Patate chaude ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2654 du 02/12/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2654 du 02/12/2006
 

DES HONORAIRES POUR LE PHARMACIEN BELGE ?

Actualité

Enquête

Les pharmaciens belges réclament des honoraires pour rémunérer leurs prestations intellectuelles. Ils devaient obtenir satisfaction début 2006. Mais les parties prenantes du projet tergiversent pour trouver un compromis financièrement neutre. En attendant, la marge des pharmaciens continue de s'effriter.

L'idée de rénovation du système de rémunération des pharmaciens belges n'est pas nouvelle : dès 1982, l'important groupe mutualiste des Mutualités chrétiennes suggérait l'introduction d'un honoraire pour les pharmaciens. En octobre 2000, Frank Vandenbroucke, ministre des Affaires sociales et des Pensions, critiquait ouvertement un système qui « met trop l'accent sur la distribution au détriment des soins ».

Tout se débloque au printemps 2004. Les associations professionnelles de pharmaciens belges signent alors avec le ministère des Affaires sociales et des Pensions un accord reconnaissant « le pharmacien comme expert du médicament dans l'intérêt du patient ». Il distingue les actes pharmaceutiques en deux grands groupes de fonctions : les « fonctions intellectuelles » et les « fonctions matérielles ». La voie s'ouvre dès lors à une révision fondamentale du mode de rémunération du pharmacien autour de ces deux composantes : « une rétribution des fonctions intellectuelles, indépendante du prix de la spécialité, et une marge économique pour les fonctions matérielles exprimée en pourcentage du prix et non plafonnée ». Un arrêté royal, paru le 1er mai 2006 au Moniteur belge, journal officiel, reconnaissait et précisait dans la législation ce nouveau rôle dévolu au pharmacien.

Les trois piliers de la rémunération.

Le nouveau système de rémunération proposé repose sur trois piliers : le premier prend en compte la description de la tâche du pharmacien, et notamment ses évolutions attendues dans le cadre de la définition légale des soins pharmaceutiques ; le deuxième pilier est représenté par une masse globale de rémunération garantie (macroéconomique) pour les officines ouvertes au public, négociée et convenue avec les autorités ; enfin, ce nouveau système s'appuie sur une rémunération par boîte, laquelle se décompose en des honoraires indexés annuellement sur les prestations essentiellement intellectuelles, en particulier les coûts liés au pharmacien et à ses collaborateurs, à la documentation scientifique ou encore aux services informatiques. S'y ajoute une marge économique calculée sous forme de pourcentage du prix « sortie d'usine » du médicament se décomposant en une marge linéaire - pour tenir compte des coûts évolutifs (préfinancement, risques de pertes sur stock...) - et en une marge lissée pour les autres coûts fixes (frais de structure, stocks, informatique...).

Un dossier en perpétuelle évolution.

De toutes les contraintes imposées aux négociateurs en charge de l'élaboration de ce projet, les plus importants ont été la stricte neutralité budgétaire (cela ne doit pas coûter plus cher à l'Etat et à l'Institut national d'assurance maladie invalidité (INAMI), l'absence d'incidences plus coûteuses pour le patient, mais aussi le refus de glissements négatifs ou positifs importants entre pharmacies, entre patients et par produits, l'émergence de produits nouveaux, innovants et chers et, en parallèle, celle de produits hors brevet aux prix de plus en plus bas.

Nombre de scénarios ont été élaborés qui ont évolué en fonction des objections émises et du marché du médicament. Ainsi, si chiffre d'affaires et consommation augmentaient quasiment de pair jusqu'à 2004-2005, un revirement a été constaté depuis avec une consommation toujours en hausse, mais un chiffre d'affaires cette fois en baisse. Raison principale : les médicaments sont devenus meilleur marché sous la pression de l'INAMI, par le biais de remboursements soumis à conditions, de tarifs de référence ou de baisses de prix imposées pour les spécialités remboursées depuis plus de douze ans... Conséquence, la marge brute officinale s'est amenuisée pour passer sous les 19 % (18,95 % en 2005 et 2006).

Le projet actuellement soumis, sur la base des données les plus récentes, convient de trois niveaux d'honoraires. Un premier, de base (5,35 euros), est proposé pour les classes qui regroupent notamment la plupart des médicaments destinés aux pathologies lourdes ou chroniques (cancer, sida, hypertension, hypercholestérolémie). Un deuxième niveau est fixé à 3,25 euros pour les affections aiguës (incluant presque tous les antibiotiques, la plupart des anti-inflammatoires et des contraceptifs). Le dernier, à 1,60 euro, concerne la plupart des affections pouvant être traitées par automédication ainsi que les vaccins. Le taux de marge commerciale retenu est de 7,5 %, décomposé en 4,3 % pour la partie linéaire et 3,2 % pour la partie lissée.

Un avant-projet de loi a été rédigé dans ce sens et présenté l'été dernier en Conseil des ministres. Ce dernier a chargé le ministre des Affaires sociales et des Pensions de réunir un groupe de travail afin de valider la faisabilité du projet et d'obtenir l'accord de toutes les parties : mutualités, industriels, grossistes, associations de patients, syndicats de pharmaciens, ministères des Affaires économiques, des Finances et du Budget.

Des incertitudes demeurent et de nouvelles simulations sont prévues pour vérifier la neutralité financière du projet et analyser son impact sur le ticket modérateur. Présidé par Filip Babylon, pharmacien et membre de l'Association pharmaceutique belge (APB), ce groupe de travail a prévu d'achever ses travaux d'ici la fin de l'année.

