La schizophrénie - Le Moniteur des Pharmacies n° 2593 du 03/09/2005 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2593 du 03/09/2005
 

Cahier formation

l'essentiel Psychose chronique, la schizophrénie survient de façon précoce le plus souvent chez le jeune adulte. Le syndrome dissociatif est le signe clinique distinguant les schizophrénies des autres psychoses : les affects, les pensées et les comportements de l'individu ne sont plus corrélés, ni harmonieux. Les symptômes positifs (délires, hallucinations), les symptômes négatifs (dépression, apathie) et les troubles cognitifs caractérisent également la maladie. En cause : des anomalies des transmissions dopaminergiques et sérotoninergiques. Depuis notre précédent dossier consacré à la schizophrénie (Le Moniteur n° 2352 du 13 mai 2000), la palette thérapeutique s'est enrichie d'un nouvel antipsychotique atypique et d'une forme atypique LP. La stratégie thérapeutique privilégie l'administration per os d'un antipsychotique atypique en première intention, à dose minimale efficace.

ORDONNANCE : Un jeune homme atteint de schizophrénie paranoïde

La schizophrénie de Maxime S. s'est révélée lors d'un épisode psychotique aigu, il y a trois ans. Le patient est suivi par un psychiatre. Petit à petit, les posologies des médicaments ont été augmentées à cause d'une efficacité insuffisante mais le jeune homme se plaint d' effets indésirables plus nombreux. Son psychiatre choisit de modifier son traitement.

LA PRESCRIPTION

Docteur Jacques Marty

Psychiatre

2, place du Marché

94130 Nogent-sur-Marne

Tél. : 01 41 29 75 78

94 3 99999 8

Le 1er septembre 2005

Maxime S,

20 ans, 1 m 75, 80 kilos

Abilify 10 mg : 1 comprimé le soir

Solian 200 mg : 1 comprimé le matin et 2 comprimés en fin d'après-midi

Effexor 50 mg : 2 comprimés le matin et 2 comprimés en fin d'après-midi

Témesta 2,5 mg : 1/2 comprimé en fin d'après-midi

Tercian 25 mg : 1 comprimé le matin et 1 comprimé le soir

Traitement pour 1 semaine.

LE CAS

Ce que vous savez du patient

Maxime S. est suivi par un psychiatre depuis trois ans. Il va également en centre médicopsychologique depuis plus de deux ans. Il souffre d'une schizophrénie paranoïde. Il a été hospitalisé une fois pour un délire aigu (épisode psychotique aigu, état dépressif et anxiété généralisée) qui a révélé sa maladie. Son précédent traitement comprenait : Solian 400 mg, Effexor 50 mg, Témesta 2,5 mg, Tercian 25 mg et Imovane. Le bilan sanguin effectué alors était normal ainsi que l'électrocardiogramme. Il n'a pas d'autres antécédents.

Ce dont le patient se plaint

Maxime S. se plaint de difficultés de concentration et de mémorisation (troubles cognitifs), d'une prise de poids et d'un ralentissement psychomoteur.

Ce que le psychiatre lui a dit

Son traitement par Solian va être progressivement remplacé par la prise d'Abilify. Dès qu'il sera stabilisé, Maxime ne prendra plus qu'un seul antipsychotique. Les effets indésirables, notamment sur la cognition, la sédation, les effets endocriniens et la prise de poids, devraient régresser. Maxime revoit son psychiatre dans une semaine.

DÉTECTION DES INTERACTIONS

-#gt; L'association Solian-Tercian est déconseillée car elle majore le risque d'apparition de troubles du rythme ventriculaire. Elle implique une surveillance clinique régulière avec des contrôles de l'électrocardiogramme.

D'après les RMO, il n'y a pas lieu dans le traitement d'entretien d'associer deux neuroleptiques même s'ils sont à polarité distincte, sauf si la prescription est argumentée et régulièrement évaluée, comme ici. La prise concomitante de trois neuroleptiques est momentanément justifiée en raison du changement de traitement.

-#gt; L'association Solian-Témesta-Tercian est à prendre en compte. Elle augmente le risque de sédation mais cet effet est recherché pour stabiliser le patient.

ANALYSE DES POSOLOGIES

Toutes les posologies sont correctes.

Le psychiatre a suivi les recommandations médicales en vigueur. Lorsque aucune titration n'est requise, le traitement est débuté avec une dose faible ou modérée d'antipsychotique. La dose est ajustée en fonction de la réponse clinique et de l'apparition d'effets indésirables.

L'état psychotique aigu de Maxime S., associé à un état dépressif majeur et une anxiété prononcée, avait nécessité des posologies maximales en raison d'une réponse clinique insuffisante. Ceci a induit une recrudescence des effets indésirables. Le psychiatre a donc décidé de changer le traitement de Maxime S. Progressivement et parallèlement, il arrête Solian et introduit Abilify à la posologie de 10 mg par jour les 15 premiers jours. Il augmentera ensuite la dose à 15 mg par jour.

AVIS PHARMACEUTIQUE

-#gt; Abilify a un mode d'action différent des antipsychotiques atypiques. Son efficacité serait due à son activité agoniste partiel sur les récepteurs dopaminergique D2 et sérotoninergique 5-HT1 alpha, et à son activité antagoniste sur le récepteur 5-HT2. Il contribue à stabiliser la transmission dopaminergique. Abilify aurait un meilleur profil efficacité/tolérance (peu de prise de poids, pas d'allongement de l'espace QT).

-#gt; Solian a été utilisé pour ses propriétés prédominantes sur les symptômes négatifs. Sa posologie a été diminuée de moitié.

-#gt; L'association d'Effexor à un neuroleptique réduit le risque suicidaire. Elle constitue le traitement de choix des troubles dépressifs majeurs avec caractéristique psychotique. Cet antidépresseur potentialise l'activité monoaminergique au niveau du système nerveux central.

-#gt; Témesta facilite la transmission gabaergique. Ses propriétés sédatives potentialisent celles des antipsychotiques. Il contribue à améliorer la symptomatologie de la psychose schizophrénique, essentiellement en agissant sur l'anxiété, l'irritabilité, les troubles de l'attention, la passivité. La sédation est aussi utile lors des décompensations aiguës qui ponctuent les traitements au long cours. L'emploi de Témesta au-delà de la durée légale de 12 semaines est possible, le patient étant très régulièrement suivi.

-#gt; Tercian est utilisé pour ses propriétés sédatives. Sa posologie a été baissée pour atteindre une dose minimale efficace de 25 mg/j.

