Pseudo-regroupements - Le Moniteur des Pharmacies n° 2620 du 18/03/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2620 du 18/03/2006
 

Actualité

Enquête

Les rares pharmaciens à avoir oser se lancer dans l'aventure du regroupement peuvent difficilement servir de parangons. Si cela a abouti à l'annulation d'une licence, il n'y a pas eu, cependant, de véritable regroupement au vrai sens du terme. Expériences.

A Brest, seule la persévérance a pu permettre un second regroupement. C'était il y a quelques semaines, dans une galerie marchande située en centre-ville. « Il faut une volonté farouche pour surmonter les contraintes administratives et juridiques liées à la réunion de deux entités économiques », analyse Yannick Marzin, l'un des artisans de ce regroupement en tant que pharmacien investisseur, actionnaire minoritaire dans le capital de la SEL qui exploite la pharmacie issue de cette fusion. En fait, deux ans auparavant, un premier regroupement entre deux officines situées dans le même périmètre avait été réalisé dans un nouveau centre commercial, non loin d'une troisième officine, elle-même située dans un autre centre commercial plus ancien. « Les deux pharmacies en question ont fusionné sur le site le plus ancien et l'un des trois titulaires exploitants concernés est parti en retraite, révèle l'ancienne figure de proue de la FSPF des années 80. Le regroupement suppose de se mettre d'accord entre associés sur une stratégie professionnelle commune, alors que les méthodes de travail, le niveau d'endettement professionnel de chaque associé, les objectifs et besoins patrimoniaux de chacun peuvent être totalement différents. »

Rachat de clientèle n'est pas regroupement.

La majorité des expériences rapportées concerne davantage des rachats de clientèle consécutifs à la fermeture de l'officine - permettant à son titulaire de partir à la retraite - que de véritables opérations de regroupements au sens de la loi. En effet, le rachat de clientèle, et non du fonds (qui rend sa licence), n'a pas à supporter toutes les contraintes du regroupement, en particulier tous les problèmes techniques et juridiques propres à l'association et à l'arrivée d'un nouvel associé (complexité des apports réalisés par les pharmaciens, organisation d'une nouvelle vie commune, incertitudes de la vie en association, etc.).

Christine Quiby et Jean-Michel Moreau, cotitulaires en SNC à Nogent-sur-Marne, ont racheté la clientèle de la Pharmacie Viardot située à 400 mètres de la leur sur le même boulevard. L'ancienne titulaire a simultanément rendu la licence au préfet et a fermé le point de vente. « Nous avions de bons rapports, raconte Jean-Michel Moreau. Proche de la retraite, elle avait mis en vente depuis deux ans mais n'avait pas trouvé de repreneur. Nous lui avons proposé, pour qu'elle puisse partir en retraite, de racheter sa clientèle à la condition qu'elle accepte de vendre à 60 % du CA hors taxes. » La reprise de l'officine n'était pas intéressante car elle était petite et sans réelles perspectives. Cela aurait engendré des travaux importants de rénovation et supposé un rachat de parts entre les cotitulaires pour permettre à l'un d'eux d'engager son diplôme dans l'autre pharmacie. « De plus, la menace de création ou de transfert est écartée car il y a deux ou trois officines de trop sur Nogent. »

Le seul risque encouru était celui de la déperdition d'une partie de la clientèle achetée. « Nous avons minimisé au mieux ce risque », explique Jean-Michel Moreau. La pharmacie n'a pas été fermée du jour au lendemain. « La titulaire nous a présentés à ses clients dans sa pharmacie pendant deux mois et, après la fusion, nous avons gardé la préparatrice expérimentée qui était en place depuis 30 ans pour faciliter le transfert et le suivi de la nouvelle clientèle », précise Christine Quiby. Par ailleurs, une analyse prévisionnelle de la répartition des nouveaux flux de clientèle entre les différentes officines du quartier a été menée. « Nous avons récupéré 80 % du chiffre d'affaires alors que l'objectif minimal était au moins de 65 % ! », précise Jean-Michel Moreau. Une bonne opération qui a incité les deux titulaires à racheter une seconde pharmacie, fermée dans la foulée...

Le regroupement était presque parfait.

La pharmacie de Jean-Paul Sudries, titulaire à Puylaurens (Tarn), un gros chef-lieu de canton rural entre Toulouse et Castres, se prêtait bien au regroupement avec la seule autre officine de cette commune de 2 900 habitants, voisine de la sienne d'une centaine de mètres. Toutes les conditions étaient (presque) réunies : pas de menace de création après fusion, ce secteur rural n'échappant pas au phénomène général de la désertification rurale, la pharmacie voisine la plus proche était située à 30 km, et les deux pharmacies étaient de taille à peu près similaire, avec le même parc informatique, le même expert-comptable... « De plus, nous avons toujours eu d'excellentes relations sur le plan confraternel, ce qui est indispensable pour mener à bien une telle opération », insiste Jean-Paul Sudries. Seulement, sa consoeur souhaitait se réinstaller dans une grande ville où il est plus facile de concilier vie professionnelle et vie privée. « Je lui avais déjà proposé de nous associer avant que je ne le fasse avec mon adjoint, mais les contraintes de gardes en milieu rural étaient devenues trop pesantes pour cette mère de famille avec des enfants en bas âge. » Pour qu'elle lui cède son chiffre d'affaires plutôt qu'à un autre, Jean-Paul Sudries a dû payer le prix qu'elle demandait (103 % du CA). « J'ai accepté toutes ses conditions sans discussion (prix, reprise de l'ensemble du personnel...), sauf l'achat des murs. »

Même en ayant payé le prix fort et perdu 5 % de la clientèle de cette officine maintenant disparue, Jean-Paul Sudries s'y retrouve financièrement. « Les économies d'échelle sont importantes car j'ai récupéré la marge de l'autre officine sans les frais généraux. De plus, les conditions d'achat sont devenues bien meilleures, la fusion des compétences a rejailli aussi sur l'amélioration de l'offre globale de l'officine. Mon associé et moi profitons d'une qualité de vie supérieure. Résultat : nous avons une consolidation de notre EBE à 15 % contre 12 % auparavant, nous avons gagné deux à trois points de marge dans les négociations avec les laboratoires, le stock tourne mieux et le panier moyen a progressé de 29 à 33 euros. Et, sur le plan personnel, cette fusion m'a remotivé. Dans une commune rurale avec deux pharmacies, les regroupements devraient se faire naturellement. »

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