Signer au plus vite pour éviter l'érosion de marge.

L'accord de mars 2004 prévoyait une mise en application au 1er janvier 2006, elle a été reportée au 1er janvier 2007. L'APB souhaite sa finalisation au plus vite afin de stopper l'hémorragie de la marge constatée depuis l'an dernier. « Nous aimerions que ce projet de loi soit adopté par le Parlement et ses décrets promulgués au Moniteur avant les élections parlementaires prévues pour juin 2007 », affirme Anne Lecroart, présidente de l'APB. Mais certains évoquent des manoeuvres politiciennes, notamment de la part de certains sociaux-chrétiens flamands, pour faire échouer le projet actuel et mieux se l'approprier ensuite. « Avec ce nouveau régime, c'est bien la stabilité qui est recherchée. Comme agent économique, le pharmacien suit naturellement les évolutions des prix et du marché, mais, comme prestataire de soins avec des honoraires indexés, il ne sera plus tributaire des aléas du marché », explique l'APB, qui se félicite de la maîtrise des coûts obtenue par le ministère, notamment en dépenses de médicaments, et dont profite en premier lieu le patient, mais aussi l'industrie qui a obtenu la levée du moratoire sur le remboursement des nouveaux médicaments chers.

« Le modèle économique proposé tient la route. »

Chaque pharmacien a reçu une « microanalyse », c'est-à-dire un calcul réalisé pour lui permettre de comparer sa situation actuelle et sa situation future. « Certaines officines affichent des plus, d'autres des moins, mais les écarts restent limités, à plus ou moins 5 %. Quelques-uns voient leur rémunération croître de 14 à 15 %, un taux qui s'explique par des considérations tout à fait particulières, comme la livraison de médicaments à des cliniques privées spécialisées en chirurgie esthétique ou à des patients hémophiliques. Nous avons fait en sorte d'éviter que quelques-uns se voient attribuer une part importante du budget au détriment des autres. Le modèle économique proposé tient la route aux niveaux macroéconomique et microéconomique. » Anne Lecroart espère bien en avoir convaincu les membres de l'APB actuellement consultés au cours d'une vingtaine d'assemblées générales à travers le pays.

Des honoraires pour le suivi pharmaceutique

- Le pharmacien belge est depuis le 1er mai dernier reconnu dans la législation belge comme un « maillon essentiel dans les soins de santé publique » et comme un « expert du médicament dans l'intérêt des patients ». « Ce rôle nous est reconnu pour chaque dispensation, aussi bien sur prescription que hors prescription, se félicite Anne Lecroart, présidente de l'APB. Le div reconnaît la réalité de notre valeur ajoutée et doit nous permettre de conserver en officine les médicaments conseil. »

Cet arrêté royal fait aussi des bonnes pratiques officinales force de loi, à charge pour la profession d'établir un manuel de qualité s'imposant à toutes les officines sur des thématiques aussi diverses que l'agencement, le préparatoire, les vitrines, la publicité... A terme, le respect de ces prescriptions doit donner lieu à l'obtention d'une certification.

L'activité traditionnelle de dispensation est appelée à évoluer vers celle de suivi pharmaceutique à destination par exemple des patients chroniques ou polymédiqués. Objectif : consacrer davantage de temps et d'attention à la surveillance pharmaceutique et à l'accompagnement médicamenteux. Des honoraires complémentaires, qui restent à négocier, sont prévus pour « motiver » les officinaux en matière de suivi.

Trop d'officines dans le royaume

- Le pays compte aujourd'hui 5 206 officines, soit une pour 2 010 habitants. « Par rapport à la moyenne européenne, c'est beaucoup », admet-on à l'APB. Au sein de la profession, certains préconisent la réduction de leur nombre pour améliorer la... rentabilité de celles qui restent. Pour autant, l'APB ne souhaite pas des mesures obligatoires de réduction : « Nous espérons que le mouvement se fera de façon naturelle, mais il est important que le nombre d'officines reste suffisant pour que tous les patients y aient accès sans difficulté. »

Actuellement un moratoire, décidé en 1994 et prorogé en 1999 jusqu'en 2009, régule l'implantation de nouvelles pharmacies. Une éventuelle levée de ce moratoire fait craindre de nouvelles ouvertures dans des centres commerciaux plutôt que sur les lieux d'habitation, dans la foulée des ouvertures de parapharmacies (17 à ce jour) initiées par l'Ophaco (pharmacies coopératives).

Repères : L'officine belge en 2006*

- 5 206 officines (contre 5 227 en 1999).

- 2 010 clients par officine en moyenne (1 936 en 1999).

- 59 454 boîtes délivrées par an (44 417 en 1999).

- 922 048Euro(s)de chiffre d'affaires moyen, dont 778 393 Û de médicaments (dont 528 520 Û remboursables).

- 21,32 % de rentabilité brute pour les médicaments et 18,95 % pour les médicaments remboursés.

* Estimations sur les sept premiers mois de l'année).

Délivrance sous haute surveillance

- En 2007, tous les pharmaciens belges vont se voir proposer gratuitement un système en ligne de sécurisation de la délivrance (voir Le Moniteur n° 2649). La simple lecture du code-barre permettra en temps réel de vérifier que le médicament n'a pas été retiré du marché ou qu'il ne s'agit pas d'une contrefaçon. Le pharmacien sera également informé sur les ruptures de stocks, les rappels ou arrêts de la production, les péremptions à venir ou encore les vols. Le système est actuellement testé par une vingtaine de pharmaciens.

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