INITIATION DU TRAITEMENT

-#gt; Le psychiatre a choisi de faire un croisement des posologies, en diminuant progressivement la dose du premier antipsychotique (Solian) et en augmentant progressivement la posologie d'Abilify.

-#gt; En raison des nombreux effets indésirables des antipsychotiques, leur administration implique un bilan préthérapeutique. Il a été effectué pour Maxime dès la mise en place du premier traitement.

-#gt; A chaque consultation le psychiatre a effectué un bilan clinique pour rechercher des signes neurologiques, mesurer le pouls, la tension artérielle. Un électrocardiogramme, une NFS, la créatininémie, un bilan hépatique, une glycémie, un ionogramme sanguin, le taux de triglycérides, de cholestérol et de HDL-cholestérol ont été régulièrement contrôlés.

VALIDATION DU CHOIX DES MÉDICAMENTS

-#gt; Abilify 10 mg (aripiprazole)

- Antipsychotique atypique.

- Indiqué dans le traitement de la schizophrénie.

- La posologie initiale et d'entretien est de 15 mg par jour en une prise. La dose maximale est de 30 mg par jour.

-#gt; Solian 200 mg (amisulpride)

- Antipsychotique atypique.

- Traitement des troubles schizophréniques aigus ou chroniques caractérisés par des symptômes positifs et/ou des symptômes négatifs.

- La posologie quotidienne par voie orale varie de 50 à 800 mg. Elle ne doit pas excéder 1 200 mg.

-#gt; Effexor 50 mg (venlafaxine)

- Antidépresseur.

- Indiqué dans les épisodes dépressifs majeurs et la prévention des récidives dépressives en cas de trouble unipolaire.

- La posologie initiale est de 75 mg par jour puis élevée à 150 mg par jour après deux semaines. Dans les formes sévères, la dose quotidienne varie de 150 à 225 mg.

-#gt; Témesta 2,5 mg (lorazépam)

- Benzodiazépine à demi-vie intermédiaire.

- Traitement symptomatique des manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.

- Réservé à l'adulte. La dose initiale recommandée est de 1/2 comprimé le matin et à midi et 1 comprimé le soir. La posologie est adaptée en fonction de l'évolution (posologie moyenne : 5 à 7,5 mg/jour).

-#gt; Tercian 25 mg (cyamémazine)

- Neuroleptique de 1re génération.

- Indiqué notamment dans les états psychotiques aigus et chroniques (schizophrénie), dans le traitement de courte durée de l'anxiété de l'adulte (en 2e intention) et, en association avec un antidépresseur, dans le traitement de courte durée de certaines formes sévères d'épisode dépressif majeur.

- La posologie varie de 50 à 300 mg par jour. Exceptionnellement, elle peut être augmentée à 600 mg par jour.

PLAN DE PRISE CONSEILLÉ -#gt; Abilify 10 mg : avaler le comprimé avec un verre d'eau pendant ou en dehors du repas. -#gt; Solian 200 mg : avaler les comprimés avec un grand verre d'eau pendant ou en dehors du repas. -#gt; Effexor 50 mg : avaler les comprimés avec un grand verre d'eau au cours des repas. -#gt; Témesta 2,5 mg : avaler le 1/2 comprimé avec un grand verre d'eau pendant ou en dehors du repas. -#gt; Tercian 25 mg : avaler les comprimés avec un grand verre d'eau pendant ou en dehors des repas.

SUIVI DU TRAITEMENT

-#gt; En débutant Abilify, le psychiatre privilégie le suivi clinique. Il revoit Maxime une semaine plus tard. Il ne prescrit pas d'analyses biologiques, ni d'examens paracliniques.

-#gt; Dose-dépendants, les effets indésirables des antipsychotiques mènent à la recherche des doses minimales efficaces. Les neuroleptiques de 2e génération ont un meilleur profil efficacité/tolérance, notamment un meilleur profil endocrinien pour Abilify. Vu le manque de recul avec ce médicament récent, une surveillance attentive est nécessaire.

-#gt; Pour Maxime, la surveillance est essentiellement clinique. Elle détermine le rythme des autres contrôles (biologiques et paracliniques). Chaque semaine, le psychiatre vérifiera les effets thérapeutiques, l'amélioration des symptômes psychotiques et cognitifs pendant deux semaines puis tous les 15 jours pendant un mois et enfin une fois par mois.

-#gt; Selon les autres signes décrits par le patient, le médecin contrôlera l'état cardiovasculaire : pouls, tension artérielle, ECG (allongement de l'espace QT), rythme cardiaque. Au niveau neurologique, il surveillera l'apparition de symptômes extrapyramidaux (il ajoutera si besoin un anticholinergique) ainsi que celle d'un syndrome malin des neuroleptiques (fièvre inexpliquée).

-#gt; Le psychiatre instaure un contrôle biologique trimestriel la 1re année pour vérifier la tolérance endocrinienne et métabolique d'Abilify : variation du poids, de l'indice de masse corporelle, prolactinémie, glycémie à jeun, et le bilan sanguin : NFS-plaquettes, ionogramme, bilan hépatique (transaminases, g GT), bilan lipidique (cholestérol, triglycérides, HDL).

CONSEILS AU PATIENT

Compte tenu de la pathologie (patient imprévisible, ralentissement psychomoteur, troubles cognitifs...), il faut répéter les conseils.

Le calendrier de traitement

-#gt; S'assurer de la compréhension de l'ordonnance.

-#gt; Insister sur l'observance, le respect scrupuleux des posologies et l'importance des examens de suivi.

-#gt; Ne pas interrompre brutalement le traitement sans avis médical.

-#gt; Eviter l'automédication : laxatifs hypokaliémiants, autres médicaments dépresseurs du SNC... Attention aux médicaments inhibiteurs enzymatiques (antiprotéases, antifongiques : kétoconazole) ou inducteurs enzymatiques (carbamazépine, rifampicine, phénytoïne...) du cytochrome P450 3A4 avec Abilify !

Signaler les effets indésirables

-#gt; Prendre en considération les effets indésirables signalés par le patient.

-#gt; Contacter le médecin en cas de signes inhabituels tels que : fièvre ou hyperthermie inexpliquée (signe d'un syndrome malin des neuroleptiques), recrudescence des signes extrapyramidaux (Abilify, Tercian).

-#gt; Rassurer autant que possible le patient sur les effets indésirables.

Hygiène de vie

-#gt; Eviter les boissons et les médicaments alcoolisés.

-#gt; Des conseils hygiénodiététiques peuvent limiter la prise de poids et les troubles de la glycémie. Sensibiliser le patient et son entourage pour prendre des repas équilibrés à heures régulières.

