Faibles substitueurs : la peur du client - Le Moniteur des Pharmacies n° 2594 du 10/09/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2594 du 10/09/2005
 

Actualité

Enquête

Nous l'avons expérimenté : les officinaux qui substituent faiblement sont gênés aux entournures lorsqu'on les interroge. Souvent même, ils refusent de répondre. Marcelle Chabernaud, titulaire à Marseille, qui substitue très peu (« de l'ordre de 15 % »), a le courage de ses opinions : « Les clients n'en veulent pas. On perd beaucoup trop de temps à les convaincre. S'il arrive quelque chose (une intolérance à un excipient par exemple), c'est le pharmacien qu'on accusera. Et ce n'est pas en substituant que l'on comblera le déficit de la Sécurité sociale ! Des baisses de prix seraient plus efficaces. »

La réticence des patients est l'argument numéro un des pharmaciens faibles substitueurs, au début du générique comme aujourd'hui. « Moi, je suis d'accord pour tamponner les ordonnances afin d'indiquer les refus des patients », avoue Joseph Perdicaro, titulaire à Avesnelles (Nord), qui, après un ratio moyen de substitution de 22 % en 2004, espère tout de même passer à 30-35 %. « Souvent, les quarante ans ne comprennent pas ("Je cotise assez")... A la limite, ce sont les personnes âgées qui voient le plus l'intérêt de préserver la Sécu ! Pour moi, le malade doit garder le choix. »

« Les génériques, ce n'est pas encore obligatoire, que je sache ! Je ne conçois pas de changer systématiquement pour un générique », assène Danielle Paumard, préparatrice à la Pharmacie Tissot de Nantes, où l'on atteint « avec peine » les 50 % de substitution. Il faut dire qu'on est parti de très loin, puisqu'il y a seulement six ans le mot d'ordre était : « On ne parle pas de génériques ! » Danielle Paumard ajoute que « les génériques sont parfois plus difficiles à gérer en raison de dates de péremption plus courtes, de changements de prix fréquents... ». « Et tant que les labos n'auront pas uniformisé la présentation, le message sera difficile à faire passer auprès de certains, principalement polymédiqués, ou de personnes sous CMU qui ne veulent pas dévier de l'ordonnance », complète Lucie Le Berre, adjointe dans la même officine, qui réalise 60 % du CA avec les gens du quartier. Insister est perçu comme un risque commercial trop important dans un espace où la concurrence est nombreuse.

La perte de clientèle : une hantise.

Et c'est là l'autre argument massue découlant de la résistance populaire, mais souvent tu : la crainte de perdre sa clientèle. « Mes confrères génèrent des marges supplémentaires mais ils ont perdu des clients. Certains n'ont même plus de princeps », constate un pharmacien toulousain « antigénériques ». Il souhaite témoigner anonymement « pour ne pas gêner le syndicat dont il apprécie par ailleurs l'action globale ». D'autres ont joué la prudence, comme ce confrère biterrois dont l'officine était en plein développement au début du générique et dont la politique était de « ne pas de forcer le client. Nous étions encore relativement fragiles. Depuis, notre situation a évolué très favorablement et nous délivrons de plus en plus de génériques, mais à un rythme très lent et progressif ».

La clientèle de Gilbert Raffier, dans un quartier périphérique de Limoges, n'est pas très jeune : « Les gens ne se montrent pas trop d'accord ; on hésite à prendre le risque de perdre un client..., dit cet ancien responsable syndical. Nous essayons d'en proposer à des gens qui sont réceptifs. Au total, j'avoue que nous ne sommes pas bons sans l'aide du médecin. » Alain Bouvart, titulaire à Colombes (Hauts-de-Seine), a un taux de pénétration des génériques « autour de 20 % », dans une ville où la substitution est globalement faible. Un taux en progression. « Il faut dire que l'Assurance maladie augmente la pression, observe-t-il, tout en se défendant : Je ne suis pas contre le générique mais contre le fait de l'imposer. Depuis plusieurs mois nous le proposons systématiquement au client. Nous essuyons 50 % de refus. C'est décourageant. C'est vrai que pour obtenir des taux de 60 % on peut décider de les imposer aux gens. » Priorité est donc donnée à quelques produits chers.

