Malades de notre environnement - Le Moniteur des Pharmacies n° 2600 du 22/10/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2600 du 22/10/2005
 

PESTICIDES, DÉTERGENTS, PLASTIQUES, ALIMENTATION, AIR, EAU...

Actualité

Enquête

En un siècle, les conditions de vie et d'hygiène se sont améliorées comme jamais. Revers de la médaille, la pollution environnementale est devenue un fléau. Aujourd'hui, son impact cancérigène, mutagène et tératogène sur la santé est montré du doigt par la communauté scientifique. 32 000 décès prématurés sont dus à la seule pollution urbaine...

Les Français ont peur. Selon un récent sondage mené par la Fondation Recherche médicale, 96 % estiment que la dégradation de l'environnement et les nouveaux modes de vie sont responsables de la progression des maladies. La pollution de l'air est leur première crainte et plus de la moitié d'entre eux s'estime mal informée. Nos instances dirigeantes auraient-elles entendu le message ? Le Plan national santé-environnement (PNSE) 2004-2008, adopté en juin 2004 par le gouvernement, vise justement à répondre aux questions que tout un chacun peut se poser sur les dangers liés à l'exposition aux polluants. Le PNSE s'est donné plusieurs objectifs prioritaires : respirer un air pur et boire une eau de bonne qualité, prévenir les pathologies d'origine environnementale et notamment les cancers...

Pasteur reviens !

Les études épidémiologiques ou toxicologiques approfondies sur l'impact de la pollution sur la santé ne sont pas nombreuses. Pourtant, un vent d'inquiétude souffle sur la communauté scientifique qui commence sérieusement à faire la corrélation. « Comment ne pas se poser de questions à l'heure où l'on constate une recrudescence des cancers de l'adulte et de l'enfant, des perturbations hormonales et des anomalies génétiques chez les enfants qui naissent dans les milieux agricoles, ou encore des maladies thyroïdiennes ? », confirme Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen. « Dans nos cabinets, nous observons une hausse vertigineuse de cancers, d'hypofécondité, de stérilité, de malformations néonatales, d'allergies. Les facteurs environnementaux jouent probablement un rôle », constate lui aussi le docteur Joël Spiroux, président de la commission « santé-environnement » de l'Union régionale des médecins libéraux de Haute-Normandie. « En matière d'hygiène chimique, notre société se comporte comme avant Pasteur et la découverte des microbes. Depuis le milieu du XXe siècle, nous jetons des millions de tonnes de déchets et produits chimiques par la fenêtre, et maintenant on retrouve la trace de ces produits jusque sur les gènes des foetus humains », poursuit Gilles-Eric Séralini.

L'ONG écologiste WWF France a mené une enquête sur treize familles de douze pays de l'Union européenne (grands-parents, parents et enfants). Les résultats font froid dans le dos. 73 produits chimiques dangereux ont été détectés dans le sang des individus observés. Personne n'est épargné et les enfants sont en moyenne plus contaminés que leurs parents. On retrouve dans le sang, pêle-mêle, des substances issues de téléviseurs, d'ordinateurs, de tapis ou de mousses isolantes.

Cancers, allergies et hypofécondité en progression constante.

En France, comme dans les autres pays industrialisés, 280 000 nouveaux cas de cancers apparaissent chaque année. Selon les estimations rapportées par le PNSE, de 7 à 20 % des cancers seraient imputables à des facteurs environnementaux. Des chiffres revues à la hausse par le Centre international de recherche sur le cancer qui estime que l'environnement est la cause d'au moins 80 % de ces pathologies. Un certain nombre d'observations étayent la thèse de la forte implication environnementale : croissance régulière en Europe, depuis trente ans, des cancers d'enfants et d'adolescents, des lymphomes et des tumeurs cérébrales. Et ces cancers sont sans rapport avec le vieillissement de la population. L'incidence du cancer du poumon n'a cessé d'augmenter depuis un siècle. Si le tabac est un facteur de risque majeur, il n'est pas le seul coupable. La pollution de l'air (hydrocarbures, dioxines, effluents des véhicules diesel...), le benzène, les métaux lourds, les radiations ionisantes et l'amiante jouent également un rôle dans sa survenue.

