N'ayez plus peur - Le Moniteur des Pharmacies n° 2648 du 28/10/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2648 du 28/10/2006
 

QUALITÉ À L'OFFICINE

Actualité

Enquête

Vécue comme un effet de mode, un repoussoir ou une panacée par certains, la démarche qualité à l'officine est loin d'être un principe acquis. Pourtant, l'idée fait son chemin et ceux qui y ont goûté ne semblent pas prêts à lâcher le morceau. Quand l'expérience tord le cou aux idées fausses.

Dès le mois de mai 2001, les représentants de la pharmacie d'officine annonçaient la parution d'un outil d'auto-évaluation à vocation de formation, le « Guide d'assurance qualité », qui devait être envoyé dans toutes les officines à partir de février 2002. Pourtant, à en croire les résultats de l'enquête menée pour Le Moniteur par Direct Medica, si la qualité est déjà une réalité pour 51 % des interrogés, le mouvement est assez récent (il date de moins d'un an pour 41 % d'entre eux). Contrairement aux idées reçues, la qualité n'est donc pas le fait de certains précurseurs isolés, même si l'initiative dans le domaine est majoritairement individuelle (84 %). Toujours selon les résultats de cette enquête et les témoignages de ceux qui s'y sont lancés, essayer la qualité c'est l'adopter. En effet, le taux de satisfaction est de 73 % (51% de très satisfaits et 22 % d'assez satisfaits).

Convaincus, les aventuriers de la qualité ne sont pas pour autant des acharnés de la normalisation et ils ne se prononcent ni pour ni contre. Il faut dire que le spectre de la norme ISO a plutôt tendance à effrayer. Pourtant, certains comme Renaud Nadjahi s'y sont risqués, par défi et par conviction, et restent persuadés, après trois années de pratique, de son intérêt pour l'officine. La norme ne fait pas l'unanimité mais l'affichage d'un label qualité remporte plutôt des suffrages positifs (57 % de oui). Une discordance de point de vue qui traduit sans doute un état de fait : vous êtes prêts à dire oui à la qualité mais à condition que ce soit à votre rythme. D'ailleurs, parmi les pharmaciens interrogés par Direct Medica ceux qui ne se sont pas encore entrés dans la danse invoquent en premier frein le manque de temps (59 %) suivi de l'inutilité de la démarche (37 %) et de la complexité de la tâche (10 %).

« Le Code de la santé, premier guide de la qualité. »

Thérèse Dupin-Spriet, coresponsable du DU « Qualité à l'officine » à la faculté de Lille, connaît bien ces arguments et estime que c'est moins le temps que les outils qui font défaut. « La qualité, chacun la pratique déjà dans son officine sans forcément en avoir conscience. En effet, l'exercice de notre métier nous impose le respect d'un certain nombre de règles. Le Code de la santé publique est notre premier guide de la qualité. On pourrait dire à la rigueur que ce qui nous manque, c'est un processus de traçabilité des actions menées dans l'officine. Ce qui est nouveau, ce n'est pas la qualité, c'est le fait d'instaurer une procédure pour tout. La formalisation d'une démarche qualité impose de savoir, pour chaque thème traité, qui fait quoi, quand et comment et en plus de l'enregistrer sur un document. En fait, le pharmacien se sent démuni. Il n'a pas le temps de fabriquer ses propres outils. Il a besoin d'un "bâti" qui lui dise comment faire. Loin du discours des qualiticiens, ce n'est pas une norme qu'il recherche mais des modèles. D'autant plus que la multiplicité des discours actuels agrémentés de propos sur la reconnaissance officielle a tout pour susciter la confusion. »

Chacun son rythme.

