Carton jaune ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2634 du 24/06/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2634 du 24/06/2006
 

ABANDON DE LA MARGE GROSSISTE AU PROFIT DU PHARMACIEN

Actualité

L'événement

Les répartiteurs, avec certains génériqueurs, vous facturent au prix fabricant HT. Or cet alignement sur les conditions du direct a attiré l'attention de la DGCCRF sur l'abandon de marge du répartiteur au profit de l'officine, jusque-là toléré. Des contrôles suivraient...

Répondant à la sollicitation d'un génériqueur, la DGCCRF vient de mettre le doigt sur les ambiguïtés commerciales de la vente de génériques aux pharmaciens via le grossiste mais aux conditions du direct. Dans un courrier dont Le Moniteur a eu copie, la DGCCRF écrit que l'abandon de marge du répartiteur au profit du pharmacien aboutit de fait à un dépassement du plafond légal de marges arrière (20 %) : « Je constate en premier lieu, sous réserve de l'appréciation souveraine des tribunaux, que la remise consentie au pharmacien (10,30 %* [abandon de marge grossiste] + 10 % [de remise]) est supérieure au taux de 10,74 % prévu à l'article L. 138-9 du Code de la Sécurité sociale. Les avantages financiers, en sus des 10,74 % autorisés par l'article L. 138-9 du Code de la Sécurité sociale, dépassent le seuil prévu à l'article L .442-2 du Code de commerce (soit 20 %) puisqu'ils atteignent 29,56 % [voir tableau ci-contre]. En conséquence, la marge du pharmacien doit être calculée selon les modalités fixées dans l'article précité. » Sachant que le surplus de marge arrière est censé être répercuté sur le prix public (voir Le Moniteur n° 2614).

Cette mise au point intervient en pleine guerre commerciale entre génériqueurs. En début d'année, Merck Génériques informait les pharmaciens que la facturation via Virtuose (OCP) de ses spécialités génériques serait réalisée, à compter du 1er février 2006, sur la base du prix fabricant hors taxes (PFHT) remisé à 10,74 % pour les produits non soumis à TFR. Quelques semaines plus tard, Sandoz emboîtait le pas et proposait le même mode de facturation pour tous les achats transitant par ses grossistes partenaires. Puis, en mai, Biogaran lançait à son tour son offensive commerciale. A chaque fois, il est clairement annoncer que les achats réalisés chez le grossiste sont facturés en PFHT, au lieu du PGHT habituel.

Au fil des mois, le rééquilibrage partiel entre ventes directes et ventes aux grossistes s'avère payant pour les trois ténors du marché, au grand dam de leurs concurrents qui ont opté majoritairement pour une stratégie de ventes directes.

Les répartiteurs récupèrent ainsi une partie des flux génériques qui leur échappaient. « Depuis le début de l'année, les ventes de génériques par le répartiteur progressent de 20 % pendant que les ventes directes évoluent en dessous de zéro. Mais l'on ne peut pas reprocher à un acteur de la distribution de diminuer son prix et d'en faire bénéficier le pharmacien en fonction des remises qu'il a obtenues de ses fournisseurs, ni d'être davantage compétitif pour reprendre des parts de marché au direct », explique Patrick Brondeau, directeur général adjoint d'Alliance Santé.

« Tous les risques sont pour le pharmacien ».

Mais le nouveau système de facturation a rapidement été décrié par des laboratoires et certains groupements qui développent des solutions d'approvisionnement en direct. « La vente par le grossiste aux conditions du direct constitue un dépassement de marges arrière [...] Et tous les risques sont pour le pharmacien », affirme Hubert Olivier, président de Ratiopharm. Dans ces conditions, Marie-Joseph Baud, présidente des sociétés Teva en France, ne voit plus l'intérêt d'investir dans des forces de vente, car « délivrer aux conditions du direct, répartiteurs, officinaux et plates-formes de groupements est une équation intenable sur le plan économique ». Elle craint que le retour en force des grossistes crée un « nomadisme des achats » dicté par les conditions commerciales. Un retour en arrière, « alors que la loi Dutreil a été votée pour arrêter l'escalade des remises ». Tout cela fait désordre au moment où elle affirme que des contrôles de la DGCCRF sont lancés depuis début juin sur le secteur de la pharmacie.

