L'adjoint épargné - Le Moniteur des Pharmacies n° 2626 du 29/04/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2626 du 29/04/2006
 

RESPONSABILITÉ CIVILE

Actualité

L'événement

Le pharmacien adjoint peut-il voir sa responsabilité civile (indemnisation d'une victime) engagée en cas d'erreur ou de faute ? L'analyse juridique qui vient d'être publiée par l'Ordre est plutôt rassurante pour les salariés. Pourtant, une assurance peut être intéressante. Décryptage.

La question est régulièrement posée depuis décembre 2001 et l'arrêt Cousin : un pharmacien salarié peut-il être jugé civilement responsable et doit-il s'assurer ? Le Bulletin de l'Ordre vient de publier une analyse juridique de Caroline Lhopiteau (1) et Eric Fouassier (2) plutôt rassurante sur ce point : « En l'état actuel de la jurisprudence, seule une infraction intentionnelle par le salarié et les agissements excédant les limites de sa mission sont de nature à lever son immunité et à engager sa responsabilité à l'égard des tiers », concluent-ils.

Au civil, c'est l'employeur qui paye.

Des juristes et avocats sont persuadés depuis le fameux arrêt Cousin, qui a vu un comptable salarié devoir indemniser une victime pour faux, usage de faux et escroqueries commis sur ordre de son employeur, que des pharmaciens adjoints pourraient se trouver un jour dans la même situation. Mais à ce jour, jamais la responsabilité civile d'un adjoint n'a été engagée, informe Pierre Leroux, directeur de la Mutuelle d'assurance des pharmaciens (MADP). De plus, Caroline Lhopiteau et Eric Fouassier notent que la Cour de cassation s'est récemment montrée plus favorable aux salariés que ne le laissait présager l'arrêt Cousin, se référant plutôt aux principes d'un précédent arrêt (3) qui reconnaissait une « irresponsabilité civile délictuelle du salarié ». Comprenez : l'employeur paye dans tous les cas si la faute du salarié n'était pas intentionnelle.

Attention ! Cela ne signifie pas que le pharmacien salarié ne répond pas de ses actes au plan pénal (non-respect de la loi) ou disciplinaire (non-respect du code de déontologie). Bien au contraire, le pharmacien adjoint peut très bien passer au tribunal correctionnel ou en chambre disciplinaire. Mais, civilement, c'est l'assureur du titulaire qui indemnisera une éventuelle victime.

Le titulaire est astreint à un devoir de surveillance de ses employés, rappelait lors, du dernier salon Pharmagora, des avocats du cabinet Fallourd. De ce fait, il est tenu pour responsable des délits commis par ses employés, sa responsabilité civile est alors engagée. Mais, dans la mesure où le rapport de délégation entre le titulaire et son adjoint est clairement défini et où chaque tâche déléguée est inscrite noir sur blanc dans le contrat de l'adjoint, le titulaire peut tout à fait se retourner contre son adjoint, ajoutaient les avocats. « Pourtant, le Code des assurances interdit au commettant [NdlR : l'employeur] de se retourner contre le préposé [NdlR : le salarié], "sauf cas de malveillance", à condition que celle-ci soit "dirigée contre l'assuré" », rappellent les juristes de l'Ordre.

En outre, une analyse des juristes de la CFE-CGC note que la Cour de cassation a estimé que « c'est seulement lorsqu'une entreprise dépasse une certaine dimension et qu'elle atteint une complexité interne suffisante que les tribunaux acceptent de prendre en considération la délégation de pouvoirs ». Qu'il s'agisse de responsabilité civile ou pénale. A cet égard, le cabinet Fallourd estime que si une infraction pénale est commise par son adjoint, et si cet adjoint a été embauché en raison du quota qui lie le nombre d'adjoints au chiffre d'affaires réalisé par l'officine, le titulaire a alors la possibilité de se dégager de sa responsabilité. L'obligation d'embauche présupposerait alors que le titulaire ne peut contrôler l'intégralité des tâches déléguées et effectuées par l'adjoint...

L'adjoint censé rester indépendant.

Et dans le cas où le titulaire n'est pas assuré, la victime ne peut-elle se retourner vers l'adjoint pour une indemnisation ? Certes. L'expérience montre cependant que le juge se retourne systématiquement vers l'employeur, supposé être le plus solvable.

Par ailleurs, un pharmacien adjoint est malgré tout censé « veiller à préserver la liberté de son jugement professionnel dans l'exercice de ses fonctions », et donc ne pas « aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit », rappellent Caroline Lhopiteau et Eric Fouassier. Alors comment savoir si un adjoint a volontairement ou involontairement (de manière non intentionnelle) enfreint la loi, dont le Code de la santé (par exemple dans le cadre d'un traitement de substitution aux opiacés). Comment prouver que la délivrance d'un produit qui avait été rapporté par un client dans le cadre de Cyclamed a été involontaire ? Ainsi, à une adjointe dénonçant dans une lettre les agissements de son ancienne titulaire recyclant du Cyclamed, la section D de l'Ordre répondait, le 30 mars dernier : « Vous pourriez être inquiétée pour avoir recyclé des produits Cyclamed, même si c'était pour ne pas perdre votre emploi ». Effectivement, expliquait cette adjointe, « mon problème c'est d'avoir été obligée, pour conserver mon emploi, de me taire, d'avoir cautionné cette malhonnêteté avec mon diplôme ». « Dans certaines situations, la seule issue permettant à l'adjoint de s'exonérer de ses responsabilités civile mais surtout disciplinaire et pénale, est de démissionner », confirme François Leroux. Sympathique...

De 45 à 90 euros par an pour une assurance.

Alors, in fine, pour en revenir à la responsabilité civile de l'adjoint, celui-ci doit-il s'assurer ? L'analyse publiée dans le Bulletin de l'Ordre laisserait entendre qu'il n'a pas grand-chose à craindre sur ce plan compte tenu de la jurisprudence la plus récente. Cela étant, deux constats s'imposent. Primo : les assurances responsabilité civile de l'adjoint récemment proposées par la MADP en 2001 et, tout récemment, par la Médicale de France ne sont pas chères (45 à 90 Euro(s) par an dans un cas, 60 Euro(s) dans l'autre). Deuzio : ces deux contrats (quasi identiques) couvrent la responsabilité civile de l'adjoint au cas où l'assurance du titulaire ferait défaut, mais font surtout office d'assistance et de protection juridique (couverture des frais d'avocats, de procédure...) en cas de litige. Une garantie qui peut être fort utile - aussi - si l'adjoint est impliqué au pénal ou au plan disciplinaire (cas possible même s'il a agi sur ordre !). La souscription d'une telle assurance en vaut donc peut-être la chandelle.

(1) Directrice juridique de l'Ordre.

(2) Professeur à Paris-XI.

(3) Arrêt Costedeat (2000).

A retenir

- JURISPRUDENCE

Elle penche plus que jamais en faveur du salarié en matière de responsabilité civile, l'employeur étant systématiquement mis en cause, sauf cas éventuel de délit intentionnel.

- PAS D'IMMUNITÉ L'adjoint reste cependant comptable de ses actes aux plans pénal et disciplinaire.

- UNE ASSURANCE peut être intéressante pour l'adjoint, mais davantage pour la garantie protection juridique que pour la responsabilité civile, encore jamais engagée.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !