Sarcopénie et dénutrition de la personne âgée - Le Moniteur des Pharmacies n° 2616 du 18/02/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2616 du 18/02/2006
 

Cahier formation

l'essentiel La dénutrition correspond à un déficit protéinoénergétique et la sarcopénie est une perte progressive de la masse musculaire. La perte musculaire est le point faible du sujet âgé. A chaque épisode pathologique aigu, les réserves protéiques musculaires du sujet âgé sont mobilisées sans retour à l'état antérieur. Cette mauvaise récupération est accentuée par l'absence d'hyperphagie compensatrice. La vigilance s'impose si la perte de poids atteint 2 % en une semaine, 5 % en un mois ou 10 % en six mois. Le traitement de la dénutrition de la personne âgée est surtout basé sur la supplémentation par voie orale destinée à compenser des apports alimentaires insuffisants et à lutter contre la perte de poids. Salées, sucrées, liquides, mixées ou solides, normo- ou hypercaloriques, normo- ou hyperprotidiques, les références foisonnent. Deux médicaments (Cétornan et Renutryl) peuvent également être prescrits en complément.

ORDONNANCE : Une patiente âgée et ostéoporotique souffrant de sarcopénie

Traitée pour une ostéoporose par Fosamax 70 et Cacit vitamine D3, Francine C., 84 ans, présente une ordonnance de son gériatre avec Cétornan et Clinutren HP Energy.

LA PRESCRIPTION

Docteur Jacques Marty

Gériatre

2, place du Marché

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 12 février 2006

Mme Francine C.

84 ans, 45 kilos

Cétornan 5 g : 1 sachet 2 fois par jour

Clinutren HP Energy : un 2 fois par jour

Fosamax 70 mg : 1 comprimé par semaine

Cacit Vitamine D3 : 1 sachet par jour

qsp 1 mois

LE CAS

Ce que vous savez de la patiente

- Avec une asthénie persistante et trois chutes depuis 15 jours dus, selon la patiente, à une « faiblesse musculaire », l'état général de Francine C., 84 ans, 45 kg pour 1,68 m, s'est dégradé (IMC : 15,9 kg/m2).

Depuis le décès de son mari il y a 6 mois, elle vit seule et a beaucoup maigri. Une tentative d'augmentation des apports nutritionnels n'a pas suffi à lui faire reprendre du poids. Son ostéoporose est bien prise en charge.

Ce que le médecin lui a dit

- Le médecin confirme une perte de poids supérieure à 5 % du poids habituel. Le diagnostic de sarcopénie avec une amyotrophie généralisée a été posé par le gériatre qui lui a dit de maintenir une activité physique (un peu de marche accompagnée) et de se forcer à manger plus. Il a également précisé qu'il allait l'aider avec des compléments nutritionnels pour lui faire reprendre du poids. Un nouveau rendez-vous est fixé un mois plus tard.

Ce dont la patiente se plaint

- Mme C. se plaint de faiblesse et d'un manque d'appétit. Elle « nage » dans ses vêtements. A cela s'ajoutent une réduction de son autonomie et des chutes fréquentes. Elle a de plus en plus peur de sortir.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

Deux précautions d'emploi sont à signaler.

- Cacit Vitamine D3/Fosamax

Les sels de calcium peuvent diminuer l'absorption digestive de l'alendronate, avec un impact possible sur sa biodisponibilité. La prise des sels de calcium sera décalée d'au moins 30 minutes , voire de plus de 2 heures si possible (selon l'AMM des autres biphosphonates).

- Fosamax/Cacit/Cétornan

Leur prise concomitante peut additionner leurs effets indésirables digestifs : douleurs abdominales, nausées, constipation, diarrhées...

ANALYSE DES POSOLOGIES

Les posologies de Fosamax, Cacit Vitamine D3 et Cétornan sont conformes à leurs AMM respectives. Celle de Clinutren HP Energy peut, si les besoins nutritionnels s'avèrent insuffisants, être éventuellement augmentée.

AVIS PHARMACEUTIQUE

Mme C a perdu plus de 5 % de son poids habituel en raison d'une alimentation et de réserves nutritionnelles amoindries. La période d'amaigrissement avec perte d'appétit a été traitée sans succès par une tentative d'augmentation des apports nutritionnels journaliers. D'où la supplémentation calorique et protéique.

Sarcopénie

La prise en charge doit être précoce et rapide. Elle consiste à :

-#gt; assurer un apport protéinocalorique adapté afin de corriger les troubles nutritionnels, reconstituer la masse maigre et lutter contre l'hypercatabolisme ;

-#gt; adopter une alimentation équilibrée, naturelle et enrichie en protéines et calcium et garder une activité (marche, jardinage, tâches quotidiennes...).

Le métabolisme de Cétornan permet la production de nombreux acides aminés qui freinent l'élévation du catabolisme protéique musculaire.

Clinutren HP Energy est une formule nutritionnelle hyperprotéinée et hypercalorique. Cette source de vitamines et minéraux est sans lactose, sans gluten et sans résidu. Cette collation apporte 250 kcal par pot. Le remboursement pris en charge dans le cadre de la LPPR (liste des produits et des prestations remboursables) ne se fait que dans cinq indications : mucoviscidose, épidermolyse bulleuse dystrophique ou dermolytique, maladies neuromusculaires, tumeurs ou hémopathies malignes ou infection par le VIH, ces trois dernières en cas de dénutrition caractérisée par une perte de poids supérieure ou égale à 5 % du poids habituel. Mme C. ne répondant à aucune de ces indications, Clinutren n'est en principe pas remboursé.

- Besoins énergétiques

Les besoins en protéines chez le sujet âgé sont de 1 g/kg/jour. Pour un poids de 45 kg, Clinutren HP Energy (15 g de protéines pour 200 ml et 24 % de l'apport énergétique total) et Cétornan 5 g (apport azoté : 0,65 g par sachet), pris deux fois par jour tous les deux, permettent de couvrir près de 70 % de ses besoins protéiques. Le reste des besoins sera apporté par les repas quotidiens. Une carence en calcium et en protides induit une baisse du seuil fracturaire.

Ostéoporose

Fosamax inhibe la résorption ostéoclastique sans effet direct sur la formation de l'os. La prise unique hebdomadaire, à jour fixe, favorise l'observance. Un apport vitaminocalcique est associé à la prise de biphosphonates. La vitamine D favorise l'absorption du calcium au niveau digestif et augmente sa fixation sur l'os.

INITIATION DU TRAITEMENT

Bilan clinique

-#gt; Apports nutritionnels, degré d'autonomie physique et psychique et adhésion au traitement.

-#gt; Poids, importance de l'amaigrissement ou indice de masse corporelle (IMC).

-#gt; Pli cutané.

-#gt; Circonférence musculaire qui reflète la masse maigre, au milieu du bras, entre l'acromion et l'olécrane.

-#gt; Facteurs de risque et pathologies associées : ostéoporose, dépression nerveuse, anorexie ou constipation.

Bilan biologique

-#gt; Albuminémie (valeurs normales comprises entre 35 et 50 g/l).

-#gt; Préalbumine (valeurs normales comprises entre 0,25 et 0,35 g/l). Dénommée transthyrétine, elle identifie les fluctuations rapides du statut nutritionnel.

VALIDATION DU CHOIX DES PRODUITS

-#gt; Cétornan 5 g (ornithine oxoglurate)

- Apport oral en acides aminés.

- Prescrit comme adjuvant de la nutrition chez le sujet âgé dénutri.

- La posologie journalière est de 2 sachets par jour.

-#gt; Clinutren HP Energy

- Boisson nutritive hypercalorique.

- Utilisée en nutrition clinique orale des patients nécessitant

un apport protéique et énergétique accru, notamment les personnes âgées.

- La posologie est de 1 à 3 unités par jour en supplémentation.

-#gt; Fosamax 70 mg (alendronate monosodique)

- Biphosphonate.

- Indiqué dans le traitement de l'ostéoporose postménopausique.

- La posologie recommandée est de 1 comprimé par semaine, à jour fixe.

-#gt; Cacit Vitamine D3 1 000 mg/880 UI (calcium, colécalciférol)

- Apport de vitamine D et de calcium.

- Indiqué dans la correction des carences vitaminocalciques chez le sujet âgé et en association aux traitements spécifiques de l'ostéoporose chez les patients carencés ou à haut risque de carence vitamino-D-calcique.

- La posologie recommandée est de 1 sachet par jour.

SUIVI DU TRAITEMENT

La patiente ou son entourage doit signaler au médecin les symptômes persistants : anorexie ou refus de s'alimenter, troubles de déglutition, constipation...

Effets indésirables attendus

Ce sont ceux surtout de Fosamax : irritations de la partie supérieure du tractus digestif. Le risque est diminué si les conditions d'administration sont respectées.

-#gt; Les effets additifs sur le tractus digestif : douleurs abdominales (alendronate et calcium), nausées, constipation (calcium), diarrhées (Cacit, Cétornan...) peuvent gêner l'observance.

Suivi clinique

Pour la sarcopénie, la surveillance est mensuelle jusqu'à l'obtention d'une reprise de poids satisfaisante.

Suivi biologique

Pour la sarcopénie, la surveillance a une valeur prédictive du pronostic, elle porte sur l'albuminémie, la préalbumine et la CRP.

-#gt; L'albumine a une demi-vie de 20 jours : il faut donc attendre 20 jours pour juger de l'efficacité d'une renutrition.

-#gt; La préalbumine a un intérêt pour le suivi d'une renutrition car son taux est diminué en cas d'hypercatabolisme.

-#gt; Les protéines de l'inflammation dont la CRP permettent de surveiller le risque de complications chez le sujet fragile.

CONSEILS À LA PATIENTE

La diététique

- Le régime doit être riche en protéines et calcium. Encourager la prise alimentaire naturelle.

- Assurer une hydratation régulière : 1, 5 litre par jour environ.

- Identifier les facteurs favorisant la dénutrition (solitude, problèmes dentaires...).

La mobilité

- Proposer une canne et anticiper le risque de chutes (mobilier...).

La pesée

Se peser une fois par semaine, à jour fixe, à chaque fois dans les mêmes conditions et au même moment, le matin au lever.

Avec Cétornan

Si la prise au début du repas pose problème, il est possible de consommer la poudre mélangée à du yaourt.

Avec Clinutren

Un pot ouvert se conserve 24 heures au maximum entre + 2 et + 8 °C. Varier les parfums (vanille, fraise, pêche, chocolat, caramel...) pour éviter la lassitude.

Avec Fosamax

- Rassurer la patiente quant aux effets indésirables, liés surtout au non-respect du schéma de prise.

- Rappeler à chaque fois les modalités de prise, en particulier la nécessité de ne pas sucer ou croquer le comprimé, de ne pas s'allonger après la prise pour réduire le risque de reflux gastro-oesophagien responsable aussi de lésions.

- Ne pas hésiter à préconiser d'espacer les autres prises de 30 minutes voire de 2 heures (en particulier chez les personnes âgées ayant un péristaltisme diminué).

- En cas d'oubli, avaler le comprimé le lendemain matin du jour où Mme C. s'en aperçoit. Elle ne doit pas prendre 2 comprimés le même jour et doit revenir à la prise hebdomadaire en se basant sur le jour choisi initialement.

- Contacter le médecin en cas de troubles digestifs persistants.

Avec Cacit Vitamine D3

En cas de survenue de constipation (liée au calcium), les laxatifs lubrifiants sont déconseillés : ils diminuent l'absorption de la vitamine D.

Par A. Barrak, L. Bakir-Khodja-Chorfa et Pr J. Calop, Centre d'études et d'évaluation des pratiques professionnelles pharmaceutiques officinales (CEEPPO), département de pharmacie, service de pharmacie clinique, CHU de Grenoble

PATHOLOGIE : Que sont la sarcopénie et la dénutrition du sujet âgé ?

La dénutrition correspond à un déficit en énergie, en protéines ou en tout autre nutrim ent. Ses effets s'ajoutent à ceux de la sarcopénie, perte progressive de la masse musculaire avec l'âge, fragilisant encore plus la personne âgée.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La sarcopénie s'observe même chez la personne âgée bien portante. Elle est encore mal connue en Europe mais, dans une vaste étude américaine, la « National Health and Nutrition Examination Survey », 59 % des femmes de plus de 60 ans et 45 % des hommes de plus de 60 ans présentaient une sarcopénie modérée, tandis que 10 % des femmes et 7 % des hommes avaient une sarcopénie sévère.

La prévalence de la dénutrition protéinoénergétique diffère selon les sources. Elle est de 3 à 5 % chez le sujet de plus de 65 ans vivant à domicile. Hors du domicile, les chiffres varient entre 20 et 75 % en milieu hospitalier, 30 et 60 % en soins de suite, 10 et 60 % en maison de retraite.

PHYSIO-PATHOLOGIE

Beaucoup d'éléments concourent à la perte musculaire.

Sarcopénie

Certaines particularités métaboliques peuvent expliquer la survenue de la sarcopénie. Après un repas, la synthèse protéique est stimulée en moindre proportion chez le sujet âgé par rapport au sujet jeune. Ce phénomène pourrait être lié à une résistance à l'insuline. Une autre hypothèse met en avant la séquestration des acides aminés d'origine alimentaire par les territoires splanchniques et donc une moins bonne biodisponibilité des acides aminés pour la synthèse protéique musculaire.

