comme en Allemagne ou au Royaume-Uni », indique René Jenny, président du Groupement international de la répartition pharmaceutique. Pour endiguer le phénomène, les laboratoires brandissent aussi le risque de contrefaçon. « Depuis 1976, année de création de notre métier, il n'y a jamais eu un seul cas avéré », réagit Guillaume Perruchot.

Estimez-vous que les importations parallèles au sein de l'Union européenne présentent un risque de contrefaçons ?

Le potentiel du marché français demeure difficile à évaluer. « Nous voulons le créer et voir comment ils évoluent dans le temps. Une chose est sûre, nous ne prendrons jamais 50 % des ventes aux spécialités nationales. Nous visons quelques pourcentages au début », continue-t-il. Selon l'Association européenne des distributeurs parallèles de médicaments en Europe (EAEPC), les importations parallèles devraient atteindre 3 à 4 % des ventes de médicaments en France d'ici trois ans.

Pharma Lab table sur 1 000 officines françaises clientes

L'impact sur l'assurance maladie est également difficile à estimer. « Si le marché se met en place, on pourra espérer quelques dizaines de millions d'euros d'économies par an », prédit Guillaume Perruchot. A titre de comparaison, l'University of Southern Denmark a fait paraître en juin 2006 une étude concluant que le commerce parallèle était une source d'économies pour les consommateurs et les organismes d'assurance maladie. Sur les quatre pays étudiés (Angleterre, Allemagne, Suède et Danemark), les économies directes se sont élevées à 441,5 millions pour la seule année 2004.

Des économies directes, dues au différentiel de prix, mais aussi indirectes, en raison des baisses volontaires du prix des spécialités attaquées. « Au Royaume-Uni, l'an dernier, certaines ont baissé leurs prix de 70 % ! », témoigne Gilles Coupeaud. Dans l'entretien qu'il avait accordé au Moniteur le 14 avril dernier, René Jenny assurait au contraire que « ce n'est pas la sécurité sociale qui gagne de l'argent dans cette histoire, pas plus que les grossistes, mais les intermédiaires ». « Les intermédiaires gagnent de l'argent, c'est vrai, mais beaucoup moins que les industriels », lui rétorque Guillaume Perruchot. Ceux qui vont pouvoir gagner au change, selon lui, ce sont les officinaux. « Nous nous lançons à un moment où tous les pharmaciens regardent de plus près leurs prix d'achat. Nous allons leur proposer une meilleure marge à la boîte. » Mais pas de remises supplémentaires. Les commandes ne pourront se faire qu'en direct, y compris via le LGPI, le logiciel de Pharmagest Interactive. Pharma Lab table sur 1 000 pharmacies clientes en année pleine. Selon ses estimations, un tiers des pharmaciens seraient partants et un autre tiers attentistes, prêts à suivre seulement si cela marche... n

Les groupements ne sont pas sur les rangs

Ils se sont tous penchés sur le dossier... et en ont fait vite le tour. En l'état actuel, les importations parallèles n'intéressent pas les groupements dotés d'une plateforme de distribution. « Ce modèle économique n'est pas encore assez solide et le dossier est trop technique pour que l'on s'y intéresse », confie Willy Hodin, directeur général de PHR. « Il y aura un intérêt économique le jour où la réglementation sera moins contraignante et où il y aura une libéralisation des pratiques commerciales », abonde dans le même sens Philippe Maquart, président du directoire de Sogiphar.

Le jeu n'en vaut pas pour l'instant la chandelle, sauf à vouloir mécontenter tout le monde : les laboratoires partenaires mais aussi les adhérents. « La France a les prix parmi les moins chers d'Europe avec la Grèce, l'Espagne et le Portugal, fait remarquer Jean-Pierre Chulot, président d'Evolupharm. La différence de prix, minime, ne permettrait pas de couvrir les coûts. Si gain il reste, entre l'achat et la revente du produit importé, celui-ci serait limité par le plafonnement des remises de 2,5 % et ne pourrait rester que dans la poche de l'intermédiaire. Il n'y aurait donc aucune remise supplémentaire pour le pharmacien, lequel, de plus, perdrait de la marge à vendre à prix moins cher. Le seul bénéficiaire serait la Sécurité sociale ! » Pour Daniel Halfon, vice-président de Népenthès, « il est également prématuré d'aller sur un marché qui ne se justifie pas en France, compte tenu du niveau des prix de nos médicaments ».

Les groupements gardent néanmoins un oeil sur ce dossier. Ils seraient prêts à réviser leur jugement si, d'aventure, les pouvoirs publics se décidaient à libéraliser les remises et les conditions d'achat.

Le manque à gagner lié à la perte des produits de contraste vous inquiète-t-il ?


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