Quant aux maladies allergiques respiratoires, elles sont deux fois plus nombreuses depuis vingt ans ! Selon diverses études, 10 % des adolescents présentent un asthme chronique, et 10 à 20 % des asthmes chez l'adulte sont dus à des expositions professionnelles (mauvaise qualité de l'air dans les bâtiments, matériaux toxiques...). En outre, les particules diesel et l'ozone seraient susceptibles d'interagir avec les pollens.

Autre impact de la pollution environnementale sur notre santé : la fécondité. Près de 15 % des couples consultent pour des difficultés à concevoir. Elles pourraient être liées à des expositions à des toxiques. Le recul de la fertilité, en particulier masculine, est un autre phénomène observé depuis une vingtaine d'années. La qualité du sperme humain serait en baisse et sa quantité aurait diminué en moyenne de 1 % par an depuis cinquante ans. « Les pathologies de l'appareil génital masculin sont de plus en plus fréquentes. On constate une augmentation des troubles du développement des testicules, liés à des dysfonctionnements pendant la grossesse et la vie intra-utérine. Ceci peut se manifester plus tard par des cancers mais aussi par des troubles de la fertilité et de la reproduction », indique Pierre Jouannet, professeur d'histologie embryologie à l'université Paris-V.

Les dioxines, les plastiques alimentaires et les détergents sont autant de facteurs qui pourraient intervenir dans ces pathologies. Tout particulièrement montrés du doigt, les pesticides ont la propriété de mimer les estrogènes. Ils pourraient donc être responsables de dérèglements hormonaux. Des observations faites chez des mères en contact avec des pesticides agricoles ont mis en évidence un risque accru d'atteinte hormonale et de malformations du système génital pour leur descendance.

Des polluants persistants et bioaccumulables.

Comme l'expose Gilles-Eric Séralini, « les résidus industriels, les pesticides, qui ont une grande faculté de pénétration dans les tissus car lipophiles, infiltrent l'organisme, perturbent l'intimité de la cellule, laissant des traces jusque sur l'ADN. On voit aujourd'hui apparaître l'action à long terme de molécules qui s'accumulent pendant des années ».

Autrement dit, les polluants sont persistants et bioaccumulables dans l'organisme. Et l'enquête de WWF France le montre : le sang des grands-parents garde des traces de produits interdits depuis plusieurs années. Si on connaît bien l'effet direct de certaines molécules sur l'organisme, on connaît moins l'impact de leurs mélanges entre elles. « Nous ne devons plus rechercher une corrélation simple, à court terme, entre la dose et la pathologie. La notion de seuil accordée à une substance prise séparément ne veut rien dire. Il nous faut désormais raisonner en termes de mélanges et d'effets combinés. L'ère de la médecine classique est révolu », conclut Gilles-Eric Séralini.

Et Joël Spiroux de renchérir : « Aujourd'hui, nous devons poser un autre regard sur la place de l'homme dans son milieu. Cela implique de redéfinir la notion d'environnement, de replacer l'homme au centre de la nature. Pourquoi ne pas instituer des formations en écologie fondamentale et en relations santé-environnement dans les études médicales, mais aussi dans tous les cursus d'enseignement supérieur ? Autre point crucial à développer : l'indépendance des experts impliqués dans les décisions environnementales et de santé publique. » Vaste programme.

La qualité de l'air sous surveillance

La qualité de l'air ambiant est surveillée en France par des associations agréées regroupées au sein du dispositif Atmo, dont l'indice repose sur les concentrations de quatre polluants : dioxydes de soufre et d'azote, particules de diamètre inférieur à 10 µm, ozone. Quand les seuils sanitaires fixés par l'Union européenne sont dépassés ou risquent de l'être, le dispositif Atmo alerte les autorités qui déclenchent alors une procédure d'urgence. Elle comprend deux niveaux : un niveau « d'information et de recommandation » et un niveau « d'alerte ». A partir du niveau d'information, les pouvoirs publics diffusent des conseils sanitaires destinées aux catégories les plus sensibles de la population mais aussi aux industriels. Quand le seuil d'alerte à la pollution atmosphérique est franchi, des mesures de restriction ou de suspension des activités concourant aux pointes de pollution sont mises en place.