Dénutrition protéinoénergétique

La dénutrition résulte d'un déséquilibre entre les besoins de l'organisme et les apports nutritionnels. La carence d'apport protéinoénergétique et l'hypercatabolisme en sont à l'origine. Ils sont communs à tous les patients, mais certaines spécificités sont propres à la personne âgée.

- Carence d'apports

Lors d'une carence d'apports, le sujet jeune perd surtout sa masse grasse, le sujet âgé perd surtout sa masse musculaire. Chez l'adulte plus jeune, la carence d'apports induit un phénomène d'adaptation au jeûne : les réserves énergétiques représentées par la masse grasse sont mobilisées et la masse maigre (reflet de la masse musculaire) est préservée, du moins lors de la phase initiale du jeûne. Chez le sujet âgé, le mécanisme d'adaptation au jeûne est perturbé. Au lieu d'économiser sa masse maigre en mobilisant les réserves de la masse grasse, il procède inversement et sollicite ses réserves protéiques. On ignore pourquoi le sujet âgé perd sa capacité à compenser le jeûne.

- Hypercatabolisme

L'hypercatabolisme est la seconde cause de perte musculaire chez la personne âgée.

La dénutrition par hypercatabolisme correspond aux situations dites d'« agression » (pathologie aiguë ou chronique). L'organisme puise alors dans sa réserve protéique afin de mobiliser les acides aminés nécessaires aux processus de réparation : cicatrisation, synthèse des protéines de l'inflammation, mise en jeu du système immunitaire. Mais la personne âgée, contrairement au sujet jeune, ne reconstitue pas ses réserves nutritionnelles ad integrum après disparition de l'état pathologique initial. A chaque épisode pathologique aigu, ses réserves protéiques musculaires sont mobilisées, sans retour à l'état antérieur. Ce défaut de récupération s'explique par l'absence d'hyperphagie compensatrice (régulation physiologique qui permet de reconstituer ses réserves musculaires par l'augmentation de ses apports caloriques). La perte musculaire est donc le véritable point faible du sujet âgé.

- Des mécanismes intriqués

Le muscle représente une réserve protéique mobilisable en cas d'agression, tandis que la graisse est une réserve d'énergie utile en cas de jeûne. Chez la personne âgée, les événements pathologiques qui émaillent le vieillissement surviennent généralement sur un terrain déjà fragilisé par la carence d'apports et/ou la sarcopénie.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de dénutrition ne peut reposer que sur un faisceau d'arguments, aucun critère considéré individuellement n'étant suffisant. L'interrogatoire permet de suspecter une carence d'apport. Les mesures anthropométriques, les données biologiques, les index nutritionnels et certains éléments cliniques étayent le diagnostic. Pour parler de dénutrition, deux critères « positifs » sont nécessaires parmi les quatre suivants : perte de poids, IMC bas, hypoalbuminémie, score bas au test MNA (mininutritional assessment).

Mesures anthropométriques

- Poids corporel

Il est peu informatif. L'amaigrissement varie selon le type de carence : mixte protéinoénergétique ou protéique pure. La mesure du poids est mise en défaut en cas de rétention d'eau ou de déshydratation. La dénutrition peut même induire une obésité par insulinorésistance !

En revanche, la notion de perte de poids, ainsi que sa vitesse, est plus intéressante, à condition de disposer du poids antérieur. La dénutrition est avérée si la perte de poids atteint 2 % en une semaine, 5 % en un mois ou 10 % en 6 mois.

- Index de masse corporelle

Ce rapport poids en kg/taille en m2 est normalement compris chez l'adulte entre 18,5 et 25 kg/m2. Chez le sujet âgé, la limite inférieure de normalité de l'IMC est plus élevée : 21 kg/m2. La valeur de l'IMC peut être faussée en cas de troubles de l'hydratation.

- Circonférence des membres

La circonférence des membres est un bon reflet de la masse maigre. La circonférence brachiale est mesurée à mi-distance entre l'acromion et l'olécrane : on parle de dénutrition en dessous de 22 centimètres. La mesure du pli cutané, reflet de la masse grasse, a moins d'importance.

Examen clinique

Des oedèmes des membres inférieurs peuvent orienter vers la piste d'une dénutrition protéique pure. Ils doivent être pris en compte lorsqu'on mesure le poids corporel. Les anomalies des phanères (cheveux secs, fins et cassants, ongles striés) ou de la peau (sèche et fine) sont tardives et traduisent une dénutrition avancée.

Eléments biologiques

Les deux protéines les plus fréquemment dosées dans le plasma sont l'albumine et la transthyrétine (préalbumine). Une albuminémie inférieure à 35 g/l et une concentration de transthyrétine en deçà de 200 mg/l témoignent d'une dénutrition. Les résultats doivent toujours être interprétés en fonction de l'existence ou non d'un syndrome inflammatoire : une élévation de la protéine C réactive (CRP) est en effet corrélée à une diminution des protéines nutritionnelles.

Index nutritionnels

Ils combinent entre eux certains marqueurs biochimiques, cliniques ou anthropométriques. Chez le sujet âgé, on utilise le MNA. Le MNA de dépistage, très rapide, n'a de valeur que si l'on réalise le MNA complet en cas de résultat inférieur à 12 (sur 14).

FACTEURS DE RISQUE ET ÉTIOLOGIES

Si l'âge est bien lié à l'apparition de la sarcopénie, il n'est pas en soi une cause de dénutrition.

Carence d'apports en protéines

L'insuffisance d'apport alimentaire en protéines est à la fois cause de sarcopénie et de dénutrition. De multiples facteurs peuvent en être à l'origine.

-#gt; L'appétit diminue peu à peu avec l'âge, en raison de modifications du goût et de l'odorat. Parfois aussi en raison de problèmes dentaires.

-#gt; La prise de plusieurs médicaments avec une grande quantité d'eau contribue à l'installation prématurée de la sensation de satiété.

-#gt; De nombreux médicaments induisent des modifications du goût et/ou de la salive (IEC, amiodarone, interféron, zopiclone, lithium...).

-#gt; Les troubles dentaires ou le port d'appareils inadaptés entraînent des difficultés de mastication.

-#gt; La constipation est une cause fréquente d'insuffisance d'apports alimentaires, mais d'autres pathologies (maladies digestives, dépression, maladies neurologiques...) s'accompagnent d'une anorexie ou de troubles de la déglutition (AVC).

-#gt; Les troubles moteurs peuvent gêner pour faire les courses ou préparer les repas, voire empêcher de porter les aliments à la bouche (tremblements...).

