Un décret très nébuleux - Le Moniteur des Pharmacies n° 2655 du 09/12/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2655 du 09/12/2006
 

REMBOURSEMENT DES PRÉPARATIONS

Actualité

L'événement

Le récent décret sur le remboursement des préparations apporte une réponse incomplète aux dysfonctionnements actuels. Il est flou, sujet à interprétations et donc à contentieux. La CNAM va rectifier le tir en informant les prescripteurs des préparations systématiquement exclues du remboursement.

Que va changer le décret publié le 1er décembre au Journal officiel concernant la prise en charge des préparations magistrales et officinales ? « Il apporte enfin un cadre strict au remboursement », estime Martine Chauvé, pharmacienne, experte à la commission nationale de la Pharmacopée. Les préparations seront prises en charge si elles sont principalement à but thérapeutique, sauf si elles « ne constituent qu'une alternative à l'utilisation d'une spécialité pharmaceutique, allopathique ou homéopathique disponible ». Et le prescripteur devra désormais apposer sur l'ordonnance « Prescription à but thérapeutique en l'absence de spécialités équivalentes disponibles ». Une manière d'éviter les préparations faites dans le but de contourner certains déremboursements de médicaments. « Dans les domaines primordiaux de la pédiatrie et de la gériatrie, ce point du div ne devrait pas poser de problème puisqu'il n'y a souvent pas la spécialité disponible au bon dosage... », commente Alain Jayne, exerçant à Marseille, qui a vingt ans de sous-traitance derrière lui.

Une source de contentieux.

Exclues aussi les préparations contenant des matières premières « ne répondant pas aux spécifications de la Pharmacopée ». « Cela exclut tout principe actif non inscrit à la Pharmacopée », assure Martine Chauvé. Au final, le ministère a la volonté de dérembourser les préparations « susceptibles d'entraîner des dépenses injustifiées », car elles ont soit « une efficacité mal établie », soit « une place mineure dans la stratégie thérapeutique », ou parce que le patient ne présente pas « le caractère habituel de gravité » de l'affection à laquelle la préparation est destinée. Exit donc toute crème ou gélule au service médical rendu insuffisant. « On peut mettre tout ce qu'on veut dans cet alinéa. C'est totalement imprécis et obscur. Il y a toujours eu des contentieux et ce décret ne résoudra pas le problème », estime Jean Kelber, de l'UNPF. « C'est une source de contentieux à n'en plus finir, renchérit Alain Jayne. Il va alimenter les commissions paritaires et les tribunaux. »

Cette logique du « Prouvez-moi l'efficacité des produits que vous fabriquez et nous les prendrons en charge » n'est pas illogique en soi. « Mais sur quels critères le pharmacien va-t-il estimer le service médical rendu ? A contrario, qui prouvera que cela a été remboursé à tort ? », lance Alain Jayne. « Les pharmaciens-conseils du service médical peuvent notamment s'appuyer sur les avis de la HAS qui a retenu un SMR insuffisant pour un certain nombre de spécialités comportant par exemple des extraits de plantes qui entrent souvent dans la composition de préparations magistrales. Par exemple l'extrait de cassis pour un veinotonique », commente la CNAM.

De nombreuses questions encore en suspens.

Martine Chauvé se veut plus clémente vis-à-vis du div : « Il a le mérite de valoriser les préparations utiles en les remboursant sans équivoque. » En effet, une préparation incluant des spécialités déconditionnées se verra appliquer le taux de remboursement de la spécialité la mieux prise en charge. Dans le cas des préparations homéopathiques, ce sera du 35 %.