-#gt; Si le patient est réceptif, conseiller la pratique d'un sport simple (marche, natation).

-#gt; Eviter le tabac, la nicotine étant inducteur enzymatique.

A l'entourage

-#gt; Stimuler l'autonomie du patient : l'encourager, éviter les critiques, les émotions exagérées.

-#gt; Respecter le traitement : la schizophrénie est une affection de longue durée. Guetter une éventuelle aggravation.

Par A. Barrak, L. Bakir-Khodja-Chorfa, P. Talmon et le Pr J. Calop, service de pharmacie clinique, CEEPPPO, CHU de Grenoble

PATHOLOGIE : Qu'est-ce que la schizophrénie ?

La schizophrénie est une maladie mentale. Ce terme, créé par le psychiatre Eugen Bleuler en 1906 pour désigner l'ancienne « démence précoce » décrite par le psychiatre Emil Kraepelin, recouvre un groupe de psychoses chroniques émaillées d'épisodes aigus.

Le terme de psychose regroupe un ensemble de pathologies très différentes dans leur expression clinique. Les psychoses perturbent, globalement ou partiellement, l'expérience de la réalité et altèrent le sentiment d'identité de l'individu. Cela distingue les troubles psychotiques des troubles névrotiques. Les psychoses se caractérisent par divers critères distinctifs. Le clinicien distingue des psychoses aiguës (bouffée délirante par exemple) et des psychoses chroniques, dont la schizophrénie.

EPIDÉMIOLOGIE

La schizophrénie débute le plus généralement chez l'adolescent ou l'adulte jeune, souvent entre 17 et 25 ans.

Elle démarre plus précocement chez l'homme que chez la femme. Sa fréquence est quasiment identique pour les deux sexes.

Sa prévalence au cours de la vie est de 0,7 % aux Etats-Unis, de 1 % en France. Plus globalement, elle est comprise entre 0,09 et 1,1 %, quel que soit le type de société étudiée. Plus de 40 millions de personnes souffrent de schizophrénie dans le monde. En France, on compte quelque 600 000 malades.

SIGNES CLINIQUES

La schizophrénie se caractérise par des modifications de la pensée et des perceptions sensorielles, ainsi que des affects émoussés et inappropriés. La maladie fédère, à des degrés divers selon les formes cliniques, un syndrome dissociatif, des symptômes positifs, des symptômes négatifs et des troubles cognitifs.

Cet ensemble syndromique explique que les troubles graves du comportement soient surreprésentés, le risque de violence étant accru par l'usage de toxiques psychoactifs. Les tentatives de suicide sont souvent récurrentes. Le décès par suicide est donc fréquent.

Le syndrome dissociatif

Constant, il distingue la schizophrénie des autres types de psychoses.

Englobant toutes les dimensions de la vie psychique (intellectuelle, affective, comportementale), il se traduit cliniquement par la rupture des processus unissant le psychisme de l'individu. Les affects, les pensées et les comportements ne sont plus corrélés ni harmonisés : manque de concordance entre le ton, la pensée, la cognition et l'exécution (alogie), ambivalence des affects, bizarreries du comportement, impénétrabilité et détachement du réel.

Ces signes se retrouvent à tous les niveaux du fonctionnement mental du patient dont le comportement est volontiers dominé par des conduites négativistes (mutisme, raideur, refus du regard, fugue, clinophilie, claustration).

Les symptômes positifs

Egalement qualifiés de productifs, ils sont inconstants mais souvent spectaculaires.

Ils correspondent aux diverses formes de délires et d'hallucinations.

-#gt; Une hallucination est la perception de choses qui n'existent pas dans la réalité extérieure. On distingue des hallucinations auditives (une ou des voix chuchotant à l'oreille, donnant des ordres, commentant la réalité ou injuriant le patient), visuelles (visions de lueurs, de taches colorées, mais aussi de personnages, de scènes animées), olfactives ou gustatives (peu précises et souvent pénibles : sentiment de respirer en permanence des odeurs d'excréments), tactiles (sensations de brûlures, de caresses sexuelles...) ou cénesthésiques (sensation de fourmillement, de grouillement sous la peau).

-#gt; Une idée délirante est une conviction absolue et fausse. L'erreur de jugement du patient ne peut être corrigée par aucune forme de persuasion et devient plus importante que la réalité extérieure. Sont essentiellement décrites des idées de persécution (les plus fréquentes), de grandeur (sentiment d'être un personnage important ou riche, d'être Dieu...), d'influence (le patient a la certitude d'être soumis à des forces étrangères), de référence (le patient croit que l'on parle de lui partout, qu'on lui fait des signes...).

Les symptômes négatifs

Les manifestations déficitaires (ou signes négatifs de la schizophrénie) ont une origine complexe.

On distingue des signes négatifs primaires, persistants, et des signes négatifs secondaires liés au trouble psychique induit par les manifestations productives, par la dépression souvent associée à la schizophrénie, par l'akinésie induite par les antipsychotiques, par le manque de stimulation lié à la rétention en institution psychiatrique : émoussement des affects, apathie, apragmatisme, retrait social, anhédonie, etc.

Les troubles cognitifs

Ils sont souvent très importants chez le schizophrène.

Ils se traduisent par des troubles de la mémoire, d'importantes altérations de la capacité et/ou de la vitesse à traiter et à organiser les informations reçues par le cerveau, des anomalies d'attention et de perception, des difficultés à organiser l'action, une diminution de la capacité d'apprentissage et à tirer parti des expériences acquises.

Ce déficit cognitif explique les difficultés des schizophrènes à comprendre et à suivre leur traitement médicamenteux, et, surtout, à changer de traitement lorsqu'ils sont habitués à un schéma thérapeutique.

ÉTIOLOGIES

Aucune lésion neurologique précise n'a été corrélée à la schizophrénie. Les hypothèses les plus vraisemblables évoquent un facteur biologique préalablement déterminé (génétique) à l'origine d'une dysrégulation de la neurotransmission cérébrale. L'expression de ce dérèglement impliquerait l'intervention de facteurs acquis (biologiques comme l'hypoxie foetale, psychologiques, sociofamiliaux, etc.). Environnement et génotype agiraient dans ce cadre en covariation.

Facteurs génétiques

Une vulnérabilité génétique est avérée par les études épidémiologiques.

Plusieurs gènes sont impliqués dans la genèse de la maladie.

Facteurs environnementaux

Les facteurs de risque environnementaux précoces ont une valeur prédictive faible, qu'il s'agisse des complications obstétricales ou des carences nutritionnelles repérées dans les antécédents de schizophrénie.