-#gt; Les problèmes sociofamiliaux sont sources d'isolement.

Augmentation des pertes

Un excès prolongé de pertes digestives peut être cause de dénutrition. Il est plutôt le fait de maladies favorisant la malabsorption : atteinte pancréatique, maladie coeliaque, diarrhée persistante.

Situations d'agression

Elles correspondent à toutes les pathologies aiguës (infectieuse, traumatique...) ou chroniques (maladies inflammatoires). La polypathologie, fréquente chez le sujet âgé, multiplie les risques de dénutrition par hypercatabolisme.

Manque d'exercice

Parmi les causes de la sarcopénie, la réduction de l'activité physique quotidienne joue un rôle.

ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

Sarcopénie

A elle seule, la sarcopénie expose à des conséquences fonctionnelles importantes : difficultés à la marche, chutes avec risque de fractures (en raison d'une ostéopénie souvent associée), réduction des activités quotidiennes.

Dénutrition

La dénutrition protéinoénergétique est responsable d'effets délétères clairement établis.

Sur un plan général, elle augmente la morbidité (aggravation du pronostic des maladies, complications postopératoires) et la mortalité hospitalières. Elle élève la durée de séjour hospitalier (conséquences économiques) et diminue l'autonomie et la qualité de vie.

Elle favorise l'apparition d'escarres et retarde la cicatrisation.

La carence protéique altère le fonctionnement du système immunitaire et augmente le risque d'infections. Elle est d'ailleurs un facteur de risque indépendant d'infections nosocomiales.

La perte musculaire occasionne des troubles moteurs, y compris respiratoires par atteinte diaphragmatique.

La modification de la répartition hydrique dans l'organisme altère la pharmacocinétique de certains médicaments.

Le lien réciproque entre dénutrition et dépression a en outre été confirmé.

Autre conséquence moins connue de la fonte musculaire : l'augmentation du risque de maladie nutritionnelle de surcharge (diabète de type 2, obésité) du fait de l'insulinorésistance. On peut donc devenir dénutri et obèse.

Par le Dr Pascale Naudin-Rousselle, en collaboration avec le Pr Xavier Hébuterne, Fédération d'hépato-gastroentérologie et de nutrition clinique, hôpital de l'Archet-2, Nice

L'AVIS DU SPÉCIALISTE : « La sarcopénie est au muscle ce que l'ostéoporose est à l'os »

La personne âgée a-t-elle moins de besoins nutritionnels ?

Bien au contraire. Elle doit manger mieux car le vieillissement s'accompagne d'une utilisation moins performante des nutriments. Pour une même activité physique, ses besoins en protéines et en énergie sont plus importants que ceux d'un adulte.

Pourquoi a-t-elle moins faim ?

En vieillissant, le signal de satiété est plus précoce pour un volume moins important dans l'estomac. Ce sont les récepteurs cérébraux à la cholécystokinine qui donnent ce signal de satiété. Cette dernière est une hormone sécrétée par la muqueuse duodénale sous l'influence des graisses. En outre, au niveau du cerveau, la synthèse du neuropeptide Y, un neuromédiateur qui stimule l'appétit, diminue.

Enfin, de même qu'il y a une dysrégulation de la soif, il y a une dysrégulation de l'appétit quand on vieillit. Si, sur une période, la quantité d'aliments ingérés diminue, contrairement à un plus jeune, l'appétit ne revient pas et la capacité à « anaboliser » est moindre. C'est problématique dans des situations infectieuses pour lesquelles les besoins sont très augmentés mais le patient n'a plus faim.

Peut-elle récupérer sa masse musculaire ?

Longtemps on a cru que non. Pourtant, la perte de muscle n'est pas inéluctable. On peut arriver à refabriquer du muscle, même âgé, grâce à une activité physique et une nutrition adaptée. La sarcopénie est au muscle ce que l'ostéoporose est à l'os. D'où l'intérêt de la prévenir en évitant de devenir sédentaire quand on arrête de travailler. D'autant que l'activité physique augmente l'appétit !

Dr Monique Ferry, interrogée par Laurent Lefort

THÉRAPEUTIQUE : Comment traiter la dénutrition de la personne âgée ?

Le traitement de la dénutrition protéinoénergétique de la personne âgée est largement basé sur la supplémentation par voie orale qui compense des apports alimentaires insuffisants et lutte contre la perte de poids.

La sarcopénie, bien que physiologique chez le sujet âgé, peut être prévenue par un maintien des apports alimentaires et une activité physique adaptée.

Le traitement de la dénutrition fait appel aux compléments alimentaires du groupe des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » (ADDFMS). Deux produits, Renutryl et Cétornan, ont le statut de médicament. Lorsque ces thérapeutiques ne permettent pas de traiter la dénutrition de manière satisfaisante, la nutrition entérale peut être envisagée.

LES ADDFMS

Les compléments nutritionnels

Ces produits complets apportent des protéines, des lipides, des glucides ainsi que vitamines, électrolytes et oligoéléments. Ils permettent d'augmenter les apports en calories et en protéines sous un faible volume.

Les produits de complémentation orale sont classés selon leurs apports calorique et protidique :

-#gt; les compléments normocaloriques apportent 1 kcal par ml et les produits hypercaloriques (ou hyperénergétiques) ont un apport supérieur ;

-#gt; les compléments sont normoprotidiques si la part des calories apportées par les protéines représente 15 % de l'apport énergétique total du produit. Lorsque ce pourcentage est supérieur à 19 %, les produits sont dits hyperprotidiques.

D'autres caractéristiques permettent de comparer les compléments nutritionnels entre eux : l'apport en fibres, la présence de lactose, de gluten ou d'édulcorants.

Sucrés ou salés, ils offrent un large choix de parfums et d'arômes pour enrayer la monotonie et la lassitude. Les consistances et les textures varient pour répondre au goût des patients et à leurs éventuels troubles de la déglutition. Les goûts et conditionnements suivent les tendances actuelles de packaging (yaourt à boire, parfums exotiques...).

- Les salés

-#gt; Les soupes se présentent en conditionnement prêt à l'emploi. Clinutren 1.5 Soup et PROTIfortifiant sont des produits normocaloriques, alors que Fortisip Multi Fibre est hypercalorique (1,5 kcal/ml).

-#gt; Les produits mixés ont une consistance beaucoup plus épaisse, certaines purées ayant une texture plus lisse que les autres (gamme Nutra'mix). Les mixés se présentent soit sous forme de bols ou d'assiettes de 300 à 330 g de purée prête à l'emploi (Nutra'mix 540, Resource Menus Energy, Delical Plat Mixé), soit sous forme déshydratée (Resource Les Mixés HP, Clinutren Mix) en portions de 70 à 90 g, auxquelles de l'eau doit être ajoutée pour arriver à 250 à 300 g de purée reconstituée. Chaque gamme contient 6 à 12 arômes (boeuf, veau, jambon, poisson, poulet, tout légumes...).

