L'élimination des déchets de soins passe par les pharmacies - Le Moniteur des Pharmacies n° 2674 du 21/04/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2674 du 21/04/2007
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Après des années de tergiversations où collectivités locales, ordre des pharmaciens et associations de patients se renvoyaient la balle, la collecte des déchets de soins « piquants-coupants » revient sur la scène législative. La parution d'un prochain décret prévoit, entre autres, la distribution obligatoire de conteneurs sécurisés par les pharmaciens.

Sans mauvais jeu de mots, l'élimination des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) est depuis toujours un sujet épineux. Les malades chroniques sous traitement injectable, principalement diabétiques, sont les premiers concernés. A ces deux questions : « Qui finance ? » et « Qui est responsable de la récupération de leurs déchets? », les réponses ne sont pas d'une clarté évidente. Résultat, sur les 3 000 à 3 500 tonnes de DASRI produits par les particuliers*, près de 80 % des piquants-coupants (aiguilles pour stylo à insuline, seringues à injection, lancettes...) se retrouvent dans les ordures ménagères ! « En toute bonne foi, les patients les mettent dans des boîtes en plastique qu'ils jettent dans les bacs destinés aux produits recyclables », constate Didier Gabarda-Oliva, responsable des DASRI à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.

Au bon vouloir des collectivités locales

« On trouve des aiguilles en vrac dans les poubelles, et il y a déjà eu des accidents graves (contaminations par le VIH) chez des agents de tri dans les déchetteries », indique Laurence Bouret, directrice de Rudologia, association organisant des formations sur la gestion des déchets. A qui la faute ? D'abord au patient qui, conformément au Code de la santé publique, est responsable de la production et de l'élimination de ses déchets. Mais aujourd'hui, lui en donne-t-on vraiment les moyens ? « Les collectivités locales n'ont pas toujours joué leur rôle car la réglementation leur impose la collecte des déchets produits par les ménages, y compris celle des DASRI », déplore Didier Gabarda-Oliva.

Et les pharmaciens ? « Dans la mesure où ils délivrent les traitements aux patients, il semble logique qu'ils distribuent les conteneurs », remarque Laurence Bouret. Mais le rôle de simple intermédiaire n'évite pas le passage à la déchetterie (tous les trois mois). Ce qui poserait un problème d'anonymat. Ainsi, l'Association Française des Diabétiques (AFD) et l'Association des maires de France (AMF) accueillent avec enthousiasme les expérimentations de collectes à l'officine mises en place dans certaines régions (voir ci-dessous). « C'est un partenariat gagnant-gagnant », estime Guillaume Duparay, responsable du département Environnement-développement durable à l'AMF.

Actuellement, l'organisation de l'élimination des DASRI, lorsqu'elle existe, diffère d'un département et d'une commune à l'autre. Rudologia a ainsi répertorié une cinquantaine d'expériences de récupération des piquants-coupants. Ici et là, des réseaux se créent grâce notamment à l'investissement de l'AFD, en partenariat avec l'ordre des pharmaciens, et au financement des collectivités territoriales. Un coût estimé à 10 000 euros TTC par an et par département, soit environ 10 centimes par habitant pour la fourniture de 4 collecteurs et pour l'élimination du déchet par désinfection ou incinération. « C'est une dépense marginale mais non négligeable », estime Guillaume Duparay.

Un décret en cours d'élaboration

Malgré les efforts des uns et des autres, les déchets captés par les initiatives locales ne dépassent pas 20 % des DASRI. Depuis longtemps, patients et professionnels de la filière réclament aux pouvoirs publics un processus opérationnel. Enfin ! Leur demande est réellement prise en compte, nous informe-t-on au ministère de la Santé.

Un décret se trouve actuellement en cours d'élaboration. Il repose sur trois grands principes. Premièrement, les fabricants de produits injectables et de dispositifs médicaux se verront imposer la fourniture de conteneurs sans pour autant augmenter le prix de leurs médicaments et/ou appareillages. En étendant la responsabilité financière aux producteurs de soins à risques infectieux, l'objectif n'est autre que de diminuer d'un tiers la participation des collectivités. Deuxièmement, toutes les officines seront obligées de distribuer des collecteurs. Une décision accueillie avec satisfaction par l'Ordre.