Mais qu'advient-il si l'on inclut un produit non remboursé dans une préparation ? Là, il n'y a pas de réponse claire... Tout comme de nombreuses questions restent non élucidées. L'attestation du médecin sur l'ordonnance suffira-t-elle au remboursement ? On sait bien que la pratique actuelle fait de la mention « PMR » (apposée par le prescripteur mais aussi par le pharmacien sur la feuille de maladie) un sésame auprès de la Sécurité sociale. Quel que soit le type de préparation, et sans grand contrôle derrière. « Mais, désormais, le médecin s'engage vraiment en écrivant une phrase complète lourde de sens », précise Martine Chauvé. « La position du ministère est trop floue, tant que le pharmacien n'aura pas à sa disposition des listes positives de préparations remboursées, l'application du décret me paraît difficile et source de désaccords », assure Danièle Paoli, présidente de la commission Exercice professionnel à la FSPF. La CNAM explique que les caisses vont informer les prescripteurs « pour les sensibiliser sur les catégories de préparations qui sont systématiquement exclues du champ du remboursable ».

De plus, ce nouveau cadre réglementaire ne résout en rien le grand écart des prix calculés « à la louche », faute de réactualisation sérieuse du TPN. Le décret ne fait aucune allusion à la base tarifaire du remboursement. L'Assurance maladie compte-elle pour autant systématiser les contrôles ? Réponse : « Les pharmaciens-conseils peuvent effectuer des contrôles ponctuels sur les prescriptions et les facturations. » Mais « ces contrôles vont être facilités dans la mesure où l'Assurance maladie va désormais disposer de divs réglementaires délimitant le périmètre de remboursement », complète-t-elle.

La phytothérapie, l'aromathérapie et les oligoéléments exclus.

La lumière viendra peut-être d'un prochain arrêté, annoncé dans ce décret du 1er décembre, fixant une partie des catégories de préparations magistrales et de préparations officinales qui répondront à au moins un critère d'exclusion du remboursement. S'inspirera-t-il des travaux de l'Afssaps sur les BPPO (une enquête publique sur le sujet est prévue en janvier-février) qui devraient consolider l'édifice qualitatif de la préparation ? L'Assurance maladie précise qu'il devrait exclure du remboursement les préparations de phytothérapie, d'aromathérapie et à base d'oligoéléments. Parions également que le remboursement des gélules amaigrissantes vit ses derniers jours.

Fini l'ère du bien-être en gélules au frais de la collectivité ? Pas de doute, pour Alain Jayne, les sous-traitants ont à l'avenir intérêt à se recentrer sur les préparations pointues (pédiatriques, gériatriques) et à s'impliquer dans la fabrication des anticancéreux.

Le Formulaire national toiletté

La commission nationale de la Pharmacopée (qui siège à l'Afssaps) a engagé depuis 2002 une réévaluation du Formulaire national, dont la première publication remonte à 1974. Ce recueil de formules est censé être utilisé par les pharmaciens hospitaliers ou officinaux pour réaliser des préparations.

Sur les 120 formules passées au crible, 60 ont été retirées pour des raisons de pharmacovigilance ou de rapport bénéfices/risques négatif, et 25 nouvelles préparations officinales ont été intégrées (formules révisées ou novatrices). Y figurent désormais l'alcool iodé, les gélules de bicarbonate de sodium ainsi que les gélules, comprimés et sirops placebo à usage thérapeutique. Un pas de plus en faveur de l'homogénéité, en termes de mode opératoire, des préparations officinales.

Le Formulaire national actualisé, qui compte à ce jour 56 formules en vigueur, sera intégré dans la prochaine mise à jour de la Pharmacopée française.

Repères

La base de prise en charge des préparations magistrales par le régime général est passée de 20 MEuro(s) en 1998 à près de 120 MEuro(s) en 2005. Rappelons que ce décret fait suite à l'annonce par le ministre, à la mi-septembre, d'une « meilleure régulation des préparations magistrales réalisées en officine », alors qu'il listait une série de mesures devant apporter de nouvelles économies (il en attendait un rendement de 10 MEuro(s) sur 2006 pour les préparations). Le précédent décret fixant les règles d'exclusion du remboursement avait été annulé en 1996 pour vice de forme.

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