Ces mixés sont tous hyperprotidiques et apportent une quantité intéressante de fibres, tout particulièrement certains produits riches en fibres (Nutra'mix 540 et trois présentations de la gamme Resource Les Mixés HP). A l'inverse, les gammes Resource Les Mixés HP et Delical Plat Mixé contiennent chacune deux présentations pauvres en résidus. Deux recettes de Delical Plat Mixé sont sans sel. Attention, la gamme Nutra'mix contient du gluten !

- Les sucrés

Ils représentent le plus grand nombre de références, avec une variété de présentations, de textures et de parfums. Leurs volumes sont toujours faibles car ils apportent vite une sensation de satiété.

-#gt; Les boissons nutritives

Les boissons complètes constituant un apport équilibré de glucides, lipides et protides sont à différencier des jus de fruits qui apportent plus de 80 % de glucides et le reste de protéines.

- Les boissons nutritives complètes

Elles se présentent sous forme de Tetra Brik, de cup ou de boîte métallique de 200 à 250 ml. Parfois les capacités manuelles de la personne âgée limitent la bonne ouverture du contenant ou la mise en place de la paille.

De nombreux parfums (vanille, fraise, café, chocolat, pêche-passion, fruits rouges...) sont disponibles.

Des produits normocaloriques et des produits hypercaloriques (1,25 à 1,5 kcal/ml) sont proposés. Quelques-uns sont normoprotidiques mais la majorité sont hyperprotidiques. La plupart des produits liquides complets ne contiennent pas de fibres, à l'exception de certaines boissons (Clinutren 1.5 fibre, Fortisip Multi fibre). Aucun produit ne contient de gluten.

Certaines de ces boissons contiennent du lactose (Resource Protein Plus, PROTIfortifiant, Fortimel, Delical Boisson Lactée 1.5).

L'apport en sodium est très variable d'un produit à l'autre, allant de 40 mg à 262 mg par contenant.

- Les jus de fruits

Ils se présentent sous forme de cup ou de Tetra Brik de 200 à 240 ml. Ces jus de fruits apportent uniquement des glucides et des protéines ; ils sont tous hypercaloriques et normoprotidiques : ProvideXtra Drink (Fresenius Kabi), Enlive Plus (Abbott), Clinutren Fruit (Nestlé Nutrition), Delical Boisson Fruitée (DHN), Fortijuce (Nutricia), Resource Fruit (Novartis Nutrition).

-#gt; Les yaourts liquides

Fortifresh est un yaourt liquide présenté en Tetra Brik de 200 ml dans une gamme de 4 arômes. Cette boisson est hypercalorique, normoprotidique et contient du lactose. Ce type de produit permet de varier les goûts et les textures.

-#gt; Les crèmes

Elles se présentent sous forme de pot de 125 g (Delical, Forticrème, Resource...), plus rarement de cup de 205 g (Clinutren Dessert). Chaque produit se décline en 4 ou 5 arômes (vanille, chocolat, pêche, caramel...).

Il s'agit toujours de produits hyperprotidiques et hypercaloriques.

Aucune ne contient de fibres en quantité notable, ni de gluten. Quelques crèmes contiennent du lactose (Clinutren Dessert, Floridine).

Resource Crème HP ne contient pas de saccharose et est édulcorée avec de l'acésulfame de potassium.

-#gt; Préparation aux fruits

Nutra'pote Dessert aux pommes (Beaubour Nutrition) et Resource Dessert Fruit (Novartis Nutrition) sont deux compotes de texture lisse hyperprotéinées.

-#gt; Pour le petit déjeuner

Clinutren Cereal (Nestlé Nutrition) est une poudre hyperprotidique et hypercalorique qui se reconstitue en ajoutant 50 g de poudre à 150 ml de lait écrémé.

-#gt; Les produits particuliers

- Troubles du métabolisme glucidique

Clinutren G-Diabetes (Nestlé Nutrition) est un produit normoprotidique ne contenant pas de mono- et de disaccharides mais apportant des glucides complexes et des fibres solubles.

Resource DB (Novartis Nutrition) est une boisson hyperprotidique, sans saccharose et dont la composition glucidique est adaptée aux patients présentant des troubles du métabolisme glucidique.

- Période préopératoire

Les sachets Oral Impact (Novartis Nutrition) renferment une poudre à reconstituer avec 250 ml de lait ou d'eau. Sa composition enrichie en arginine et huiles de poisson le fait recommander chez les patients immunodéprimés ou en période préopératoire.

- Patients cachectiques

Resource Support (Novartis Nutrition) est une boisson hypercalorique et hyperprotéinée présentée en Tetra Brik de 200 ml et dont la composition est enrichie en vitamine E, en oméga-3 et en acides aminés. Il est indiqué pour faciliter la reprise de poids chez les patients cachectiques.

- Cicatrisation des plaies

Cubitan (Nutricia) et Clinutren Repair (Nestlé Nutrition) sont des boissons hypercaloriques, hyperprotidiques (les protéines représentent jusqu'à 30 % de l'apport énergétique total) et enrichies en acides aminés, en acides gras essentiels, en flavonoïdes et en micronutriments, pour la cicatrisation des plaies postchirurgicales ou de type escarres.

- Maladie de Crohn

Modulen IBD (Nestlé) est une poudre donnant, une fois reconstituée, un mélange complet pour administration orale ou entérale.

- Indications

Dès que le médecin détecte une dénutrition modérée avec insuffisance d'apports, il peut associer à l'alimentation orale des compléments alimentaires normo- ou hypercaloriques plusieurs fois par jour.

-#gt; Les produits hyperprotidiques sont utilisés dans les situations d'hypercatabolisme : infections, destructions tissulaires comme un infarctus ou un AVC, réparations tissulaires type escarres ou suite de fracture.

-#gt; Les produits mixés sont indiqués chez les patients présentant des troubles de la déglutition et/ou des troubles de la mastication les empêchant de consommer une alimentation à texture normale.

- Mode d'utilisation

-#gt; Ces produits se consomment en dehors des repas sous forme de collations, par exemple vers 10 heures, 16 heures et en fin de soirée.

-#gt; Varier les arômes et les présentations pour éviter l'apparition d'une lassitude et d'un écoeurement, sachant qu'un même parfum peut se révéler très différent d'une marque à l'autre. Choisir les parfums en fonction des goûts du patient et une texture adaptée aux difficultés éventuelles de déglutition de la personne.