« Les mesures sont variables selon le polluant considéré : elles peuvent concerner par exemple les chaufferies, les centrales thermiques et viser l'utilisation, jusqu'à la fin de l'alerte, de combustibles moins polluants. En cas de pic d'ozone, la vitesse des véhicules peut être limitée ou une circulation alternée instaurée », explique Christian Elichegaray, chef du département de la surveillance de la qualité de l'air à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. « Il n'existe pas de niveau en dessous duquel la pollution est inoffensive. En définissant ces niveaux d'alerte, on agit sur la partie émergente de l'iceberg (restriction de la circulation par exemple) mais on ne s'attaque pas au fond du problème », répond l'épidémiologiste Daniel Eilstein, du bureau « air et santé » de l'Institut national de veille sanitaire. « Toute baisse du niveau de pollution est a priori susceptible d'avoir un effet bénéfique sur l'état de santé. Mais un plan plus pérenne en matière de diminution des émissions est nécessaire », arbitre Agnès Lefranc, épidémiologiste, coordinateur du Programme national de surveillance air et santé (PSAS-9), un outil de surveillance épidémiologique mis en place depuis 1997 dans 9 grandes villes (Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Paris, Rouen, Strasbourg et Toulouse). Pour l'estimation des risques, à court terme, de la pollution atmosphérique, le principe du PSAS-9 consiste à relier les variations temporelles (d'un jour à l'autre) d'un indicateur de l'état de santé d'une population (mortalité, admissions hospitalières) à celles d'un indicateur d'exposition à la pollution atmosphérique (polluants mesurés).

Finalement, le principal effet des alertes sanitaires est pédagogique : sensibiliser le public au problème de la pollution atmosphérique. « C'est à chaque fois une piqûre de rappel que l'on dispense à la population. Chacun d'entre nous doit prendre conscience qu'il a sa part de responsabilité », commente Daniel Eilstein.

Des chiffres qui font peur

Maladies

En 2000 :

- 32 000 décès prématurés (par cancers, maladies cardiovasculaires et respiratoires notamment) ont été attribués à la pollution urbaine.

- Les particules émises par les automobiles en ville seraient responsables de la mort de 6 500 à 9 500 personnes chaque année en France, dont plus de 1 000 par cancer du poumon.

- Entre 60 000 et 190 000 crises d'asthme ont été attribuées à la pollution physique.

- 110 000 bronchites ont été attribuées à la pollution atmosphérique.

Polluants

- En l'an 2000, 400 millions de tonnes de pesticides et produits chimiques ont été déversées dans la nature (contre 1 million de tonnes en 1930).

- Plus de 100 000 substances chimiques différentes sont actuellement disponibles sur le marché pour un usage commercial.

Un cordon pas très sanitaire

Des analyses, menées par Greenpeace et effectuées sur des échantillons de sang maternel et de sang du cordon ombilical, montrent la présence de substances toxiques : muscs artificiels des parfums, alkylphénols des détergents, bisphénol-A des plastiques en polycarbonate, retardateurs de flamme bromés des circuits électroniques, composés perfluorés des poêles en Téflon, phtalates des plastiques en PVC, triclosan des dentifrices, pesticides organochlorés. Une vraie quincaillerie !

Tous ces polluants sont susceptibles de pénétrer dans le corps d'une future maman qui, à son tour, les transmet à son enfant via le cordon ombilical.

La perturbation du système hormonal du foetus par ces substances et les impacts potentiels sur le développement de l'enfant sont à redouter.

Biblio

- « Spécial environnement. Santé, 100 idées reçues. L'avis des chercheurs », tome 3, Fondation Recherche médicale. Récemment publié, ce guide recense 100 affirmations courantes consacrées à l'impact réel ou supposé de l'environnement sur notre santé.

- http://www.buldair.org

Pour consulter l'indice Atmo qui donne, sur une échelle située entre très bon et très mauvais, la qualité de l'air, ville par ville, pour une journée donnée, ainsi que les prévisions pour le lendemain.

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