Toutefois, environ 20 % des mères de schizophrènes ont eu une infection durant la grossesse, infection qui serait responsable de troubles dans la maturation cérébrale du foetus. On retrouve une corrélation entre les infections observées entre le 5e et le 7e mois, notamment la grippe, et la schizophrénie.

Plus tard, l'adolescence constitue une étape particulière : des situations sociales stressantes (passages d'examen important, émancipation du milieu familial, ruptures sentimentales...) submergent et excèdent les capacités de réponse psychologique du sujet, aggravant alors la vulnérabilité à la schizophrénie.

Un usage abusif de diverses substances psychoactives, essentiellement le cannabis, peut contribuer à potentialiser ou à démasquer une psychose chronique latente qui s'exprime alors cliniquement.

PHYSIO-PATHOLOGIE

La découverte d'anomalies de la transmission dopaminergique et sérotoninergique chez les patients schizophrènes a permis d'avancer dans la compréhension de la pathogénie des psychoses schizophréniques.

-#gt; La schizophrénie semble résulter d'une hyperactivité dopaminergique affectant préférentiellement les voies mésolimbiques.

-#gt; On sait que des molécules sérotoninergiques (certains hallucinogènes tel le LSD) développent une action psychogène et que les schizophrènes ont des taux cérébraux de sérotonine plus élevés que la population générale. La sérotonine module la transmission dopaminergique d'une façon variable selon les circuits neuronaux concernés, mais plus importante au niveau du cortex préfrontal et du striatum qu'au niveau nigro-striatal.

ÉVOLUTION

-#gt; Le diagnostic de schizophrénie est porté plus ou moins rapidement selon la forme évolutive de la maladie.

-#gt; Dans 30 % des cas, la schizophrénie débute par un accès brutal, aigu.

Surviennent, sans prodromes, des signes délirants fréquemment accompagnés d'hallucinations diverses.

Cet épisode est associé à de l'anxiété, à une forte agitation, parfois à de l'agressivité avec violence, et à des troubles du sommeil. Cet épisode est suivi d'une phase de rémission plus ou moins complète.

Au fur et à mesure que les épisodes se succèdent, notamment en l'absence de traitement antipsychotique, les symptômes résiduels s'accumulent.

Cependant, dans 25 % des cas, cet épisode initial évolue vers une résolution totale. Dans un autre quart des cas, des épisodes se succéderont dans la vie du patient, sans pour autant évoluer vers une psychose chronique.

-#gt; Le plus souvent cependant, l'entrée dans la maladie est insidieux. On estime qu'il s'écoule en moyenne six ans entre l'apparition des premiers signes précurseurs et celle du premier épisode processuel.

L'un des enjeux de la psychiatrie est précisément de pouvoir diagnostiquer le plus précocement possible une schizophrénie pour proposer un traitement spécifique avant que ne surgissent des signes cliniques graves et durables.

Les signes d'alerte prodromiques ne sont pas propres à la maladie, d'où la difficulté à poser un diagnostic précoce. En pratique, ces symptômes ne sont souvent repérés que de façon rétrospective.

La maladie déclarée

-#gt; La schizophrénie peut évoluer vers une désagrégation totale de la personnalité mais des rémissions totales ou partielles sont décrites. En général, se succèdent des phases productives dites aiguës et des phases de rémission pendant lesquelles les signes cliniques sont réduits. Ces rémissions plus ou moins temporaires constituent des temps privilégiés pour proposer ou poursuivre un projet thérapeutique satisfaisant.

-#gt; Les formes résistantes, caractérisées par l'impossibilité de réduire de façon satisfaisante les signes cliniques de la maladie, concernent 5 à 25 % des patients (rechutes fréquentes, insertion sociale très difficile).

Des critères de résistance ont été proposés, comme l'absence de rémission clinique ou sociale malgré la prescription d'au moins deux antipsychotiques à posologie élevée pendant au moins six semaines chez des schizophrènes sévères suivis en institution.

-#gt; Le risque de rechute aiguë est élevé pendant les premières années de développement de la maladie (il est estimé à 30-40 % pendant les cinq premières années). Cette rechute se révèle lorsque l'équilibre entre les trois facteurs protecteurs est rompu : existence d'une vulnérabilité, présence de stress psychosociaux, absence de facteurs de protection.

La situation la plus fréquente est celle de la décompensation aiguë suivant une interruption du traitement antipsychotique. Dans deux tiers des cas, les réhospitalisations après une hospitalisation pour premier épisode sont directement attribuées à un défaut dans l'observance thérapeutique.

Chaque décompensation a des conséquences durables sur l'évolution de la pathologie. Progressivement, au fil des rechutes, les capacités fonctionnelles du patient sont altérées, son repli sur lui-même augmente, sa qualité de vie diminue et son handicap s'accroît. Cette évolution peut se faire vers une désagrégation totale de la personnalité. Les manifestations déficitaires de l'affection se traduisent souvent aussi par des tentatives de suicide.

Tout ceci explique l'intérêt d'une détection précoce des rechutes et de leurs signes prodromiques, mais surtout celui d'améliorer l'observance du traitement.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier, et le Pr Jean-Louis Senon, service de psychiatrie adulte et de psychologie médicale, CHHL, CHU de Poitiers

THÉRAPEUTIQUE : Quelle est la prise en charge ?

La prise en charge du schizophrène, complexe, est à la fois pharmacologique, cognitive et sociale. Le traitement médicamenteux repose sur l'administration d'antipsychotiques lors des épisodes aigus et des phases de rémission.

ANTIPSYCHOTIQUES

Deux générations de neuroleptiques se sont succédé depuis la découverte de la chlorpromazine (Largactil) et de l'halopéridol (Haldol) dans les années 1950. Elles se distinguent par leur action sur les signes déficitaires et cognitifs de la maladie, ainsi que par leur tolérance aux posologies usuelles.

Neuroleptiques de 1re génération

La première génération de neuroleptiques (dits aussi conventionnels) regroupe plusieurs familles de molécules hétérogènes par leur structure et par leur profil clinique, plus ou moins sédatif ou antidélirant. Dans chacune il existe des formes orales et injectables.

-#gt; Outre la chlorpromazine, les phénothiazines comptent la cyamémazine (Tercian), la lévomépromazine (Nozinan), la pipotiazine (Piportil), la propériciazine (Neuleptil) et la fluphénazine (Modécate). Du fait d'un index thérapeutique aujourd'hui insuffisant, plusieurs médicaments de ce groupe (Majeptil, Melleril, Terfluzine) ont été retirés.