-#gt; Les produits sucrés se servent très frais et doivent être consommés au moment où ils sont servis. Une fois le contenant ouvert, il se conserve au réfrigérateur pendant une durée maximale de 24 heures.

-#gt; Le produit salé mixé, en présentation prête à l'emploi, limite les gestes à effectuer pour la préparation. La portion à reconstituer permet d'obtenir la consistance souhaitée.

Supplémentation protidique

Protifar Plus (Nutricia) et Resource Protein Instant (Novartis Nutrition) sont des compléments nutritionnels présentés sous forme de poudre et composés de protéines d'origine lactée. Ils seront utilisés pour couvrir les besoins protidiques non couverts par une alimentation normale. La poudre pourra être incorporée dans une préparation sucrée (yaourt, fromage blanc), une préparation salée (soupe, mixé) ou une boisson chaude ou froide.

Contre les troubles de la déglutition

- Les poudres épaississantes

Devant des troubles de la déglutition ou des difficultés de mastication, il est possible d'épaissir les préparations alimentaires. La poudre est mélangée à la préparation liquide ou à un mixé jusqu'à obtention de la consistance souhaitée. Clinutren Poudre Epaississante, Resource Thicken up et Nutilis sont des poudres à base d'amidon de maïs. Epailis est une poudre à base d'amidon de pomme de terre transformé.

- Les eaux gélifiées

Aromatisées et présentées en pots individuels de 120 ou 125 g, elles sont destinées à l'hydratation des patients dysphagiques : Clinutren Eau Gélifiée, Resource Eau Gélifiée (9 arômes dont 4 édulcorés), Gelodiet (6 arômes dont 2 édulcorés).

Certains apportent une quantité de sucre non négligeable. Ces eaux gélifiées se consomment fraîches et se conservent 24 heures au réfrigérateur après ouverture.

Prise en charge

Les ADDFMS sont inscrits sur la LPPR pour les patients atteints de mucoviscidose, d'épidermolyse bulleuse, de maladies neuromusculaires, de tumeurs ou d'hémopathies malignes et pour les patients infectés par le VIH. Ces trois dernières indications sont prises en charge pour les patients présentant une dénutrition caractérisée par une perte de poids supérieure ou égale à 5 % du poids habituel.

LES BOISSONS NUTRITIVES COMPLÈTES

LES MÉDICAMENTS

Cétornan

Ce traitement adjuvant de la dénutrition chez le sujet âgé doit être associé à un apport calorique et protidique suffisant et équilibré. Cétornan (oxoglurate d'ornithine) est indiqué chez le sujet âgé dénutri lorsque la dénutrition ne peut être traitée par une simple augmentation des apports nutritionnels et est remboursé à 35 %.

- Mécanisme d'action

L'oxoglurate d'ornithine entraîne une production de glutamate, de glutamine, d'arginine, de proline et de polyamines. Ces molécules jouent un rôle dans le métabolisme protéique et les mécanismes de prolifération de la muqueuse intestinale. Cétornan freine le catabolisme protéique musculaire et stimule la synthèse protéique. Les métabolites de l'ornithine (arginine et proline) favorisent les phénomènes de réparation tissulaire et de cicatrisation.

- Présentation, posologie et mode d'emploi

En ville, Cétornan se présente sous forme de sachets de 5 g de poudre pour solution buvable et entérale. La posologie est de 1 sachet deux fois par jour, avant les deux principaux repas. La poudre est à diluer dans un grand verre d'eau. Il est nécessaire de respecter cette dilution pour obtenir une solution qui ne soit pas trop hyperosmolaire, ce qui pourrait être à l'origine de diarrhées. Cependant, lorsque la tolérance digestive du médicament ou la prise d'un grand verre d'eau en début de repas posent problème, il est possible de consommer Cétornan à la fin du repas, mélangé à un produit lacté type yaourt.

Aromatisé à la vanille et au citron, son goût est en général bien accepté par le patient, mais il est possible de le diluer dans une boisson aromatisée froide ou chaude.

Lorsqu'il est administré par voie entérale, il peut être mélangé aux apports nutritifs administrés par la sonde.

- Contre-indication

La présence d'aspartam comme édulcorant rend ce médicament contre-indiqué en cas de phénylcétonurie.

Renutryl 500

Cette préparation buvable et entérale, prête à l'emploi, est présentée en boîte de fer de 375 ml.

Renutryl est un produit polymérique hypercalorique (1,33 kcal/ml) et hyperprotidique avec un apport en protéines représentant 25 % des apports énergétiques. Il contient du lactose et peut être administré par voie orale dans un verre ou à la cuillère ou même par une sonde d'alimentation entérale. La posologie varie de 1 à 6 boîtes par jour selon que le produit est prescrit en complément d'une alimentation orale insuffisante ou de façon exclusive. En cas de mauvaise tolérance digestive, notamment dans les premiers jours de traitement, il peut être dilué dans un peu d'eau.

Renutryl est remboursé à 35 %.

LES COPRESCRIPTIONS

Les micronutriments

Si l'alimentation est équilibrée et couvre 2 000 kcal/jour, il n'est pas nécessaire de supplémenter en vitamines et oligoéléments. En revanche, on observe souvent une carence en vitamines et oligoéléments chez les patients âgés dénutris. Les plus fréquentes sont les carences en vitamines du groupe B, surtout les folates, et en vitamine B12. Le médecin prescrit alors une supplémentation.

Calcium et vitamine D

Une supplémentation en calcium (1,2 g/j) et en vitamine D3 permet de prévenir les fractures liées à l'ostéoporose chez la femme âgée de plus de 65 ans.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Démarche préliminaire

La prise en charge de la dénutrition nécessite au préalable de faire un bilan clinique approfondi et une évaluation des quantités ingérées par la personne âgée.

Stratégie globale

-#gt; Privilégier l'alimentation orale en recherchant une alimentation équilibrée répondant aux apports recommandés.

Si la malnutrition est minime, il faudra modifier les habitudes alimentaires, supprimer les régimes et fractionner les repas en 5 à 6 prises par jour. On peut y intégrer des collations et des compléments alimentaires pour augmenter les apports caloriques et protéiques. En effet, ces préparations apportant une quantité importante de calories et de protéines sous un volume réduit, les apports nutritionnels peuvent être augmentés sans trop augmenter les volumes ingérés.

Si cette démarche n'est pas suffisante, le médecin peut alors prescrire Cétornan.

