Plutôt lièvre ou tortue ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2613 du 28/01/2006 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2613 du 28/01/2006
 

IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS/IMPÔT SUR LE REVENU

Actualité

Enquête

En tant que titulaire, vaut-il mieux jouer les lièvres et se dépêcher de tirer profit des revenus de son entreprise en choisissant une structure à l'IS ? Ou se faire tortue, choisir une structure à l'IR, et attendre, plus patiemment, la réalisation de son capital pour gagner encore plus ? C'est tout l'enjeu d'une transformation éventuelle de son entreprise individuelle en société soumise à l'IS. Mais attention ! La morale de cette fable fiscale est qu'aucun régime d'imposition n'est adapté à toutes les situations.

La structure à l'impôt sur les sociétés (IS) est-elle une solution intéressante sur le plan financier par rapport à une structure soumise à l'impôt sur le revenu (IR) ? Tout pharmacien devrait se poser cette question au moins une fois au cours de sa carrière. La plupart du temps, la réponse est négative, aux différents prédivs que la structure à l'IS emprisonne le titulaire dans une option irréversible, qu'il rencontrera de réelles difficultés pour vendre son affaire, et qu'en définitive la formule est financièrement inintéressante.

Différentes raisons, principalement patrimoniales, poussent cependant des pharmaciens à passer en société soumise à l'IS, et plus particulièrement en SEL dont le nombre ne cesse de croître. La SEL est tout à la fois un outil de préparation de la retraite, de transmission du patrimoine, de titularisation des adjoints... et de stratégie professionnelle (concentrations, alliances, regroupements...). Le régime à l'IS, quant à lui, facilite le financement des investissements et permet une optimisation fiscale et sociale de la situation personnelle du pharmacien.

Les avantages de l'IS.

Le poids de la fiscalité et des cotisations sociales est beaucoup plus lourd à l'IR. A l'IS, les résultats subissent une imposition de 15 % sur les 38 120 premiers euros et 33,33 % au-delà, alors qu'en structure à l'IR, les résultats subissent généralement une imposition plus lourde grevant ainsi la capacité de remboursement de l'emprunt.

« Le choix de l'IS est particulièrement adapté pendant une période de remboursement d'emprunts professionnels importants ou d'investissements élevés, et ce d'autant plus que le foyer fiscal est fortement imposé à une tranche marginale d'impôt élevée supérieure au taux de l'IS », précise Jérôme Sirot, expert-comptable, responsable du réseau pharmacie de KPMG Entreprises. Dans la structure IS, les bénéfices réinvestis ne sont imposés qu'à l'impôt sur les sociétés. « Il est en effet financièrement plus facile d'apurer un lourd endettement avec des revenus subissant une fiscalité d'entreprise relativement réduite à l'IS plutôt qu'une fiscalité de particulier, lorsque les bénéfices sont taxés à l'IR à des tranches élevées », confirme Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA. « Lorsque les emprunts sont remboursés, le titulaire peut prélever davantage, il est donc plus fortement imposé sur le revenu, sauf à laisser la trésorerie dans l'officine, par exemple pour investir, complète Agathe L'Herminé, expert-comptable du cabinet Sapec. Ces économies permettent parfois de compenser le faible niveau d'un apport personnel. »

Autre intérêt : l'IS permet de linéariser les revenus du titulaire et de mieux gérer l'effet de ciseaux (lorsque le niveau de l'IR devient plus important que le net disponible du ménage).

En somme, « l'IS est un moyen de gérer les contraintes structurelles pour les titulaires qui ont réellement des difficultés à réduire leur endettement et qui tablent beaucoup plus sur le rendement à court terme que sur la réalisation d'un capital à long terme », fait remarquer Olivier Delétoille.

Les inconvénients de l'IS.

Sauf obligation absolue de passer en SEL (par exemple une association avec parrainage), Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés, n'est pas partisan de l'IS et trouve que les pharmaciens y viennent trop facilement suite aux sollicitations de leurs conseils. « Le régime à l'IS est désavantageux dans une optique de transmission, les acquéreurs de parts ne pourront pas déduire les intérêts d'emprunt ni donner en garantie à leur banquier le nantissement du fonds de commerce de la société, rappelle Michel Watrelos (NdlR, un arrêt du Conseil d'Etat du 25.10.05 autorise en fait la déductibilité des intérêts d'emprunt pour un associé salarié de la société). De plus, l'IS n'est pas un paradis fiscal : l'imposition des dividendes ne subit qu'un abattement mais ne bénéficie pas d'un crédit d'impôt, tandis qu'il faut payer la taxe sur le véhicule de société inscrit au bilan, l'Organic et l'imposition forfaitaire annuelle. Par ailleurs, il faut prendre en compte les stratégies de défiscalisation personnelle du titulaire, le fait aussi que l'écart entre le taux d'imposition maximal à l'IR (40 %) et l'imposition à l'IS (33,33 %) se réduit au fil des années. »