-#gt; Les butyrophénones regroupent l'halopéridol, le dropéridol (Droleptan, à l'hôpital), le pimozide (Orap), la pipampérone (Dipipéron) et le penfluridol (Sémap).

-#gt; Les benzamides regroupent le sulpiride (Dogmatil, Synédil) et le sultopride (Barnetil, à l'hôpital).

-#gt; Le zuclopenthixol (Clopixol) comme la loxapine (Loxapac) sont des familles chimiques isolées.

L'action des neuroleptiques conventionnels sur les signes déficitaires de la schizophrénie reste limitée. Ils induisent de nombreux effets indésirables. L'incidence importante des troubles neurologiques les distingue des molécules atypiques. Elle est liée à une activité uniquement antidopaminergique.

Neuroleptiques de 2e génération

Les antipsychotiques de 2e génération (dits également « atypiques ») sont développés depuis les années 1990 (voir tableau p. 10). Il s'agit de l'amisulpride (Solian), de l'aripiprazole (Abilify), de la clozapine (Leponex), de l'olanzapine (Zyprexa) et de la rispéridone (Risperdal, Risperdalconsta).

Ils se caractérisent au plan pharmacologique par :

-#gt; une action inhibitrice dopaminergique expliquant leur efficacité sur les signes productifs ;

-#gt; une action inhibitrice 5-HT2 expliquant leur efficacité sur les signes déficitaires ;

-#gt; une moindre incidence des effets extrapyramidaux aux posologies usuelles du fait du respect de la transmission dopaminergique nigrostriée et de l'augmentation de la libération de dopamine endogène dans le striatum induite par le blocage des récepteurs sérotoninergiques de type 5-HT2.

Outre leur action antidélirante, ils sont actifs sur les signes déficitaires et sur les troubles de l'humeur. Ils améliorent les troubles cognitifs, d'où un profil plus favorable à la resocialisation du patient.

EFFETS INDÉSIRABLES

Un traitement antipsychotique expose à des effets iatrogènes potentiels nombreux. Certains peuvent revêtir un caractère de gravité important à court terme (agranulocytose, syndrome malin). D'autres sont particulièrement gênants et handicapants (troubles extrapyramidaux).

Effets extrapyramidaux

Les signes extrapyramidaux regroupent les dystonies aiguës, l'akathisie, le parkinsonisme et les dyskinésies tardives (voir tableau p. 11 du « Cahier Formation » n° 30 du 13.05.2000). Ils peuvent survenir précocement ou tardivement.

-#gt; Les signes extrapyramidaux s'accompagnent d'angoisse voire d'une dépression susceptible d'induire un passage à l'acte suicidaire. Ils expliquent que la compliance à la prescription d'un antipsychotique de 1re génération soit réduite : 30 à 50 % dans les traitements au long cours.

-#gt; Les anticholinergiques sont efficaces sur la plupart des effets indésirables neurologiques induits par les neuroleptiques. Mais leur action périphérique induit elle-même des manifestations indésirables importantes (sécheresse buccale, troubles mictionnels, troubles de l'accommodation, troubles digestifs) susceptibles d'imposer une correction ou contre-indiquant l'usage chez certains patients (en cas d'adénome prostatique, de glaucome à angle fermé). Une trop forte imprégnation par des correcteurs peut induire des troubles confusionnels ou cognitifs.

-#gt; Les correcteurs anticholinergiques utilisés sont : le bipéridène (Akineton LP), le trihexyphénidyle (Artane, Parkinane LP) et le tropatépine (Lepticur, Lepticur Park).

-#gt; Les correcteurs anticholinergiques ne sont pas administrés en préventif mais seulement en cas de signes extrapyramidaux avérés. Ils ne doivent pas être prescrits pendant plus de quatre mois. Leur administration doit être réduite progressivement (quitte à être reconduite si les signes réapparaissent).

Syndrome malin

Le syndrome malin associe une hyperthermie à des sueurs profuses, une pâleur, des troubles de la tonicité musculaire, une rigidité extrapyramidale, une hébétude, une déshydratation, de l'hypotension, une tachycardie, diverses perturbations biologiques. Des formes frustres (fièvre, état confusionnel) ne sont pas rares.

-#gt; Cet effet indésirable engage le pronostic vital (mortalité de 20 % sans traitement, de 10 % avec) mais son incidence reste faible (#lt; 0,5 %).

-#gt; Le syndrome malin s'observe essentiellement en début de traitement avec la voie parentérale, chez un sujet jeune (20-40 ans) ou lors de l'administration en première intention d'une forme à libération prolongée.

-#gt; Il a été décrit avec tous les antipsychotiques.

-#gt; Sa physiopathologie, méconnue, résulte du blocage des récepteurs dopaminergiques hypothalamiques.

-#gt; Un traitement symptomatique est instauré en réanimation : réhydratation, lutte contre l'hyperthermie, administration de dantrolène (Dantrium) en intraveineuse.

-#gt; La reprise du traitement antipsychotique doit être prudente (risque de récidive voisin de 50 %).

Prise de poids

-#gt; Tous les antipsychotiques exposent à une prise de poids.

On ne sait pas s'ils exposent tous à une augmentation significative de l'adiposité viscérale, facteur de risque métabolique et cardiovasculaire.

-#gt; Certaines molécules bénéficient d'une meilleure tolérance pondérale : l'amisulpride ou la rispéridone limitent le gain pondéral. L'aripiprazole bénéficie d'une ASMR de niveau IV précisément en raison de sa tolérance à ce niveau.

-#gt; Un gain pondéral important peut conduire à modifier la molécule prescrite et impose des mesures diététiques et d'hygiène de vie strictes.

Anomalies du métabolisme glucidique

La schizophrénie et son traitement exposent à un risque accru de diabète de type II (anomalies fonctionnelles de l'axe hypothalamohypophysosurrénal, erreurs diététiques des patients psychotiques), dans une proportion variable selon les études.

-#gt; Les conséquences métaboliques de l'usage des antipsychotiques de 1re génération ont été éclipsées par l'importance des effets iatrogènes neurologiques, bien qu'elles existent et, inversement, la bonne tolérance neurologique des molécules de 2e génération rend plus manifestes les troubles glucidiques, sans qu'ils soient plus importants.

-#gt; Il est recommandé de surveiller régulièrement au plan métabolique les patients sous antipsychotiques (lipidogramme, glycémie). Il n'y a pas de consensus quant à la fréquence de ce suivi.

Troubles cardiaques

Une surmortalité d'origine cardiovasculaire est observée chez les schizophrènes. Elle doit être reliée à l'augmentation de l'incidence du syndrome métabolique observée chez cette population.

-#gt; Certaines molécules ont une toxicité cardiaque plus spécifique. Des tachycardies sont décrites avec de nombreuses molécules y compris les plus récentes.

Des myocardites ont été observées avec la clozapine.

-#gt; Plusieurs antipsychotiques ont la propriété d'allonger l'intervalle QT, notamment aux posologies élevées, avec un risque de survenue de troubles du rythme graves.

Les molécules exposant le plus à ce risque sont le dropéridol (Droleptan IV), le sultopride (Barnetil IM) ou la thioridazine (Melleril). Ces deux dernières spécialités ont pour cette raison été retirées du marché.

Les antipsychotiques de 2e génération exposent peu à ce risque.

ANTIPSYCHOTIQUES ATYPIQUES INTERACTIONS AVEC LES TRAITEMENTS DE LA SCHIZOPHRÉNIE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Le psychiatre doit contrôler la symptomatologie et prévenir les rechutes sans grever l'existence du patient d'effets indésirables neurologiques insupportables et d'une activité antidéficitaire insuffisante, invalidant ses possibilités de resocialisation.

Grands principes

Les règles essentielles du traitement de la schizophrénie sont actuellement fixées par les conférences de consensus françaises (janvier 1994, janvier 2003), anglaises (2002) et américaines (2003, 2004).

-#gt; Le risque de rechute au décours d'un premier épisode est multiplié par cinq lorsque le traitement antipsychotique est arrêté.

Il est nécessaire de choisir d'emblée un traitement par un antipsychotique atypique respectant au maximum la qualité de vie du patient.

C'est le traitement de référence en première intention, tout particulièrement chez l'adolescent.

-#gt; Le recours aux antipsychotiques conventionnels (neuroleptiques de 1e génération) s'envisage lors d'une efficacité insuffisante avec une molécule de 2e génération.

-#gt; Le traitement doit être conduit à la posologie minimale efficace pour limiter au maximum l'apparition d'effets indésirables.

-#gt; Une monothérapie doit toujours être privilégiée. Elle doit se faire si possible sous forme orale.

-#gt; L'absence totale de réponse clinique au traitement ne peut être envisagée qu'au terme de 3 à 8 semaines d'administration régulière de l'antipsychotique à posologie stable.

Episodes aigus

-#gt; Lors d'épisodes aigus délirants, une hospitalisation est nécessaire. Les médicaments sont administrés par voie parentérale.

Les molécules privilégiées ont une action antiproductive importante et rapide. Il s'agit du zuclopenthixol acétate (Clopixol action semi-prolongée, injectable IM, usage hospitalier), du dropéridol (Droleptan injectable IM, usage hospitalier), de la loxapine (Loxapac injectable IM, usage hospitalier), de l'amisulpride (Solian injectable IM) et de l'olanzapine (Zyprexa injectable IM, usage hospitalier).

-#gt; Ce traitement d'effet précoce est administré après un bilan somatique soigneux, notamment un électrocardiogramme.

-#gt; Les formes injectables de chlorpromazine (Largactil), d'halopéridol (Haldol), de cyamémazine (Tercian) ou de lévomépromazine (Nozinan) peuvent avoir pour inconvénient un délai d'action parfois assez long (#gt; 15 minutes). -#gt; L'usage du dropéridol est limité par sa mauvaise tolérance cardiaque.

-#gt; Il est possible de prescrire deux antipsychotiques injectables (hors RMO).

-#gt; Le ou les médicaments sont administrés deux à trois fois par jour, en augmentant la dose vespérale de façon à optimiser le sommeil. Un relais oral est pris au bout de quelques jours.

-#gt; Les contre-indications sont rares (sauf pour les sujets ayant des antécédents cardiaques).

-#gt; Ce traitement impose une surveillance régulière (tension artérielle, pouls, température).

-#gt; Il est fréquent d'y associer un anxiolytique, un antidépresseur ou un thymorégulateur.

En phase intercritique

-#gt; Le traitement d'entretien de la schizophrénie vise à prévenir les épisodes productifs. Il peut être continu ou discontinu, selon l'appréciation clinique.

La chimiothérapie est maintenue un à deux ans après la rémission symptomatique d'un premier épisode psychotique, cinq ans après plusieurs épisodes. Elle est indéfinie dès que le patient montre une auto- ou une hétéroagressivité.

-#gt; Ce traitement est pratiqué en ambulatoire.

-#gt; Une posologie efficace doit être maintenue : l'action des molécules est dose-dépendante.

-#gt; Le profil de l'antipsychotique doit être adapté au profil clinique de la schizophrénie. Les antipsychotiques sédatifs (Tercian, Nozinan) calment l'angoisse et l'excitation. Les antipsychotiques désinhibiteurs (Haldol, Largactil, Modécate, molécules de 2e génération) sont plus ou moins actifs sur les signes déficitaires.

-#gt; Une fois le patient équilibré avec une molécule administrée par voie orale, il est possible, si la forme galénique existe, de recourir à une forme à libération prolongée (voir tableau p. 12) dont l'intérêt est discuté au cas par cas et s'impose en cas d'inobservance du traitement.

Résistance au traitement

-#gt; La clozapine (Leponex) est le seul antipsychotique bénéficiant d'une indication dans le traitement des schizophrénies résistantes (ou en cas d'intolérance aux autres molécules).

Il n'y a pas de consensus quant à la période où, face à un épisode réfractaire, il convient de la prescrire.

Toutefois, l'administration préalable de deux autres molécules, dont une au moins de deuxième génération, pendant six à huit semaines est nécessaire.

L'efficacité de la clozapine s'apprécie au terme de quatre à six mois de traitement.

-#gt; Environ 20 % des patients s'avèrent réfractaires aux antipsychotiques autres que la clozapine. Sur ces 20 %, la moitié répond favorablement à cette molécule. De fait, 10 % des patients restent non répondeurs ; dans ce cas, plusieurs antipsychotiques sont associés ou une électroconvulsivothérapie est réalisée.

Traitement non pharmacologique

Des mesures de réadaptation (activités ergothérapiques et occupationnelles) sont adoptées dès le début de la prise en charge thérapeutique.

-#gt; Le traitement antipsychotique peut rendre le patient réceptif et apte à un travail psychothérapique complémentaire.

-#gt; Réadaptation et réinsertion constituent deux phases successives du processus sociothérapique.

La réadaptation vise, en cohésion avec l'ensemble des thérapeutiques mises en oeuvre, à lutter contre certains symptômes, notamment déficitaires.