-#gt; L'utilisation de la voie orale doit toujours être privilégiée et maintenue le plus longtemps possible. Cependant, si elle ne permet pas de réaliser un apport calorique et protéique suffisant, le médecin pourra aussi exceptionnellement recourir à une technique d'alimentation artificielle par voie parentérale, c'est-à-dire apportant les nutriments par voie veineuse. Celle-ci se fera sur une durée la plus courte possible en raison des risques infectieux et hydroélectrolytiques liés à la technique de perfusion.

-#gt; Si la renutrition par voie orale ne suffit pas ou si elle est impossible, la décision peut être prise de mettre en route une nutrition entérale, soit de complément si un apport oral est maintenu, soit couvrant totalement les besoins.

-#gt; La déshydratation est fréquente lors d'une dénutrition chez la personne âgée. Il est possible de réaliser des apports hydriques par voie orale, par la sonde de nutrition entérale et aussi par une technique de perfusion sous-cutanée (hypodermoclyse).

Par Catherine Diviné, pharmacienne hospitalière, chef de service, hôpital Albert-Chenevier, Créteil

CONSEILS AUX PATIENTS

Idées fausses

Les besoins nutritionnels des personnes âgées sont identiques à ceux des adultes plus jeunes, surtout si l'activité physique est maintenue : 36 kcal/kg/j. A moins de 1 600 kcal/j, le risque de carence en vitamines et sels minéraux existe. Il faut lutter contre des affirmations du type « Manger moins en vieillissant, c'est tout à fait normal », « Perdre du poids en prenant de l'âge, c'est logique », « Un potage le soir, à notre âge, c'est bien suffisant »...

Les avantages d'une bonne nutrition

« On se bat mieux contre les infections [les protéines sont constitutives des anticorps], on cicatrise mieux et plus vite, on est moins fatigué car on a plus de muscle. » Les images doivent être simples.

Les signes d'alerte

-#gt; « Je n'ai pas faim », « Je suis fatigué », « Je n'arrive plus à sortir de chez moi », « Je suis constipée », « J'ai mal aux jambes ou aux dents ». Ces plaintes peuvent masquer un problème de nutrition.

-#gt; La perte du conjoint, des problèmes pécuniaires, des bouleversements (déménagements, événements familiaux), tout stress fragilise l'équilibre nutritionnel.

-#gt; Une perte de 2 kg dans les trente derniers jours ou de 4 kg en six mois est également préoccupante.

Médicaments : attention !

Certains traitements peuvent aggraver ou faire apparaître une anorexie. Les principaux médicaments anorexigènes sont le métronidazole, les sulfamides hypoglycémiants, la L-dopa (nausées), la digoxine, les hypnotiques, les neuroleptiques, les anticholinergiques, les IEC et les imipraminiques. La sensation de réplétion gastrique à la suite de l'ingestion de plusieurs verres d'eau pour avaler les médicaments en début de repas peut couper l'appétit. Encourager, lorsqu'elles sont possibles, les prises en postprandial.

Gare aux dents !

-#gt; Une hyposialie, des problèmes dentaires peuvent favoriser l'abandon d'aliments devenus difficiles à mâcher. Consommer les légumes, fruits et autres aliments en potage, purée et compote.

-#gt; Une visite annuelle chez le dentiste et une consultation à la moindre douleur (dentier mal ajusté, carie...) sont nécessaires.

-#gt; Un dépôt blanchâtre sur les muqueuses buccales ne s'enlevant pas au grattage signe une candidose.

Appétit et hydratation

-#gt; Eviter de manger seul. La prise communautaire est associée à une augmentation de 30 % de la consommation alimentaire. Certaines maisons de retraite proposent leurs repas à des personnes extérieures.

-#gt; Manger à heures fixes en répartissant les prises alimentaires en trois repas et deux collations. Eviter de dîner trop tôt pour que le jeûne nocturne ne soit pas trop long. Prévoir au moins 3 heures entre chaque prise alimentaire pour éviter la phase d'anorexie postprandiale.

-#gt; Rajouter des épices et des aromates pour pallier la perte du goût.

-#gt; Enrichir ses repas en cas de pathologie chronique ou d'épisode infectieux : augmenter la ration protéique à 1,1 à 1,5 g de protéine/kg/j. Plusieurs semaines sont nécessaires pour retrouver son poids antérieur après un épisode infectieux ou une hospitalisation.

-#gt; Enrichir ses plats avec du lait écrémé en poudre, du blanc d'oeuf, du gruyère râpé, du lait ou du jaune d'oeuf cuit.

-#gt; En cas d'insuffisance calcique : rajouter du lait ou du fromage râpé dans les soupes, purées et gratins.

-#gt; Associer des céréales aux légumes secs ou aux produits laitiers : pain + pois cassés, semoule de blé + pois chiches, pâtes + haricots secs, riz + lait, pâtes + fromage.

-#gt; Les légumes en conserve ou surgelés permettent de conserver un apport suffisant en fibres (20 à 25 g/j) contre la constipation.

-#gt; Boire 1,5 litre de liquide par jour : eau, thé, bouillon, jus de fruits...

-#gt; En cas de faibles revenus, remplacer la viande par des oeufs, du jambon, des abats.

Surveiller son poids

Se peser au moins deux fois par an, voire une fois par mois. Le noter sur un carnet à montrer au médecin.

Devant les difficultés

-#gt; En présence de problèmes moteurs : se faire livrer les courses les plus lourdes ou demander de l'aide. Proposer des aides techniques (couverts adaptés).

-#gt; En cas de faibles ressources, orienter vers un centre communal d'action sociale ou un centre local d'information et de coordination. Les adresses sont disponibles sur http://www.personnes-agees.gouv.fr.

Prévenir l'ostéoporose

La prévention de l'ostéoporose et des fractures implique des apports adéquats en calcium (1 200 mg/j), protéines (1 g/kg/j) et vitamine D (400 à 800 UI/j), en recommandant une activité physique régulière (30 minutes journalières : courses, promenades, ménage...).

Par Christine Julien, pharmacienne

POUR EN SAVOIR PLUS

INTERNET

Centre de recherche et d'information nutritionnelles

http://www.cerin.org

Le CERIN est un site d'information en nutrition pour les professionnels de santé. Parmi les nombreux accès thématiques qu'il propose, les personnes âgées figurent en bonne place. Une brochure de 32 pages sur l'alimentation des personnes âgées peut être commandée gratuitement en ligne. Il est également possible de consulter de nombreux articles comme « L'âge fait-il perdre le goût ? », « Hydratation, déshydratation et sujets âgés », « Dix conseils pour bien manger sans trop dépenser »...

Une bibliographie internationale très complète sur tous les articles abordant la nutrition des personnes âgées est également accessible.