Sur le terrain de l'inefficacité, Thérèse Dupin-Spriet répond par la nécessité de mettre en place la qualité de façon progressive. « L'accréditation totale a quelque chose d'indigeste, estime-t-elle. Il est nécessaire de hiérarchiser ses priorités et de débuter par un point qui permet de gagner l'adhésion de l'équipe. Plutôt que de produire une liste de choses à réaliser qui sera vite perçue comme une charge supplémentaire, n'hésitez pas à entrer dans la qualité par l'incident. Il s'agit en fait d'analyser un dysfonctionnement avec l'équipe, d'en identifier les causes et d'établir des règles de fonctionnement qui éviteront un nouveau problème. Chacun pourra goûter le confort acquis au comptoir et constatera que ce système lui simplifie la vie plus qu'il ne la lui complique. Le fait de mettre en place une procédure d'organisation en premier lieu permet de voir immédiatement les avantages de la procédure qualité. »

Si elle prône l'entrée dans la qualité par l'incident en privilégiant l'organisation, Thérèse Dupin-Spriet insiste bien sur le fait que cette démarche, bien qu'essentielle, n'est en aucun cas suffisante et qu'elle doit s'étendre progressivement à la sphère du médicament. Une contagion qui est quasi naturelle pour ceux qui se piquent au jeu tant les différentes sphères d'activité de l'officine sont imbriquées les unes dans les autres.

Tous ensemble.

Enfin, pour ceux qui pensent que c'est trop compliqué, il ne faut pas perdre de vue le fait que si l'initiative est individuelle, la démarche qualité, elle, est un vrai travail d'équipe. Inutile de réaliser seul le bilan du fonctionnement de son officine. Il vous sera difficile de mettre en lumière tous les points d'achoppement, surtout s'ils mettent en cause vos propres habitudes de travail. Faites-vous aider. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas les moyens de vous payer un audit ou parce que vous n'êtes pas membre d'un groupement que la tâche est compromise. Etudiant de sixième année, ancienne connaissance de la fac, répartiteur sont autant d'astuces livrées par nos témoins qui vous aideront à faire le premier pas et à adopter la bonne démarche.

A noter :

Pharma Référence se lance aussi dans la labellisation. « Notre démarche est orientée vers le client, explique Nathalie Facquet, directrice du service qualité. Le référentiel, établi avec les pharmaciens et validé par une société de certification de services, est en attente de reconnaissance par les pouvoirs publics. Notre objectif : assister les pharmaciens dans leur certification en mutualisant les coûts et en les accompagnant dans leur démarche d'audit. »

Chaque officine certifiée (entre neuf et douze mois de préparation pour soumettre son dossier) affichera son certificat dans la zone de vente et pourra arborer un vitrophanie « Qualif-Ref ».

Témoignages : Renaud Nadjahi, titulaire Pionnier de la norme ISO 9001

Ma démarche part du cons-tat de la nécessité de s'organiser afin de se rendre plus disponible pour ses partenaires et pour ses patients-clients. J'ai fait le choix de la norme ISO parce que c'est une norme qui a fait ses preuves. Mais la certification n'est pas une fin en soi. L'intérêt de cette démarche tient plutôt à son mode de fonctionnement qui vous contraint à vous remettre en cause tous les ans. Le regard de l'auditeur, qui n'est pas un spécialiste de la pharmacie, permet de calculer objectivement l'amélioration de la qualité au cours de l'année écoulée. Ce système vous pousse à vous poser les bonnes questions. Finalement, le but du jeu est assez simple. Il s'agit d'écrire ce que l'on fait et de faire ce que l'on a écrit. Contrairement à ce que beaucoup de confrères pensent, ce n'est parce que l'on se lance dans une certification ISO que l'on est tenu de tout passer au crible tout de suite. Il est tout à fait possible de n'instaurer la qualité que sur une partie de l'activité. C'est vous qui, en amont, déterminez les domaines d'application de la norme. Mon investissement a beau avoir été lourd (quasiment trois années de travail préliminaire),je n'ai pas poussé la démarche jusqu'à afficher le label ISO 9001 sur mon officine. Mon métier n'est pas de dire à mes clients que 'je suis ISO" mais plutôt d'améliorer leur satisfaction. C'est ainsi que je souhaite rendre visible ma démarche auprès de ma clientèle. D'autant que pour le moment, compte tenu du faible nombre de pharmaciens ISO, l'affichage du label n'aurait pas beaucoup de sens. »

Jean-Paul Akbaraly, titulaire : La « self-made » qualité

Voilà dix ans que nous pratiquons la qualité dans notre officine. Cette nouvelle approche du travail concerne toute l'équipe. Chacun a ses propres responsabilités. Malgré les réticences exprimées par certains au début, la méthode a rapidement rencontré l'approbation de tous. Nous appliquons la "dynamique de l'incident". Ainsi, chaque dysfonctionnement répété est analysé et donne lieu à la mise en place d'une procédure. Tout le monde s'est vite pris au jeu, à tel point que, de l'organisationnel, nous sommes rapidement passés à la compétence puis à l'administratif, pour continuer enfin par la dispensation. Bien que notre système soit fondé sur la discussion des erreurs commises par l'un ou l'autre, la qualité est vécue comme une source de progrès et non comme une sanction. C'est un outil positif qui facilite le quotidien. Plus que les freins, ce sont les oublis qui peuvent nuire au développement de la qualité. Toute la difficulté est de faire vivre la qualité. Je ne suis pas un fervent de la normalisation. Le principe des bonnes pratiques semble plus adapté à l'officine. La norme ne résout pas les problèmes de compétences. Or notre métier est fondé sur la compétence, c'est là toute notre valeur ajoutée. »

Laure Chinello, assistante PRAQ (pharmacienne responsable assurance qualité) à la Pharmacie Akbaraly : L'oeil critique de l'officine

Lorsque je suis arrivée dans l'officine, la démarche qualité y était déjà en place. Comme je sortais de la faculté, mon rôle a été de porter un oeil critique sur ce qui se passait, et désormais je suis chargée de relire les procédures et de voir si elles sont vraiment applicables. Je dois dire qu'au départ le principe fait peur. Mais, avec une bonne explication, on se rend vite compte que la démarche qualité n'est ni plus ni moins qu'un mode d'emploi qui simplifie considérablement les choses. Chez nous, nous avons un système de cinq classeurs dans lesquels les procédures sont classées par sphère d'activité. Chacun peut aller y piocher en fonction de ses besoins. Au quotidien, ça nous aide beaucoup. On sait que l'on a un document sur lequel se reposer ou réfléchir. Les procédures ne sont pas des archives. Ce sont des outils utiles en permanence. »

Les regards extérieurs sont utiles

Une aide extérieure peut être d'une aide précieuse pour initier une démarche qualité. Par exemple un étudiant ou un confrère. Expériences.

Alors qu'il était en sixième année et qu'il réalisait sa thèse sur la qualité à l'officine, le maître de stage de Vivien Veyrat lui a demandé d'appliquer le questionnaire du guide d'auto-évaluation de l'Ordre à son officine. « Sur un mois, j'ai interrogé de façon anonyme tous les membres de l'équipe, titulaire inclus. Chaque semaine était consacrée à l'une des cinq parties distinctes du guide. A chaque fois, je faisais une synthèse qui conduisait à un débat sur les points critiques soulevés. La semaine suivante, avant de rendre compte du questionnaire en cours, je distribuais la synthèse de la semaine passée et je proposais la mise en place d'une procédure. A l'issue de ce petit exercice, 10 procédures ont été mises en place. Je crois que le gros avantage de ce système tient à l'étendue des thèmes couverts par le questionnaire, à la neutralité de celui qui pose les questions, à sa "nouveauté" par rapport à la situation et à sa disponibilité. Cette analyse ne fait pas tout mais c'est un bon moyen de donner l'impulsion de départ. »

Pour Pascale Turotte, la qualité c'est de l'histoire ancienne puisqu'elle a commencé à la mettre en place il y a une vingtaine d'années dans son officine. « Je pense que les éléments privilégiés pour faire évoluer la démarche, ce sont le regard du nouvel arrivant et l'incident. Aussi, pendant plusieurs années, je faisais mes bilans d'étape avec l'aide d'une ancienne de la fac. Toutes deux titulaires, nous nous remplacions mutuellement afin de voir ce qui n'allait pas dans l'officine de l'autre. A la suite de chaque remplacement, nous établissions une check-list et nous mettions en commun des pistes de résolution. »

Patrick Wierre, titulaire : La sécurité et le médicament avant tout

Mon déclic qualité a eu lieu grâce aux toxiques. Face à la complexité administrative, j'ai élaboré une procédure pour les gérer le plus efficacement possible. L'idée est d'avoir un système sécurisé au maximum tout en simplifiant la délivrance auprès du patient de façon à ne pas le stigmatiser au comptoir. De proche en proche, j'ai développé un véritable système informatique de délivrance sécurisé qui s'enrichit de jour en jour. Si j'ai aussi organisé l'accueil téléphonique et les procédures de commandes et de livraisons, je dois dire que mon intérêt se porte essentiellement sur le médicament, au détriment, je l'avoue, de l'organisation. Je suis pour la norme à condition qu'elle porte sur le médicament. D'ailleurs, je milite ardemment pour l'accréditation des pharmaciens à la Haute Autorité de santé. »