« Le pharmacien n'est pas le bon Dieu. »

Et puis il y a les traditionnelles « charges » contre la Sécu. « La politique menée en faveur des génériques n'est fondée que sur des raisons économiques », assène le pharmacien toulousain. Pour lui, on fait jouer au pharmacien un « rôle d'acteur dans une comédie qui n'a pas de sens. D'abord parce que certains génériques n'entraînent que très peu d'économies, et ensuite parce que ceux qui jouent le jeu n'y gagnent pas grand-chose. Je suis persuadé que personne ne s'intéressera plus aux génériques quand les médicaments coûteront moins cher ». Le pharmacien dindon de la farce ? Pour ce pharmacien toulousain, ce serait plutôt le patient « car on le force à utiliser des produits différents de la prescription du médecin en qui il a confiance. Alors que le pharmacien, lui, touche pour cela des marges arrière ». Et de remettre en cause, pour certains génériques, « les études de fiabilité souvent bidons et les autorisations données à la sauvette. Qui dit, par exemple, que tel générique est fabriqué en Inde ? ». Un pharmacien de Béziers, qui souhaite rester anonyme par crainte d'une réaction de sa caisse, reconnaît qu'il y a eu « un manque de motivation de l'équipe, ceci expliquant aussi cela ». Il fustige surtout « les pouvoirs publics qui s'y sont très mal pris dès le début. D'entrée, il aurait fallu imposer les prescriptions en DC aux médecins et on aurait eu 80 % de délivrances en génériques tout de suite. Le pharmacien n'est pas le bon Dieu qui fait pleuvoir... ».

Et la motivation économique alors ? Marcelle Chabernaud la balaie d'un revers de main : « On dit que la marge est meilleure quand on substitue. C'est faux. En négociant avec les grossistes et les laboratoires, ma marge est quasiment identique à celle d'un gros substituteur et mon CA est plus important. C'est utile quand on est, comme moi, en fin de parcours et que l'on songe à vendre son affaire. »

Un sentiment de résignation.

Evidemment, évoquer l'éventualité de sanctions individuelles est mal perçu chez ces officinaux, même s'il s'agit d'éviter des mesures nationales qui les pénaliseront de toute façon. Un point de vue bien résumé par Joseph Perdicaro : « Ce serait vache de nous pénaliser, car ce sont ou les médecins qui ne jouent pas le jeu, ou les patients qui refusent. Le TFR, c'est pour la Sécu une bonne solution à court terme, mais ça tue le générique. Les patients et les médecins seront-ils pénalisés ? La santé, c'est un système complexe. Pénaliser un seul maillon de la chaîne, c'est facile ! »

En fin de compte, c'est un sentiment de résignation qui semble dominer, comme l'explique Patricia Aubril, titulaire à Avranches (Manche), et qui se dit « moyennement bon substitueur » : « Il y a quand même une clientèle récalcitrante qui pense que le générique ne fait pas le même effet, que le comprimé ne se coupe pas bien... A ceux-là, le pharmacien ne peut que recommander de demander conseil au médecin car, quoi qu'on en dise, il reste plus écouté que nous. » Que pense-t-elle de ses confrères vraiment récalcitrants ? « C'est vrai que lorsqu'on est installé, qu'on a remboursé son officine, qu'on a sa clientèle, on n'a pas forcément envie de s'embêter avec le générique... »

A noter : n moins nombreux

Les récalcitrants y viennent peu à peu, comme l'illustre François Maeder, pharmacien dans le Puy-de-Dôme et membre du bureau national de l'USPO :

« Les écarts sont énormes entre les meilleurs substitueurs et les moins bons, qui sont peu nombreux mais tirent l'ensemble vers le bas. » Encore les chiffres révèlent-ils une nette évolution des « moins bons » dans ce département, qui substituaient initialement à 9 % et l'ont fait à 30 % en 2004 ; dans le même temps, les « meilleurs » progressaient de 75 à plus de 85 %.

Aujourd'hui, il reste peu de « résistants antigénériques », ajoute le responsable syndical, sauf des « honteux » qui ne le disent pas !

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