« Fiez-vous aux recommandations Deloménie » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2620 du 18/03/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2620 du 18/03/2006
 

FRANCIS MEGERLIN

Actualité

L'événement

Les analyses de Francis Megerlin, docteur en droit et maître de conférences à Paris-V, sur la préparation des doses à administrer (PDA) sont citées à la fois par l'Ordre et les sociétés prestataires du secteur... Il estime, en tant que juriste, que des rappels à l'ordre peuvent s'avérer salutaires.

« Le Moniteur » : L'Ordre national prend officiellement position, incitant les conseils régionaux à se montrer sourcilleux. Etait-ce nécessaire pour ces derniers ?

Francis Megerlin : Sur le plan technique, non, mais sur le plan moral, oui. Les conseils régionaux font déjà un travail très difficile dans des conditions de tension extrême. Il y a en effet des prédateurs en lice, et certains pharmaciens sont désespérés. Il faut dire que les enjeux ne sont pas seulement importants, ils sont parfois vitaux, en zone rurale notamment. Les conseils régionaux font, en plus, face aux profiteurs politiques de tous poils. Il leur fallait un soutien moral à usage interne et externe. L'Ordre entend ainsi « vertébrer » le débat, sur un mode nettement dissuasif, et c'est très bien venu. Mais certains points gagneraient à être plus explicite pour le même résultat : protéger les malades, empêcher l'anarchie, stopper les margoulins, préserver le maillage.

Pour ceux souhaitant déconditionner, le risque est-il accru par cette délibération ordinale ?

Il faut distinguer risque de procédure et risque de condamnation. Compte tenu du climat très tendu et de la posture de l'Ordre, le risque de procédure est élevé. Mais le risque de condamnation dépend des pratiques individuelles. Pour le juriste, l'augmentation du nombre des plaintes serait presque souhaitable ! L'examen des faits imposerait en effet de préciser les critères d'appréciation, encore flous sur des points majeurs.

Où commence la « systématisation et la généralisation » de la PDA dénoncée par l'Ordre ?

C'est le fond du débat. De mon point de vue, la systématisation et la généralisation ne sont que la partie émergée de l'iceberg. C'est la partie immergée, obscure, qu'il faut éclairer : validité des mandats, contenu des appels d'offres, critères de choix des prestataires, contenu des conventions, articulation des compétences, etc. Si des opérateurs interviennent à distance en n'offrant qu'un service minimum, ou si, à l'inverse, des pharmaciens sont devenus corvéables à merci, c'est aussi et fondamentalement parce que les contours de l'acte pharmaceutique ne sont pas encore clairement tracés. Le groupe de travail Deloménie a esquissé en ce sens des pistes intéressantes. Mêmes dépourvues d'autorité réglementaire, elles sont la voie de la vertu et peuvent de mon point de vue être considérées comme des normes programmatiques. Or, dans ce condiv, tout lecteur rigoureux constatera que l'avantage humain et technique revient au pharmacien de proximité. Mais il ne peut y avoir de rente de situation géographique : la qualité des actes doit être prouvée par tous.

A contrario, qu'est-ce que recouvre la notion de PDA « éventuelle » ? C'est on ne peut plus flou !

Oui, le mauvais débat l'a rendue floue. Depuis 2003, je souligne que la PDA ne peut être assurée d'office, de façon globale et systématique. Elle ne peut être demandée que par le prescripteur ou le malade, selon ses besoins socio-sanitaires. Or l'expression de la volonté des sujets âgés est à cet égard délicate, et parfois improbable. Mais dans ce domaine, pour prendre un exemple, les contrats d'adhésion sont selon moi inacceptables, et les ralliements unanimes suspects.

Sachant qu'avoir plusieurs maisons de retraite est souvent vital pour amortir le matériel, la position ordinale compromet-elle la PDA sous contrat à l'échelle d'un établissement ?

Cela dépend sans doute du type de PDA, de matériel, du contenu des contrats (achat, location...). Je veux encore souligner que l'échelle à laquelle l'officinal fait des PDA ne saurait être définie en fonction d'une capacité technique. La qualité d'analyse et de conseil, l'aptitude au suivi des résidents en lien avec l'équipe soignante sont décisives. Or elles supposent une disponibilité minimale des personnels compétents sur place. Si l'on nommait et exigeait cette qualité, elle nettoierait le marché. Pour certains, c'est la boîte de Pandore, pour d'autres, le tonneau des Danaïdes car la qualité a un coût. Mais s'il est absorbé par la marge sur le CA localement réalisé, le modèle économique mérite d'être examiné.

Une position officielle des autorités s'avère-t-elle nécessaire sur la PDA ?

La question de la légalité de principe de la PDA ne se pose pas. Les réponses ministérielles si souvent citées sont sans fondement juridique. Le débat doit donc porter le plus vite possible sur la question interdisciplinaire de ses modalités précises. Sinon, la gangrène va s'installer, et l'amputation serait un échec collectif. C'est en les définissant très rigoureusement (les outils d'évaluation ne manquent pas) que l'on peut assainir les pratiques. Je constate que le besoin est exprimé en EHPAD mais va exploser en ville avec le papy-boom. L'offre de services de santé est en cours de redéfinition. La politique de l'autruche est intenable.

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