Le support de réinsertion est constitué par un ensemble d'institutions complémentaires : hôpital à temps plein, hôpital de jour ou de nuit, foyer de postcure, centre de crise, centre d'accueil à temps partiel, placement familial, appartement thérapeutique, centre d'aide par le travail, etc.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Plusieurs antipsychotiques de 2e génération administrés par voie orale sont en développement. Il s'agit de : sertindole, ziprasidone, palipéridone.

Des galéniques innovantes sont attendues telles qu' une forme orodispersible de rispéridone (Risperdaloro) et une forme à libération prolongée d'olanzapine.

Par Denis Richard, pharmacien hospitalier, et Philippe Azarias

L'AVIS DU SPÉCIALISTE

« Grossesse possible sous surveillance »

Pr Pierre-Michel Llorca Professeur de psychiatrie Chef de service, CHU de Clermont-Ferrand

Une femme schizophrène peut-elle raisonnablement avoir des enfants ?

La schizophrénie est un trouble dont l'expression symptomatique est très hétérogène. Dans près d'un tiers des cas l'évolution est très favorable et dans un autre tiers, elle est bonne lorsqu'on se place dans une perspective au long cours. Une jeune femme peut tout à fait envisager d'avoir des enfants et de les élever de façon très satisfaisante. Bien entendu cela doit être associé avec la poursuite du suivi. Le poids génétique de la schizophrénie existe mais il n'est pas prépondérant. Pour un enfant né d'un ou deux patients schizophrènes, si le risque de maladie est plus important que dans la population générale, il reste très loin d'être total. Pendant la grossesse, le traitement doit être adapté en fonction du risque spécifique de chaque molécule et du tableau clinique. La période du post partum doit faire l'objet d'une attention toute particulière car c'est une phase de fragilité accrue.

Quel est l'intérêt des formes à libération prolongée d'antipsychotiques ?

L'intérêt principal de ces formes réside dans l'aide que représentent ces formulations pour un meilleur contrôle de l'observance au traitement mais aussi de la stabilité des taux plasmatiques. La schizophrénie se caractérise par l'absence fréquente de conscience du trouble (totale ou partielle) qui rend l'adhésion à la thérapeutique parfois problématique. Une forme à action prolongée doit toujours être employée dans le cadre d'une bonne alliance thérapeutique mais elle permet d'éviter les ruptures de continuité du traitement associées aux prises pluriquotidiennes. La seule limitation représente la nécessité de l'établissement de cette alliance parfois difficile à obtenir. A part cela ces traitements s'adressent à la grande majorité des patients.

Le Pr Pierre-Michel Llorca, interrogé par Véronique Pungier, pharmacienne

CONSEILS AUX PATIENTS

Favoriser la compliance au traitement

-#gt; Expliquer les effets thérapeutiques du traitement ainsi que ses effets indésirables.

-#gt; Laisser le patient s'exprimer.

-#gt; Prendre le traitement à heures régulières permet d'éviter les oublis. Inciter le patient à noter quand il a pris ses médicaments.

-#gt; Le pharmacien peut aider à la réalisation d'un plan de prise, expliquer une éventuelle substitution générique...

-#gt; Savoir reconnaître chaque médicament (forme, couleur, nom). Le patient doit préparer ses médicaments lui-même. Un pilulier journalier ou hebdomadaire peut l'y aider.

-#gt; Ne pas arrêter le traitement sans en parler à son médecin.

Reconnaître les effets indésirables

Il est difficile de repérer précocement des conséquences iatrogènes d'un traitement. Il importe d'alerter régulièrement le patient et sa famille sur l'éventuelle survenue d'effets indésirables nécessitant une adaptation du traitement.

-#gt; Toute hyperthermie importante et inexpliquée chez un patient sous antipsychotique ou toute manifestation cardiaque anormale imposent une suspension du traitement et un avis médical en urgence.

-#gt; Les neuroleptiques retard peuvent provoquer une fatigue, une somnolence ou une anxiété 2 à 3 jours après l'injection. Les piqûres se font plutôt en fin de semaine.

-#gt; Etre prudent en cas de conduite car le traitement altère la vigilance.

-#gt; Attention aux vertiges lors du passage de la position couchée à la position debout !

-#gt; Les neuroleptiques peuvent causer une salivation excessive ou une sécheresse buccale, une constipation (prendre un laxatif de façon transitoire), des raideurs musculaires (correcteurs).

-#gt; Les phénothiazines peuvent être photosensibilisantes. Utiliser un écran solaire performant.

Anticiper les rechutes

Les rechutes sont précédées plusieurs semaines auparavant de signes annonciateurs qui doivent être connus et reconnus : nervosité, troubles du sommeil, modifications de l'appétit, impossibilité à se concentrer, désinhibition comportementale. Ces signes ne sont pas caractéristiques et ne sont pas systématiquement suivis d'une rechute. L'apparition de signes dépressifs, de variations rapides de l'humeur, puis de troubles du cours de la pensée et d'hallucinations est plus spécifique et annonce une récidive proche. Le patient comme son entourage doivent être attentifs à ces manifestations et consulter au moindre doute.

-#gt; En cas de mal-être, contacter au plus vite l'équipe soignante, l'entourage, à défaut les secours.

-#gt; Eviter d'être seul.

-#gt; Noter ses inquiétudes, les partager avec les soignants, les proches.

-#gt; Avoir sur soi les coordonnées de ses soignants.

Une bonne hygiène de vie

-#gt; Proscrire l'alcool.

-#gt; Si l'usage de drogues (cannabis) est soupçonné, orienter le patient vers une prise en charge adaptée.

-#gt; Une prise de poids importante peut conduire à modifier le traitement. Elle impose des mesures diététiques et d'hygiène de vie strictes, bien que difficiles à suivre pour un patient psychotique. La tenue d'un calendrier alimentaire peut aider le patient à suivre un régime sain. La prise de repas équilibrés doit se faire à heures régulières. Eviter le grignotage.

-#gt; La pratique d'un exercice physique même modéré est importante : marcher (20 à 30 minutes par jour), nager 2 à 3 fois par semaine, faire du vélo sur des routes tranquilles, jardiner, bricoler.

-#gt; Il faut se coucher le soir à la même heure. Un sommeil suffisant et un bon lit sont importants. Les excitants doivent être réduits.

-#gt; Les patients sous neuroleptiques sont plus à risque de caries. Les inciter à se brosser les dents trois fois par jour.

Une prise en charge globale

L'accompagnement psychosocial d'un schizophrène est indispensable. Il implique sa disponibilité mais aussi celle des soignants, l'optimisation de ses fonctions cognitives. L'intérêt de formes d'accompagnement aussi diverses que des « ateliers du médicament » ou des contacts téléphoniques programmés a été confirmé.