Rétribution pour le pharmacien ?

La troisième disposition du futur décret, à savoir l'assouplissement des contraintes de stockage (ce qui revient à récupérer les déchets à l'officine), suscite le désaccord de l'institution ordinale. En effet, elle a toujours refusé le statut de « pharmacien producteur de déchets », arguant de la non-conformité des locaux. « Mais, jusque-là, la réglementation assimilait l'officine à un centre hospitalier. Or, à partir du moment où le contenant est sécurisé, on est proche du risque zéro en termes de contamination », estime Guillaume Duparay.

Présidente de la commission sur les DASRI à l'Ordre, Jacqueline Godard n'est pas de cet avis : « L'allégement des conditions de stockage nous inquiète en tant que professionnels de santé ! Cela ne va pas dans le sens des exigences de sécurité. Il y a toujours des risques potentiels, même avec des conteneurs pour peu qu'ils soient mal fermés... Aujourd'hui, on essaie de nous imposer une dérogation au principe de collecte des déchets par le pharmacien, qui ne prévoit que les MNU. »

N'empêche, 10 à 12 % des officines assurent déjà le stockage des piquants-coupants. Des expérimentations en voie de généralisation ? « C'est évident, l'argumentation de l'Ordre prend l'eau de toutes parts », assure Guillaume Duparay. Reste que le décret ne prévoit pas de contraintes particulières au sujet de la collecte. « Il n'y aura pas de solution nationale. A chaque commune de s'organiser en fonction des intérêts de chacun », confirme-t-on au ministère. Pas de doutes pour Jean Mérel, vice-président de l'AFD, « la collecte entre dans une logique de service rendu par le pharmacien. Pourquoi ne pas prévoir une rétribution spécifique en utilisant les écotaxes que vont devoir verser les fabricants ? » Rendez-vous début 2008, date prévue pour la parution du décret.

* Estimation de l'observatoire régional de la santé de Rhône-Alpes.

Des départements où les pharmaciens sont déjà impliqués

Distribution de conteneurs

Ariège (61 pharmaciens) et Lot : dans ces départements, le conseil régional (départemental) achète les conteneurs et le particulier récupère son collecteur en pharmacie. Au bout d'un trimestre, il le dépose dans une déchetterie en échange d'un collecteur vide. Selon l'AFD, plusieurs centaines de kilos de DASRI seraient éliminés chaque année par cette filière rien que dans le Lot.

Finistère : fonctionnement depuis dix ans sur le même modèle, sous l'impulsion de l'AFD et d'un pharmacien diabétique.

Eure-et-Loir : début d'une expérimentation dans le nord-ouest du département avec la participation de 9 officines « distributrices ».

Distribution de conteneurs et traçabilité de la destruction

Gers : la pharmacie distribue au patient un collecteur et une convention à remplir. En retour, le particulier reçoit de la part du syndicat départemental une carte d'accès à la déchetterie. A chaque boîte correspond un numéro. En déposant un collecteur plein, le patient repart avec une boîte vide. A l'issue de chaque incinération, des bordereaux sont édités pour assurer une traçabilité (anonyme).

Distribution et collecte de conteneurs

Provence : le pharmacien distribue des collecteurs, les récupère et assure leur traçabilité en apposant une étiquette avec deux numéros attribués à l'officine et au patient. Le stockage se fait dans des cartons sécurisés. La collecte est assurée par un prestataire de services tous les deux mois. La collectivité finance l'opération. Sur Marseille, la collecte concerne 20 tonnes de DASRI par an. Sur le même modèle, des réseaux s'organisent en Haute-Normandie, en Champagne-Ardenne et en Bretagne (40 officines y participent à Rennes).

à savoir

Près de 165 000 tonnes de DASRI toutes origines confondues sont éliminées par an.

3 000 tonnes de DASRI sont produites par les particuliers.

77 % des patients sous traitement injectable éliminent leurs piquants-coupants dans les poubelles.

Un patient diabétique produit 4 kg de déchets de soins par an.

80 % des DASRI sont attribués aux diabétiques.

4 Régions impliquent les pharmacies dans la collecte des DASRI.

10 à 12 % des officines françaises participeraient à cette collecte.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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