Jean-Philippe Silvie, titulaire : Un levier économique

Plus vous faites de la qualité, plus vous amenez de monde dans votre officine et plus vous devez faire de la qualité. C'est un cercle vertueux. D'autant que qui dit qualité dit gain de temps et donc gain d'argent. C'est un investissement mais avec un réel retour. Je pense que la structure actuelle de l'officine oblige à la mise en place de procédures, ne serait-ce que pour gérer les équipes et hiérarchiser les tâches. Sans aller jusqu'à la norme ISO, qui me paraît trop lourde pour l'officine, je pense qu'il est inévitable de formaliser le fonctionnement de l'officine. Mais chacun doit aller à son rythme. Chercher à faire correctement son travail, en respectant les règles le régissant, c'est déjà un engagement qualité. Commençons par-là ! »

Christophe Koperski, titulaire : Outil d'intégration et distributeur de confiance

Lors de l'acquisition de mon officine, j'ai pris la décision d'opter pour une procédure qualité. Avec ma femme, nous passions d'une petite structure à une grosse officine et il n'était pas pensable de faire les choses au hasard. Mais il n'était pas question non plus d'appliquer des principes venus d'un manuel. J'ai opté pour le DU de qualité de l'université de Lille afin de bénéficier d'un réel partage d'expérience pour construire quelque chose de réaliste. Il ne faut pas croire que l'on peut imposer des systèmes du jour au lendemain. On ne peut pas faire entrer les gens dans un moule dans des domaines qui vont de la propreté de l'officine à la délivrance des médicaments. La qualité est un acte volontaire et collectif. Chez nous, chacun est responsable d'une procédure. La mise en place des procédures m'a permis d'améliorer le fonctionnement de l'officine mais aussi de faciliter l'intégration des nouveaux venus dans l'équipe (50 % d'anciens, 50 % de nouveaux). Grâce à elles, chacun se sent rassuré. Nous sommes plus sûrs, plus à l'aise. Les membres de l'équipe ont gagné en confiance. Ce confort de travail se ressent au comptoir. Mais ce confort n'est pas acquis. C'est le fruit d'un travail constant, souvent mis à mal par le manque de personnel et le surcroît d'activité. Il faut constamment se poser la question : est-ce que je suis aussi performant aujourd'hui qu'hier ? Faire de la qualité, c'est ce donner les moyens de répondre aux nouvelles demandes et aux évolutions du métier. »

Pascal Zimmermann, titulaire codiv du guide « Démarche qualité et satisfaction client » d'Alliance santé : Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Au départ, quand on parle de protocole, ça fait rire. Puis, à la longue, à force de pratique, on se rend compte que ce n'est pas si idiot que ça et que ça fait même gagner du temps. Seulement, lorsque l'on est seul, la démarche semble infranchissable. C'est ce qui est apparu lors des rencontres organisées en région par Alliance Santé. Nous avons donc décidé d'élaborer une trame de travail suffisamment explicite pour donner à tout un chacun la possibilité d'intégrer la qualité chez lui, du jusqu'au-boutiste au parcimonieux. Une démarche qui a donné naissance à un guide qui constitue un bon point de départ pour ceux qui veulent se lancer. Charge à celui qui souhaite le compléter de le faire. C'est une amorce, un support, rien d'autre. Or, je pense qu'il est temps pour l'officine de passer à la qualité et qu'il faut que nous le fassions nous-mêmes avant qu'on ne nous l'impose. Nous devons sécuriser notre exercice professionnel, améliorer nos conditions de travail, développer la communication dans nos entreprises sans pour autant aller jusqu'à la labellisation, démarche longue, chronophage voire brutale qui peut en écoeurer certains. Une procédure simple, lorsqu'elle rencontre l'adhésion de l'équipe, prend rapidement de l'ampleur. Face au succès, le chef d'entreprise se voit même obligé de canaliser les énergies. »

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