« Pour racheter les titres d'un autre associé, il faut puiser dans ses économies, lesquelles ont souvent été accumulées après paiement d'un lourd tribut fiscal, avertit à son tour Olivier Delétoille. A défaut d'épargne disponible, il faudra emprunter et dégager des rémunérations qui seront lourdement taxées dans le futur, ce qui n'est pas optimal en termes de rendement. » Ainsi, selon Olivier Delétoille, un passage prématuré à l'IS peut constituer un réel frein à l'intégration d'un nouvel associé. La fiscalité retenue pour le remboursement d'un emprunt professionnel est donc la problématique essentielle. En revanche, la déduction des intérêts d'emprunt est d'un enjeu secondaire, surtout à une période où les taux d'intérêt sont faibles.

Sans les opportunités offertes par la loi MURCEF, dont on attend toujours la parution des décrets, la sortie définitive d'une structure à l'IS n'est pas encore possible dans des conditions satisfaisantes.

Autre inconvénient pour le cédant de parts sociales à l'IS : l'imposition sur les plus-values de cession. En dehors des cas d'exonération partielle prévus par la loi de finances rectificative pour 2005, elles sont plus lourdement taxées à l'IS (33,33 %) qu'à l'IR (27 %). « A cela, il faut ajouter l'imposition des bénéfices mis en réserve dans les sociétés à l'IS correspondant, au minimum, au capital de l'emprunt qui a été remboursé », rappelle Agathe L'Herminé.

Comment en sortir ?

En cas d'option à l'IS, le ou les associés devront appréhender la problématique liée à la vente de leurs titres. Quatre solutions s'offrent à eux (en attendant les holdings permises par la loi MURCEF) :

- vendre le fonds et conserver la société aux fins d'en acheter un autre ;

- vendre la société à une autre SEL (puisqu'une SEL peut détenir deux autres SEL en l'état actuel de la loi) ;

- vendre le fonds puis liquider la société (très onéreuse, c'est sans aucun doute la pire des solutions) ;

- vendre les titres de la société à un ou plusieurs pharmaciens. Cette dernière solution est appropriée lorsque les titres de la société vendue n'ont pas pris trop de valeur du fait de son endettement. Le passif fait baisser la valeur nette de la société et le prix de cession des titres, tout en mettant à la charge conjointe du nouvel associé des dettes nées antérieurement à son arrivée. Au contraire, si la société est peu ou pas endettée, la valeur des titres sera plus chère. Dans ce cas, le cédant peut être amené lors des négociations à concéder un rabais substantiel sur le prix des titres.

Que choisir ?

Il n'existe pas de solution standard. Chaque régime a ses avantages et ses inconvénients ; le choix sera fonction des objectifs du pharmacien. « Il est dangereux de généraliser ou de systématiser en la matière, met en garde Jérôme Sirot. Chaque cas est particulier et l'on conseille donc de ne choisir un passage à l'IS qu'après une simulation financière à long terme avec un équilibre de trésorerie annuel. »

L'art est de rechercher la solution adaptée à sa situation. Dans la réflexion à conduire, les paramètres à prendre en considération sont nombreux, notamment l'âge du capitaine (eh oui !), les revenus du conjoint, le niveau d'activité de l'officine et sa rentabilité, sa valeur estimée, l'endettement, les choix de vie personnels, la transmission de l'affaire à un enfant. « Le choix du régime fiscal relève dans toutes les situations d'une étude au cas par cas, maintient Agathe L'Herminé. Par exemple, il convient de prendre en compte la totalité des revenus du foyer, à plus forte raison lorsque le conjoint est salarié de l'officine. S'ils sont fortement imposés (au-delà de 33,33 %), le régime à l'IS peut être étudié. »

Pour les officines d'une certaine taille et endettées, « l'IS peut être un bon moyen de gérer des difficultés financières structurelles », souligne Olivier Delétoille. Agathe L'Herminé retient également cette indication : « La société à l'IS peut être intéressante pour les pharmacies lourdement endettées car elle améliore la capacité de remboursement de l'entreprise. Elle l'est également pour les pharmaciens connaissant des difficultés de trésorerie, donc avec des prélèvements personnels faibles. »

Pour Olivier Delétoille, privilégier des revenus plutôt que la constitution d'un hypothétique capital est un choix qui se fonde sur des prévisions de rentabilité des officines en baisse et sur une valorisation moins homogène des fonds. C'est aussi anticiper l'évolution de la fiscalité qui est constante et prendre un pari sur l'avenir.

« Le régime à l'IS est également intéressant pour les pharmacies sans perspectives fortes de plus-values de cession, parce que l'IS privilégie des revenus et table beaucoup plus sur le rendement à court terme que sur la réalisation d'un capital à long terme », complète dans le même sens Agathe L'Herminé.

Pour Michel Watrelos, la question « IR ou IS ? » ne se pose pas en ces termes. « Cela dépend d'abord du type d'exercice que le pharmacien recherche : exercice en solo, en association classique, avec des prises de participation dans des SEL... Une fois ces paramètres bien délimités, il sera ensuite plus facile de mettre en avant les avantages et les inconvénients des options possibles entre l'IR et l'IS. » Selon lui, parler du régime fiscal avant même de faire le choix de la forme juridique, c'est mettre la charrue avant les boeufs. Il recommande une approche logique en trois étapes : choix stratégiques ou à moyen terme des futurs associés, solutions juridiques envisagées selon les attentes des associés, et enfin étude de la fiscalité selon le cadre juridique retenu.

Réduire le coût du passage à l'IS

« Le Moniteur » : A quel moment et dans quelles circonstances faut-il passer à l'IS ?

Christian Bergot, expert-comptable* : Le changement de régime fiscal intervient généralement lors d'événements particuliers comme par exemple la transformation d'une société (une SELURL à l'IR transformée en SEL à l'IS). Ou bien encore dans le cas d'apport en société d'une entreprise individuelle en vue d'une future association senior/junior ou pour favoriser la transmission du patrimoine professionnel du pharmacien. La création d'une société imposable à l'IS type SELARL présente trois principaux avantages par rapport à l'entreprise individuelle : la séparation du patrimoine professionnel des biens propres du pharmacien, l'assurance de la pérennité de l'entreprise en cas de décès du pharmacien et la possibilité de transmettre de façon progressive les parts sociales à un pharmacien junior.

Quels sont les droits d'enregistrement à payer ?

L'apport d'un fonds de commerce avec la création d'une SELARL à l'IS rend exigible le droit de mutation de 5 % (depuis le 1er janvier 2006, au lieu de 4,80 %) sur la fraction du prix du fonds excédant 23 000 Euro(s). Toutefois, les droits d'enregistrement sur les apports de fonds de commerce peuvent être exonérés si l'apporteur s'engage à conserver pendant trois ans les parts sociales reçues en contrepartie de l'apport (Code général des impôts, art. 810-III). Le non-respect de l'engagement est sanctionné par l'exigibilité immédiate du droit de 5 %. Sinon, un droit fixe de 375 ou 500 Euro(s) sera perçu selon que le capital de la société est inférieur ou supérieur à 225 000 Euro(s).

Les plus-values réalisées par l'exploitant en nom propre sont-elles taxées ?

L'apport en société d'une entreprise individuelle équivaut à une cessation d'entreprise avec une imposition immédiate des bénéfices d'exploitation en sursis ainsi que les plus-values imposables à 27 %. Cependant, l'option pour l'article 151 octies du Code général des impôts permet notamment de bénéficier d'une exonération provisoire concernant les plus-values. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à la remise de parts sociales sans contrepartie financière pour l'apporteur. La cession ultérieure des parts sociales de la société ou la cession des biens apportés entraînera l'imposition immédiate de la plus-value. Le décès du gérant ne remet pas en cause le report d'imposition. Ce régime n'est pas cumulable avec les nouvelles dispositions d'exonération des plus-values professionnelles de l'article 151 septies A du Code général des impôts dans le cas d'un départ à la retraite.

* Cabinet Conseils et Auditeurs Associés.

A noter : Irréversible ?

Le choix de l'IS présente un caractère parfois irréversible. S'il est, en effet, aisé de changer de régime de l'IR à l'IS, sans surcoût fiscal, en revanche le changement inverse (de l'IS vers l'IR) occasionnerait différents coûts fiscaux significatifs.

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