VHS ET DVD

Activités physiques et seniors

Image formation, BP 2156, 51081 Reims -

Tél. : 03 26 47 63 66 - imageformation@imageste.com

Réalisé par un gérontologue et un professeur de sport, ce programme de 45 minutes d'activités physiques est dédié aux plus de 50 ans. Après une introduction abordant de pertinentes notions sur le vieillissement, l'alimentation et les précautions à prendre, deux niveaux d'exercices sont proposés. Au programme : échauffement, assouplissements, exercices respiratoires, étirement, musculation et stabilité posturale et des conseils utiles pour limiter le risque de chute.

Ces exercices simples ne nécessitent qu'une balle de tennis, un morceau de corde et des coussins.

Les cassettes VHS et DVD coûtent 20 Euro(s) TTC + 5 Euro(s) de port.

LIVRES

Principes de nutrition pour le pharmacien

Coordination : Marie-Paule Vasson, Alain Jardel, éd. Tec et Doc Lavoisier

Fruit de l'Association des enseignants de nutrition en faculté de pharmacie (AENFP), cet ouvrage propose l'essentiel : diététique, nutrition clinique et préventive, spécificités propres aux grandes pathologies et à la vieillesse. Découpé en trois thèmes « Physiologie et biologie de la nutrition », « Alimentation de l'homme sain » et « Alimentation et nutrition de l'homme malade », cet ouvrage didactique présente des tableaux et des schémas très clairs.

En forme pour la vie

Recommandations nutritionnelles pour les personnes âgées, OMS, éditions Pharmathèmes (01 47 83 30 60)

Traduction française des recommandations nutritionnelles pour les personnes âgées de l'Organisation mondiale de la santé, cet ouvrage fait un point complet sur le vieillissement. Il en aborde aussi bien les aspects épidémiologiques et sociaux que les modifications fonctionnelles et son influence sur la santé. Enfin, l'intérêt de l'activité physique est développé.

Diagnostic de la sarcopénie

La masse musculaire se mesure par absorptiométrie biphotonique aux rayons X, avec le même appareil que pour mesurer la densité minérale osseuse. On mesure la masse musculaire appendiculaire (des 4 membres). Un sujet est sarcopénique si sa masse musculaire est inférieure d'une déviation standard par rapport à celle d'un adulte jeune.

Test MNA de dépistage

Un score inférieur à 12 requiert un MNA complet.

A) Perte d'appétit sur les 3 derniers mois :

- 0 = anorexie sévère,

- 1 = anorexie modérée,

- 2 = pas d'anorexie.

B) Perte de poids récente (moins de 3 mois) :

- 0 = perte #gt; 3 kg,

- 1 = ne sait pas,

- 2 = entre 1 et 3 kg,

- 4 = pas de perte de poids.

C) Motricité :

- 0 = du lit au fauteuil,

- 1 = autonomie à l'intérieur,

- 2 = sort du domicile.

D) Maladie aiguë ou stress psychologique lors des 3 derniers mois :

- 0 = oui,

- 1 = non.

E) Problèmes neuropsychologiques :

- 0 = démence ou dépression sévère,

- 1 = démence ou dépression modérée,

- 2 = aucun.

F) IMC :

- 0 = IMC #lt; 19,

- 1 = 19 #lt; IMC #lt; 21,

- 2 = 21 #lt; IMC #lt; 23,

- 3 = IMC #gt; 23.

Questions pour suspecter une carence protéique

Un quart de la population de 72 ans et plus consomme moins de un gramme de protéine par kilo et par jour, qui représente en France l'apport protéique conseillé chez le sujet âgé. De nombreux divs considèrent qu'il serait préférable d'atteindre 1,1 g/kg/j.

Des repères simples permettent de suspecter une carence d'apports protéiques : le sujet consomme-t-il un produit laitier au moins trois fois par jour, des protéines au moins deux fois par jour ? Combien de « vrais » repas fait-il par jour ? A-t-il le sentiment de manger moins qu'avant ?

On peut aussi inciter le patient à noter ce qu'il mange à chaque repas, durant une semaine par exemple.

Remboursement

Le taux de remboursement de la LPPR, publié au Journal officiel, définit cinq niveaux en fonction de l'apport calorique par ration.

Le barème par ration est établi sur l'apport calorique d'une ration :

- ration 3 à 120 kcal et #lt; 200 kcal : 0,84 Euro(s),

- ration 3 à 200 kcal et #lt; 250 kcal : 1,40 Euro(s),

- ration 3 à 250 kcal et #lt; 300 kcal : 1,75 Euro(s),

- ration 3 à 300 kcal et #lt; 540 kcal : 2,10 Euro(s),

- ration 3 à 540 kcal : 3,79 Euro(s).

La nutrition entérale

La nutrition entérale apporte des nutriments dans le tube digestif par l'intermédiaire d'une sonde. Elle préserve la physiologie du tube digestif et apporte les nutriments nécessaires à une nutrition totale et équilibrée (glucides, lipides, protides, eau, électrolytes, vitamines et oligoéléments). Le patient doit avoir un tube digestif fonctionnel.

Elle est indiquée devant une dénutrition sévère et une renutrition par voie orale insuffisante, impossible (obstacle sur les voies digestives hautes) ou contre-indiquée (troubles de la déglutition...).

Elle est contre indiquée en cas d'occlusion intestinale, de diarrhée sévère, de fistule digestive, d'hémorragie digestive sévère ou de refus du patient.

- Les mélanges polymériques conviennent si l'intestin grêle fonctionne normalement : Nutrison Standard, Sondalis Iso, Isosource Standard...

- Les mélanges semi-élémentaires contiennent des mono- et disaccharides, des triglycérides à chaîne moyenne et des petits peptides. Plus facilement et rapidement absorbés, ils sont utilisés en cas de pathologies digestives : Novasource Peptide, Survimed OPD...

- Quelques produits hypocaloriques (Nutrison Pre, Nutrison Low Energy) sont adaptés au début et à l'arrêt de la nutrition entérale.

- Certains produits sont plus spécifiques.

- Insuffisance respiratoire : Respalis.

- Troubles de la glycémie : Novasource Diabet.

- Diarrhées : Novasource GI Contro.

- Régulation du transit : Fresubin Energy Fibres.

Le menu type d'une journée

- Petit déjeuner

- 1 bol de lait.

- 2 tranches de pain.

- Confiture, beurre, sucre.

- Déjeuner

- Crudités.

- Viande, oeufs ou poisson.

- Féculents ou légumes cuits.

- Portion de fromage ou yaourt.

- Fruit cru ou cuit.

- Pain.

- Boisson.

- Goûter

- Laitage.

- Boisson.

- Dîner

- Potage.

- Féculents ou légumes cuits.

- Portion de fromage ou yaourt.

- Fruit cru.

- Pain.

- Boisson.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !