Un an de plafonnement : faites vos comptes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2659 du 13/01/2007 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2659 du 13/01/2007
 

Actualité

Enquête

Il y a tout juste un an, la loi Dutreil II entrait en vigueur, réformant très sensiblement les dispositions législatives issues de la loi Galland sur les coopérations commerciales. Sur le marché du générique, vos marges arrière ont-elles fondu en 2006 ? Les nouvelles règles du jeu ont-elles été respectées par tous ? La profession est-elle sortie indemne de la première vague de contrôle de la DGCCRF ? Premier bilan.

Le premier mérite du nouveau div fut de moraliser les pratiques et de les rendre transparentes et contrôlables. « Des remises de 60 % ne pouvaient avoir qu'un temps et tout le monde savait que leur normalisation était obligatoire », rappelle Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'USPO. Mais, comme toujours, quand une nouvelle frontière se crée, certains sont tentés de la franchir... Alors que les fabricants avaient unanimement proclamé que rien ne serait fait pour détourner la loi ! Mais avec les baisses autoritaires de prix sur les génériques début 2006 (de 15 % à 19 % au maximum), l'offre s'est forcément assagie, les génériqueurs voyant leurs capacités à proposer des marges arrière sérieusement écornées. Pour le leader du marché français, cette baisse des prix a équivalu à une perte de CA de 50 millions d'euros à volume constant.

« Les génériqueurs tirent maintenant profit du plafonnement des remises pour absorber les pertes accumulées par les lancements de produits », fait remarquer Gilles Bonnefond. Selon lui, la nouvelle règle du jeu a permis de stabiliser le montant des marges arrière au niveau de 2005, entre 250 et 300 millions d'euros. « Cette somme correspond au prix à payer pour que le générique continue à progresser. » Mais, en l'absence de mesure exacte, Jean-Pierre Lamothe, premier vice-président de la FSPF, en charge des questions économiques, se montre prudent : « L'élargissement du Répertoire et l'augmentation de la substitution ont eu des effets conjugués qui peuvent laisser penser que le niveau de marges arrière a baissé, mais probablement pas dans des proportions importantes. »

Dans le bilan 2006 du groupement CGP dressé à partir des résultats d'un échantillon de 2 500 pharmacies, les remises arrière sur génériques baissent toutefois de 14,29 % en valeur par rapport à 2005. « L'apport de volume lié aux nouveaux génériques compense un peu la perte en valeur », indique toutefois Gérard De Marchi, expert-comptable du cabinet Codex et responsable de l'enquête. Pour Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise, il n'y a pas de vérité absolue. « Les chiffres dont nous disposons sont beaucoup trop incomplets pour nous permettre de nous forger une opinion sérieuse. » Reste un constat : les forts substitueurs qui ont peu progressé en taux de substitution en 2006 ont été pénalisés, tandis que les autres, en comblant leur retard, ont tiré leur épingle du jeu.

Respecter les règles : un intérêt collectif.

Révolue, la course aux marges arrière a laissé la place à une créativité commerciale permettant de contourner les contraintes du plafonnement : remise de bons d'achat, de chèques cadeaux, versements de remises de fin d'année par l'intermédiaire d'une société écran (GIE, coopérative), gratuits, ventes croisées... Jean-Pierre Lamothe condamne ces pratiques. « Elles sont inacceptables, mettent davantage en danger celui qui reçoit que celui qui donne. Le pharmacien ne doit pas perdre de vue que c'est lui qui est en première ligne et qui prend des risques pénaux en cas de violation des divs. Le marché du générique doit rester dans le cadre d'une concurrence loyale. Tout le monde a intérêt à ce que le jeu reste dans des conditions acceptables pour tous. »

Philippe Becker estime que « des écarts non significatifs seront sans incidence. En revanche, s'ils progressent en 2007, le risque est que les pouvoirs publics réagissent à nouveau. C'est en cela que l'intérêt individuel de certains peut nuire à l'intérêt collectif ». Un avis que partage Olivier Delétoille, (cabinet ArythmA) : « Le pharmacien s'expose individuellement à des sanctions très lourdes (amendes de 75 000 Euro(s) ou 375 000 Euro(s) pour les personnes physiques ou morales) mais, au-delà, il fait également prendre un risque à l'ensemble de la profession. En effet, si ces abus marginaux devaient se multiplier, les pouvoirs publics auraient tôt fait d'apporter une réponse coercitive sous la forme d'une sanction financière globale applicable à tous. »

« Je veux pouvoir dormir tranquille. »

Florence Miatto, titulaire de la Pharmacie Cap 2000 à Tournefeuille, dans la banlieue toulousaine, n'a pas cédé au chant des sirènes de son ancien partenaire génériqueur. « Je l'ai lâché en 2005 parce qu'il n'avait pas tenu ses engagements concernant le paiement de remises légales qui m'étaient dues. La déléguée commerciale était prête à tout, ensuite, pour me récupérer et m'a proposé un euro par boîte de générique vendue sous forme de bons d'achat. J'ai refusé sa proposition qui me faisait un peu peur. » Ce type de pratique reste a priori limité à des secteurs précis où la lutte de parts de marché entre génériqueurs est féroce. « Je travaille avec le même laboratoire et il ne m'a rien proposé de tel, les remises que j'ai reçues sont totalement dans les clous », s'étonne d'ailleurs un pharmacien de la banlieue parisienne. Autre laboratoire, autre méthode de contournement : les remises croisées. « Notre partenaire nous a présenté un barème de remises sur son catalogue de génériques conseil en fonction des quantités de médicaments génériques remboursables achetées », livre un pharmacien adjoint de Paris.

Patrick Bastit, qui s'occupe de l'administratif de l'officine de son épouse, installée à Malesherbes (Loiret), indique qu'il n'a pas eu de proposition illicite, mais a préféré éviter la multiplication des contrats de coopération commerciale avec les laboratoires de manière à garder la maîtrise des opérations. « J'ai laissé tomber un contrat où la prestation à réaliser consistait à répondre à trois pages de questionnaire que l'on ne m'a jamais adressé. Je veux pouvoir dormir tranquille, je refuse de signer des contrats qui rapportent trois francs six sous et qui risquent de prendre la pharmacie en défaut, le jeu n'en vaut pas la chandelle ! » Il a décidé aussi de jouer la carte de la prudence avec la pratique des conditions commerciales du direct « au fil de l'eau ». « Tant que cela n'est pas tiré au clair, je préfère arrêter de commander des génériques chez le grossiste. »

Dominique Béranger, titulaire à La Bazoche-Gouet (Eure), applique les mêmes règles de prudence. « Appliquer et respecter à la lettre un contrat, c'est beaucoup, deux c'est énorme, trois c'est impossible !, estime ce pharmacien qui s'est volontairement limité à deux contrats. Je ne peux pas disposer plusieurs totems dans ma pharmacie qui est petite, j'ai d'ailleurs été obligé d'en retirer. Je prends des photos des animations mises en place (totem, lecteur DVD passant un film sur la substitution...). Ainsi, pour chaque prestation, je me ménage la preuve que le service est réel et a bien été effectué. »

Interrogés sur le montant de marges arrière reçues de leurs partenaires, Florence Miatto, Patrick Bastit et Dominique Béranger s'accordent à dire que le niveau de 2006 est équivalent à celui de 2005.

Bilan des prestations le 31 janvier.

Vous devez établir et remettre à chacun de vos fournisseurs le bilan des prestations de services exécutées en 2006 (relevant de la coopération commerciale et des services distincts) au plus tard pour le 31 janvier 2007. Patrick Bastit et Dominique Béranger, tous deux clients de Merck Génériques, ne devraient pas y passer trop de temps. A chaque réception de commande, ils reçoivent trois documents distincts : la facture d'achat ; la facture de prestations de services qui reprend le montant des achats, le montant de la remise avant (10,74 % ou 2,5 % si TFR) et précise le montant de la rémunération (marge arrière) exprimé en valeur et en pourcentage des achats nets hors taxes du pharmacien ; enfin, le relevé de compensation représentant le solde à régler au fournisseur, différence entre le montant de la facture d'achat et le montant total des rémunérations reçues. Lorsqu'il commande ses génériques chez Alliance Santé, son répartiteur, Dominique Béranger indique qu'il reçoit des informations tout aussi claires quant aux montants de ses achats grossiste et de marges arrière (présentation du chiffre d'affaires mensuel réalisé en génériques et des marges arrière correspondantes, ainsi qu'en cumul depuis le début de l'année). « Ainsi, je peux suivre et contrôler aisément mes prestations de services. »

Les laboratoires ont prévu de préparer pour chacun de leurs clients toutes les informations nécessaires à l'établissement du relevé de prestations tel qu'exigé par les nouvelles dispositions légales. Ainsi, par exemple, chez Biogaran le bilan annuel 2006 des prestations de services est disponible sur simple demande du pharmacien auprès du service commercial. Courant janvier, conformément à la législation, Merck Génériques adressera à l'ensemble de ses clients un relevé de l'ensemble des prestations reçues en 2006, quel que soit le canal d'achat utilisé par le pharmacien (direct, répartiteur, plate-forme de groupement...). Ratiopharm a également prévu d'envoyer tous les éléments aux pharmaciens d'ici au 31 janvier 2006.

Plafonnement : de 20 à 15 % au 1er janvier

« Le passage du plafonnement des marges arrière de 20 % à 15 % en 2007 sera beaucoup moins rude pour l'officine que la première limitation instaurée par la loi Dutreil II en 2006, avance Hervé Coquet, directeur marketing de Merck Génériques. Le différentiel de 5 % sera en effet plus facilement compensé par le potentiel de développement du marché (sorties en 2007, dès échéance, des brevets des génériques de lansoprazole, énoxaparine, amlodipine, cefpodoxime, fluconazole, terbinafine, rispéridone...), par la dynamique des accords génériques qui fixent un objectif national de substitution de 75 %, du fait aussi de l'absence en 2007 de baisses des prix sur l'ensemble des produits du Répertoire. »

En dépit de cette nouvelle baisse des marges arrière, l'attractivité du marché générique reste encore très supérieure au marché des princeps. « C'est le meilleur outil pour retrouver de la marge », martèle Gilles Bonnefond. Et Olivier Delétoille d'abonder dans le même sens : « En l'état actuel, le marché du générique reste porteur, procure une meilleure marge que le princeps et contribue ainsi de manière significative à la rentabilité des officines. Après le recul sans précédent de la marge en valeur sur les génériques en 2006, la pharmacie devrait enregistrer à nouveau une croissance soutenue sur ce marché. »- La mise en place de structures juridiques distinctes des officines, du type GIE ou coopérative. Le but est ici de rétrocéder aux pharmaciens un complément de remises qu'ils ne peuvent pas percevoir directement. « Les propositions de rédactions de certains contrats, entre GIE et laboratoires, sont contraires à la finalité du GIE et aux buts qui doivent présider à sa constitution tels que définis par le législateur », précise Olivier Delétoille (ArythmA).

- La mise en place de contrats de services distincts entre la pharmacie et le laboratoire (ou une société soeur). Cette nouvelle catégorie de services (par exemple des réponses à des enquêtes, la communication de statistiques...) est une autre voie pour transférer une partie de ce qui relevait des coopérations commerciales jusqu'en 2005. « Toutefois, avec les services distincts il faut veiller à ce qu'une véritable prestation, ne relevant pas des conditions d'achat et de vente, soit fournie, que la rémunération ne soit pas disproportionnée et qu'elle soit consentie à la même hdiv à l'ensemble des pharmaciens répondant aux mêmes services rendus, rappelle Olivier Delétoille. Par ailleurs, et surtout, ces avantages financiers doivent être pris en compte pour le calcul des seuils de 20 % (en 2006) et 15 % (en 2007). »

- L'octroi de cadeaux aux titulaires ou aux membres de son équipe (chèques cadeaux, bons d'achats). Cette pratique est doublement illicite par rapport à l'arrêté du 29 décembre 2005 et par rapport au Code de la santé publique (loi anti-cadeaux).

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