De son côté, Philippe Ranty, président de Sandoz, précise que le problème de l'abandon de la marge du grossiste au profit du pharmacien n'est pas nouveau (il se pose sur le direct depuis le démarrage de la substitution en 1999). « C'est le principe de l'abandon de marge qui doit être discuté, et rien d'autre, estime-t-il. L'interprétation de la DGCCRF n'a pas force de loi et seul le juge a autorité. »

Même attitude pour Claude Japhet, président de l'UNPF, qui ne cache pas néanmoins que ce dossier est une « bombinette » qui peut à tout moment éclater à la figure des pharmaciens. « Ce n'est pas le grossiste qui est incriminé, c'est le principe même. Le pharmacien peut-il recevoir légalement des sommes au titre de la coopération commerciale pour des produits facturés par un tiers ? »

Merck Génériques n'a pas le sentiment de contrevenir à l'arrêté de marge du 29.12.2005. « On ne peut pas faire l'amalgame entre différents éléments juridiques distincts : les marges de distribution, les remises légales maximales et les marges arrière, affirme Bertrand Brutzkus, directeur des opérations chez Merck Génériques. La remise maximale autorisée s'applique sur un prix réel de vente au pharmacien compris entre 1 et 1,103* fois le PFHT. » Véronique Martin-Lanoë, directrice juridique de Merck Génériques, complète : « Selon un avis du Conseil de la concurrence du 11 avril 2001, la marge en gros ne fait pas obstacle à ce que le grossiste applique une marge de distribution inférieure à sa marge maximale de 10,30 %. »

Cette nouvelle agitation autour de la facturation au PFHT arrive au mauvais moment, alors que la profession est tenue par l'objectif national de substitution. « Au travers de cette guerre entre génériqueurs et répartiteurs, le pharmacien peut être le dindon de la farce, car la seule illégalité que l'on peut relever tient au fait de vendre au prix de la vignette », redoute Jean-Pierre Lamothe, vice-président de la FSPF. « Ces manoeuvres sont le fait de laboratoires malveillants vis-à-vis du marché, s'indigne Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'USPO. Connue de tous, la facturation au PFHT correspond à un équilibre qui a été trouvé lors des négociations de novembre dernier, elle n'a pas à être remise en cause pour des querelles entre génériqueurs. » Dans le cas inverse, on créerait, selon lui, les conditions d'un cataclysme sur le générique dont personne n'aurait à gagner.

* La marge du répartiteur est de 10,30 %.

L'avis d'Hugues Villey et Caroline Cazaux, avocats au barreau de Paris (cabinet Toison, Villey et Broud)

Que pensez-vous de l'interprétation de la DGCCRF ?

On peut s'étonner de l'amalgame fait par l'administration entre deux éléments qui ne sont pas de même nature (l'abandon de marge du grossiste au profit du pharmacien et les remises) pour tenter de caractériser un dépassement de remises autorisées. Le calcul utilisé est inexact car il fait valoir que l'abandon de marge équivaut à une remise, et qu'il doit donc à ce titre être restitué à l'assurance maladie. Or la loi n'interdit pas au répartiteur de renoncer à sa marge de distribution pour faire bénéficier le pharmacien d'un prix d'acquisition plus bas. Si l'on peut comprendre le but poursuivi par la DGCCRF, sa position devient maximaliste, en faisant une interprétation qui va au-delà des objectifs prévus par les divs limitant les marges des distributeurs. En quoi la réappropriation de la marge d'un opérateur par un autre serait-elle illégale, dès lors qu'elle ne se traduit pas par un coût global supérieur au prix maximum indiqué sur la vignette ?

On peut remarquer que l'administration reprend une position qu'elle avait déjà exprimée à l'égard de pratiques similaires du fait des laboratoires vendant en direct à l'officine (note de la DGCCRF du 18 août 2000). On s'explique dès lors mal la tolérance dont elle a fait preuve depuis, sauf à penser qu'elle a elle-même pris la mesure du caractère incertain du fondement juridique de son raisonnement et surtout du risque de casser la dynamique de substitution.

L'abandon de marge du répartiteur fait-il courir un risque au pharmacien ? Quelle est doit être l'attitude à avoir face aux sollicitations tant du direct que du répartiteur ?

Il est important de réaliser que le risque se pose en réalité en termes de dépassement de marge autorisée et non de remise. Le pharmacien est dès lors le plus exposé puisque le seul à qui l'administration peut demander la restitution de ce qu'elle considère comme un trop-perçu. Le pharmacien se retrouve donc face à un dilemme et va devoir arbitrer entre un risque juridique, somme toute assez théorique à ce jour, et un risque commercial immédiat en recalculant boîte par boîte, en fonction de chaque circuit d'achat, le prix à facturer à la Sécurité sociale, ce qui paraît totalement ingérable. Dans l'immédiat, il est important qu'il s'interroge sur les conséquences des accords commerciaux que lui proposent ses fournisseurs et qu'il se montre très rigoureux dans ses choix : ce contrat est-il présenté comme permettant d'« améliorer » la marge du pharmacien ? comment est construite l'offre ? comment est-elle juridiquement expliquée ? Etc.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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