-#gt; Un soutien psychothérapique (thérapie individuelle, de groupe ou familiale), un travail de réinsertion, la participation à des groupes de paroles sont nécessaires.

-#gt; Faire appel à une association de patients.

-#gt; Se détendre chaque jour, suivre des programmes de relaxation.

-#gt; Apprendre à se mettre à l'écoute de son corps, savoir ce qui est bon pour soi et optimiser sa prise en charge. Noter ces remarques dans un journal peut aider le patient.

Accepter l'aide des autres.

-#gt; Le patient schizophrène doit vivre le plus normalement possible, faire des projets. Il doit structurer sa journée, participer activement aux tâches quotidiennes. Il doit essayer de prendre lui-même ses décisions, tout en procédant par étapes.

-#gt; Au moment de reprendre son travail, il doit tester ses facultés avec d'autres occupations intellectuelles.

-#gt; Parler calmement de sa maladie avec ses proches.

-#gt; La maladie n'empêche pas d'avoir une vie affective, ni sexuelle, ni d'avoir des enfants.

Par Denis Richard et Véronique Pungier

POUR EN SAVOIR PLUS

ASSOCIATIONS

Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM)

12, villa Compoint, 75017 Paris. Tél : 01 53 06 30 43 - http://www.unafam.org

L'UNAFAM s'adresse aux familles de malades psychiques (11 000 adhérents). Avec Ecoute-Famille (01 42 63 03 03), elle leur propose un échange avec des psychologues formés à l'écoute téléphonique mais également à même d'informer et d'orienter les familles ainsi qu'un accès à des consultations spécialisées (assistante sociale, psychiatre, avocat...).

La revue trimestrielle de l'UNAFAM, Un autre regard, s'intéresse à l'actualité scientifique, médicale, sociale et juridique des maladies psychiques. L'association édite également des ouvrages pratiques. Des publications issues des organismes institutionnels sont accessibles sur le site ainsi qu'une liste d'ouvrages disponibles en librairie pour aider les familles.

INTERNET

Schiz'ose dire

http://www.schizosedire.com

La vocation du site Schiz'ose dire est d'apporter des informations aux malades et à leur famille mais aussi de faire connaître les schizophrénies auprès du grand public. Bien que les manifestations signalées dans l'agenda soient quelque peu dépassées, ce site sur lequel il est simple de naviguer offre de nombreux outils aux patients et à leur entourage. L'onglet « Comprendre » donne accès à deux zones intéressantes. D'abord sept brochures téléchargeables sur le site « C'est étrange autour de moi », « Je me soigne près de chez moi », « Je prends un neuroleptique », « Mon fils/ma fille est en crise »... Ensuite, les réponses aux questions les plus fréquentes sur la maladie, la vie quotidienne, les structures de soins, les symptômes et les traitements sont répertoriées. L'onglet « S'exprimer » donne notamment la parole aux patients, aux familles et aux soignants.

Ce site a été élaboré par l'Institut Lilly avec les associations de patients UNAFAM, FNAP Psy et Schizo, oui !, et avec le concours de psychiatres et d'infirmiers de l'Observatoire des schizophrénies.

CONFÉRENCE DE CONSENSUS

Schizophrénies débutantes : diagnostic et modalités thérapeutiques

http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/conf#amp;rm/conf/confschizo2/recommlongues.htTrente questions au sujet des schizophrénies débutantes ont été posées pour cette conférence de consensus élaborée en janvier 2003. Pour chacune, les experts (médecins, associations de patients) ont émis des recommandations après un bref état des connaissances. Elles font référence en France aujourd'hui. Il s'agit de la version longue de ces recommandations.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic de schizophrénie est souvent rétrospectif. Il est porté au vu de l'évolution de la pathologie et non simplement sur les premiers signes cliniques observés. De plus, les diverses formes cliniques de la schizophrénie rendent ce diagnostic encore plus délicat.

Le syndrome délirant peut s'observer également dans certaines formes d'épilepsie (hallucinations visuelles).

L'automatisme mental peut s'observer en cas de bouffée délirante aiguë (prise de drogues), de psychose hallucinatoire chronique, dans certaines formes de névroses obsessionnelles.

Les troubles du cours de la pensée émaillent pour leur part l'évolution de certaines formes d'épilepsie, etc.

Enfin, les signes prodromiques de la schizophrénie ne doivent pas être confondus avec les bizarreries du comportement, si fréquentes à l'adolescence !

Contre-indications

Phénothiazines

- risque de glaucome par fermeture de l'angle,

- risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

Butyrophénones

- état comateux, dépression du SNC due à l'alcool ou à d'autres agents dépresseurs, lésions des noyaux gris centraux,

- maladie de Parkinson,

- association à la lévodopa.

Benzamides

- bradycardie #lt; 55 battements/minute,

- phéochromocytome connu ou suspecté.

Amisulpride

- phéochromocytome connu ou suspecté,

- âge #lt; 15 ans,

- tumeur prolactino-dépendante connue ou suspectée,

- insuffisance rénale sévère (Cl créat. #lt; 10 ml/min),

- allaitement.

Clozapine

- antécédents de neutropénie ou d'agranulocytose ou d'hémopathies susceptibles d'en donner,

- insuffisance médullaire fonctionnelle,

- affections hépatiques, rénales ou cardiaques sévères,

- épilepsie non contrôlée,

- collapsus circulatoire et/ou dépression du SNC,

- psychose alcoolique ou induite par d'autres toxiques, intoxication médicamenteuse, états comateux,

- iléus paralytique.

Olanzapine : risque de glaucome à angle fermé.

Rispéridone : allaitement.

Les autres effets indésirables

- La sédation est un effet banal, parfois intéressant en début de traitement.

- Toutes les molécules (surtout la clozapine et la rispéridone) peuvent entraîner une hypotension orthostatique, notamment en début de traitement.

- Des effets anticholinergiques peuvent survenir avec la clozapine, mais aussi l'halopéridol et les phénothiazines.

- Les troubles sexuels sont nombreux et mal évalués en raison de la réticence du patient à les évoquer et de leur intrication avec la maladie mentale.

- Une hématotoxicité (leucopénie transitoire) est fréquente avec les phénothiazines. Des agranulocytoses sont décrites sous clozapine (suivi hématologique régulier).

- Toutes les molécules peuvent provoquer une hyperprolactinémie. Des dysménorrhées sont fréquentes sous benzamides.

- Les phénothiazines sont photosensibilisantes.

- Les convulsions sont rares.

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