Gare aux appels d'offres bidons ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2637 du 15/07/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2637 du 15/07/2006
 

MAISONS DE RETRAITE

Actualité

L'événement

« Le Moniteur » s'est vu remettre un courrier adressé par une maison de retraite à un résident et transmis à un conseil régional. L'exemple type du document par lequel des établissements « flibustent » les appels d'offres. Francis Megerlin, docteur en droit, explique pourquoi ce type de décharge est nul et non avenu.

Dès lors qu'un seul résident refuse de signer la décharge autorisant l'établissement à lui choisir un pharmacien, nous sommes couverts car cela montre que le libre choix de l'officine existe », expliquait récemment au Moniteur la responsable d'un prestataire en reconditionnement (préparation des doses à administrer). De fait, ce type de documents (voir page 9) - que les résidents d'une maison de retraite se sont vus sommés de signer - est la base « légale » qui permet à un établissement de confier le marché du médicament à une seule pharmacie. Seulement voilà, une lettre aussi lacunaire est sans valeur légale, estime Francis Megerlin, docteur en droit et maître de conférences à Paris-V, arguments à l'appui. Ce qui pose un problème de taille aux pharmaciens contractant avec ces maisons de retraite.

En effet, le libre choix du pharmacien est l'une des rares notions claires dans un dossier où le flou réglementaire le dispute aux idées fausses. Or, par ce type de document, le résident (ou son ayant droit) mandate la maison de retraite pour choisir un pharmacien à sa place ! En l'occurrence, soutirer la signature d'une personne âgée, en la laissant dans l'ignorance de la prestation dont va dépendre sa santé, ne laisserait certainement pas la DGCCRF indifférente... « C'est un exemple du n'importe-quoi et il y en a beaucoup d'autres », commente Francis Megerlin.

Le pharmacien, lui, doit savoir que sa responsabilité vis-à-vis du code de déontologie peut être recherchée si sa collaboration est « assurée » par des « décharges » aussi peu sûres que celle-là. Même si la qualité de sa prestation est exemplaire. Rappelons à cet égard que la meilleure conduite à tenir est de suivre à la lettre les recommandations formulées en 2005 par le groupe de travail Deloménie*. Même si elles sont pour l'instant superbement ignorées des pouvoirs publics, elles seront probablement à la base de futures évolutions réglementaires.

L'avenant conventionnel sur les maisons de retraite doit être signé avant la fin de l'année, mais Frédéric Van Roekeghem, directeur de l'UNCAM, se dit extrêmement prudent et circonspect sur ce dossier très politique où les avis sont très divergents, y compris au sein de la profession. De plus, cet avenant n'aura pas plus de valeur normative que les recommandations ordinales de mars (voir Le Moniteur n° 2620). La preuve, sur le terrain rien ne change, et vous restez plus que jamais en porte à faux. D'autant que l'éloignement géographique n'est juridiquement pas un obstacle à la fourniture d'une maison de retraite, contrairement au discours ambiant, même si cet éloignement constitue un obstacle pratique évident. Alors, dans un domaine où chacun est aujourd'hui livré à soi-même compte tenu de l'enlisement de ce dossier, assurez-vous au moins que votre contrat repose sur des mandats solides (résident-établissement) - précisant le détail de vos prestations - et non sur des chiffons de papier. Quand on connaît le poids des maisons de retraite dans certains CA, l'enjeu mérite cette attention. Surtout si l'on vous fait investir dans du matériel lourd et coûteux.

* Les recommandations Deloménie sont téléchargeables sur notre site http://www.moniteurpharmacies.com.

Commentaire juridique de Françis Megerlin, docteur en droit, maître de conférences à Paris-V, à la demande d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens.

En conséquence, tout mandat patient/établissement et toute convention établissement/officine fondés sur le courrier en pièce jointe contreviennent à la réglementation, et ne peuvent valablement donner lieu à dispensation.

* Retrouvez sur notre site la fiche issue des travaux Deloménie présentant les éléments d'un possible contrat type entre officines et maisons de retraite. Rubriques Documentation #gt; Documents de référence #gt; mot clé « Maison de retraite ».

Système de distribution des médicaments

Objet :

Système de distribution

des médicaments

A Mme Durand

Madame,

Comme nous vous l'avions expliqué dans différents courriers, nous souhaitions mettre en place un système de distribution de médicaments sous blisters fournis par un pharmacien de manière à poursuivre notre démarche de qualité en termes de traçabilité, sécurité, hygiène et iatrogénie (interactions entre médicaments).

La pharmacie "X" avait répondu favorablement à l'offre proposée, par ailleurs, à tous les pharmaciens ayant une clientèle dans notre établissement. Puis, pour des raisons qui lui sont propres, elle s'est désistée.

Aujourd'hui, nous sommes en mesure de mettre en place ce système avec la collaboration de la pharmacie "Y", située à l'adresse suivante (...). Et, pour cela, nous avons besoin de votre accord écrit.

Vous voudrez bien avoir l'amabilité de nous retourner cette lettre dûment complétée et signée.

Nous vous remercions de votre coopération et restons à votre disposition pour toute information complémentaire.

Recevez, Madame, l'expression de nos meilleures salutations.

..........................................................................................

Coupon à compléter avant le...

M., Mme, Mlle.........

Signature précédée de la mention "bon pour accord"

Le......

I. Pourquoi tout mandat qui découlerait d'un tel courrier est nul et de nul effet

Ce courrier :

- n'informe pas les résidents de l'établissement quant à leur droit fondamental au libre choix de leur pharmacien d'officine actuel ou futur ;

- enjoint au résident de répondre dans un délai déterminé sans l'informer des conséquences de son non-accord, ni présenter d'alternative ; 1

- n'explique pas le contenu de l'offre tout en renvoyant à des courriers précédents non référencés, qui témoignent du caractère insistant mais non traçable de la démarche ;

- ne contient aucun élément indiquant ce sur quoi porte l'accord du signataire devant être reporté dans le bon détachable du courrier principal ;

- n'indique pas que ce bon serait utilisé comme mandat donné à l'établissement pour choisir la pharmacie au nom et profit théorique du résident ;

- n'indique pas la possibilité et les conséquences de la libre révocation du mandat par le résident si ce dernier mandat était par hypothèse valablement formé ;

- ne précise pas la nature des liens pouvant exister entre l'établissement et la ou les officines choisies par ce dernier en vertu du mandat.

En conséquence, ce courrier :

- contrevient tant aux règles du Code de la santé publique qu'aux règles du Code civil et du Code de la consommation ;

- ne saurait valablement donner mandat à l'établissement en vue de choisir une pharmacie au nom du résident ;

- pourrait donner lieu à poursuite de son émetteur en cas de prise d'intérêt illicite à la faveur de mandats collectifs.

II. Ce courrier laisse le résident dans l'ignorance du contenu complet et de la qualité de la prestation dont il serait le bénéficiaire.

Composante éventuelle de l'acte de dispensation, la préparation des doses à administrer (PDA) est licite au regard du Code de la santé publique, mais ne peut être exécutée que dans de strictes conditions relevées par la doctrine et consacrées par l'Ordre (voir Le Moniteur n° 2620 du 18.03.06).

L'établissement et l'officine sont tenus par une obligation de transparence. Elle impose la communication aux résidents des engagements qualitatifs pris en contrepartie du mandat ; ils doivent de mon point de vue être soumis au Conseil régional de l'Ordre, en tant que composante de la convention avec la ou les officines approvisionnant les résidents concernés.

Le fait que ces informations soient, en pratique, difficilement intelligibles pour des résidents âgés ne libère aucunement les acteurs de leur obligation de transparence.

Or, ce courrier

- n'informe pas les résidents sur le contenu de l'acte de dispensation devant être accompli dans son intégralité par le pharmacien, élément décisif du choix en confiance de ce dernier ;

- se borne à l'invocation d'un système de distribution de médicaments sous blisters fournis par un pharmacien, alors que la PDA ne constitue qu'un aspect éventuel et non essentiel de l'acte de dispensation ;

- ne décrit pas les critères de qualité sanitaire globale conduisant l'établissement, s'il était valablement mandaté par les résidents, au choix d'un prestataire plutôt qu'un ou que d'autres ;

- ne détaille pas les éléments de suivi clinique devant être assurés par le pharmacien en lien avec l'équipe soignante, et permettant au patient de bénéficier de la qualité optimale de dispensation, seul critère légitime de choix d'une officine en leur nom ;

- ne permet donc pas au résident ou, à défaut, à ses représentants légaux de se former une opinion précise quant à la portée du choix de l'officine par l'établissement.

J'ajoute que les obligations du pharmacien (et de l'établissement) à l'égard du résident peuvent être inférées du rapport Deloménie portant, de mon point de vue, norme programmatique de l'organisation de la dispensation en EHPAD.

L'établissement ne saurait demander au pharmacien d'autres prestations au-delà des actes ainsi strictement définis et encadrés, sans risquer d'en compromettre la qualité d'accomplissement par saturation du pharmacien responsable et de ses collaborateurs.

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